Une cause rare de lombosciatique

Une cause rare de lombosciatique

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La Revue de médecine interne 27 (2006) 494–496 http://france.elsevier.com/direct/REVMED/

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Une cause rare de lombosciatique A rare cause of sciatica T. Amezyane a, B. Pouit b, D. Bassou c, S. Lecoules a, J. Desramé a, J.-S. Blade a, D. Béchade a, J.-P. Algayres a,* b

a Clinique médicale, HIA Val-de-Grâce, 00446 ARMEES cedex, France Clinique de neurochirurgie, HIA Val-de-Grâce, 00446 ARMEES cedex, France c Service de radiologie, HIA Val-de-Grâce, 00446 ARMEES cedex, France

Reçu le 13 juillet 2005 ; accepté le 3 octobre 2005 Disponible sur internet le 08 novembre 2005

Mots clés : Neurinome ; Sciatique ; IRM Keywords: Neurinoma; Sciatica; MRI

1. L’histoire Une femme âgée de 76 ans, ayant comme antécédent une pseudopolyarthrite rhizomélique traitée par corticoïdes de 2002 à 2004, était hospitalisée en juillet 2004 pour une lombosciatalgie droite, évoluant depuis six mois. La douleur irradiait le long de la fesse et de la face postérieure de la cuisse droite, sans dépasser le genou. Elle n’était pas augmentée par la toux, la défécation ou l’antéflexion. Elle était très particulière car, absente en position debout et à la marche, elle apparaissait dès que la patiente s’allongeait. La douleur était majeure et résistait même à la morphine prescrite ponctuellement. L’examen clinique notait l’absence de syndrome rachidien statique et dynamique. La percussion des épineuses n’était pas douloureuse et la manœuvre de Lasègue était négative. Les réflexes ostéotendineux rotuliens et achilléens étaient présents. Il n’y avait pas de déficit moteur ou sensitif ni de signes en faveur d’un syndrome de la queue de cheval. Il n’existait pas d’anévrisme de l’aorte abdominale et les touchers pelviens étaient normaux. L’hémogramme, le bilan inflammatoire (CRP: 2 mg/l), l’électrophorèse des protides étaient normaux avec une calcémie à 2,44 mmol/l. Les radiographies du rachis ne montraient qu’une discarthrose lombaire étagée. Le scanner *

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-P. Algayres).

0248-8663/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.revmed.2005.10.001

lombaire, réalisé avant l’hospitalisation, ne montrait pas de hernie discale lombaire, de lésion rachidienne ou de canal lombaire étroit. L’IRM n’objectivait aucune lésion au niveau des racines lombaires et sacrées mais, de façon très surprenante, montrait l’existence d’un processus tissulaire ovoïde de 2,5 sur 1 cm de siège postérolatéral droit, implanté sur la lame à hauteur de D11, refoulant et comprimant la moelle en avant et à gauche. Cette tumeur apparaissait en isosignal T1, en hypersignal hétérogène T2 (Fig. 1) et était rehaussée par l’injection de gadolinium (Fig. 2). 2. Le diagnostic Un neurinome dorsal. 3. Les commentaires Le caractère très particulier de la douleur, véritable « sciatique à dormir debout », était très suspect d’une lésion intrarachidienne et en particulier d’un neurinome. Malgré la localisation atypique de la tumeur, l’indication opératoire était portée compte tenu de l’intensité de la douleur. On découvrait une tumeur nerveuse dont le nerf porteur était sans rapport avec les racines lombaires. L’évolution immédiate était marquée par la régression très nette des douleurs. Dix mois après l’intervention, la patiente ne présentait plus aucune douleur et avait des activités normales.

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Les neurinomes sont les tumeurs intradurales et extramédullaires les plus fréquentes. Ils peuvent s’observer à tout âge avec un pic d’incidence entre 20 et 40 ans, sans préférence de sexe [1]. Le délai qui sépare le début des symptômes du diagnostic varie de quelques mois à plus de dix ans, d’un à trois ans dans la plupart des études [1,2] et était de six mois chez notre patiente. Si le siège cervical et lombaire est le plus fréquent pour certains auteurs, Conti et al. [1], dans une série de 179 cas de neurinomes et neurofibromes, rapportaient une localisation lombosacrée dans 49 % des cas et dorsale dans 34 %. Lorsqu’une sciatique révèle la tumeur, elle est le plus souvent en rapport avec un neurinome de localisation lombaire basse ou sacrée, mais elle peut révéler plus rarement un neurinome de localisation dorsale basse. Dans la série de Loke et al. [3] concernant 14 cas de lombosciatalgies secondaires à un neurinome, quatre patients avaient une localisation au niveau du cône médullaire, dorsale basse ou lombaire haute. Ces sciatiques peuvent être expliquées par deux mécanismes :

Fig. 1. IRM dorsale : hypersignal hétérogène T2 au niveau de D11.

Fig. 2. IRM dorsale: réhaussement du signal après injection de gadolinium.

● le premier est la naissance haute, entre D10 et D12, des racines lombaires [2]: cette situation est rare et la radiculalgie peut ressembler à une sciatique commune, expliquant un retard diagnostique fréquent [3,4] ; ● le deuxième résulte d’une compression médullaire (« sciatique cordonale »): les lombosciatalgies apparaissent souvent au repos ou sont exacerbées par le décubitus, obligeant parfois le malade à se lever et à marcher [5], comme dans notre observation. Le diagnostic repose sur les examens radiologiques. Les clichés standard ne sont anormaux que dans 10 à 30 %, pouvant montrer un "scalloping" de la surface postérieure du corps vertébral, un élargissement d’un trou de conjugaison ou une augmentation de la surface interpédiculaire avec érosion d’un pédicule [4]. Le scanner peut mettre en évidence une masse intracanalaire hypodense, se rehaussant de façon inhomogène après injection intraveineuse de produit de contraste, mais cet examen a des limites puisque le siège de la tumeur ne correspond pas toujours aux données cliniques. L’IRM est l’examen de choix en raison de sa haute résolution spatiale, de son caractère non invasif et de son meilleur rendement dans la détection et l’analyse structurale des tumeurs de petite taille [6]. L’aspect IRM du neurinome est celui d’une formation ovalaire à grand axe vertical, habituellement intradurale et extramédullaire, en hypo ou isosignal T1 et en hypersignal T2 par rapport au cordon médullaire [3] ; la tumeur peut prendre un aspect en sablier évocateur. Après injection intraveineuse de gadolinium, la tumeur se rehausse habituellement de façon homogène et intense mais le réhaussement, qui signe une rupture de la barrière hémato-encéphalique, peut être faible et/ou hétérogène [4]. L’IRM permet dans la majorité des cas de poser le diagnostic de neurinome, de préciser sa taille et ses rapports avec les structures nerveuses et même de différencier le tissu tumoral des zones kystiques ou des saignements associés [4,5,7]. Le traitement chirurgical repose sur la laminectomie avec exérèse de la tumeur [1]. La résection de la racine ou du nerf

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porteur s’avère parfois nécessaire pour compléter l’exérèse de la tumeur [8]. Les complications postopératoires tardives, arachnoïdite et instabilité vertébrale, sont rares [9] et n’ont pas été observées dans l’importante série de Conti et al. [1]. Les résultats rapportés par tous les auteurs sont globalement excellents avec, habituellement, régression immédiate de la douleur et du déficit neurologique induit par la compression médullaire, sans risque de récidive que l’on peut cependant observer en cas de résection incomplète de la tumeur [1]. Références [1] Conti P, Pansini G, Mouchaty H, Capuano C, Conti R. Spinal neurinomas: retrospective analysis and long-term outcome of 179 consecutively operated cases and review of the literature. Surg Neurol 2004;61:34–43. [2] Wiesel SW, Ignatius P, Marvel Jr. JP, Rothman RH. Intradural neurofibroma simulating lumbar disc disease. Report of six cases. J Bone Joint Surg Am 1976;58:1040–2.

[3] Loke TK, Ma HT, Ward SC, Chan CS, Metrweli C. MRI of intraspinal nerve sheath tumours presiniting with sciatica. Australas Radiol 1995;39: 228–32. [4] Harzallah L, Bouajina E, Ghannouchi M, Amara H, Ben Chérifa L, Kraiem C. Low back pain and sciatica as the presenting symptoms of neurinoma near the conus medullaris. Contribution of magnetic resonance imaging. Joint Bone Spine 2005;72:187–9. [5] Demaille-Wlodyka S, Lefevre-Colau MM, Poiraudeau S, Revel M. Sciatalgies et autres irradiations non discales. Encycl. Méd. Chir., Rhumatologie-Orthopédie, 15-840-E-10, 2004, 8p. [6] Narvaez J, Alegre-Sancho JJ, Clavaguera MT, Juanola X, Roig-Escofet D. Cauda equina tumour presenting as atypical sciatica. Br J Rheumatol 1997;36:605–6. [7] Gillet P, Clement V, Abadou H, Pere P, Bannwarth B, Gaucher A. IRM et neurinomes intrarachidiens. À propos de deux observations. Rev Rhum Mal Osteoartic 1990;57:159–62. [8] Hanakita J, Suwa H, Nagayasu S, Nishi S, Iihara K, Sakaida H. Clinical features of intradural neurinomas in the cauda equina and around the conus medullaris. Neurochirurgica 1992;35:145–9. [9] O’Connor M, Brighouse D, Glynn CJ. Unusual complications of the treatment of chronic spinal arachnoiditis. Clin J Pain 1990;6:240–2.