Urgences dans les paralysies périodiques

Urgences dans les paralysies périodiques

Anesth Réanim. 2015; Hors série n°1: S29-S35 Urgences dans les paralysies périodiques Mise au point en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/r...

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Anesth Réanim. 2015; Hors série n°1: S29-S35

Urgences dans les paralysies périodiques

Mise au point

en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/anrea www.sciencedirect.com

Savine Vicart Sur la base du compte rendu de sa communication

Centre de Référence des Canalopathies Musculaires, Département des Maladies du Système Nerveux, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris Cedex 13, France

Correspondance : Savine Vicart, Centre de Référence des Canalopathies Musculaires, Département des Maladies du Système Nerveux, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris Cedex 13, France [email protected]

Management of emergency situations in periodic paralysis

Keywords Muscle channelopathies Periodic paralysis Hypokalemia Recurrent acute attacks of weakness Triggering factors Potassium supplementation Perioperative measures

  Points essentiels * Les paralysies périodiques sont des maladies rares génétiques ou parfois secondaires, se manifestant par des accès récurrents de paralysie associés à une dyskaliémie. * Les situations d’urgence concernent les formes hypokaliémiques, avec des accès nocturnes, prolongés (> 2 h), de parésie/plégie des membres, déclenchés par l’immobilité, le repos après les efforts, les repas riches en sucres. * La prise en charge se fait au domicile, en réanimation ou SAU selon la gravité clinique et les signes ECG. * Le traitement se fait par supplémentation potassique orale ou intraveineuse selon la gravité, mais contre-indique tout apport sucré concomitant (sérum glucosé à proscrire). * Il faut rechercher une thyrotoxicose dans les formes sporadiques. * Il faut se méfier des corticoïdes et du risque possible d’hyperthermie maligne en cas d’anesthésie générale. Abréviations ATS CACN1AS ECG HBPM hyperPP hypoPP KCl KCNJ2 PP SAMU SAU SCN4A TPP

Syndrome d’Andersen-Tawil Gène codant le canal calcium musculaire Cav1.1 Électrocardiogramme Héparine de bas poids moléculaire Paralysie périodique hyperkaliémique Paralysie périodique hypokaliémique Chlorure de potassium Gène codant le canal potassium musculaire kir2.1 Paralysies périodiques Service d’aide médicale urgente Service d’accueil des urgences Gène codant le canal sodium musculaire Nav1.4 Paralysie périodique thyrotoxique

tome 1 > Hors série n°1 > Septembre 2015 © 2015 Société Française d’Anesthésie et de réanimation (Sfar). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

S29

Mots-clés Canalopathies musculaires Paralysie périodique Hypokaliémie Accès récurrents de paralysie Facteurs de provocation Supplémentation potassique Recommandations anesthésiques

S30

Mise au point

S. Vicart

Introduction Les paralysies périodiques (PP) sont des affections rares se manifestant par la survenue d’accès aigus et réversibles de faiblesse musculaire pouvant aller d’une simple faiblesse d’un membre à une tétraplégie complète éventuellement accompagnée de troubles respiratoires et/ou de déglutition. Elles sont habituellement classées en hypo (hypoPP) et hyperkaliémiques (hyperPP) selon les variations de la kaliémie au cours des accès paralytiques [1]. Les accès d’hyperPP sont relativement courts (de quelques minutes à quelques heures), ne conduisant donc que très rarement les patients dans un service d’accueil des urgences (SAU), contrairement aux accès d’hypoPP. Ces derniers peuvent durer de quelques heures à quelques jours (24-48 h) entraînant une gêne fonctionnelle prolongée qui, associée à une hypokaliémie concomitante souvent profonde, nécessite fréquemment une prise en charge en SAU ou en hospitalisation, voire en réanimation [1]. Dans la majorité des cas, l’hypoPP est dite « primitive », en rapport avec une pathologie génétique rare (maladie de Westphal) [1,2], de transmission autosomique dominante, due à des mutations dans deux gènes codant un canal ionique musculaire, soit sodique (SCN4A) [3-6], soit calcique (CACN1AS) [7-9]. Les accès paralytiques débutent en général à l’adolescence et sont habituellement déclenchés par l’immobilité prolongée, le repos après un effort intense ou inhabituel, les repas riches en hydrates de carbone, le stress, les syndromes infectieux, les corticoïdes et/ou les variations hormonales (grossesse, cycle menstruel) [10-12]. L’hypokaliémie percritique est souvent profonde (< 2,5 mmol/L) alors que la kaliémie en dehors des accès est toujours normale [1]. La fréquence et l’intensité des crises paralytiques sont variables mais s’estompent généralement avec l’âge. Certains patients peuvent par ailleurs développer un déficit plus permanent des ceintures en rapport avec une myopathie vacuolaire [13]. Encore plus rare, le syndrome d’Andersen-Tawil (ATS) a été décrit plus récemment et se caractérise par une triade associant une paralysie périodique, une arythmie ventriculaire et des traits dysmorphiques [14-16]. La triade est rarement complète avec une grande hétérogénéité phénotypique inter- et intra-familiale. La paralysie périodique est habituellement une hypoPP avec les mêmes caractéristiques que celles décrites ci-dessus (âge de début, durée des accès, facteurs déclenchants, etc.). L’ATS est dû à des mutations du gène KCNJ2 codant un canal potassique musculaire. À côté de ces formes génétiques, il existe, de façon beaucoup plus exceptionnelle, des formes secondaires de la maladie, survenant de façon sporadique, et qu’il est important de reconnaître car leur prise en charge (hors accès) est différente de celle des formes primitives faisant appel au traitement de la cause sous-jacente. L’hypoPP secondaire la plus fréquente est la paralysie périodique hypokaliémique thyrotoxique (TPP) [17]. Les épisodes paralytiques sont comparables à ceux des hypoPP primitives mais ne surviennent que lorsque les patients sont hyperthyroïdiens alors que les signes et symptômes classiques de l’hyperthyroïdie sont souvent absents ou

méconnus au moment de la première crise de faiblesse. La TPP est associée à l’hyperthyroïdie indépendamment de sa cause, mais survient plus fréquemment dans la maladie de Basedow et chez les hommes d’origine asiatique. Comme dans les formes primitives d’hypoPP, la kaliémie inter-critique reste normale contrairement à ce qui est retrouvé dans les autres formes secondaires de la maladie qui, elles, sont dues à des pathologies ou à des situations entraînant une hypokaliémie chronique  [1,18] (acidose tubulaire rénale, syndromes de Bartter, Gitelman ou Liddle, hyperaldostéronisme primaire, pertes digestives de potassium, prise de diurétiques, ingestion de toxiques, etc. [19-22]). Ainsi, devant un accès aigu paralytique, les recommandations de prise en charge en urgence vont différer selon que le diagnostic d’hypoPP est déjà connu ou non chez le patient ou dans sa famille. Elles comportent quatre phases successives : 1. évaluation de l’accès d’un point de vue tout d’abord diagnostique (s’agit-il d’une crise d’hypoPP ?) puis selon la gravité ; 2. prise en charge de l’accès paralytique en lui-même ; 3. explication des mesures de prévention de la récidive et des recommandations associées ; et 4. orientation vers une consultation spécialisée.

Évaluation de l’accès paralytique Il s’agit à la fois d’une évaluation diagnostique – principalement pour les patients sans diagnostic connu afin de savoir si les symptômes paralytiques peuvent être en lien avec une hypoPP – et d’une évaluation des critères de gravité de l’accès (figure 1).

Évaluation diagnostique Le diagnostic de crise d’hypoPP est évident quand le patient connaît son diagnostic : la prise en charge passe, alors, directement à la phase d’évaluation des critères de gravité (chapitre « Évaluation des critères de gravité »). Pour tout autre patient consultant ou se présentant au SAU pour un accès de faiblesse, le tableau est évocateur de crise d’hypoPP si les symptômes paralytiques : 1. sont survenus dans le courant de la nuit avec une constatation le matin au réveil [1,2,11] ; 2. durent plus de 2 heures ; 3. sont survenus lors du repos après un effort intense ou inhabituel, lors d’une immobilité prolongée (sommeil, long trajet en voiture/train/avion), après un repas riche en glucides quel que soit l’index glycémique (sucres lents comme rapides) et/ ou en sel [1,2,11], lors d’un épisode infectieux, d’un stress, en période menstruelle ou lors d’une grossesse, après la prise de glucocorticoïdes [12] ; 4. correspondent à une para/tétraparésie ou para/tétraplégie (plus rarement monoparésie) flasque, transitoire, s’étant installée progressivement des ceintures vers les extrémités et régressant en sens inverse [1,2,11] ; 5. sont isolés sans atteinte associée sensitive, pyramidale, cérébelleuse, oculomotrice ou de conscience [1] ; tome 1 > Hors série n°1 > Septembre 2015

Figure A: Méthode d’évaluation d’un accès paralytique ACCÈS PARALYTIQUE (para/tétraparésie ou plégie) + KALIÉMIE ≤ 3 mmol/L

PAS DE NOTION DE PATHOLOGIE NEURO-MUSCULAIRE

HypoPP CONNUE

Caractéristiques de l’accès paralytique d’installation rapide durée > 2 h déclenché par RAE et /ou IP et/ou RRHC pas d’autre atteinte neurologique associée

Mise au point

Urgences dans les paralysies périodiques

CRITÈRES DE GRAVITÉ cliniques : troubles respiratoires troubles déglutition kaliémie 2,5 ≤ mmol/L ECG : troubles repolarisation troubles du rythme

oui

non Peu évocateur d’HypoPP

Éliminer diagnostics différentiels

Très évocateur d’HypoPP

ATCDs familiaux HypoPP familiale, ATS (AD)

oui

non Rechercher Pathologie endocrinienne (thyroïde++) Pathologie rénale Pathologie digestive Médicaments hypokaliémiants/ corticoïdes Prise de toxique (glycyrrhizine)

Bilan de l’hypoK+ Ionogramme S + U Créatinine S + U GDS glycémie Ca, Ph, Mg T4, TSH

Figure 1

Méthode d’évaluation d’un accès paralytique. HypoPP : paralysie périodique hypokaliémique ; ATS : syndrome d’Andersen-Tawil ; AD : autosomique dominant ; RAE : repos après effort ; IP : immobilité prolongée ; RRHC : repas riche en hydrates de carbone ; ECG : électrocardiogramme ; hypoK+ : hypokaliémie ; S : sanguin ; U : urinaire ; GDS : gaz du sang ; Ca : calcémie ; Ph : phosphorémie ; Mg : magnésémie ; T4 et TSH : hormones thyroïdiennes.

Si aucune de ces caractéristiques n’est retrouvée, un avis neurologique est recommandé afin d’éliminer les diagnostics différentiels (myélite, compression médullaire, syndrome de Guillain-Barré, panne myasthénique, hystérie, etc.). En cas de tableau neurologique évocateur d’hypoPP, l’existence d’antécédents familiaux de crises paralytiques et/ou d’hypokaliémie transitoire et/ou de troubles du rythme cardiaque (en faveur de l’ATS) sont des éléments forts venant conforter le diagnostic de forme primitive génétique d’hypoPP. Pour les patients sans antécédents familiaux particuliers, une cause secondaire d’hypoPP est alors à rechercher sans toutefois que cela ne retarde le traitement urgent de la crise paralytique. Il faut en premier lieu éliminer une TPP par un dosage des hormones tome 1 > Hors série n°1 > Septembre 2015

thyroïdiennes puis rechercher une pathologie rénale (dosage du ionogramme sanguin et urinaire, créatinine sanguine et urinaire, calcémie, phosphorémie, magnésémie, gaz du sang pour évaluation de l’équilibre acido-basique), surrénalienne, digestive (diarrhée, vomissements importants), rechercher une prise médicamenteuse ayant pu favoriser une hypokaliémie (diurétique thiazidique, β2-agonistes, théophylline, vérapamil, insuline, laxatifs, glucocorticoïdes, etc.) ou une prise de toxique (glycyrrhizine, sels de baryum, etc.). Une fois le diagnostic de crise d’hypoPP évoqué, il faut en évaluer la sévérité.

Évaluation des critères de gravité D’un point de vue clinique, une crise paralytique est considérée comme sévère si elle s’accompagne de troubles de déglutition et ou de difficultés respiratoires [1]. Les critères de gravité paracliniques sont une hypokaliémie inférieure ou égale à 2,5 mmol/L et la présence de troubles de la repolarisation et/ou du rythme sur le tracé électrocardiographique (ECG). S31

6. s’accompagnent d’une hypokaliémie inférieure à 3 mmol/L. Toutefois une hypokaliémie supérieure à 3 mmol/L n’élimine pas complètement le diagnostic de crise d’hypoPP, en particulier si le prélèvement sanguin a été effectué tardivement après le début des symptômes. En effet l’hypokaliémie est transitoire et se corrige avec la récupération motrice.

Mise au point

S. Vicart

Mesures thérapeutiques immédiates Le traitement de la crise d’hypoPP fait appel à une recharge potassique orale ou intraveineuse selon l’existence ou non de signes de gravité (figure 2) [1,2,11,23].

Prise en charge d’une crise de paralysie hypokaliémique sans gravité Une crise d’hypoPP sans signe de gravité peut être prise en charge à domicile ou au SAU le plus proche où sera alors effectuée une surveillance jusqu’à la récupération du déficit moteur avant un retour au domicile. La majorité des épisodes paralytiques est rapidement améliorée par une administration orale de sels de chlorure de potassium (KCl), avec des posologies moyennes de 3 à 9 g par jour. Il est important d’administrer un sel de potassium rapidement assimilable en évitant les formes « retard » certes mieux tolérées sur le plan digestif mais non adaptées à cette indication. En pratique, on administrera 3 g de chlorure de potassium en comprimés ou gélules ou mieux en solution aqueuse à 10 % (trois ampoules de KCl diluées dans un verre d’eau). La prise pourra être renouvelée uniquement une seule fois 4 heures après si nécessaire. Il faut bien sûr éviter tout apport oral sucré concomitant qui aurait comme effet d’aggraver l’hypokaliémie et la paralysie.

Prise en charge d’une crise de paralysie hypokaliémique avec signes de gravité En cas de crise paralytique sévère avec signes de gravité ou persistance, voire aggravation, des symptômes paralytiques malgré la recharge potassique orale bien conduite, la prise en charge

doit se faire en milieu hospitalier pour une recharge potassique intraveineuse éventuellement en réanimation médicale. Les patients pris en charge au domicile seront transportés vers le SAU le plus proche par Samu sous surveillance électrocardiographique continue (scope) et après la pose d’une voie veineuse périphérique. Les règles d’administration intraveineuse sont alors celles de toute correction d’une hypokaliémie sévère. Il faut administrer une solution de chlorure de potassium ne dépassant pas 40 mEq/L afin de ne pas induire de thrombose veineuse sur le trajet de la perfusion. Un cathéter central est d’indication excessive. L’apport intraveineux doit être continu, à la seringue électrique, à un débit ne dépassant en aucun cas 3 mmol/kg/h (risque de troubles du rythme au-delà). L’utilisation d’un sérum glucosé comme garde veine (G5 % et surtout G10 %) est à proscrire du fait de l’effet aggravant des glucides. Il est conseillé de mettre en place un garde veine à base de sérum physiologique isotonique ou de mannitol et de le brancher en Y avec la seringue électrique contenant la solution de potassium. Le traitement doit être administré sous contrôle continu de l’ECG afin de s’assurer de l’absence de signe de surdosage (ondes T amples et pointues), et les mesures de la kaliémie doivent être répétées de façon rapprochée à raison d’un prélèvement par heure. D’une façon générale, la perfusion intraveineuse à la seringue électrique de potassium ne doit jamais être trop rapide. Dans les formes primitives d’hypoPP et de la TPP, l’hypokaliémie n’est pas liée à une déplétion potassique vraie (perte digestive ou rénale) mais est le reflet d’un transfert de potassium du milieu extracellulaire vers le milieu intracellulaire. Ainsi le pool potassique est

RECHARGE POTASSIQUE

Crise typique sans critère de gravité voie orale à domicile ou aux urgences KCI rapidement assimilable 3 g en 1 prise à renouveler 4 h après si nécessaire pas d’apport sucré concomitant

crise sévère avec signes de gravité voie intraveineuse transport en SAMU, hospitalisation solution de KCI ≤ 40 mEq/L en IVSE avec débit ≤ 0,3 mmol/kg/h sous contrôle ECG continu dans du sérum physiologique ou mannitol proscrire le sérum glucosé

Mesures complémentaires Prévention TVP, escarres SNG si troubles de déglutition Mobilisations quotidiennes pour éviter IP

Figure 2

Traitement des accès paralytiques hypokaliémiques.

S32

KCl : chlorure de potassium ; Samu : service d’aide médicale urgente ; IVSE : en intraveineux à la seringue électrique ; ECG : électrocardiogramme ; TVP : thrombose veineuse profonde ; SNG : sonde nasogastrique ; IP : immobilité prolongée.

tome 1 > Hors série n°1 > Septembre 2015

Mesures complémentaires Pour les patients pris en charge en milieu hospitalier, présentant donc un accès sévère et une mobilité réduite, il faut instaurer des mesures de prévention de la thrombose veineuse profonde avec injections sous-cutanées d’héparine de bas poids moléculaire (HBPM) et de prévention des escarres (matelas adapté, installation, mobilisation, massage des points d’appui). En cas de crise sévère avec troubles de déglutition, l’alimentation s’effectuera par sonde naso-gastrique jusqu’à récupération d’une déglutition normale. Pour tous les patients, il est important d’effectuer des mobilisations quotidiennes passives puis actives dès que possible, idéalement par un kinésithérapeute, pour éviter l’immobilité prolongée, facteur aggravant des accès paralytiques.

Ainsi, dans les TPP, le traitement rapide de la thyrotoxicose est essentiel car le retour à un état euthyroïdien stable est synonyme de disparition du risque paralytique [17]. Même si les crises paralytiques sont souvent sévères et fréquentes dans les TPP dues à une maladie basedowienne, cela ne justifie pas un traitement radical par thyroïdectomie ou iode radioactif en première intention, le traitement médical par antithyroïdiens (carbimazole, thiomazole) étant en général aussi efficace que pour une maladie de Basedow non compliquée. La prescription de propranolol est parfois recommandée à la phase aiguë des TPP, tant que l’euthyroïdie n’est pas obtenue, plus pour son effet préventif sur la récidive des accès paralytiques que pour son effet bradycardisant, les signes classiques d’hyperthyroïdie étant souvent absents ou non invalidants.

Supplémentation potassique régulière

Un certain nombre de mesures et recommandations doivent être expliquées et prescrites à la sortie de tout patient hypoPP (diagnostiqué ou pressenti) d’un SAU ou d’un service hospitalier afin d’éviter au maximum une récidive des symptômes.

Bien que la kaliémie soit normale en dehors des accès dans les hypoPP primitives et dans les TPP, il est recommandé de poursuivre une supplémentation potassique orale régulière par chlorure de potassium dont la posologie sera adaptée en fonction de la fréquence et de l’intensité des accès paralytiques [1,2,11,23]. Pour les TPP, la supplémentation potassique ne sera maintenue que pendant la période de thyrotoxicose et sera donc arrêtée lors du retour à l’euthyroïdie.

Évitement des facteurs de provocation

Recommandations anesthésiques

Le traitement préventif des crises d’hypoPP passe en premier lieu par l’évitement des facteurs de provocation [1,2,11,23]. Plusieurs règles hygiéno-diététiques doivent donc être revues avec les patients : 1. éviter les repas riches en glucides (sucres lents comme rapides), surtout le soir ; 2. éviter l’immobilité au- delà de 2 heures en journée en allant par exemple marcher régulièrement lors d’un long trajet en train/avion ; 3. éviter les efforts trop intenses ou inhabituels. C’est souvent l’association de plusieurs facteurs chez une même personne qui va être déterminante dans le déclenchement d’un épisode paralytique. Par exemple, la pratique d’une activité sportive dans la journée associée à un dîner riche en féculents (pâtes, riz, pizza, pommes de terre, etc.) suivie de l’immobilité de la nuit chez un patient hypoPP conduit quasi inexorablement à une paralysie constatée au réveil. Concernant les glucocorticoïdes, une prise unique est suffisante pour déclencher une crise, souvent sévère, chez certains patients hypoPP [12]. Le mécanisme d’action reste mal connu à ce jour, ne passant probablement pas par l’induction d’une hypokaliémie qui n’apparaît qu’après plusieurs prises répétées. Il est cependant conseillé de ne pas prescrire cette classe de médicament chez les patients hypoPP, hors indication vitale bien sûr.

Il n’y a pas de contre-indication à une anesthésie par péridurale ou par voie générale mais un certain nombre de précautions doit être pris chez les patients atteints d’hypoPP pour prévenir la survenue possible d’un épisode de faiblesse musculaire généralisée au moment du réveil d’une anesthésie [24, 25]. Il faut ainsi s’assurer que le taux sanguin de potassium, l’équilibre acido-basique et la température corporelle restent constants en per et postopératoire. Il faut également proscrire les perfusions avec des sérums glucosés qui provoquent une hyperglycémie et donc aggravent une éventuelle hypokaliémie. Les patients atteints de canalopathies musculaires ont été considérés à un moment plus à risque d’hyperthermie maligne même si cela n’a pas été démontré par la suite. Par principe, il faut donc éviter l’utilisation des produits anesthésiques volatiles et du suxaméthonium ainsi que celle des agents dépolarisant la membrane musculaire.

Mesures préventives et recommandations

Traitement étiologique des formes secondaires Dans les formes secondaires d’hypoPP, le traitement de la maladie ou de la situation causale sous-jacente doit être instauré au plus vite afin d’éviter toute récidive de paralysie. tome 1 > Hors série n°1 > Septembre 2015

Orientation des patients Les patients pour lesquels le diagnostic d’hypoPP a été évoqué au cours de leur prise en charge en urgence doivent être référés vers un centre expert (centre de référence national des canalopathies musculaires ou tout autre centre de référence ou compétence en pathologies neuromusculaires en fonction du lieu d’habitation) pour confirmation diagnostique et prise en charge (figure 3). Les formes secondaires d’hypoPP doivent être orientées vers la spécialité médicale prenant en charge la maladie sous-jacente (endocrinologie, néphrologie, gastro-entérologie, etc.). S33

conservé et les risques de complications cardiaques en particulier rythmiques sont moindres. L’idée est donc d’administrer juste assez de potassium pour induire la résolution physiologique de l’accès.

Mise au point

Urgences dans les paralysies périodiques

Mise au point

S. Vicart

Centre de Référence des Canalopathies Musculaires Coordonnateur : Pr B. FONTAINE Médecin Responsable : Dr S. VICART Département des Maladies du Système Nerveux Bâtiment Paul Castaigne GH Pitié-Salpêtrière 47-83 Bd de l’Hôpital 75651 Paris cedex 13 Téléphone : 01 42 16 16 91 Email : [email protected] Site internet : http://asso.orpha.net/CRCM

structure hospitalière du fait de la sévérité éventuelle des symptômes et/ou de l’hypokaliémie au moment des accès paralytiques. Les avancées de ces 20 dernières années dans la connaissance de cette pathologie (histoire naturelle, physiopathologie, biologie moléculaire) en ont changé l’approche diagnostique et thérapeutique et ont permis d’établir des recommandations de prise en charge des symptômes paralytiques. Il est donc important que les acteurs médicaux qui peuvent être amenés à prendre en charge en urgence ces patients soient alertés sur les spécificités cliniques et thérapeutiques de ces accès paralytiques afin de les reconnaître et ensuite d’orienter leur prise en charge en fonction de la présence ou non de critères de gravité et de l’origine primitive génétique ou secondaire de la maladie.

Figure 3

Coordonnées du centre de référence des canalopathies musculaires.

Conclusion La paralysie périodique hypokaliémique est une pathologie rare souvent méconnue. Toutefois son expression musculaire est susceptible de conduire les patients en urgence vers une

Remerciements  : Savine Vicart remercie Emmanuel Fournier, Marianne Arzel-Hézode, Damien Sternberg et Bertrand Fontaine pour leur généreuse contribution aux travaux de notre centre de référence. Savine Vicart remercie l’Institut national pour la recherche médicale (Inserm) et l’Association française contre les myopathies (AFM-Téléthon) pour leur soutien financier à ces travaux ainsi que les membres de Résocanaux pour les discussions fructueuses. Déclaration d’intérêts : S. Vicart a déclaré n’avoir aucun lien d’intérêts pour cet article.

Références

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