Une approche prosodique de la morphologie du verlan

Une approche prosodique de la morphologie du verlan

L a ua ELSEVIER Lingua 95 (1995) 97-129 Une approche prosodique de la morphologie du verlan * Marc Pl6nat Universit~ de Totdo.se H & C.N.R.S., U.R.A...

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L a ua ELSEVIER

Lingua 95 (1995) 97-129

Une approche prosodique de la morphologie du verlan * Marc Pl6nat Universit~ de Totdo.se H & C.N.R.S., U.R.A. 1033. France

R6sum6 On consid~re g6nEralement que le codage d'un mot en verlan consiste en l'interversion des constituants de ce mot. En fait, cette approche courante laisse inexpliqu6es un grand hombre de particularit6s qui accompagnent r6guli~rement ce que le sens commun analyse comme une simple interversion. On oppose ici ~ cette approche une approche prosodique dans laquelle la mise en verlan consiste en l'association de la m61odie du mot originel ~ un scheme nouveau dont la constitution ob6it ~ la fois ~ des contraintes de poids et ~ des contraintes structurelles.

1. Introduction Le verlan est sans doute le plus connu des 'langages secrets' actuellement parl6s en France. C o m m e I'indique son nom (verian provient de l ' e m , e r s ) , le cryptage qu'il op~re consiste ~ 'met/re "~ l'envers' ies roots de la langue courante. Ce retoumement, cependant, n'a rien de m6canique. Les initids insistent souvcnt sur le fait q u ' u n m~me mot peut ~tre cod6 de plusieurs fa~ons et que l'acceptabilit6 d ' u n e forme se juge '~ I'oreille': selon eux, eUe 'sonne' juste ou faux et il serait vain d'invoquer telle ou telle r~gle pour l'accepter ou la rejeter. On comprend qu'~tant donn6 cette notoridt6 et cette complexit6, la morphologie du verlan ait d~j/l fait couler beaucoup d'encre (cf. Kerleroux, 1982; Walter, 1984; Bachmann et Basier, 1984; Paul, 1985; Lefkowitz, 1987, 1989, 1991; Lefkowitz et Weinberger, 1987, 199 i ; Weinberger et Lefkowitz, 1991; Bagemihl, 1988, 1989; Mela, 1988, 1991; Cheneau, 1992; Villoing, 1992). Passant oulre l'avertissement des initi6s, la plupart de ces dtudes cherchent ~ rendre compte des fairs d ' u n e faqon m~canique, en muitipliant les rbgles et les stipulations. On essaiera de montrer ici qu'une approche prosodique du type de celle que d6fendent McCarthy et Prince (1986) permet de mieux cemer la versatilit6 de ce 'langage secret'. Darts une premiere pattie, on 6num6rera les difficult~s auxquelles se heurle l'approche courante; * Franqois Dell a bien voulu life une premiere version de ce travail. CeUe seconde version lui dolt beaucoup. Elle dolt aussi beaucoup .~ des remarques de Y.-Ch. Morin sur un travail precedent. Mais je 'zaJs seul responsable des crreurs que comicnt le pr6sent article. 0024-3841/95/$09.50 © 1995 Elsevier Science B.V. All righls ~served SSDI 0024-3841 (94)00020-4

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dans la seconde on montrera que la mise en verlan consiste h associer le matrriel mrlodique du mot originel h un scheme prosodique nouveau, dont la conformation rrsulte de principes grnrraux.

2. L'approche courante et ses difficult6s La place manque ici pour 6numrrer exhaustivement les faits connus. Le lecteur intdress6 trouvera dans Plrnat (1992) une compilation des donnres accessibles et leur description drtaillre. C'est sur cette compilation, malheureusement quelque peu hrtrrog~ne, que I'on s'appuie ici. On se contentera, dans cette premiere partie, d'indiqucr les principales gfndralisations qui se drgagent du corpus 6tudir, en insistant sur les difficultrs qu'elles soul,vent quand on consid~re la raise en verlan comme une oprration intervertissant les constituants du mot d'origine. 2.1. L 'interversion Si l'on suppose, comme on le fair communrment, que le cryptage propre au verIon consiste en une interversion, on se met dans l'obligation de drfinir los 616ments qui subissent cette oprration. Or la nature de cos 616ments varie avec le nombre des syllabes que comporte le mot originel. Pour saisir le problrme dans toute sa puretr, considrrons le cas le plus simple, celui des mots composrs de syllabes ouvertes comportant une attaque: (I)

Mot d'origine Ca) fou fi.oid jouer (b) bouffon pourri tirer (c) v~rit~ corrida commando

Verlan flu) (frwa) (5we) (burr) (puri) (tire) (verite) (korida) (komado)

> > > > > > > > >

uf wafr we 3 frbu ripu reti teveri ridako domako

Comme on pout le con~tater en (la), la raise en verlan des monosyllabes ouverts peut ~tre drcrite comme une interversion de l'attaque et de la rime, pour peu que l'on accorde que le premier 616ment d'une diphtongue fait partie de cette demi~re (jouer fait [we3] et non *[~3w] ou *[e3ul; cf. Weinberger et Lefkowitz, 1991). Le cryptage des dissyllabes semble consister en l'interversion des deux syllabes de l'rtymon (cf. (Ib)). Enfin, on pout voir en (lc) que les trisyllabes donnent lieu b~trois types de codage: la demi~re syllabe pout passer devant les deux premieres (cf. v~rit~ > [teveri]), la premiere apr~ los deux derni~res (cf. corrida > [ridako]), ou encore l'ordre originel des syllabes peut ~tre invers6 (cf. commando > [domS.ko]).

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Certains, cornme par exemple Mela (1991), se r~signent ~t enregistrer cet 6tat de fait en proposant autant de r~gles qu'il y a de types d'interversion. A m a connaissance, la seule tentative s6rieuse visant ~t rendre compte des divers cas de figure par un mode de cryptage unique est celle de Lefkowitz et Weinberger, qui supposent que la mise en vcdan consiste en l'interversion des deux constituants du n0eud branchant le plus 61ev6 darts la structure prosodique du mot (cf. Lefkowitz et Weinberger, 1987, 1991; Lefkowitz, 1987, 1991 ). Cette 'mdtath/~se an premier branchement' permet effectivement de rendre compte ~ la fois du codage des monosyllabes (ofa le premier noeud qui branche est le noeud syllabique, cf.fou = rat[ z[ A[f} R[u] ] ]) et du cas des dissyllabes (ott le premier n0eud branchant est le noeud du mot, cf. bouffon = rat[ ,~[bu] .[fO] 1). Mais les trisyllabes soul,vent deux difficult6s. Du fait d'abord que deux types d'interversion sont pos:;~bles, l'analyse du mot originel en deux constituants est n6cessairement arbitraire: v&itd > [teveri] suppose une analyse en ra¢[ [ved] [tel ], tandis que corrida > [ridako] voudrait une analyse en Mr[ [ko] [rida] ] (cf. Bagemihl, 1989). En second lieu, les cas oO l'ordre des syllabes est invers6 supposent que le mot originel soit analys6 en trois constituants au lieu de deux (commando = rat[ [ko] [m~] [do] ])) Le caract~re arbitraire de ces analyses fait peser un s6rieux doute sur le bien-fond6 de l'hypoth~se de la 'm6tathbse au premier branchement'.

2.2. L '~penth~se L'analyse de la mise en ve_"lan comme interversion de deux constituants se heurte aussi au comportement des consonnes finales. Consid6rons les donn6es suivantes: 2 (2) (a) chatte

foot gueule (b) tarnbouille possible Babeth (c) cigarette

(fat) (fut) (goel) (thbuj) (posibl) (babet) (sigaret)

> > > > > > >

*at f, toefa *utf, toefu *oelg, loeg¢, bujth/joethbu sibpo]sibl0epo betba/toebeba retgasi, *ret0egasi garetsi, *garetcesi retsiga, *retoesiga *toesigare

C o m m e on peut le voir en (2a), le cryptage des monosyllabes ferm6s consiste ordinairement/~ faire passer la consonne finale en premiere position devant un Joel ~pen1 La m~tath~se pourrait alors ~tre d~finie comme affectant les extr~mit~sde ce branchement temaire, comme il affecte les extr6mit6s du branchement binaire dans les autres cas. z Je me suis permis de crier les formes [bujtO] et [r~tgasi] pour la commodit6 de l'expos~. Mais ¢es types de formes, comme on le verra, existent bel et bien. Je me suis permis aussi de rendre uniform6ment par [~e] la voyelle 6peuth6tique, bien qu'il semble que les locuteurs h6sitent h la fois sur le timbre de cette voyelle (qui oscille entre entre [~e]et [¢]) et sur sa longueur (of. Paul, 1985). Les transcriptions auxquelles j'ai eu acc~s ne m'ont pas paru assez fiables pour que je les reproduise sur ce point.

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thOtique. Sur ce point, la solution commun6ment acceptde est celle de Mdla (1988, 1991; of. aussi Paul, 1985). Elle consiste b, poser une r~gle d'4penth~se qui ajoute un chva au monosyllabe. Devenant ainsi un dissyllabe, celui-ci serait alors trait6 comme tel: ,',es deux syllahes subiraient une interversion. Cette hypoth~se ne manque pas d'ing6niositO, puisqu'elle rend compte ~ la fois de l'ant4position de la consonne finaie et du fail que cette consonne est suivie dans la forme rOsultante d'une voyelle 6penthOtique. On peut nOanmoins lui opposer deux arguments. En premier lieu, d'une faqon gOn6rale, on souhaiterait que les 6penthOses rOsultent, comme le veut It6 (1989). d'une nEcessit6 prosodique. Or la prosodie du franqais n'impose en aucune faqon qu'une consonne finale soit suivie d'une voyelle 6penth6tique ! En second lieu, b. supposer mfime que I'on soil en droit de poser une telle r~gle, il faudrait encore stipuler qu'obligatoire dans le cas des monosyllabes, cette r~gle n'est que facultative dans le cas des dissyllabes et ne peut pas s'appliquer quand on a affaire '~ un trisyllabe. En effet, ainsi qu'on peut le voir en (2b), les dissyllabes dont la seconde syllabe est ferm4e se comportent tant6t comme des trisyllabes ([j0etabu] est parall~le h (lc) [teveri], [sibl0epo] h (lc) [ridakol et [toebeba] ~ (lc) ldom~ko]), tantOt comme les autres dissyllabes (les deux syllabes sont interverties; cf. [bujt~.], qui est parall~:le h (lb) [fObu]). Si donc les faits doivent ~tre expliquOs par une 6penth~se finale, cette 6penth?~se ne peut ~tre que facultative dans le cas des dissyllabes. On s'attendrait donc h ce qu'en (2a) chatte, Jbot et guetde puissent ~tre ~ l'occasion crypt6s en *[atJ], *[utfl et *[oelg], ce qui n'est pas le cas. 3 II n'est certes pas assur6 que *[utf] respecte les contraintes phonotactiques du fran~:ais; mais ni *[aft] ni *[eelg] n'ont rien qui puisse choquer de ce point de vue, et l'on trouverait quantitd d'exemples semblables. La rOgle, si rOgle il y a, doit donc bien fitre obligatoire dans le cas des monosyllabes. Enfin, on voit en (2c) que les trisyllabes dont la dernihre syllabe est fermOe se comportent exactement comme les autres trisyllabes ([re.',siga] est parall~le h (lc) [teveri], [gar~tsi] -~ (lc) [ridako] et [r~tgasi] ) '~ (Ic) [dom~.kol) et qt;'en aucun cas la consonne finale de l'Otymon ne peut jouer le role de l'attaque d ~ne syllabe ~_voyelle 4penthOtique: il n'y a jamais 6penth6se dans ce cas. ,~utrement dit, la stratOgie consistant ~ aligner les mots se terminant par une ~,yllabe ferrade sur ceux qui s'ach~vent par une syllabe ouverte par une 4penth~se finale, de fat;on ~. maintenir l'idEe que la mise en verlan rOsulte de l'interversiot~ de deux constituants, s'avOre 6tre extr~mement cofiteuse du fait des stipulations qu'elle implique. 2.3. Les groupes consonantiques Un autre rapprochement, sans doute plus judicieux, est possible. En fin de compte, mOme s'il est douteux que I'on puisse conserver l'id4e d'une 6penth~:se finale, route

On ne trouve qa'un exemple de cene sorte: poil > Iwalpl. Dans Pl6nat ( 199 l a). j'ai tent6 d'expliquer cette fon'ne par une interversionde l'attaque et de la rime, Je ne crois plus que ce soil le cas. n me paralt plus probable maintenant qu'il s'agit lh d'un codage fond6 sur une repr4sentationorthographiquecomme il en existe quelques uns. En effet, [walpl ne respecte pas le principe de maintien du poids morique auquel sont soumis les codages rondos sur une reprdsentationphonique (sur ce principe cf. infra 3.2.1.).

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analyse du verlan doit faire le constat que les consonnes finales se component tant6t comme des consonnes codiques (Iorsqu'elles restent solidaires de la syllabe dont elles font pattie), tantft comme des attaques (qui viennent former une nouvelle syllabe, le plus souvent avec une voyelle 6penth6tique). Ce double comportement est tout ~ fait analogue 5. celui de certaines consonnes initiales de groupes consonantiques. En r/:gle gfn6rale, le verlan maintient telles quelles les syllabes du mot originel. C'est d'ailleurs cette propri6t6 qui a pu rendre vraisemblable un traitement par interversion. On peut voir en (3a) que les liquides des groupes internes en obstruante + liquide (OL), qui forment une attaque avec l'obstruante qui les pr~cb,de, restent solidaires de celle-ci. En revanche, comme le montre (3b), les liquides des groupes internes en liquide + obstruante (LO), qui appartiennent ?~la rime qui precede Fobstruante, restent solidaires de cette rime et abandonnent par cons6quent le voisinage de l'obstruante qui les suit dans la forme origine!le. (3) (a) batterie mdtro rentrt~ (c) baston mystique Madrid

(batri) (metro) (rfitre) (bast6) (mistik) (madoid)

> > > > > >

triba trome trerfi st6ba stikmi doidma

(b) carton Jermer morceau (d) restatn'ant suspect fatma

(kart6) (ferme) tmorso) (restorfi) (syspe) (fatma)

> > > > > >

tfkar mef~r somor torOres pesys mafat

Cependant, le comportement des groupes d'obstruantes (OO) est plus 6trange. Le cas le plus frequent est celui qu'illustre (3c): bien qu'on tienne le plus souvent que la premii:re obstruante forme une rime avec la voyelle qui la pr6c~de, cette obstruante reste dans la majorit(~ des cos solidaire de celle qui la suit. Ce qui am6ne M61a (1991) b, supposer que le verlan s'appuie sur une syliabation diff6rente de celle du fran~ais standard. N6anmoins, on peut constater en (3d) qu'il arrive en fait que la premiX:re obstruante reste solidaire de la voyelle qui la prfc~de. Les groupes consonantiques finaux se preterit 5. des observations du m~me ordre. Le comportement des groupes contenaot une liquide varie du tout au tout suivant que la liquide pr6c~de I'obstruante ou la suit. Quand on a affaire 5_un groupe OL, celuici passe tout entier "b.titre d'attaque darts la forme cod6e (cf. (4a)); si, en revanche, il s'agit d'un groupe LO, la liquide reste solidaire de la voyelle qui pr6c~de (cf. (4b'). En revanche, comme Iorsqu'ils sont internes, les groupes d'obstruantes ont un comportement mixte: le plus souvent, les deux obstruantes restent solidaires I'une de l'autre et viennent former ensemble I'attaque initiale de la forme cod~e (cf. (4c)); mais on rencontre quelques cas 05. le groupe se scinde et oh la premi?~re consonne reste en arri6re comme le ferait une liquide (cf. (4d)). (4) ( a ) ] b u t r e montre pauvre (c) disque veste boxe

(futr) (m6tr) (povr) (disk) (vest) (b~ks)

> > > > > >

tr~efu troem6 vr0epo skcedi st~eve ksoebo

(b) bourge coM merde (d) poste veste

(bur3) (kold) (merd) (post) (vest)

> 3¢ebur > dcekol > doemer > tcepzs >tceves

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Les cas o~ la premiere des deux obstruantes d'un groulze consonantique interne ou final se d6solidarise de la seconde sont minoritaires. On pourrait donc &re tent6 de les consid6rer comme de simples accidents. Mais le m~me type d " a c c i d e n t ' se produit en Ioucherbem. Darts cet autre 'langage secret', u n / 1 / s e substitue h la premiere attaque, qui se reporte a la fin de la forme devant un suffixe parasitaire quelconque (cf. bouchef > [lu.feb~m]). Le traitement des groupe OL et LO montre ~ l'6videnc+: que ce n'est pas la premiere consonne, mais bien la premiere attaque qui est remplac6.e par le l: artichant donne [arliJ'ote] et avril, [alilvre]. N~anmoins, corame en verlan, les groupes OO se comportent d'une mani~re ambigu~, puisqu'on trouve asperge > [asl~rs0epe] et accident > [aklid~s~m] b. c6t~ de espion > [elj~spcm] et acc~s > [al~ksel (cf. Plfnat, 1985: 83). En d'autres termes, dans les 'langages secrets' fran~ais, la premi&e obstruante d'un groupe OO est consid6r6e tant6t comme une consonne codique, tant6t, le plus souvent, comme le premier ~l~ment d'une attaque complexe. Ce double traitement de la premi&e obstruante d'un groupe OO est tr~s analogue celui des consonnes finales en verlan, puisqu'on a vu que ces consonnes elles aussi tant6t restaient solidaires de la voyelle qui les pr6c~de dans l'6tymon, et tant6t s'en d6so'idarisaient. Cette constatation ne constitue ~videmment pas une explication. Mais comme, dans le cas des groupes internes, ce comportement mixte ne peut en ancun cas s'expliquer par une ~penthbse (on n ' a jamais de cryptage du type baston > [s0et6ba] ou [t6bas0e]), I'hypoth~se qu'tme telle operation puisse avoir lieu en fin de mot devient plus suspecte encore. 2.4. La Iongueur maximale La plupart des auteurs qui ont analys6 le verlan mentionnent que celui-ci r6pugne aux mots trop longs. Jamais, cependant, cette question de la taille des formes verlanes n ' a fair l'objet d'une r6flexion pr6cise. On ne conna'~t pas clairement le seuil au delh duquel une forme n'est plus acceptable et I'on ignore si cette r6pugnance aux formes longues tient au fait que la verlanisation tend h ne pas s'appliquer aux roots trop longs ou si c'est la forme r6sultante qui doit respecter un certain seuil. Certains auteurs citent quelques formes cod6es de quatre syllabes. Lefkowitz (1991 : 89) donne par exemple prohibitif > [tifbiipro], presentation > [sj~tazfipre] et appartement > [toem~apar]. N6anmoins, ces mots n'apparaissent pas dans son corpus, et je n'ai trouv6 les deux premiers nulle part ailleurs. Apparternent > [t0em~apar] appara~t chez Paul (1985) et chez Mela (1991). Mais l'une et l'autre 6mettent de fortes r6serves sur I'authenticit6 de ce codage. II y a tout lieu de penser qu+en fait la transposition verlane ne s'applique pas aux t6trasyllabes.+ Peut-elle s'applique+r aux trisyllabes? Certains Iocuteurs affirment ~nergiquement que non (J.-L. Azra, communication personnelle). De fait. les codages de trisyllabes

4 On trouve ndanmoins n'inzporte ql+oi> [portnawak] ou, en quatre syllabes. [n?.p0rtnawak]. II est vrai qu'il s'agit I~, d'une expression et non d'un mot unique et que quoi y est cod6 comme un monosyllabe ouvert. Mais on ne peut manquer d'observer que la voyelle du monosyllabe se propage vers l'arri~re et supplante le [~] que I'on attend. Cette r~tro-propagation ne s'explique gu6re si l'expression ne forme pas en quelque sorte un tout du point de rue tie la raise en verlan.

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sont bien moins nombreux qu'on ne s'y attendrait. Cependant, leur quantit6 n'est pas absolument n6gligeable. Et, surtout, leur examen fait appara]tre des r6gularit6s. Si ces codages ~taient purement fantaisistes, on s'attendrait ~ ce que les syllabes de la forme originelle puissent apparaltre dans n'importe quel ordre dans la forme cod6e. Tel n'est pas le cas. Si I'on met h part le cas des mots commen~ant par une voyelle, sur lequel on reviendra ci-dessous, l'ordre originel 123 ne peut ~tre modifi6 qu'en 312, 231 et 321; les deux autres possibilit6s, c'est-~-dire 132 et 213, paraissent exclues. 5 Et I'on a vu (cf. (2c)) que les trois codages 123 > 312, 123 > 231 et 123 > 321 sont ~galement les seuls qui soient attest~s quand un dissyllabe ~ seconde syllabe ferm6e est trait6 comme un trisyllabe. Voici quelques exemples de ces codages:

(5) (a) cigarette commencer doucement portugais rigolo (b) possible descendre partouze tambouille

123 (sigaret) (komfise) (dusoem~) (p~rtygl;) (rigolo) (posibl) (desfidr) (partuz) (tObuj)

312 retsiga sekomfi

231 garetsi

32i

scemfidu

sibloepo s0droede

getypar logori bloesipo zoetupar

jcefftbu

Si l'on veut concdier ces donn6es quelque peu contradictoires, on est conduit ~t admettre que le se.u:.i au delS. duquel la verlanisation ne s'applique plus est normalement de deux syllabes, mais que, pour certains locuteurs ou dans certains groupes au moins, une syllabe samum6raire peut venir s'adjoindre ~ ces denx syllabes. Resterait h d6terminer si cette contrainte de taille pose sur la forme d'entr6e ou sur la forme r6sultante. I1 existe au moins un embryon d'argument en faveur de la seconde solution. Comme on l'a d6j~ dit, le .:odage des monosyllabes ferm6s s'apparente ~ celui des dissyllabes h seconde syllabe ouverte (cf. le parall61isme entre les eodages de (2a) comme chatte > [t~eJ'a] et ceux de (lb) comme bouffon > [ffbu]), et celui des dissyllabes h seconde syllabe ferm6e peut prendre une forme analogue celui des trisyllabes (cf. le parall61isme des formes r6unies en (5b) et en (5a)). Si la contrainte portait sur la forme d'entrEe et non sur la forme r6sultante, on s'attendrait, dans ces conditions, h ce que ce parall61isme se poursuive et que les trisyllabes dont la demi~re syllabe est ferm6e puissent 8tre codes sous une forme t6trasyllabique. Or ce n'est jamais le cas: dans le corpus de r6f6rence, tous ces trisyllabes sont cod6s comme des trisyllabes ~ demi~re syllabe ouverte. Vu le petit nombre des formes en cause (cigarette > [garetsi], [retsiga], ddgueulasse > [lasdeg¢], [lasdeg], 6 difficile > s Bagemihl H989: 544) donne v~rit( > [veteri]. Je n'ai jamais rencontr6 cette forme, sinon darts Lefkowitz (1987: 142; 1991: 8 l), Commecette demi~rene fail pas figurer vdtdriparmi les termes recueillis aupr~:sde ses informateursct que ce codage n'appara~tpas non plus darts le corpus de Paul (1985), sur lequel elle s'appuie aussi, j'ai peur qu'il ne s'agisse d'une inadvertance. 6 On abordera plus bas en 2.6. le cas des formes 'tronqudes"comme [lasdeg].

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[sifildi], [sifild], lampadaire > [dcrlQpa], pdd~raste > [razdcp], tout-~t-I'heure > [loertatu]), cet argument peut ne pas emporter la conviction. Surtout si l'on consid~re que les dissylabes h seconde syllabe fermEe sont le plus souvent codes comme les autres dissyllabes et non comme des trisyllabes. Mais il n'en resle pas moins que rien dans les donnEes dont on dispose ne s'oppose ~ ce qu'on retienne l'hypoth~se que le seuil au del~ duquel la verlanisation n'a plus lieu porte sur la forme rEsultante. 2.5. Le 'h aspird" Cette idEe que des contraintes de taille p~sent sur les formes verlanes trouve peut~tre une confirmation dans le codage des monosyllabes. Rien ne s'oppose ~t la verlanisation des monosyllabes fermEs comportant une attaque. Un mot comme chatte donne librement [t~eJ'a] ou, comme on le verra, par 'troncation de la demi~re voyelle', [teeJ']. Rien ne s'oppose non plus h la verlanisalion des monosyllabes ouverts. NEanmoins, la plupart des auteurs rel~vent que les formes resultant du codage des mots en CV se component comme des mots en ~h aspirE': la queue donne [la0k] (Villoing, 1992: 87) et non pas [lCk], les seh~s donne [l~;s] et non pas [l~z~s] (MEla, 1988: 55). Parfois m~me ce 'h aspirE' se rEalise sous la forme d'un coup de glotte (Paul, 1985: 50). Seuls semblent Echapper ~t cette r?egle les mots comportant une semi-voyelle: Villoing (1992: 94) donne c'est ?t qui d'oudj sans maintien du 'e muet'. ~t cEtE de f a v a dt'e och, o~t le 'e muet' est conservE, comme il est normal devant un monosyllabe en 'h aspirE'. L'interprEtation de cette particularitE est des plus dElicates. Une explication possible consisterait ~t supposer que le cryptage n'a lieu qu'apr~s qu'ont pris effet les phEnom~nes de sandhi, ce qui aurait pour consequence que l'on trouverait devant les mots verlans en VC les formes prEconsonantiques induites par l'Etymon en CV. De fait, deux transpositions du corpus (accords > [k3rza] et yeu.r > [j0z] sugg~rent que le codage prend effet apr~s la liaison. Mais cette explication ne rend pas compte du chva qui apparah dans f a v a ¢t'e och, car, contrairement au 'h aspirE', une consonne initiale n'emp~che pas un 'e muet' final de tomber (on dit tr~s bien ~'a va dt' chaud). Elle n'explique pas non plus que l'on trouve des determinants prEconsonantiques devant des codages de roots commenqant par une voyelle (Passemoi de I'argent se dit Passe-moi du joar et non de I" joar, cf. Villoing (1992: 64)). Et, surtout, on a de bonnes raisons de croire qu'en r~gle gEnErale, la mise en verlan est un phEnom~ne non pas post-lexical, mais lexical. 7 II est plus vraisemblable, comme on le verra, que la presence du 'h aspirE' dEcoule d'une contrainte qui ~_mpose ~ la forme verlane de respecter un seuil minimal requErant la presence d'une consonne au debut d'une forme monosyllabique. Cette explication, en tout cas, permettrait d'expliquer, que, comme le sugg~re c'est ~ qui d'oudj, le 'h aspirE" ne soit pas nEcessaire si la voyelle est prEcEdEe d'une semivoyelle: [wes] se conforme au schema CVC. 7 Ce qu'il y a de curieux, c'est que le verlan s'applique/t des forraes flEchieset qu'ii peu! utiliser ces fomes indEpendammentde la valeur de leur flexion. On peut par exemple trouver [Ste~ti] pourje tire ou ltisarl pour sortir.

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2.6. La "troncation" des voyelles finales Presque tous les auteurs rel~vent q u ' u n e forme verlane qui se termine par une voyelle peut avoir une variante dont cette voyelle est absente. ~ Certes, les denx variantes ne sont pas attest6es pour chaque mot. Mais, m~me si le ph6nom~ne est peut-~tre un peu plus fr6quent pour les monosyllabes que pour les dissyllabes ou les trisyllabes, il serait sans doute difficile d'6tablir que telle ou telle classe de formes 6chappe syst6matiquement b. cet accourcissement. Les donn6es r6unies en (6) illustrent ce double comportement. (6) chatte disque f~te bidon clochard Babeth ddguetdasse difficile

(.fat) (disk) fret) (bid6) (kloJ'ar) (babet) (degoelas) (difisil)

> > > > > > > >

toeJa skcedi toefe, d6bi farklo toebeba lasdego sifildi

/ / / / ] / / /

teeS skced toef dbb j'arkl tcebab lasdeg sifild

L'unique solution qui ait 6t6 propos~e jusqu'it pr6sent consiste h poser une r~gle de troncation. I1 est clair qu'une telle r~gle est une simple r66criture formel~e de ia r6gularit6 qui la foude. Elle n'explique en aucun cas ni pourquoi une troncation peut affecter les formes verlanes, ni pourquoi cette troncafion ne touche que les voyelles finales. Une solution qui vise ~ I'ad6quation explicative devrait rendre compte de ces particularit6s.

2.7. Les voyelles #fftiales Les mots ~ initiale vocalique sont, compara~ivement, tr~s peu nombreux ~ subir la verlanisation. Cette .:aret6 est propre h susciter l'6tonnement. En effet, comme l'illustrent les formes r6unies en (7), la plupart de ces roots sont crypt6s d ' u n e faqon tout /t fait analogue aux formes ~ initiale consor~antique. (7) Anne arm~e ~cole arabe dtranger enculer espagnol

(an) (arme) (ekol) (arab) (etrfse) (~kyle) (espaytal)

> > > > > > >

noea mear kale boer 5eetrh kyle,",i jlaipaes

, , , , , ,

cf. cf. cf. of. cf. cf. cf.

c hatte carton Madrid Babeth v~ritd corrida commando

> > > > > > >

toeJ'a t0kar dsidma toebeb teveri ridako dom~ko

s On trouve aussi dans le corpus dont on dispose un petit nombre de codages comme barrette > [r~t] ou portos > [tasl dans lesquels la forme cod~ r~sulte d'une apocope ordinaire du r~sultat auendu de la raise en verlan. Ces cas doivent ~tre soigneusement distingu6s de la "troncation"caract6ristique du verlan. qui n'affecte que les voyelle finaVes.

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Ces formes, n6anmoins, m~ritent deux petits commentaires. Comme le montre Anne > [noea], les monosyllabes ferm6s ~t initiale vocalique semblent se comporter comme ceux qui commencent par une consonne: duns le corpus utilis6 ici (duns lequel [neea] ne figure pus), on trouve aussi herbe > [boe~r] 9 et honte > [tce6]; or y fait bien [ro], mais cette forme parait suspecte ~ certains verlanophones (Azra, communication personnelle). Ce parall61isme entre les deux sortes de monosyllabes n'a rien d'6tonnant en soi, mais il est tout de m~me curieux qu'il soit obtenu au prix du maintien de la voyelle 6penth6tique devant une autre voyelle; c'est I~t, h ma eonnaissance, le seul cas oft un chva inaccentu6 soit conserv6 dans cette position en franqais/° Ce maintien est d'autant plus surprenant qu'il n'appara~t que dans les codages de monosyllabes: i:cole fait [kale] et non [kaleee] et arrache donne non pas [Joeara] mais [jara]. La scconde remarque concerne un codage qui a d6jh fait couler beaucoup d'encre, celu~ de arabe en [boer]. Le rapprochement avec Babeth > [toeb~b] suppose, si l'on raisonne en termes de ddrivation, une forme interm6diaire fooeraa/, dont les deux voyelles finale seraient tronqudes, 6ventuellement apr6s avoir fusionn6. Mais den n'indique que cette fusion air eu lieu. En fait, tout se passe comme si [beer] provenait de rabe et non de arabe. Outre les cas, majoritaires, o~ le codage des mots h initiale vocalique s'aligne sur celui des roots ~ initiale consonantique, on trouve duns le corpus un petit ensemble de formes dignes de retenir Fattention. Le voici: (8) ici arrc~te dcouter enculer emmelder

(isi) (argt) (ekute) (0kyle) (0marde)

> > > > >

iis atoere eteku ~leky ~demer

Comme on peut le constater, tout se passe dans ces formes comme si le cryptage n'affectait que la partie du mot d'origine qui suit la voyelle initiale: [iis] est obtenu en conservant le /i/ initial de ici et en intervertissant les deux segments restants, comme on interverlit le/f7 et l e / u / d e lbu pour obtenir [uf]. De m~me le codage de atT"~te en [ateere] est-il parall~le h celui de cha'te en [teeJ'a], et celui de &'outer en [eteku] ~ celui de bouffon en [fObu]. L'int6gration de cette particularit& qui n'a pus 6t6 remarqu6e jusqu'ici ~ ma connaissance, ne soul~verait aucune difficult6 sp6ciale duns I'approche courante: il suffirait de sp6cifier qu'une voyelle initiale reste (facultativement) en dehors de la description structurale de l'op6ration d'interversion. Cependant, encore une fois, cette stipulation serait tout au plus une r66criture formelle de la r6gularit6 qui la fonde. Outre leur curiosit6, les formes r6unies en (8) pr6sentent l'int6r& de foumir un argument en faveur de I'id6e que le cryptage caract6ristique du verlan constitue bien 9 Herbe donne aussi couramment [bee]: [b0el. [ro] et lr~] (de parent.s) sont les trois seules tonnes en

CV du corpus. "' Hormisle ca:; des sigles 6pel6s, cnmme D.E.A. [deuea],et celui de dehor,s, auquel [tee0] fair in6vitablement pen:~er.

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un processus unitaire. Si, en effet, on posait des r~gles diff6rentes pour les monosyllabes, les dissyllabes et les trisyllabes, on se verrait contraint de stipuler $ chaque fois que la voyelle initiale peut rester en dehors de l'op~ration, ce qui laisserait perdre une g6n6ralisation. 2.8. Les codages marginaux On n'a fait ~tat jusqu'~t pr6sent que des g6n6ralisations les plus marquantes. Le corpus consid6r6 comporte aussi une poussi&e de cas (peut-~tre aberrants, mais qui salt?) dont il est impossible de parler ici. Certaines formes 6tranges, n~anmoins, sont dignes de retenir l'attention. Mentionnons-en quelques unes. Les monosyllabes ferm~s comme chatte donnent ordinairement lieu, comme on l'a dit ci-dessus, soit h u n codage de type [teeJ'a], soit .hun codage de type [tee.f]. Dans un petit nombre de cas, cependant, le cryptage proc~de par interversion des deax consonnes (ou groupes consonantiques). On trouve ainsi: (9) comme muscle noiche sexe vieille

(kam) (myskl) (nwaJ) (seks) (vjej)

> > > > >

mak sklym Swan kses jev

On notera que vieille donne aussi [jcvje], avec un redoublement de la voyelle. Ce n'est pas 1~ le seul redoublement du corpus, puisqu'on y trouve encore des formes comme bus > [zbeeb] ou dehors > [r3roedce]. Le cas le plus curieux est sans doute le codage de ~netw( en [venery] (qui ressemble un peu ~ celui de n'importe quoi en [n~:partnawak] (cf. n. 4)). On ne voit pas comment une ol~ration d'interversion pourrait rendre compte du fait que la m~me consonne puisse se retrouver aux deux extr~mit6s d'une forme cod6e. Troisi~me particularit~ int6ressante, il semble que les liquides codiques jouissent d'une certaine mobilit6. En effet, dans le corpus, film ne fait pas, comme on s'y attendrait, [meefil], mais [mcelf], et difficile donne [sifildi] et [sifild] au lieu de [silfidi] ou [silfid]. Darts les deux cas, la liquide quitte sa time pour trouver une position 6quivalente dans une autre rime. On a un cas peut-~tre un peu semblable dans le cryptage de merde en [denn] (on attendrait [deemer], qu'on trouve aussi), l] Notons enfin que, dans un certain nombr o de cas, une consonne d'attaque semble elle aussi ~migrer, soit d'une syllabe dans une autre comme clans assurer > [syera] (au lieu de [syrea]) ou Joachim > [kimaa3] (au lieu de [kim3aa], qu'on trouve aussi), soit, au sein d'une m~me syllabe, d'une position ~ une autre comme dans matraque > [trakam] (au lieu de [trakma], qu'on rencontre aussi).

II Mais dans merde > [droem],qui est ~galemem attest6, la liquide ne retrouve pas une position ~.quivalente.

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Ces faits sont trop t6nus pour fonder h eux seuls une explication, mais on aimerait les voir s'int6grer d'une faqon naturelle dans une solution globale. 2.9. Conclusion

L'approche courante n'a rien h proposer sur ce point. On a vu qu'en fait elle ne pouvait traiter m~me les r6gularit6s les plus saillantes qu'h grand renfort de r~gles arbitraires. C'en est au point que l'on peut se demander si l'on n'est pas en droit de conclure, comme Bachmann et Bazier (1984: 176) que "le verlan n'est pas le produit d'un m6canisme unique". Telle serait sans doute aussi la conclusion que I'on adopterait si l'on suivait Bagemihl (1988, 1989). Comme les recherches de cet auteur visent ~ 6tablir une typologie g6n6rale des jeux de langage et qu'il ne traite du verlan qu'en passant, on ne peut que deviner ce que serait sa solution. Pour lui, les jeux de langage qui semblent proc6der par interversion r6sultent en fait d'un affaiblissement de la contrainte de non-croisement, qui serait param6tris6e et laisserait aux jeux de langage le choix entre un croisement minimal et un croisement maximal, Fun et I'autre pouvant porter soit sur les segments, soit sur les syllabes. Comme un grand nombre des cryptages autoris6s par cette approche sont repr6sent6s en verlan, on devrait en conclure que, dans ce langage secret, tousles choix param6triques sont possibles. 11 se peut que ce soit I~ la bonne solution. Mais il serait quand m~me un peu 6trange qu'une langue laisse le choix entre plusieurs options concurrentes d'un m6me param~tre. Et, surtout, on ne volt pas comment la param6trisation de la contrainte de non-croisement pourrait rendre compte de traits caract6ristiques du verlan comme l+6pentb.bse ou la 'troncation' des voyelles finales.

3. Vers une solution prosodique il paralt a priori peu probable que des formes identifi6es par les initi6s comme appartenant h u n seul et m~me 'langage secret' r6sultent dc m6canismes diff&ents. L'id6e qu'on d6veloppera ici, c'est que la plupart des difficult6s 6voqu6es ci-dessus s'estompent h partir du moment o~t l'on admet que la raise en verlan consiste non pas en une op6ration d'interversion, mais en l'association de la m61odie du mot d'origine -h un scheme prosodique. Cette id6e n'est pas enti~rement nouvelle: Lefkowitz et Weinberger ont sugg6r6 qu'une fois interverti, le mat6riel m61odique est r6associ6 ~t une copie du scheme originel, et, si I'on suit BagemihL d'abord d6sassoci6e de celuici, la m61odie serait r6associ6e, d'une faqon diff6rente, h ce m~me scheme 6ventuellement pr6fix6 ou suffix6. Ce qui fair la sp6cificit~ de l'approche qu'on adoptera ici, c'est que le patron auquel est associ6e la m61odie du mot d'origine est conqu comme ind6pendant du patron originel. ~2 La forme crypt6e devant conserver un certain L' De ce point de vue, on peut rapprocher le verlan du javanais, qui consiste 6galement ~t associer la m61odie des roots de la langue commune ~ des sch~:mesprosodiquesnouveaux tcf. PI6nat, 1991b). Mais le javanais pout rdpartir tes ~16mentsm~lodiques d'un m~.memot sur plusieurs sch~'mescons~cutifs+ce que ne fait pas le verlan.

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nombre des propriEtEs du mot d'odgine, le locuteur n'est pas libre de retenir n'importe quel scheme; mais les contraintes auxquelles il est tenu de se soumettre ne sont pas telles qu'il n'ait pas, en certaines occasions, le loisir de choisir entre plusieurs patrons prosodiques ou d'associer de plus d'une fat;on la melodic ~t un m~me patron. D'o/J le polymorphisme caractEristique du verlan. Apr~s avoir dEfini le mode d'association de la mElodie originelle h son nouveau scheme, on montrera que les contraintes qui p~sent sur celui-ci sont de deux ordres, qu'il obEit ~ la fois "~des contraintes de taille ou de poids et ~t des contraintes structurelles. 3.1. La verianisation comme association d'une m~lodie dt un schdme

Pour rendre compte de l'aspect le plus saillant du verlan, c'est-b.-dire du fait qu'il 'retourne' en quelque sorte les mots de la langue commune, on fera ici l'hypoth~se que le cryptage propre h ce 'langage secret' consiste essentiellement a associer la sequence mElodique de la forme originelle ~ an scheme nouveau en comment;ant par un ElEment quelconque de cette sequence. Celle-ci est alors balayEe d'ahord de gauche ~ droite jusqu'h son extrEmitE droite, puis, toujours de gauche ~ droite, ~t partit de son extrEmitE gauche, et ce, jusqu'h ce que le scheme soit saturn. Pour prEciser le sens de cette premiere hypoth~se, prenons un exemple, celui du codage de #ouffbn en [fObu]. La situation de depart qu'il faut imaginer est celle qui figure en (10a): le f de bouffon est associE h la premiere consonne d'un scheme CVCV. Ensuite, la position suivante du scheme est reliEe h l'EIEment mEIodique suivant (cf. (10b)). Comme on a choisi (provisoirement) de distinguer les positions aptes ~ accueillir des consonnes de celles qui peuvent ~tre reliEes ~t des voyelles et que le scheme retenu a la forme CVCV, le point de depart de cette association ne peut gu~re en fait ~tre que celui qui vient d'etre dit. Car si c'Etait le b qui 6tait associE "~ la premi&e position consonantique, on aboutirait de nouveau ~ bouffon, et le mot ne serait pas codE. La seconde Etape de l'association ne fait pas difficultE non plus: on admet assez gEnEralement qu'une fois opEr6e l'association initiale, les 616ments mElodiques sont associEs aux positions porteuses progressivement et de gauche ,~ droite. (I0) Type bouffon > [fEbt~] (a) b u f 6 CVCV

(b) b u f 6 CVCV

(c) b u f 0 CV

buf6 CV

La difficult6 commence ensuite. Plusieurs possibilitEs sont ouvertes. Dans des cas de figure de ce genre, le frant;ais peut recourir ,~ une propagation des attaques et des rimes (cf. PIEnat, 1984a), ce qui, darts le cas present, aboutirait a *fo~bn, qui est exclu en verlan. La cause en est probablement que la forme redoublEe prEsenterait le double inconvenient de requErir le croisement des traits associatifs et de ne retenir qu'une trop faible partie de la melodic. Ce qui obscurcirait sans doute/t I'exc~s les

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relations entre le mot commun et la forme cryptge. On admettra ici, que la mise en verlan ob~it h deux maximes: une maxime d'exhaustivit6, qui enjoindrait de retenb" de la m~lodie originelle autant d'dl~ments qtw peut en accueillir le st'hOme, et la maxime bien connue de non-croisement, qui impose de respecter l'ordre des dldments m~lodiques. La propagation 6tant ainsi exclue, on supposera que le processus a de nouveau acc~s au d6but de la m61odie, qu'il balaye une seconde fois de gauche h droite. Si l'on tient absolument b. ce que les traits associatifs ne se croisent pas, on peut copier la mglodie h la Marantz (1982). (C'est la solution qu'on a adopt6e en (lOc) pour que la reprgsentation graphique soit plus lisible.) Mais on ne voit pas tr6s bien quel avantage on tirerait de I'id6e qu'une opSration de copie a effective,~..en¢ lieu. Et, si I'on prend au s6rieux la maxime d'exhaustivit6, il est assurgment plus facile de v6rifier qu'elle est satisfaite en partant d'un exemplaire unique de ia m61odie origineile. Quoiqu'il en soit de ce point, on voit que le balayage du d6bu~ de la mflodie permet attx positions restantes de trouver des gl6ments mglodiques qui les remplissent (cf. (lOc)). Cette approche du verlan l'emporte sur I'approche courante par interversion sur trois points: En premier lieu, elle est propre h permet.'.re de rendre compte du codage des monosyllabes, de celui des dissyllabes et de deux des codages des trisyllabes ,~ l'aide d'un m6canisme unique, sans avoir h supposer que ceiui-ci manipule des constituants de nature diff6rente et sans qu'on ait ~t analyser la forme originelle en constituants arbitraires. Pour ce qui est du typefou > [uf], rien dans l'hypoth~se ci-dessus n'interdit (pour le moment) de commencer I'association par une voyelle plut6t que par une consonne; une fois donc le/u/ancr6, le processus revient au d6but de la m61odie et associe le/f/"~ la position consonantique qui I'attend (cf. (1 la)). Pour ce qui est des types v~ritd > [teveri] et corrida > [ridako], on a pris soin de pr6ciser que rien n'imposait de choisir telle consonne plut6t que telle autre pour l'association initiale (seul le choix de la premiere consonne, qui aboutirait it une absence de codage, est exclu)); aussi peut-on retenir pour cette association aussi bien la seconde consonne (cf. (11b)) que la troisi~me (cf. (1 lc)). ( 1 I) Types fou > [uf], v~rit~ > [teveri] et corrida > [ridako] (a) f u

fu I I V C

(b) v e

rit

e v erite ] I I III CV C V C V

(c) k o r i

da IIII CVCV

korida II CV

Ce qui, darts I'approche courante, 6tait obtenu par une interversion de constituants Vest ici par un m6canisme tr~s diff6rent. Aucune m6tath~se ne prend effet. La m8lodie fait simplement I'objet de deux balayages partiels au cours desquels ses 61~ments sont associ6s au scheme jusqu"5 saturation de celui-ci. Comme la mglodie consiste en uv.e simple sgquence d'glgments, les mots sont, quelle que soit leur longueur, sur un pied d'ggalit6 et le verlan peut les retourner tous d'une faqon unilbrme. La diversit6 des r6sultats tient non pas ~t une diversitg des processus, mais ~ la Iongueur des roots d'origine.

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Le second avantage que l'on tire de I'approche esquissEe ci-dessus, c'est qu'elle nous met en position de commencer h expliquer l'Epenth~se caractEristique des formes qui cryptent un mot s'achevant par une syllabe fermEe. Prenons en effet I'exemple chatte > [t0eJ] illustr6 en (12a,b): (12) Types chatte >[tcef] et vieille > [jet'] oe

(a)`f a t

I

CVC

.fat

(b) J a t

I

CVC

`fat

I

(c) v j ~:j

vj~j

I

CVC

Le scheme a ici la forme CVC. Up.e fois que I'association initiale a eu lieu, se pose le problEme de trouver une voyelle a associer a la premiere position vocalique (Cl. (12a)). Les deux maximes d'exhaustivit6 et de non-croisement entrent ici en contradiction l'une avec l'autre. Si l e / a [ est associE b. la position vocalique, la maxime d'exhaustivitE est respect~e (les trois Elements de la m~lodie d'origine seront associEs aux trois positions du scheme), mais la maxlme de non-croisement ne I'est pas, puisque le ] t / e t le/at se sont 'croisEs'. Inversement, si le [a test laiss6 pour compte, la maxime de non-croisement n'est pas enfreinte, mais c'est la maxime d'exhaustirite qui I'est. Dans ce type de situation conflictuelle, c'est la maxime de non-croisement qui l'emporte le plus souvent. La position vocalique ne trouvant ainsi dans le mot d'origine aucun ElEment mElodique vocalique ~t accueillir, il est fait appel b~la voyelle h laquelle le fran~ais a recours dans ce type de cireonstance, c'est-h-dire le chva (cf. (12b)). Autrement dit, comme on le souhaite, I'~penthEse trouve, dans la prfsente approche, une justification prosodique: elle est occasionn6e par la presence dans le scheme d'une position vocalique qui pourrait difficilement ~tre remplie autrement. Mais on comprend aussi que, deux maximes entrant en conflit, la moins forte puisse h l'occasion I'emporter sur l'autre: c'est ce qui a lieu dans les cryptages du type vieille > [jcv] (cf. la petite liste donnEe en (9)), dont on trouve une reprEsentation en (12c). Quand le scheme auquel est associ6 un monosyllabe ferm6 prend la fomae CVCV, il peut arriver que la maxime de non-croisement soit enfreinte. A preuve, dans le corpus, vieille est code aussi en [.j~vje]. Mais cette forme est tout ~ fait isolEe. Dans des cas de ce genre, la solution adoptEe est pmsque toujours l'Epenth~se (les codages comme chatte > [toe`fa] sont legion). On comprend pourquoi: la seconde position vocalique du scheme pouvant accueiUir la voyelle du monosyllabe, la maxime d'exhaustivit6 peut ~tre observ~e sans croisement. On voit ainsi que la prEsente approche permet d'expliquer b, la fois l'6penth~se (il est de r~gle qu'une position soit remplie sans croisement) ct ses intermittences (il est des cas oll la maxime de non-croisement entre en contradiction avec la maxime d'exhaustivitE). D'ott I'apparition dans le corpus de quelques codages du type vieille > [jev], alors que vieille > [j~vje] reste exceptionnel. Le troisi~me avantage de la pr~sente approche, c'est qu'elle permet de rendre compte du codage de dnervd en [ven~rv]. La seconde occurrence du vest tout sim-

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plement associ~e au scheme lors da second balayage de la m~lodie, comme on peut le voir en (13) ci-dessous (on suppose que les d e u x / e / s o n t reli6s ~t la m~me position prosodique par haplologie; sur ce type de ph6nom~ne, cf. PI6nat (1991b) et Corbin et Pl6nat (1992, 1994)): (13)

Type ~nervd > [venErvl enerve

e nerve

I \/ C

lUll V

CVCC

On objectera sans doute ici qu'un argument fond6 s u r u n exemple unique ou presque est de peu de poids. Mais on va voir qu'il existe d'excellentes raisons pour que des exemples de ce type soient rares. Les exemples qui viennent d'etre d~velopp~s n'ont pu I'~tre que parce que les sch6mes retenus s'y pr~taient. D'autres auraient donn6 des r6sultats aberrants. I1 convient donc maintenant de d6terminer suivant quels principes le locuteur choisit tel ou tel patron prosodique parmi la multitude des patrons possibles. On montrera ci-dessous que les contraintes que doit respecter le sch6me retenu sont de deux ordres, qu'il e n e s t de pond6rales, et d'autres qui sont structurelles.

3.2. Les cono'aintes de poids Le scheme retenu ob6it 'h deux contraintes de poids: il doit avoir le m~me poids morique que le mot d'origine et rester ~ l'int6rieur des seuils qui d6finissent le mot minimal en franqais.

3.2.1. Le respect du poids du mot d'origine D'une fa~on g6n6rale, tune forme verlane a en gros la m6me taille que la forme qu'elle sert ,~ crypter. Comme, d'une forme h l'autre, le hombre des syllabes peut n~anmoins varier (cf. e.g. les types chatte > [toeJa] et bidon > [d6b]), la syllabe ne peut pas servir ici d'unit~ de mesure dans l'6valuation du poids des fonnes. On supposera donc que I'unit6 de mesure pertinente est la more (sur cette notion, cf. en particulier Hyman, 1985; McCarthy et Prince, 1986; Hayes, 1989), et l'on admettra q u ' e n franqais, comptent pour une more les voyelles, les consonnes codiques et, quel que soit lear statut exact, i ~ con~ennes finales de mot. On fera en outre comme si les positions auxquelles sont ancrds ies GiG,,eats m6,1o diques 6taient des positions moriques, c'est-,h-dire valant chacune une more. En cons6quence de quoi, on reliera dans les repr6sentations graphiques les attaques ~ la m~me positiou que la voyelle qu'elles pr6c~dent dans la syllabe. Par exemple, un mot comme porte sera repr6sent6 de la faqon suivante: a3 L3 Une telle reprfsentation esl 'h la fois incompl~:te(en ce que n'y figurent pas les cat6gories prosodiques hi6rarchiquement sup6rieures~ la more (It), comme la syllabe (~)) et pea judicieuse (en ce qu'elle ne fair pas apparaitre le statut particulier des consonnes d'attaque). On I'adople ici parce qu'elle permet de compter facilement les mores, mais il ne s'agit en aucun cas d'un choix th6orique.

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\/

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a r t

It

On notera iei que, dans le cadre qui vient d'etre bross~, la maxime d'exhaustivit~ pr~voit qu'unc voyelle ne peut pas, normalement, ~tre associ~e h une position morique sans qu¢ l'attaque qui !a precede le cas ~ch~ant dans le mot d'origine suit associ6e aussi fi cette mOme position: s'il est vraimcrlt fait obligation ~t la forme crypt~e de retenir autant d'~16ments m~lodiques de la forme originelle que peut en accueillir le scheme, du fait m~me qu'elle peat accueillir ~ la lois l'attaque et la voyelle, la position morique dolt les accueillir toutes deux. Cette consequence est la bienvenue, car un mot comme bouffbn, par exemple, ne fait jamais ni *[ufS], ni *[~bu]. (On verra dans un instant pourquoi on n'a pas non plus ni *[ufSb], ni *[Sbuf], bien que ces formes respectent elles aussi la maxime d'exhaustivit6). L'hypoth~se que le schdme auquel est associde la mdlodie originelle doit compter le m~me hombre de mores que le mot d'origine, permet de rendre compte de plusieurs types de ph6nom~nes. II explique d'abord qu'en r6gle g~n6rale, le second balayage ne dfborde pas sur des 616ments m61odiques qui ont d~jb. ~t~ associ~s lors do pr,'mier balayage. Pour prendre un exemple, bot~on, qui p~se deux mores, ne peut donner ni *[f6buf], ni *[f6buf6], qui en comporteraient trois (cf. (15a,b)). (15) (a) f 6 b u f

(b) f 6 b u f 6

Y V I

V V V

(c) v e n e r v

V V II

Si dnervd peut donner [venery], c'est uniquement que, plac6s aux deux extr6mit6s du mot, les ]e/de ce mot peuvent, comme on l'a dit, ~tre reli6s ~ la m~me position morique: pour que soit remplie la quatri~me more du scheme, le second balayage dolt atteindre de nouveau le/v/. On voit ainsi qu'il faut des circonstances exceptionnelles (le mot doit commencer et s'achever par la m~me voyelle) pour que ce phfnom6ne se produise, et que, malgr6 sa raret& rexistence d'une forme comme [venerv] peut servir d'argument en faveur de l'id6e que la mise en verlan r~suite de l'association de la m61odie originelle ~ un scheme nouveau. Plus g~n~ralement, le principe de conservation du poids morique interdit qu'une attaque, qui ne p~se rien, passe en posi!ien dc consonne finale, c'est-~.-dire soit reli6e une position morique, sans que ce gain d'une more soit compens6 par la perte d'une autre more. C'est cette interdiction qui explique que, bien qu'observant la maxime d'exhaustivit6, des codages comme *[uf6b] ou *[Sbufl soient exclus: ils comporteraient trois mores quand bouffon n'en comporte que deux. C'est pourquoi il n'y a pas lieu de s'~tonner que le codage des monosyllabes ferm~s ne proc~de pas par interversion de rattaque et de la rime: chatte, qui vaut deux mores, ne peut pas donner *[atJ'], qui en vaudrait trois. 11 n'est nullement nEcessaire pour expliquer ce ph~nom~ne de poser une r~gle d'~penth~se finale qui serait obligatoire dans ie cas des monosyllabes ferm6s. Ce qui est surprenant, c'est quefou, qui ne compte qu'une

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more, fasse [uf], o~ I'on en a deux. On proposera ci-dessous une explication de ce qui apparait maintenant comme une singularitY. En second lieu et surtout, le principle de conservation du poids morique permet de rendre compte sans stipulation de deux traits caract6ristiques saillants du verlan: l'6penth~se et la 'troncation'. Le fait d'utiliser des schemes de la forme CVCV et CVC pour expliquer le codage de c h a t t e en [toefa] et en [toeJ'] a pu apparaitre au lecteur comme un coup de force. On voit maintenant que, c h a t t e comportant deux mores, le patron auquel ce mot doit ~tre associ6 doit lui aussi comporter deux mores. D'oft le choix entre un patron comportant deux syllabes ouvertes et un patron constitu6 d'une syllabe ferm6e par une consonne. On a d6jh rendu compte du m6canisme de l'6penth~se. Dans les deux cas, la prem i t r e (ou I'unique) position vocalique ne peut accueillir l e / a / s a n s qu'il en r6sulte une absence de codage (si la s6quence/J'a/est reli6e h la premiere more d'une syllabe ferrnEe Iors du premier balayage), ~4 ou un croisement (si I'association commence par le/t/). Dans ces conditions, on comprend que l'6penth~se soit la solution la plus frEquente, bien qu'il existe des cryptages comme vieille > lj~v] ou, ~t I'occasion, [jevje], dont on a rendu compte ci-dessus. Ce mode de raisonnement peut ~tre ~tendu sans difficult~ aux dissyllabes: les trois mores de t a m b o t d l l e imposen', un patron trimorique, qui peut prendre la forme d'une syllabe ferm6e suivie d ' u n e syllabe ouverte (d'oft un codage 6ventuel en [bujt0]) ou celle de trois syllabes ouvertes (d'ofa [jcet~bu], ou, 6ventuellement, [bujoet~t], 15 si l'on doit aboutir h u n codage sans croisement). On peut maintenant trouver aussi une confirmation h I'id6e, admise ici jusqu'~t pr6sent sans discussion, que la voyelle 6penth6tique du verlan est un chva. Cette voyelle a plusieurs propriEt6s ct:rieuses. Le fait, excellemment remarqu6 par Morin (1988: 187-188), qu'elle n'alterne pas avec [e] en syllabe ferm6e reste un peu obscur (cf. n. 26). Mais il convient de noter aussi qu'elle n'alterne pas non plus avec z6ro: sauf erreur de ma part, une forme c o m m e / t o e f a / n ' e s t jamais r6alis~e en [tfa], alors que I'on s'attend ~t ce q-le tel soit le cas si I'on a affaire h u n chva. En fait, cependant, la voyelle 6penthEtique ne se distingue pas radicalement sur ce point des autres chvas du verlan. En effet, les chvas qui viennent occuper une position vocalique du scheme n'alternent l:,as avec z~ro de la m~me faqon que les chvas des mots de la langue commune~ Des mots comme venir ou petit, darts lesquels la prononciation du chva n'est pas obligatoire, donnent des formes ([nirv0e], [tipoe]) oft le chva, accentuable, n'est pas soumis ~t la r~gle de chute en fin de polysyllabe. Si ce chva peut 'disparahre', c'est uniquement par application de la 'troncation' qui affecte toutes les voyelles finales en verlan. Ce comportement de chva se laisse interpreter sans difficult6 ~ partir du moment oft I'on consid~re que la contrainte de maintien du ~ Si la s~quence/j'a/~tait associ6e h la premiere more d'un dissyllabe, la seule forme qu'on puisse oblenir sans croisement serait, avec une ~penth~sefinale, [,.fatty]. Un tel codage serait lui aussi trop transparent pour convenir. ~ Les seuls exemples de ce type attest(:s dans le corpus sont deseendre > [st~dr~del et possible > [siblmpo], qui comprennent un groupe OL, et dehors > [rar~dm], si l'on interpd~tecorreetemeut une forme dont on a seulement une transcription orlhographique (roredetO.

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poids morique induit le choix de schemes dont toutcs les positions doivent ~tre samr6es. On verra ci-dessous (en 3.2.3) que cette hypoth~se que c'est la forint du scheme qui impose en verlan le maintien des chvas permet de rendre compte ra~me des cas oh chva est conserve devant voyelle. Pour ce qui est maintenant de la "troncation', elle r6sulte simplement de l'6quivalence pond6rale e~ltre voyelles et consonnes finales, qui laisse souvent, eomme on vient de le voir, le choix entre deux schemes. Pour reprendre l'exemple de chatte, on con~oit facilement que si le/J'/est reli6 ~ une more que l'on d6finira provisoirement ici comme la coda d'une syllabe ferm6e, le/a/, ne trouvant pas de position suppl6mentaire qui puisse l'aecueillir, ne se r6alise pas phon6tiquement. Ce qui vaut pour chatte > [tceJ] vaut 6videmment aussi pour bidon > [d6b] ou pour d6gueulasse > [lasdeg]. On comprend aussi sans difficult6 que seule une voyelle puisse ainsi disparaitre: si la consonne pr6c6dente disparaissait aussi, ou, a fortiori, si plusieurs autres segments 6taient 'tronqu6s', le poids morique ne serait pas conserv6. En guise d'illustration, voici les repr6sentations de [tce.la] et de [toeJ']: (16) Types chatte > [wefa] et chatte > ltcefl fg

o2

J ' a t / l~ / a/ la

la

t~

t~

Ja

i/{at la

la t~

On voit aussi que deux ph6nom~nes qui, dans l'approche courante, requ&aient Fintervention de r~gles particuli~res d6coulent sans qu'on ait rien h stipuler de l'hypoth~se que la m6lodie originelle est associ6e h un sch&me ayant le m~me poids morique que le mot d'origine (mais qui n'a pas ngcessairement la m&me structure syllabique). 3.2.2. L e m o t verlan c o m m e mot minimal

Des recherches r6centes (cf. notamment McCarthy et Prince, 1986, 1990) ont montr6 que la notion de mot minimal avait souvent une imporiance cruciale en morphologie. Pour faire bref, dans un mot, la s~quence des 616ments m61odiques est surmontEe par une structure prosodique hi~rarchis~e, dont les niveaux sont, par ord~ d6croissant, ceux du mot prosodique, des pieds, des syllabes et des mores. Chaque cat6gorie d'un niveau donn~ est constitu6e d'une s6quence de categories du niveau imm6diatement inf6rieur (plus, 6ventuellement, un 61~ment surnumEraire h une extr6mit6). De ce fait, un mot comprend nEcessairement un pied, qui peut lui-m6me prendre une forme minimale (laquelle comportera au moins une syllabe) et une forme maximale. Le mot minimal est donc un pied, qui peut varier entre deux seuils conform~ment ~t l'inventaire des pieds admis dans la langue consid~r~e. Des indices concordants permettent de penser qu'en fran~ais, le pied minimal (c'est-'~-dire la forme minimale du mot minimal) est un pied bimorique comportant

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au moins une sequence CV. C'est du moins 1~ ce que sugg~re l'oralisation des sigles, car un sigle n'est oralis6 par lecture qu'h partir du moment o,', cette lecture aboutit au moins ~t une forme de ce type (les sigles en VC, CV, VV et VVC sont Epel~s et non pas lus; cf. Pl6nat (1993)). C'est aussi ce que sugg~rent les mots tbrm6s par apocope: les apocopes en VC (comme/d pour idiot) et en CV (comme ya pour yatagan) sont extr~mement peu frEquentes. Quand au pied maximal (c'est-h-dire la forme maximale du mot minimal), c'est sans doute un pied dissyllabique auquel peut venir s'adjoindre une syllabe surnumEraire. C'est en tout casque laissent penser encore une Ibis l'oralisation des sigles et les apocopes. 11 est tr~s rare que l'on Epelle un sigle syllabable qui comporte plus de trois leures. Comme dans l'oralisation par Epellation chaque lettre compte pour une syllabe, trois syllabes constituent donc un seuil au delh duquel on 6prouve le besoin d'accourcir la forme en la lisant. Tout se passe donc comme si, en oralisant un sigle, un locuteur visait ~ produire un mot minimal tel qu'on vient de le d6finir (cf. PIEnat, ibid.). De son c6t6, Weeda (1992) a montr6 que Its apocopes atteignaient au plus trois syllabes, et que ce maximum 6tait en fait trbs rarement atteint. L~ aussi tout se passe comme si, en formant une apocope, un locuteur tendait ~ respecter le scheme du mot minimal. Si i'on accepte I'idEe que le scheme auquel est associde la m~lodie originelle lors de la raise en verlan doit se conformer ?t la ddfinition dtt mot minimal que I'on vient de donner, on se met d'abord en position de commencer ~t expliquer le codage des monosyllabes ouverts. Dans I'approche d~fendue ici, le cryptage de ces mots est le seul o~ le poids de la forme rEsultante exc~de celui de la forme d'origine: [uf] p~se deux mores, alors que fou n'en p~se qu'une. C'est prEcisEment !~ ce que prEdit I'hypoth/:se qu'un mot verlan dolt ~tre un mot minimal. Certes, cette hypoth~se ne permet pas "helle seule de rendre compte du fait que la mflodie ne soit pas associ~e "hun sch6me comportant deux syllabes ouvertes (ce qui donnerait pour fou [ufu] ou [fufu]) ou que son association ~ une syllabe ferm~e n'aboutisse pas ,~ [fuf]. Pour 6carter ces formes, on e n e s t r6duit 'h conjecturer soit que, comprenant la sequence /fu/, elles seraient trop reconnaissables, soit que, contenant deux occurrences d'un mEme segment, elles pourraicnt 6tre interprEt6es comme issues de propagations du /u/ et/ou du /f/ et donc de croisements, soit encore, plus simplement peut-6tre, qu'elles ne respecten,t pas la consigne explicite enjoignant de mettre le mot '~ l'envers'. On laissera ici ce point en suspens. Mais le poids morique de [uf] est bien celui de la forme minimale du mot minimal du franqais. Comme on l'a d6jh laiss6 entendre plus haut (cf. 2.5), le fait que les formes comme [uf] se comportent comme des mots en 'h aspir6' constitue peut-~tre un argument en faveur de ce traitement des monosyllabes ouverts. On vient d'indiquer cidessus que le pied minimal du franqais devait comporter une s6quence CV. Or il semble prEcisEment que le "h aspirE' puisse jouer le r61e de la consonne initiale de cette s6quence: les apocopes en VC commen~ant par un 'h aspirE' sont les seules apocopes en VC qui soient commun~ment employees (cf. hand, hard, hasch, Ho//), et Fun des seuls sigles qui soit oralis6 en [VC] est/e H.A.C. 11 est donc possible que le "h aspirE' des formes verlanes du type [uf] soit l~t pour satisfaire cette seconde exigence du mot minimal. S'il est exact que les formes comme [wes] (dejouer) se pas-

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sent de 'h aspir6", ce peut ~tre parce que la semi-voyelle y joue le r61e de la consonne dont la pr6sence est n6cessaire. Voici en guise d'illustration la repr6sentation que l'on est amen6 h donner ~t [ufl (le coup de glotte figure ici le 'h aspir6'): (17)

T y p e f o u > [uf] 2

,L
J

u

En second lieu, on a vu ci-dessus que les mots de plus de trois syllabes ne se pr~talent pas h la mise en verlan et que certains locutenrs refusaient m6me d'admettre q u ' o n puisse crypter les trisyllabes. Dans l'approche d6fendue ici, cette exclusion s'explique ais6ment: il est difficile de r6duire un quadrisyllabe anx trois syllabes de la forme maximale du mot minimal sans enfreindre du mSme coup le principe de conservation du poids morique) 6 On a sugg6r6 d'autre part que la forme stricte du pied maximal en fran~ais 6tait un dissyllabe et que la troisi~me syllabe 6tait sumum6raire. I1 est possible que les locuteurs qui nient qu'on puisse mettre en verlan les trisyilabes aient adopt6 pour scheme cette forme stricte du pied maximal. Enfin, on a vu plus baut que I'impossibilit6 d'obtenir une forme ~ ~penth~se comme [toesigare] "~ partir de cigarette ne se laissait sans doute interpr6ter que comme I'indice que la contrainte de taille qui p~se sur le verlan p~se plut6t sur la forme crypt6e que sur son ~tymon. L'id6e que, dans la mise en verlan, la m61odie originelle est associ~e i~ un scheme de mot minimal est enti~rement conforme h cette interpr6tation. Dans ce cas, le poids morique serait conserv6 (t igarette et [t0esigare] valent chacun quatre mores), mais la forme cod6e exc~de d ' u n e syllabe la longueur maximale du mot minimal, t? L'usage qui est fait ici des contradictions entre le pdncipe de conservation dn poids morique et celui qui veut que le mot verlan soit aussi un mot minimal est quelque peu paradoxal, puisque ces contradictions servent ~t expliquer ~ la lois l'apparition de formes qu'on n'attend pas et I'absence de formes qu'on attend. S'il s'6tait trouv6 que les monosyllabes ouverts ne fussent jamais crypt6s et clue ies t6trasyilabes le fussent au prix d'une perte pond&ale, on aurait pu invoquer le m~me type de contradiction. I1 convien-

t6 II faudrait pour cela supprimer une voyelle et faire passer une attaque en position de coda. Par exemple, catamaran (4 mores) pourrait donner ainsi maJx'ata ou tamaranc (qui font aussi 4 mores). On verra ci-dessous qu'il est probable qu'une attaque ne pent pas devenir une consonne codique, ce qui exclut marcata. On n'a pas les moyens iei d'exclure tamaranc, car on verra aussi qu'une attaque passe librement en position finale de mot; mais le corpus est trop ~.troit pour qu'on soit assur~ qu'une telle tbrme ne puisse pas apparai+re. 17 Mutaka et Hyman (1990) font 6tat en kinand6 d'un processus de ~duplieation qui ne prend pas effet quand la forme ~ redoubler est trop longue pour entrer darts le scheme qui dolt accueillir sa seconde occurrence.

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drait donc d'expliquer en quoi le gain d'une more dans.fou > [uf] est plus supportable que la perte d'une more dans catamaran > ?[r0.kata]. On lais~ra ici ce point en suspens. 3.2.3. Les voyelles initiales Dans I'approche propos6e ici, les mots ~t initiale vocalique soul,vent deux difficult6s, I'une qui lui est commune avec l'approche courante, I'autre qui lui est sp~cifique. On vient de voir qu'il existe de bonnes raisons de penser que le scheme utilis~ par le verlan doit peser le m~me poids morique que la forme originelle. Certains mots b_ initiale vocalique semblent cependant faire exception sur ce point. Si l'on continue de compter les mores comme pr~c~demment, dans ici > [iis], on passe de deux mores h trois; inversement, dans ~cole > [k~le] ou dans arrache > [,fara], le nombre des mores semble diminuer et passer de trois b. deux. La seconde difficult6 a d6jb. 6t6 signal6e darts la premiere partie (cf. 2.7). Elle r6side dans le fait qu'il semble bien que la voyelle initiale puisse rester 6trang~re au cryptage. C'est du moins ce que sugg~rent des mises en verlan comme ici > [iis], arrdte > [atoere] ou dcouter > [eteku], et, plus dramatiquement encore, le codage de arabe en [boer]. II para~t assez plausible que ces particularit~s d~coulent du fair qu'une voyelle initiale jouit, ou peut iouir, en franqais d'un slatut prosodique parliculier, qu'elle est, ou peut ~tre, comme on dit, extra-prosodique. ~8 lmaginons en effet que les voyelles initiales puissent ne pas entrer dans le d6compte des mores. Darts cette hypoth~se, la diff6rence entre ici et [iis] subsiste bien: [iis| fait deux mores quand ici n'en fair plus qu'une. Mais on a vu que la contrainte de conformit6 au mot minimal imposait aux formes monomoriques un codage bimorique, et la diff6rence de poids entre [(i)si] et [(i)is] s'explique alors de la m~me far, on que celle qui s~pare [fu] et [ut]. Si, d'autre part, on admet qu'il arrive que les voyelles initiales n'entrent pas dans le d~compte des mores, &'o/e et arrache (i.e; [(e)kzl] et [(a)raJ']) peuvent ne compter que pour deux mores, ce qui est aussi le poids de leurs formes crypt6es [k~le] et [J'ara]. Dans ce cas, la forme d'origine satisfaisant d6jb. les contraintes pond6rales pesant sur le mot minimal, son poids morique est conserv6 dans la forme cod6e et il n'est pas besoin de recourir h I'~penth~se. L'hypoth~se permet donc de rendre compte h la lois des cas d'exc~dent pond~ral et des cas de d6ficit. Duns ce cadre, le maintien du chva darts des codages comme Anne > [noea] ne soul~ve plus de difficult6 majeure. Que le [a/initial de Anne entre ou n'entre pas dans 1'6valuation du poids du mot, la forme cod6e dolt, en tant que mot minimal, comporter au moins deux mores. II est donc exclu que l'on recoure dans ce c a s h un simple retournement de la s6quence, qui donnerait la forme monomorique [na]. 19 Comme, d'autre part, ainsi qu'on I'a vu, un chva qui vient remplir une position morique ne disparaTt pas, on doit s'attendre "h ce que celui qui est associ6 'h la premiere more dans une forme comme [noeal demeure en place. Le codage de herbe en [boeer] ne s'expliquc pas de cette far, on: s'il est vrai que, la voyelle initiale ne comp-

Ls Cf. Mutaka et Hyman (1990) pour un cas un peu analogue d'extraprosodicit6 des voyelles initiales en kinand6. 19 Commeon !'a vu, duns le corpus, or donne, exceptionnellement, [ro]. Mais on a avanc6 I'hypoth~:se que les liquides initiales pouv~fientcompter pour une more (cf. Pl6nat, 1993).

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tant pas, herbe peut valoir deux mores, un codage en [ber] doit ~tre possible. Mais ce n'est pas un rbgle absolue qo'une voyelle initiale n'entre pas dans le d6compte des more t, et I'on reste libre de supposer que [bceer] r~sulte de l'association de he,'he (analys6 en trois mores) ~t un scheme trimorique. S'il s'av6rait que [ber] f0t vrair, aent impossible, il suffirait sans doute de poser que la voyelle initiale d'un mon, syl~,abe compte toujours pour r6gler ce cas. /~ alheureusement, il n'est pas suffisant de supposer qu'une vo)elle initiale peut ne pas ~'ntrer dans le d6compte des mores pour rendre compte de codages comme [iis], [at,'re] ou [eteku]. Darts ce second type de formes, rien ne permet de dire que la vc~yelle initiale entre ou n'entre pas dans ce d(:compte, puisque ia voyelle inifiale du mot d'origine reste initiale darts la forme cod6e. Mais il faut pr~cis~ment supposer que la voyelle htitiale peut passer tel!e quelle dans la forme cod~e et rester 'invisible' lors du cryptage effectif, qui rt'affeeterai~ que le reste de la forme, Enfin, pour expliquer [boer], on est amen6 i~ conjecturer aue, comme darts le premier cas, la voyelle initiale du mot d'origine n'entre pas dans le aecoaip~c aes niorCs (sinon le poids du mot d'origine exc6derait d'une more c e h i de la forme cod6e) et que, comme dans le second, le codage ne commence qu'avec la premiere consonne, mais sans que, cette fois, la voyelle initiale passe dans la forme co,:lde. Autrement dit, il semble que I'on doive faire appel h deux notions distinctes d'extra-prosodicit6. On est en droit de supposer que, dans les trois cas. la voyelle initiale n'entre pas dans le d6compte des mores. Mais cette voyelle qui ne compte pas serait tant6t incluse dans le mot prosodique (et serait alors 'visible' Iors du codage), et tant6t exclue de ce mot (et resterait alors 'invisible', ~ ceci pros qu'eUe pourrait, variablement, passer ou ne pas passer en premiere position dans !a forme cod6e). On trouvera en (18) ci-dessous les repr6sentations auxqueltes on aboutit ainsi pour [kale], [at~rel et [boerl (les crochets d~limitent le mot prosodique, les parentheses entourent les voyelles qui n'entrent pas darts le d~compte des mores darts la forme d'origine et dans le mot cod6). (18) Types ~cole > [kale], arr~te > [atwre] et arabe > [baer] (a) [(e) V l ( e ) k a v ~t

p

l]

(b)(a)[ I r e i / (a)

p

~/e t] ~

(c) (a) [r a b / p

~ a b] p

Ajoutons enfin que, comme on l'a vu ci-dessus (cf. 2.7), il existe des mots ~ initiale vocalique comme herbe (qui est crypt6 en [boeer]), arm~e (qui donne [meat] ou ~tranger (qui fait [3eetr~]) dont le comportement est le m~me que celui des mots '~ initiale consonantique et dans lesquels on est oblig6 de consid6rer que la voyelle initiale n'est pas extra-prosodique2 ° ~ II est crucial que le /e/ initial de 6nerv~ entre dans le d~comptedes mores si I'on doit. commeon I'a fait ci-dessus,expliquer le/v/final de [venery] par le principe de conservationdu poids morique. En revanche, la funne eoncurrente [vener], attest~eelle aussi, supposeque la voyelle initiale puisse ne pas compter.

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Peut-Stre des donn6es num6riquement plus importantes permettraient-elles de mienx cerner les probl~mes soulev6s par les voyelles initiales et de proposer une description plus simple de leur comportement. Mais peut-6tre aussi 1'6trange faiblesse num6rique des mots ~t initiale vocalique dans le corpus est-elle li6e au fait que les Iocuteurs 6prouvent des difficult6s r6elles ~ coder ces mots en raison de la variabilit6 du statut de ces voyelles.

3.3. Une contrainte so'ucturelle On fera ici l'hypoth~se que, Iors de la mise en verlan, une consonne doit, malgr( certaines apparences conO'ah'es, retrouver dans la forme crypt~e la m~me position syllabique que celle qu'elle occupe clans la forme origbzelle. Autrement dit, une attaque semit condamn6e ~ demeurer une attaque et une coda, une coda. S'il en est ainsi, il est clair que les latitudes laissfes au schbme par les contraintes pondfrales se trouvent s6v6rement limitfes, puisqu'il doit comprendre autant de syllabes ferm6es que la forme d'origine.

3.3.1. Le transfert des positions Les contraintes pond6rales de conservation du poids morique et de conformit6 au mot minimal laissent trop de libert6 dans le choix du scheme. Si elles jouaient seules, on s'attendrait h ce qu'il soit toujours vrai qu'on puisse, pour obtenir deux mores, hfsiter entre un scheme pr6sentant une syllabe ferm6e et un schbme comportant deux syllabes ouvertes - ~ partir du moment du moins oO la m a x i m e de non croisement est respect6e. Or tel n'est pas le cas. Des mots comme carton ou basto:~, par exemple, ne sont jamais cod6s, h ma connaissance du moins, en [roet~Ska] / [roet~k] ou [s~et6ba] / [soet6b], bien que ces codages respectent h la fois la m a x i m e de non-croisement et les contraintes pond6rales (ils comportent trois mores comme les formes originelles et aucun d'eux ne comprend plus de trois syllabes). En sens inverse, un mot comme rigolo ne donne j a m a i s non plus, que je sache, de formes cod6es c o m m e [galri] ou [Izrgo], alors que ces codages respectent eux aussi ces m~mes contraintes. 2~ En fair, abstraction faite de cas nettement exceptionnels comme vieille > [jevje], on ne constate j a m a i s d'accroissement du nombre des syllabes qui ne provienne pas de l'6penth~se d'un chva cons6cutive au d~placement d ' u n e consonne finale (comme dans chatte > [meJal), ni de rfduction de ce nombre qui ne rfsulte pas de la 'troncation' d'une voyelle finale (comme dans bidon > [dfb]). En serait-il autrement d'ailleurs, que I'hypoth~se de l'6penth~se finale et de la troncation n'aurait probablement jamais v u l e jour. On ne proposera bien 6videmment pas ici un retour h I'approche courante. On fera plut6t remarque~ que les formes fautives ~nutn~r~,es dans le precedent para-

21 On lrouve en fail des cryplages comme dt~fi'mc~> [f6sdel+d~pouillt~> [pujde], rigoler > [galri]. Mais ce sont, sauf erreur, toujours de~ voyelles flexionnelles qui "tombent+' e! il me parait probable qu'on a affaire Ih h I'utilisation. fr~quente en verlan, d'un¢ forme flexionnelle pour une autre et quc les v~ritables ~tymons de ees cryptages sont d('fonce+ ddpouilh, et rigole. Le l~aitque l'on trouve aussi fatigu~ > [g~tifal me confirme dans cette opinion: [g~etifa]ne peut p~ovenirque de fatigue.

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graphe ont ceci de commun qu'une consonne n'y retrouve pas la position syllabique qu'elle occupait dans la forme originelle: dans [roet6ka] / [roet6k] et [scet6bal / [s0et6b], une consonne codique - on comprendra pour le moment sous ce terme b. la lois le/~1 de carton et l e / s / d e baston - passe en position d'attaque, tandis que, dans le cryptage de rigolo, le/1/ou le/r/, qui ~taient des attaques, deviennent des codas (cf. [golri] et [Iorgo]). Si I'on veut bien admettre qu'une consonne doit conserver sa position originelle, ces deux types de formes sont 6cartEes ipso facto les unes et les autres. 22 Cette contrainte sur le transfert des consonnes (pour reprendre le terme de Clements (1985)) n'est pas posse ici pour les besoins de la cause. II a 6t6 montr6 (PI~nat, 1984) qu'en fran~ais, les consonnes des hypocoristiques ~ redoublement reprennent dans leur syllabe d'accueil la position qu'elles avaient darts leur syllabe d'origine. Et St6riade (1988), de son c6t~, a d~montr~ d'une faqon tr~s convaincante que c'~tait 1~ une propri6t~ courante darts certains ph6nom~nes oO un mot est adapt6 h u n scheme nouveau. La diff6rence qui s6pare la position de St~riade de celle qui est d6velopp~e ici, c'est que St~riade pense pouvoir d~river d'autres principes le maintien des consonnes dans une position conforme ,~ lear position darts l'~tymon, tandis que, dans le present article, on fait de cette contrainte une primitive. II est clair que si l'on a raison sur ce point, cette contrainte sur le tranfert des consonnes, en induisant une contrainte sur le choix des sch6mes a priori disponibles du fait de leur poids, 6cartera les formes que l'on veut 6carter. Mais il est non moins clair qu'~ premiere rue, cette m~me contrainte ~earte aussi des cryptages dont ia l~gitimit6 ne fait aucun doute. A chaque fois que le d6placement d'une consonne finale donne lieu a une 6penth~se, cette m~me consonne passe, apparemment du moins, d'une position de coda ~ une position d'attaque (cf. l e / t / dans chatte > [tceJ'a]). lnversement, toutes les fois qu'une voyelle finale est 'tronqu6e', la consonne qui la precede, qui ~tait une attaque, devient, semble-t-il, une coda (cf. l e / b / d a n s bidon > [d0b]). Autrement dit, on doit revenir encore une fois sur les ph~nom~nes d'6penth6se et de troncation. Si elle peut expliquer leur existence, la contrainte de maintien du poids morique ne peut en aucun cas permettre de rendre compte de leur localisation. 3.3.2. Les groupes de consonnes

Avant de proposer une solution, il est n6cessaire de faire un d6tour par la phonologie des groupes consonantiques internes et finaux. Dell (1993) fait une remarque fondamentale sur les contraintes phonotactiques auxquelles sont soumis ces groupes: ils se laissent tous analyser comme une s6quence form6e d'une consonne suivie d'une ou plusieurs consonnes pouvant constituer une attaque. Par exemple, pour prendre un cas extr6me, le groupe interne de extra ou le groupe final de dextre se laissent d6crire comme un/k/suivi du groupe/str/, que l'on trouve aussi au d6but de strict ou de structure, o0 il forme une attaque. Cette constatation sugg~re qu'une rime proprement dite comporte au plus deux positions dont la demi~re pout ~tre 22 On trouvequelquesexceptionsdarts le corpus.Par exemple,~nerver y esl cod~ sous la forme vdndrer, ave¢ un passagedu r d'une positionde coda fi une positiond'attaque.

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occupEe par une c o n s o n n e et qu'b. la fin du mot, o n peut avoir une attaque sans rime? 3 D a n s bien des cas, l'observation de Dell ne laisse gu~re de doutes sur la syllabation de ces g r o u p e s internes ou finaux. T o u s c e u x d ' e n t r e eux qui ne peuvent pas figurer en premiere position d a n s le mot doivent &re analyses c o m m e une c o n s o n n e c o d i q u e suivie d ' u n e attaque. Entrent par exemple d a n s cette cat6gorie 5_ la fois les g r o u p e s Iourds c o m m e / k s t r / e t les g r o u p e s en liquide + obstruante. Dans d ' a u t r e s cas, la r e m a r q u e de Dell tie suffit pas b. e m p o r t e r la decision, mais d ' a u t r e s ph6nom~ncs sont I~ qui donnent des indications assez claires p o u r que le doute ne soit pas permis. Ainsi les g r o u p e s en obstruante + liquide constituent-ils ~ c o u p stir des attaques, m~me si la r e m a r q u e de Dell laisserait la possibilit6 de les analyser en une c o d a suivie d ' u n e c o n s o n n e d ' a t t a q u e . Mais rien n ' o b l i g e a b s o l u m e n t ~ considErer que les g r o u p e s lbrmEs de d e u x obstruantes (ou d ' u n e obstruante et d ' u n e c o n s o n n e nasale) doivent 6tre analyses d ' u n e faqon plutEt que d ' u n e autre. Si I ' o n a d m e t que, loin de rEsulter d ' u n dEfaut d ' a n a l y s e , l'ambigu~'tE de ces g r o u p e s leur est constitutive, on se met en position d ' e x p l i q u e r leur double c o m p o r tement en verlan ( e t e n Ioucherbem). O n a vu ci-dessus (cf. 2.3) que, contrairement ce qui se passe a v e c les g r o u p e s O L ou LO, les g r o u p e s O O sont susceptibles de deux traitements: le plus souvent, la premiere obstruante reste solidaire de la seconde (cf. baston > [stEba], veste > [stoeve]), mais il arrive que le groupe soit scind6 (cf. suspect > [pesys], veste > [tcev~;s]). Ce double c o m p o r t e m e n t s ' e x p l i q u e p a r f a i t e m e n t si un g r o u p e O O interne ou final peut soit constituer une attaque c o m plexe, soit consister en une c o n s o n n e c o d i q u e suivie d ' u n e attaque. C o m m e les c o n s o n n e s doivent retrouver d a n s leur syllabe d ' a c c u e i l la position q u ' e l l e s avaient d a n s leur syllabe d ' o r i g i n e , les deux obstruantes restent solidaiies ( c o m m e les 616merits d ' u n g r o u p e OL) q u a n d elles forment une attaque complexe, alors que, Iorq u ' e ! ! e s sonl hgterosyllabiques, rien ne les emp~che de se s6parer ( c o m m e les 414m e n t s d ' u n g r o u p e LO). 3.3.3. Les consonnes finales O n proposera ici de rEsoudre les probl~mes soulevEs par la Iocalisation de 1'Epenth~se et de la "troncation" en Etendant aux c o n s o n n e s finales I'analyse qui vient d'Etre faite des g r o u p e s O O . A u c u n e consideration phonotactique n ' e m p E c h e de considErer une c o n s o n n e finale tantEt c o m m e une coda, tantEt c o m m e une attaque sans rime. 2~ Chatte, par exemple, peut ~tre analyse soil en/.[at + 0/(c'est-f_-dire avec

-'~ Dans PIEnat ~1987). j'ai suppost~un peu vile qu'en fran~ais standard comme en franqais mEridional. la seconde position de la rime ne pouvail tire oceupEe que par une sonante. Les arguments sur lesquels je me fondais me paraissent mainlenant un peu minces pour mainlenir cette hypoth~se. -'~ Une objection possible: dans le cas oil la voyelle esl longue el occupe deux positions, la eonsonne finale ne devrait pouvoir ~tre analysEe que d'une seule fa~;on,comme une attaque sans ~-ime.On s'anendrait donc, si les positions des consonnes doivent donner lieu "aun trunsfert, ~lce que balance ou t'ollante, avec une voyelle nasale Iongue en fran~ais standard, ne puisse pas donner llasbal ou II0tkol, ce qu'ils fonl pourtant. Reste "~savoir si les voyelles nasales des jeunes gEnErationspeuvent encore ~tre analysEes comme des voyelles longues.

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une rime complexe sans appendice en forme d'attaque), spit en/.[a¢~ + t/(c'est-b.-dire avec une rime simple, mais suivie d'un tel appendice). Comme on l'a vu ci-dessus, le cryptage des monosyllabes fermEs ne laisse pas grande libertE au Iocu;eur, qui dolt mettre la consonne finale en premiere position dans la forme cod6e. Cette nEcessitE le contraint en quelque sorte ~t analyser la consonne finale de la forme originel!e comme une attaque, qui retrouve, en passant en premiere position dans la forme codEe, une position Equivalente. De m~me, la consonne initiale d'un mot monosyllabique, qui est une attaque, retrouve une position d'attaque d a m la forme crypt~e, que la voyelle originelle spit conservEe ou non. Pour prendre un exemple, on peut constater que dans/t0e.Ja/comme dans/toe.f/, les consonnes [ t / e t / J ' / o c c u p e m une position ~quivalente ~ celle qu'elles occupent dans chatte, ~ partir du moment o~t ce mot est syllab6 en/J'a.t/. Darts ce cas, toutes les consonnes sont et restent des attaques. Le cas des dissyllabes est un peu different. Pour coder un mot comme rambouille, il esi Ioisible au Iocuteur de c,~rt,~nencer par le/b/, ce qui lui pelmet de taire du yod une consonne codique, qui occupera une position Equivalente dans [bujtfi]; mais cette analyse n ' a rien de nEcessaire, puisque tambouille peut donner 6galement [bujtet6], oh le yod est analyse comme une attaque, ainsi qu'il l'est aussi quand le mot est cryptE en [joet~bu]. On a vu ci-dessus pourquoi le dEplacement d'une consonne finale en position d'attaque rendait l'6penth~se n~cessaire si la contrainte de non-croisement devait etre respectEe. On ne reviendra pas sur ce sujet. Mais on comprend maintenant pourquoi la contrainte sur le transfert des positions n'autorise I'Epenth~se que Iors du dEplacement d'une consonne finale, et pourquoi, obligatoire ou presque avec les monosyllabes fermEs, cette operation est seulement facultative avee les dissyllabes: c'est que les consonnes finales doivent (dans le cas des premiers) on peuvent (dans le cas des seconds) ~tre analys6es comme des attaques. -'5 Le fait que la 'troncation' ne puisse avoir lieu qu'en position finale s'explique d'une faqon analogue. A partir du moment oh l'on admet que les consonnes finales peuvent avoir le statut d'une altaque, on con~oit facileme:tt qu'une consonne d'attaque puisse ~tre associEe ~t la demi~re consonne d ' u n scheme. C'est ce qui a lieu dans bidon > [d5b] et t o u s l e s exemples analogues. En revanche, comme on I'a vu, une °troncation' interne provoquerait l'apparition d'un groupe consonantique au sein duquel l'attaque prEcEdant la voyelle "tronqu~e' perdrait son statut d'attaque. L'explication dEfendue ici repose fondamentalement sur deux hypotheses dont on a besoin par ailleurs: I'id~e que, lors de l'association d'une mEIodie h u n scheme, les consonnes conservent normalement le type de position qu'elles occupent dans leur syllabe d'origine et celle qui veut qu'en fram;ais, certaines s~quences soient sylla-

.,5 En fait. la contrainte sur le transfert des positions ne suffi~ pas ~ emp~cher routes les ~penth~:ses concevables qui ne sont pas attest6es. On pourrait concevoirque tomes les voyelles du mot d'origine, ou une partie d'entre elles, soient remplac~espar des voyelles 6penth6tiques.Bidon, par exemple pourrait ce compte donner [doebi], [d~b~e[ou [dmbm'].Mais il va de soi que ces formes contreviendraient it la maxime d'exhaustiviM. Les cas oh un chva semble se substituer ~,une voyelle du mot d'origine doivent ~tre analys6s comme des eryptages de roots ddj~ crypt6s une premiere fois: [rceb0el provient non pas directement de arabe, mais de beur.

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babies de deux fa~ons diff6rentes. Le seul c o u p de pouce dont on air eu besoin a consist6 b, supposer que cette ambigffit6 s'Etend aux c o n s o n n e s finales simples. Cette extension para'it assez naturelle, m a i s on aimerait lui trouver des justifications ind6pendantes. 26

3.3.4. Les croisements O n a fail 6tat, b. la fin de la premibre partie, d ' u n certain nombre de formes margir~ales que l ' a p p r o c h e courante serait bien en peine d'expliquer. Bon nombre d ' e n t r e elles trouvent d a n s le pr6sent cadre une explication plut6t satisfaisante "~ parti~- du m o m e n t o~ I'on reconnai't q u ' e n franqais - particuli6rement d a n s les jeux de langages - la contrainte de non-croisement a d m e t des exceptions, que celles-ci soient m o t i v f e s p a r une contrainte contradictoire (cf. le type vieille > [j~v]). ou n o n (cf. le cas de vieille > [je.vje]). Des exemples venant d ' a u t r e s langages secrets que le verlan m o n t r e n t que ces affaiblissements de la contrainte de non-croisement touchent essentiellement des segments qui n ' o c c u p e n t pas la m~me position d a n s leurs syllabes d ' o r i g i n e . Ainsi, en loucherbem, peut-on trouver un c r y p t a g e c o m m e lanterne > [161art0ene], o~t l ' o n observe des croisements non-seulement entre voyelles et consonnes, mais aussi entre une c o n s o n n e d ' a t t a q u e et une c o n s o n n e codique (cf. Pl6nat, 1985). De m ~ m e rencontre-t-on en j a v a n a i s des c o d a g e s c o m m e com'ersation > [k6v~rsev~;rsavativj6], off l ' o n peut constater les mf~mes ph6nom~nes (cf. PIEnat, 1983). Cette observation permet de rendre c o m p t e de la plupart des cas o~, c o m m e d a n s merde > [derm],film > [m0elfl ou dij~cile > [sifildil/[sifild], une liquide codique semble 6 m i g r e r d a n s une syllabe voisine. L a mise en verlan consiste essentiellement en I'association de la m61odie '~ un patron prosodique n o u v e a u qui doit constituer un m o t minimal, c o m prendre le m~me h o m b r e de mores que le mot d ' o r i g i n e et accueillir les c o n s o n n e s de celui-ci d a n s des positions syllabiques de m~me type que cclles qu'elles occupaient. De ce point de vue, un scheme C V C C convient parfaitement au c r y p t a g e de merde et d e f i l m et un schbme C V C V C C V ou C V C V C C b, celui de difficile. La seule particularit6 notable de ces eryptages m a r g i n a u x , c ' e s t que la eontrainte de non-croisement, contrairement ~, ce qui se passe habituellement, n ' y est pas observ6e. Mais

26 On aimerait en particulier rapprocher ce qui a 6t6 dit de 1'6penth~se du fait que la voyelle 6penlh6tique du verlan n'est pas soumise ,5 la r~gle d'ajustement de chva en syllabe ferm6e (ef. Morin, 1988: 187-188). Dans I'explication propos~:e ici, aucun chva 6penth6tique ne peut prt~c6der une consonne codique: dans It0eJ'l (de chatte) comme dans {kcestil tde stivL), ie/oz/precede un 616ment quL ~lant une attaque dans le mot origineL est toujours une attaque duns la forme cod6e. Mais on sail que la "cl6ture' de la syllabe qui provoque i'ajustement de chva n'est pas nEcessairement une consonne codique (cf. les alternances comme enh,ver IQIoevel/enh;veriezIQlevazrjcl,piqueter Ipikcetel/piquet Ipikel). II conviendrait donc, si I'on voulait relier l'invariabilit~ du timbre de la voyeUe 6penth6tique du verlan au fail qu'elle prEc~ae toujours une auaque, de montrer que I'ajustement n'a pas lieu dans ce cas. Cette analyse pr6dil, en particulier, qu'une consonne finale ayant un stalut ambigu, un chva peut prendre devant elle soil le timbre [el soit le timl~re loci. II existe de fait des doublets comme [SCeSEtl/[sce3oet] pour ie jette (cf. Morin, ibid.). Mais les ~"ormessans ajuslement paraissent trop marginales pour qu'on ~'taye sur elles une argumentation, II est probable, en fin de compte, que I'ajustement de chva soit. comme le veul Morin, un ph6nom~ne tr~:smor0bologis6 et que ce soil pour cette raison qu'il n'appara]t pas en verlan.

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ce qui appara~t comme la migration d'une consonne codique rEsulte nEcessairement du choix d'un scheme monosyllabique dans le cas de merde et d e f i l m . Les cas, signalEs 6galement ~ la fin de la premiere pattie, off une consonne d'attaque semble elle aussi 6migrer ne sont pas non plus tr~s difficiles h expliquer. Dans assurer > [syera] (au lieu de [syreal) ou Joachim > [kimoa3] (au lieu de [kim3oal), du fait de l'hiatus, l e / r / e t l e / 3 / n e croisent aucune autre consonne. En outre, dans /syera/, le/r/retrouve une position d'attaque qu'il occupait d~j~ dans assurer, et dans /kimoa5/, le/3/passe de la position d'attaque qu'il a dans Joachim h une position de consonne finale ana!ysable elle aussi comme une position d'attaque, t~ndis qu'~ Finverse, le/mL qui se trouvait en fin de mot, trouve une position d'attaque. Matraqae > [trakam] se laisse analyser d'une faqon analogue, l e / k / e t le/m/~changeant leurs positions d'attaque interne et d'attaque finale. Le cas le plus intEressant est peut-~tre celui dehors > [rzroedoe] (transcription phon~tiqne d'nne forme qui se trouve orthographiEe en roredeu dans le corpus). Le redoublement d u / r / e n position d'attaque suppose que ce segment air 6t6 analyse comme une attaque finale, et c'est aussi ce que suppose le fait qu'apparemment, une 6penthEse ait eu lieu. I1 n'y a pas lieu de conf~rer ~ ces codages marginaux une importance d~mesur~e. Mais c'est tout de m~me avec satisfaction qu'on constate qu'ils s'expliquent par l'affaiblissement d'un principe de non-croisement dont on sait par ailleurs qu'il ne r~git pas les jeux de langage d'une mani~re absolue. Hormis ce principe, ces formes respectent les contraintes qui p~sent sur le verlan. Elles observent en particulier la contrainte structurelle qui impose au scheme d'accueillir les consonnes dans une position 6quivalente ~ celles qu'elles occupaient, si du moins on consent ~ admettre qu'une consonne finale peut ~tre analys6e comme une attaque. 27

4. Remarques finales Avant de revenir sur les glgments principaux de l'analyse qui a ete propos6e cidessus, il convient de signaler une faille importante de cette derniEre. 4.1. Verlan boustrophddique vs. verlan juxtalinEaire

Deux classes de formes restent rEsolument rebelles au traitement du verlan qui a 6rE dEfendu dans le present article. !1 s'agit des trisyllabes pour lesquels l'ordre des syllabes est purement et simplement renvers6 (type commando > [domako]) et de la classe apparentEe des dissyllabes ~ seconde syllabe fermEe dont le codage consiste faire passer la derni~re consonne en premiere position devant une voyelle 6penth~tique et it reprendre ensuite la seconde, puis la premiere syllabe (type Babeth > [tcebeba]). L'analyse de ces formes mEriterait plus qu'un paragraphe, mais faute de temps, on se contentera ici de quelques suggestions.

27 Un petit nombrede codagesattestEsdans |e corpus,commepar exemplebus > [zb~b], reslentnEanmoins sans explication.

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L ' u n des moyens de rendre compte de ces formes consiste peut-&re h supposer q u ' a u lieu d'6tre balay6e deux lois de gauche h droite, la m61odie ne l'est qu'une fois, de droite 'a gauche. -~ C'est en raison de ce balayage h rebours que I'on propose d'appeler ce type de codage 'boustroph6dique', par opposition au codage d6crit plus haut, qui serait 'juxtalin6aire" en ce sens que, dans les sch6mas graphiques correspondants les lignes m61odiques sont dispos6es bout h bout. Cette hypothbse se heurte au fait qu'elle entralne apparemment nombre de croisements. Mais ce n'est peut-~tre q u ' u n e apparence. En premier lieu, en effet, on fera remarquer que l'id6e d'un balayage de droite 'h gauche est tout ~ fait distincte de celle d'un 'croisement maximal" h la Bagemilh (1988, 1989), qui implique d ' u n e certaine fa~on que la m61odie ne peut ~tre parcourue que dans un sens. On suppose au contraire ici que I'ordre des 616ments m61odiques n'6tant pas un ordre chronologique, ces 616ments soul co-pr6sents et peuvent de ce fait 6tre parcourus duns les deux sens. Autrement dit, les repr6sentations que l'on a en t6te sont plus proches de (19b) que de (19a). (19)

Type commando > [dom6ko]

0e

3\

(a) k o m 0 d o

o-

~"

~

XXX

(b) o d 6 m o k

C~C

tt C t t

(c) d o

m

k

0

o

\KK

C~CttCp.

(d) t

b

b

0.,

KA

CI..tCttCtt

La repr6sentation (19b) pr6sente elle-m6me une s6rie de croisements entre rimes et attaques. Mais, et c'est la le second point, il y a lieu de se demander s'il est vraiment n6cessaire de supposer qu'une attaque et urge rime doivent &re li6es par une relation a'ordre: clans la mesure oa ces 616merits se distinguent ddj'h Fun de I'autre par leur poids, I'ordre est redondant. Et si tel est bien le c a s . / o d . f i m . o k / e t / d o . m ~ . k o / c o n s t i tuent deux kmauvaises) repr6sentations 6quivalentes du mSme objet. Dans cette hypoth~se, il est pr6f6rable de ne pus introduire duns les sch6mas graphiques d'ordre lin6aire entre I'attaque et la rime. C'est ce que l'on a fair en (19c). Si, enfin, en admet ce point, on est amen6 it conclure que le 'croisement' que l'on cherche ~ 6viter quand on code chatte en [toeJ'] plut6t qu'en [taJ'] (cf. (12)) r6suhe non pas d ' u n e r6pugnance b. instaurer un ordre nouveau entre l e / 5 / e t l e / a / ( c e s deux 616ments ne seraient pas ordonn6s), mais plut6t h r6partir darts des syllabes diff6rentes des 616ments qui relevaient de la m6me syllabe. Du coup, on comprend mieux pourquoi Babeth donne [t~ebeba] plut6t que [tebab]: 1'6penth~se est n6cessaire pour 6viter que

2s !1 n'est pas certain qu'il faille rejeter I'idde de la possibilit6 d'un double balayage partiel de droite gauche. L,t pmp+~.~des auteurs om relev6 que certaines formes verlanes 6talent d~riv6esd'une representation graphique et qu'alors, duns la majorit6 des cas, le codage op6rait en renversant I'ordre originel des lettres: nez (Ine]) peut faire [zen], salut ([salyl) ltylasl, el bonbon ([b6b61) [nobnab]. Dans la conception ici pr6senl~e,ces formes r6sultent d'un balayage unique de droite "hgauche. Mais le codage de pas ([pad en lapsl, qui d6rive lui aussi d'une repr6seutation graphique, ne peut gu~re r6sulter que d'un double balayage p',miel de droite h gauche (un balayage unique donnerait [sap]). II s'agit malheureusement d'une for'me isol6e.

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ne s'unissent en une m~me syllabe des 616ments provenant de syllabes diff6rentes (cf. (19b)). Le seul am6nagement que requiert ce cryptage, c'est que, I'hypoth~se voulant que les attaques et les rimes se distinguent par leur poids, il faut que le /t/ final de Babeth, qui se eomporte comme une attaque, ne p~se rien. Ce qui suppose qu'en fait, les attaques finales de mot soient suivies d'un noyau morique vide qui rende compte de leur poids morique apparent. 29 Cet alignement des attaques finales sur les autres attaques pourrait avoir lui-m~me une consequence b6n~fique, en ceci que la contrainte structurelle imposant que les consonnes retrouvent dans leur syllabe d'accueil la position qu'elles avaient dans leur syllabe d'origine peut ~tre repens6e en termes de poids: si les attaques, m~me finales, ne p~sent rien, ce qui importe, c'est que les 61Ements de la forme originelle retrouvent dans la forme verlane une position de m~me poids. Cette formulation est 6v;demment impossible si I'on s'arr&e h l'id6e que les attaques finales, qui peuvent passer ~ l'intErieur du mot au cours de la mise en verlan, p~sent n6anmoins une more. On objectera sans doute qu'h ce compte, [tceJ] et [toeJ'a] rel~veraient du m~me scheme CVCV et que se trouverait ruin~e I'explication que l'on a proposfe ici de la troncation. Mais il est probable que I'on pourrait encore distinguer tes schemes en CVCV des schemes en CVCo en revenant h une hypoth~se "~ la Selkirk (1978), c'est-h-dire en intEgrant la sequence CVC~ duns une sorte de super-sylla~_:e (cf. aussi Pl6nat, 1984). A y bien r6fl~chir, cette hypoth~se d'une association proc6dant de droite h gauche est susceptible de rendre compte non seulement des formes comme [domOko] et [toebeba], mais aussi de toutes les formes monosyllabiques et dissyllabiques que l'on a expliquEes ci-dessus ~ I'aide d'un double balayage partiel de gauche ~t droite. En d'autres termes, on est conduit [l I'id6e qu'il existerait deux grammaires du verlan engendrant les m6mes formes, sauf dans le cas ofJ le mot originel est trisyllabique. La consigne explicite enjoignant de mettre les mots ~t l'envers pourrait donner lieu deux types de strat6gies indistingables sinon dans des cryptages peu frequents. Le verlan 'juxtalinEaire' et le verlan 'boustroph6dique" constitueraient en fait deux "dialectes'. Cette conclusion est tr~s hasardeuse, mais le fait que les deux types de cryptage des trisyllabes ne soient pas, semble-t-il, employEs par les m~mes groupes de locuteurs (M61a, 1991) est propre ~t lui conf6rer une certaine vraisemblance. 4.2. La rnorphologie dn verlan

On a essay6 de montrer que la mise en verlan consiste en I'association de la m61odie du mot d'origine h u n scheme prosodique ind6pendant. Ce scheme ob~it ~ des contraintes propres: c'est un mot minimal. En outre, sa forme est dEterminEe par un certain nombre de principes r~gissant I'association: le principe d'exhaustivit6, le principe de conservation du poids, le principe de conservation des positions, et le principe de non-croisement. Toutes ces contraintes, n6anmoins, ne suffisent pus

2') Sur une id~.:eun peu semblable,cf. Charene (1991, chap. 6). Mais pourmoi, il convienttoujoursde faire une difference entre les consonnesfinalescodiqueset les consounesfinalesattaques.

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d6terminer p o u r c h a q u e mot de la langue un scheme unique, d a n s la mesure oft le m 6 m e n o m b r e de m o r e s peut se r6partir sur des syllabes en n o m b r e diff6rent et o~t les c o n s o n n e s finales et certains g r o u p e s de c o n s o n n e s sont susceptibles de plusieurs analyses. A quoi s'ajoute que la contrainte de non-croisement peut h l ' o c c a s i o n s ' a f faiblir et q u ' i l arrive aux voyelles initiales d'etre extraprosodiques. O n c o m p r e n d d o n c le p o l y m o r p h i s m e prolif6rant de ce "langage secret'. Cette solution enfin appelle trois r e m a r q u e s importantes: O n s'est laiss6 aller q~t et lh h parler en termes de d6rivation. C'6tait p o u r la c o m modit6 de I'exposition. Rien en fair n ' i m p o s e de c o n c e v o i r la mise en verlan c o m m e un processus d6rivatior.ael. O n n ' a pas propos6 d ' a l g o r i t h m e , m a i s plut6t d6fini les rapports qui unissent deux types de formes. Les repr6sentations sur lesquelles o n s ' e s t appuy6 dans le corps de cet article sont relativemen~ riches. Outre la m610die, elles c o m p r e n n e n t h la fois des positions q u e distingue leur poids et une organisation en constituants sub-syllabiques. M a i s o n a vu in f i n e q u e les distinctions pond6rales et structurelles 6taient peut-~tre redondantes. Une explication ne vaut que par les donn6es sur lesquelles elle s ' a p p u i e et les p d n c i p e s qui la fondent. Les donn6es que l ' o n a utilis6es sont, sur certains points au moins, insuffisantes; et I'on n ' a pas toujours pu m o n t r e r d ' u n e faqon c o n v a i n c a n t e que les principes auxquels on recourait 6taient justifi6s par ailleurs. II reste b e a u c o u p h dire sur le verlan.

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