Un programme de médiation sanitaire en direction de femmes et de jeunes enfants Roms en France

Un programme de médiation sanitaire en direction de femmes et de jeunes enfants Roms en France

Table ronde La santé des enfants migrants Un programme de médiation sanitaire en direction de femmes et de jeunes enfants Roms en France J.-Y. Gralla...

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Table ronde La santé des enfants migrants

Un programme de médiation sanitaire en direction de femmes et de jeunes enfants Roms en France J.-Y. Gralla, D. de Penanstera, N. Goyauxa,*, L. El Ghozib, J. Rusticob a Direction

générale de la santé, France pour l’accueil des voyageurs (ASAV), France

b Association

C

omment permettre l’accès durable à la prévention et aux soins des populations roms migrantes présentes sur le territoire français ? Quel accueil peut être réservé par ces populations, caractérisées par l’instabilité et la mobilité des groupes qui les composent, à des actions de médiation dans le domaine de la santé  ? Quelles interventions proposer qui prennent également en compte la diversité des lieux de vie et des contextes locaux ? Les premiers résultats d’un programme multicentrique reposant sur la médiation sanitaire mettent en évidence une amélioration de l’accès à la prévention et aux soins de femmes et d’enfants roms.

1. Un état de santé préoccupant Les Roms migrants en France sont originaires de pays de l’Est, qu’ils soient ou non situés dans l’Union européenne. Désormais sédentaires dans leur pays d’origine, les Roms ne constituent pas un public homogène. Les raisons de la migration sont multiples, au rang desquelles la discrimination et les conditions de vie. Plus pauvres et moins scolarisés que la population générale, ils ne bénéficient pas d’une éducation sanitaire et peuvent arriver en France avec un retard de soins et des pathologies qui se sont aggravées. Les informations sur la santé des femmes et des enfants roms sont lacunaires et reposent, pour l’essentiel, sur les observations réalisées par Médecins du Monde en 2008 et en 2009. L’âge moyen à la première grossesse est d’environ 17 ans et moins de 10  % des femmes enceintes rencontrées par l’association étaient suivies pour leur grossesse. Elles ont connu en moyenne 4 grossesses mais seule la moitié d’entre elles a abouti à la naissance d’un enfant vivant. La détention d’un carnet de santé diminue avec l’âge des enfants, mais le suivi en PMI et la scolarisation en favorisent la possession. Les informations recueillies par l’association montrent que 71 % des enfants de moins de 2 ans étaient vaccinés contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite, 65 % contre le BCG et 55 % contre la rougeole, les oreillons et la rubéole. L’âge médian des

*Auteur correspondant. e-mail : [email protected]

280 © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2012;19:280-281

enfants pour lesquels les intervenants associatifs ont considéré que le calendrier vaccinal était à jour est de 3 ans et demi. Plus globalement, les difficultés rencontrées par ces populations en matière d’accès aux droits et aux structures sont nombreuses et se traduisent, en particulier, par une moindre couverture en matière d’assurance maladie et la rupture de soins.

2. Les réponses de la médiation sanitaire Les fonctions, la posture et les objectifs de la médiation sanitaire ont été présentés dans un rapport du collectif Romeurope remis à la Direction générale de la santé en 2009. La médiation sociale est définie comme « un processus de création et de réparation du lien social et de règlement des conflits de la vie quotidienne, dans lequel un tiers impartial et indépendant tente, à travers l’organisation d’échanges entre les personnes ou les institutions, de les aider à améliorer une relation ou de régler un conflit qui les oppose1  ». Tout en veillant à l’adapter aux conditions de vie de populations roms vivant en France, le médiateur de santé publique œuvre précisément « à l’interface entre le système de santé et les publics présentant des difficultés particulières dans l’accès aux soins et à la prévention2 ». La fonction du médiateur de santé repose sur une posture médiane au sens où il connaît bien les familles roms et les acteurs locaux du système de prévention et de soins et peut, à ce titre, établir ou rétablir des liens inexistants ou distendus entre les familles et les professionnels de santé. Cette fonction repose également sur une bonne connaissance de la population avec laquelle il interagit sans pour autant y appartenir : à condition d’être extérieur à la communauté parmi laquelle il exerce ses fonctions, le médiateur peut (mais ne doit pas obligatoirement) être lui-même rom. Cette mise à distance « culturelle » limite les risques de s’exposer personnellement et psychologiquement aux influences induites par le travail auprès de ces familles puisqu’il n’en est ni membre ni parent. De plus, le choix du médiateur repose sur une approche par le genre : celle-ci s’inspire de la rela1 Charte de référence de la médiation sociale visée en 2001 par le comité interministériel des villes. 2 Proposée par l’Institut de Médecine et d’Épidémiologie africaines en France en 2000.

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tion privilégiée entre femmes et des spécificités culturelles des sociétés roms où les femmes jouent un rôle central pour la santé de la famille et d’intermédiation auprès des services publics. Enfin, la maîtrise de la langue est une condition essentielle pour le recrutement du médiateur [1]. En complément de sa qualification initiale, le médiateur reçoit une formation adaptée au contexte de sa mission. Cette formation aborde le cadre général de la médiation dans ses principes déontologiques et méthodologiques, permettant de définir un positionnement du médiateur dans ses entretiens avec le public et les institutions. Elle lui apporte également des connaissances sur la population rom en France, ses conditions de vie dans le contexte d’une migration récente, une approche interculturelle sur la thématique de la santé et une information sur son accès aux droits sociaux et sanitaires en France et dans le pays d’origine, sous l’angle d’un statut administratif particulier. Une présentation du système de santé et la transmission de connaissances médicales de base en santé materno-infantile, complètent la formation.

3. Un programme multicentrique Au niveau national, le programme est coordonné par l’association pour l’accueil des voyageurs (AŠAV) et bénéficie du soutien de la Direction générale de la santé3. Le programme s’inscrit dans une démarche de recherche action reposant sur 4 projets pilotes homogènes (à Lille, Bobigny, Fréjus et Nantes) mis en œuvre localement en janvier 2011 par plusieurs structures associatives4. L’INPES a apporté un suivi méthodologique dans l’élaboration des indicateurs d’évaluation du programme dans une perspective de reproductibilité sur d’autres sites en France ou en direction d’autres publics marginalisés. En s’appuyant sur une logique de territoire, là où s’installent des familles roms suffisamment nombreuses et suffisamment longtemps, les actions de médiation sont moins remises en cause par l’instabilité de leur habitat et la nécessité de suivre un groupe familial particulier. Le périmètre est variable et n’est pas nécessairement conforme à un territoire administratif. Les médiateurs, une fois formés, ont engagé leur action au terme d’un diagnostic initial des conditions de vie sur les terrains et bidonvilles et de l’éloignement des femmes et jeunes enfants 3 Au niveau national, le programme est soutenu par l’INPES, la Fondation Raja, le CCFD – Terre Solidaire, la Fondation de France, la Fondation Un Monde Par Tous et, au niveau local, par les agences régionales de santé du Nord-Pas de Calais, d’Ile-de-France et des Pays de la Loire ainsi que par le conseil régional des Pays de la Loire. 4 AREAS, Comité d’Aide Médicale, Médecins du Monde Nantes, Sichem

dans l’accès aux droits sociaux (domiciliation, état de la couverture maladie), aux soins et à la prévention. Les finalités visent à développer la connaissance et l’utilisation des structures de santé, à en favoriser l’accès effectif y compris en faisant évoluer leurs pratiques, dans une perspective d’autonomisation et d’amélioration de l’accueil des personnes dans les structures. L’évaluation à mi-parcours du programme fait émerger divers enseignements. L’action des médiatrices a permis un accès quasi généralisé à la domiciliation, qui demeure toutefois majoritairement de nature associative. De même, une nette progression apparaît dans le bénéfice de l’Aide Médicale de l’Etat. L’accès aux soins s’améliore également  : deux fois plus de personnes fréquentent les structures de santé et le suivi de la grossesse démarre entre le 2e et le 3e mois, alors que le diagnostic montrait un suivi postérieur au 6e mois de grossesse. Au rang des améliorations dans l’accès à la prévention, on note une connaissance accrue des moyens de contraception ainsi qu’un net progrès dans le suivi médical des enfants de moins de 6 ans, avec une couverture vaccinale plus complète et une généralisation des carnets de santé. Toutefois, certains points importants du programme n’ont pas connu d’évolution positive. L’absence de recours à un service d’interprétariat lors des consultations engendre un surinvestissement des médiatrices en tant qu’interprètes et ralentit l’autonomisation des femmes dans leur accès aux structures de soins. Le recours à la médecine libérale demeure également rare. Enfin et sauf exception, l’existence du programme ne génère aucune amélioration dans les conditions d’habitat, marquées par la fréquente expulsion des lieux de vie et un accès aux fluides (eau, électricité) sur le terrain qui demeure exceptionnel.

4. Conclusion L’amélioration d’un accès des personnes aux structures de santé représente sans doute à ce jour l’avancée la plus visible du programme. Mais la nécessaire évolution des pratiques professionnelles implique une œuvre de sensibilisation et de formation qui s’inscrit dans la durée. Au-delà de la valorisation de la fonction de médiation, ce programme contribue à favoriser la reconnaissance du métier de médiateur, en particulier dans le champ de l’accès à la prévention et aux soins des populations en situation de précarité.

Référence [1] Faouzi C. Quelle médiation pour améliorer l’accès aux soins des Roms migrants en France : de la réflexion au projet. Études tsiganes 2010;41-42:72-87.

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