Atteinte myopéricardique au cours de la maladie de Horton

Atteinte myopéricardique au cours de la maladie de Horton

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La revue de médecine interne 24 (2003) 189–194 www.elsevier.com/locate/revmed

Communication brève

Atteinte myopéricardique au cours de la maladie de Horton Myopericarditis during Horton disease A. Teixeira *, E. Capitaine, F. Congy, S. Herson, P. Cherin Service de médecine interne I, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France Reçu le 22 mai 2002 ; accepté le 29 octobre 2002

Résumé Propos. – La myopéricardite au cours de la maladie de Horton est une forme de présentation rare, dont nous rapportons ici deux cas. Méthode. – Deux patientes âgées de plus de 60 ans présentent un tableau de défaillance cardiaque globale à prédominance gauche, associé à une altération de l’état général, dans un contexte biologique inflammatoire. L’échographie cardiaque est en faveur d’une myopéricardite. Les explorations à visée bactériologique s’avèrent négatives. La biopsie de l’artère temporale (Bat) dans les deux cas permet de porter le diagnostic de maladie de Horton. Un traitement corticoïde per os est institué, avec une évolution favorable tant biologique que clinique. Conclusion. – L’atteinte myopéricardique au cours de la maladie de Horton est une forme de présentation rare. La symptomatologie clinique classique est rarement associée, la Bat est un examen essentiel permettant de confirmer le diagnostic, de proposer un traitement adapté et de limiter les complications cardiovasculaires ischémiques. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Introduction. – Myopericarditis is an rare form of Horton disease. We report two new cases. Method. – Two patients, more than 60-years-old, had developed global cardiac insufficiency with predominant left insufficiency, with physical alteration and biological inflammation. Echocardiography revealed a myopericarditis. Bacteriological explorations were all negative. In the two cases, temporal artery biopsy revealed giant cell arteritis. Treatment with oral corticosteroids improved biological and clinical symptoms. Conclusion. – Myopericarditis is a rare form of Horton disease. Classical clinical presentation is rarely associated. Temporal artery biopsy is essential in confirming and proposing a specific therapy, in order to prevent cardiovascular ischemic complications. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. Mots clés : Myopéricardite ; Horton ; Artérite à cellules géantes Keywords: Myopericarditis; Horton disease; Giant cell arteritis

1. Introduction La diversité des territoires atteints au cours des vascularites, rend compte de leur polymorphisme clinique. Parmi ces maladies vasculaires systémiques, certaines peuvent comporter, en dehors de l’angéite caractéristique de l’artérite, une part plus ou moins importante de granulomatose [1–3]. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Teixeira). © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. DOI: 1 0 . 1 0 1 6 / S 0 2 4 8 - 8 6 6 3 ( 0 2 ) 0 0 8 0 9 - 3

La maladie de Horton, décrite par Hutchinson en 1890 et individualisée par Horton en 1932, fait partie des vascularités avec atteinte granulomateuse à cellules géantes. Il s’agit d’une panartérite granulomateuse segmentaire et focale touchant les artères de moyen calibre, avec une certaine prédilection pour les artères du territoire de la carotide externe, ce qui explique pour une grande part les signes cliniques classiques rencontrés. Le diagnostic de maladie de Horton est habituellement suspecté chez un sujet âgé sur l’association de signes focaux et d’un syndrome inflammatoire [4]. Des

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formes atypiques ont été décrites, avec en particulier une atteinte des gros troncs vasculaires, rendant la démarche étiologique plus complexe et pouvant faire discuter d’autres diagnostics. Les présentations paucisymptomatiques ou atypiques peuvent entraîner des retards au diagnostic, voire grever le pronostic de cette affection. Nous présentons ici 2 cas cliniques d’atteinte cardiaque au cours de maladie de Horton, permettant de discuter des diagnostics différentiels et de réaffirmer l’intérêt de la biopsie temporale dans la démarche diagnostique.

2. Cas 1 Une patiente âgée de 78 ans est hospitalisée en service d’urologie pour exploration d’infections urinaires à répétition. On retrouvait depuis 3 mois une altération de l’état général, avec perte de 11 kg. Dans ses antécédents, on notait une hypertension artérielle traitée par un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et 4 interventions chirurgicales (hernie hiatale, cholécystectomie sur cholécystite aiguë, arthrodèse C4–C5 et intervention sur canal carpien). Au cours de son hospitalisation en urologie fut mise en évidence une insuffisance rénale (clairance de la créatinine à 28,5 ml min–1), couplée à un syndrome inflammatoire (C reactive protéine (CRP) à 82 mg l–1 (N < 5) et VS à 122 à la 1re h). Le reste du bilan biologique en préopératoire objectivait : un taux d’hémoglobine à 8,6 g/dl, un hématocrite à 27,3 %, un VGM à 90,1 µ3, des plaquettes à 193 000, des leucocytes à 8690 g l–1 (avec à la formule une lymphopénie à 782). La natrémie était à 133 mmol l–1, l’albumine à 30 g l–1, le fibrinogène à 6,3 mmol l–1, la glycémie à jeun à 7,3 mmol l–1, les LDH à 500 UI/l (n < 390), le reste du bilan était normal. Une urographie intraveineuse mettait en évidence un rein gauche atrophique d’aspect pyélonéphritique et l’existence de calculs intracaliciels. Un tableau d’anasarque d’installation rapide justifiait la réalisation d’une échographie cardiaque qui objectivait une fraction d’éjection à 50 % associée à des troubles de la relaxation, ainsi qu’un épanchement péricardique circonférenciel de moyenne abondance. L’électrocardiogramme (ECG) ne montrait pas de trouble de la repolarisation, ni de trouble de la conduction ou du rythme. La décision de néphrectomie gauche a été prise compte tenu du contexte inflammatoire. À j5 postopératoire, des complications survinrent sous forme de crises convulsives généralisées rattachées à une hyponatrémie à 116 mmol l–1, nécessitant une sédation et une intubation orotrachéale (une tomodensitométrie cérébrale sans injection pratiquée alors ne montrait aucune lésion). La radiographie de thorax montrait des images de surcharge compatibles avec une surinfection, confirmée par l’identification, par prélèvement protégé distal, d’une pneumopathie à pyocyanique. Sous traitement antibiotique adapté, on nota une amélioration rapide de l’état de la patiente, permettant une levée de la sédation et une extubation à j10 postopéra-

toire. Un épanchement pleural transsudatif stérile de 450 ml fut également évacué. Malgré la réanimation et une diurèse d’entraînement, on notait la persistance d’un tableau d’anasarque, associant des œdèmes de surcharge diffus remontant jusqu’aux lombes et une altération de l’état général avec grabatisation et polyarthralgies d’horaire inflammatoire. La patiente nous fut alors adressée pour poursuite de la prise en charge. L’examen clinique à l’admission retrouvait le tableau de surcharge sans anomalie neurologique associée. On ne notait pas de déformation ostéoarticulaire ni d’épanchement intraarticulaire. Biologiquement, on retrouvait un ionogramme plasmatique et urinaire normal, l’urée plasmatique à 6,7 mmol l–1, la créatininémie 90 mmol l–1, l’albuminémie à 30 g l–1, un syndrome inflammatoire persistant (CRP 82 mg l–1, VS à la 1re h à 122), des leucocytes à 12 300 mm–3 (polynucléaires neutrophiles à 10 770 et lymphocytes 812), un taux d’hémoglobine à 8,0 g dl–1 (Ht 25,5 ; VGM 88,1 . coombs négatif, ferritinémie à 400), des plaquettes à 231 000/mm3. Les CK étaient à 23 UI l–1 et la troponine était normale, le bilan hépatique n’objectivait pas de cytolyse ni de cholestase. Il n’y avait pas de protéinurie. La recherche d’un foyer infectieux s’est avérée négative (radiographie de thorax, tomodensitométrie thoracoabdominopelvienne) en particulier au niveau de la loge de néphrectomie. Les différents prélèvements à visée bactériologiques sont restés stériles (hémocultures multiples répétées, examen cytobactériologique des urines [ECBU]). Les sérologies virales (cytomégalovirus, parvovirus B19, VIH, virus des hépatites B et C) et parasitaire (toxoplasmose) se sont avérées négatives ou ne montraient pas d’éléments en faveur d’une infection aiguë évolutive. La recherche d’une pathologie dysimmunitaire (Fan, ANCA, ADN natif, latex, Waaler-Rose) s’est avérée également négative. À aucun moment, il n’a été retrouvé à l’interrogatoire de céphalée temporale et l’examen des pouls temporaux ne montrait pas d’induration ni de trajet inflammatoire. Compte tenu de l’altération de l’état général préexistante associée au syndrome inflammatoire, une biopsie de l’artère temporale droite a été réalisée, montrant un infiltrat inflammatoire polymorphe prédominant au niveau de l’intima ainsi qu’une limitante élastique interne fragmentée. Devant cet aspect histologique compatible avec une maladie de Horton, une corticothérapie orale (prednisone : 0,7 mg kg–1 j–1, soit 60 mg j–1) est débutée, ce qui permettra une amélioration spectaculaire de l’état général (disparition du tableau d’anasarque en une semaine), avec mise au fauteuil en dix jours et reprise de la marche en 15 j. Cette corticothérapie orale permettra une normalisation complète des troubles biologiques (disparition du syndrome inflammatoire en une semaine, normalisation du taux d’hémoglobine en un mois). Une échographie cardiaque de contrôle pratiquée un mois après le début de la corticothérapie objectivera une disparition de la pleurésie et une fraction d’éjection normalisée à 60 %, permettant une diminution progressive de

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la corticothérapie sans réapparition de la symptomatologie cardiaque ni récidive de la péricardite sur les échographies cardiaques bisannuelles. Un suivi régulier a pu être possible pendant une durée de 14 mois, jusqu’au décès de cette patiente dans les suites d’une complication embolique postopératoire d’une fracture du col fémoral consécutive à une chute mécanique.

3. Cas 2 Une patiente âgée de 65 ans d’origine comorienne nous est adressée, par rapatriement sanitaire, pour la prise en charge d’une dyspnée stade 3 à 4, associée à une altération de l’état général évoluant depuis 2 ans. On note dans ses antécédents une hypertension artérielle (traitée par Corvasal®) et une cholécystectomie. Elle avait eu sept enfants dont 2 nés par césarienne sur grossesse extra-utérine. Depuis 2 ans, la patiente se plaignait d’une asthénie fluctuante en intensité et d’un syndrome fébrile chronique. Plusieurs hospitalisations (Afrique du Sud, Île de la Réunion, Comores, Île Maurice) avaient été réalisées mais n’avaient pas permis d’asseoir un diagnostic ou de proposer un traitement spécifique. Des crises de paludisme avaient été suspectées et malgré un traitement antipaludéen (Nivaquine®) la symptomatologie persistait. Une échographie abdominale avait permis de retrouver des lithiases vésiculaires, amenant à proposer une cholécystectomie, sans amélioration clinique ni biologique (persistance du syndrome inflammatoire : VS à la 1re h à 143 mm). Les sérologies virales et bactériennes (HCV, HBV, VIH, brucellose) étaient négatives et les recherches de bacille tuberculeux se révélaient négatives. Une courte corticothérapie de 3 mois a été débuté, avec une amélioration de la symptomatologie et réapparition des signes généraux et de la fièvre à l’arrêt de celle-ci, ceci un an avant son hospitalisation dans notre unité. Devant la persistance de l’altération de l’état général et l’apparition d’une dyspnée s’aggravant rapidement, la patiente nous est adressée. À l’admission, on notait un état hémodynamique stable (pouls à 125/min, tension artérielle : 130/60 mm d’hg aux 2 bras) l’absence de signes de choc, une température 37,8 °C. On retrouvait une fréquence respiratoire à 30/min, une orthopnée, un balancement thoracoabdominal, des œdèmes des membres inférieurs, un reflux hépatojugulaire et une légère hépatalgie. On ne retrouvait pas de souffle valvulaire à l’auscultation, mais des râles crépitants dans les 2 champs pulmonaires, remontant à mi-champ. L’ECG s’inscrivait en rythme sinusal. Le reste de l’examen clinique était normal et en particulier, il n’était pas noté de signe neurologique. Biologiquement, on notait un syndrome inflammatoire, avec une CRP à 76 mg l–1, une anémie à 9,5 g dl–1 normocytaire arégénérative. Les plaquettes étaient à 422 000/mm3, les leucocytes à 5300/mm3, les enzymes cardiaques (CK et troponines) étaient normales. La radiographie thoracique confirmait le tableau d’insuffisance cardiaque. Un traitement initial diurétique (Furosémide®) par voie

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intraveineuse, associé à des dérivés nitrés et à une oxygénation, permit une amélioration de la décompensation cardiaque. Une échographie cardiaque retrouvait un épanchement péricardique circonférenciel modéré, une insuffisance mitrale modérée et une fraction d’éjection à 45 %, évoquant une myo-péricardite. Biologiquement, on retrouvait un taux normal d’enzymes hépatiques, des sérologies bactériennes et virales (brucellose, ASLO, typhoïde, paludisme, coxsackie) étaient négatives. La recherche de bacille tuberculeux par expectoration était négative. Les examens bactériologiques (ECBU, hémocultures) étaient négatifs. Les FAN, les ANCA, le facteur rhumatoïde étaient négatifs. La fonction thyroïdienne était normale et la protéinurie des 24 h négative. Une biopsie de l’artère temporale droite fut effectuée, mettant en évidence une fibrose circonférencielle de l’intima avec réduction de 80 % de la lumière artérielle, la limitante élastique interne étant fragmentée. Il existait un infiltrat inflammatoire, prédominant dans la partie interne de l’intima, constitué de lymphocytes, de plasmocytes, de macrophages et de cellules géantes multinucléées venant au contact de la limitante élastique interne. Le scanner aortique et thoracique était normal. Une corticothérapie orale (prednisone : 0,7 mg kg–1 j–1, soit 60 mg j–1) fut débutée, avec une amélioration clinique spectaculaire (disparition de la dyspnée, de la fièvre et disparition du syndrome inflammatoire). Une échographie cardiaque de contrôle 1 mois après le début de la corticothérapie retrouvait une fraction d’éjection à 69 %. Un suivi régulier a été possible sur une période de 12 mois permettant une diminution progressive de la corticothérapie sans corticodépendance ni corticorésistance ni récidive de la symptomatologie cardiaque, jusqu’à ce que la patiente soit perdue de vue après son retour définitif à Madagascar. 4. Discussion Les vascularités systémiques et particulièrement la maladie de Horton, ont classiquement une présentation stéréotypée, cependant les formes atypiques peuvent rendre le diagnostic difficile [5]. Nos patientes ont présenté toutes 2 des signes d’insuffisance cardiaque globale faisant suspecter une myopéricardite, après la réalisation de l’échographie cardiaque [6,7]. Cette atteinte a rarement été décrite dans la littérature et doit faire discuter en premier lieu des affections virales ou bactériennes [8,9]. Chez nos 2 patientes, malgré le syndrome fébrile associé au syndrome inflammatoire biologique, aucune porte d’entrée infectieuse n’a été retrouvée cliniquement (pas d’effraction cutanée, pas de syndrome méningé) et aucun prélèvement (hémoculture, ponction pleurale pour le premier cas, BK urine, BK crachats, écouvillonnages divers, sérologies...) n’objectivait d’infections virale, bactérienne ou fungique. Les radiographies de thorax, les échographies rénales, abdominopelviennes et cardiaques, les scanners ne retrouvaient aucun élément en faveur d’un processus infectieux profond.

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Certaines affections auto-immunes auraient pu être également discutées [10,11], mais la normalité du bilan immunologique et l’histologie de la biopsie de l’artère temporale n’étaient pas en faveur de ces diagnostics. Plus difficile est la distinction avec une périartérite noueuse (PAN) ou maladie de Kussmaul-Maier, qui touche principalement les artères de moyen calibre. Le diagnostic aurait pu être évoqué, en particulier chez la première patiente. Les lésions histologiques classiquement retrouvées dans la PAN sont une nécrose fibrinoïde de la paroi, un infiltrat périarteriel de polynucléaires et une thrombose de la lumière du vaisseau. En outre, la biopsie de l’artère temporale de notre patiente montrait l’absence de cellules géantes, ainsi qu’une atteinte de la limitante élastique interne, mais aussi externe, ce qui n’est pas typique d’un aspect de lésions de maladie de Horton. De plus, des cas d’atteinte péricardique dans la PAN ont été décrits par l’analyse d’une pièce de péricardiectomie, avec un diagnostic confirmé à l’autopsie [12]. D’autres atteintes s’éloignant de nos observations témoignent de l’atteinte ischémique du myocarde par lésions anévrismales des coronaires [13]. Concernant la 2e patiente, le tableau histoclinique est plus tranché, ouvrant moins la discussion étiologique. La valeur diagnostique de la biopsie de l’artère temporale doit être bien entendu pondérée et son interprétation toujours en rapport avec la clinique. Ainsi, on peut retrouver une atteinte de l’artère temporale dans plusieurs autres vascularités : périartérite noueuse, syndrome de Churg-Strauss, granulomatose de Wegener, cryoglobulinémie [14,15]. La limite nosologique des classifications des vascularités cliniques ou histologiques ne permet pas de trancher de façon définitive. L’expression systémique classique de la périartérite noueuse (arthralgies des grosses articulations, myalgies, purpura infiltré, multinévrite) est absente dans le tableau des deux patientes. Concernant la maladie de Takayasu, autre vascularité qui aurait pu être évoquée, seule une présentation atypique aurait pu être envisagée dans nos 2 cas, compte tenu de l’âge et de l’origine ethnique des patientes. De plus, l’atteinte cardiaque dans la maladie de Takayasu est coronarienne dans 7 % des cas et/ou valvulaire aortique dans 10 % des cas, moins fréquemment mitrale, mais très rarement myopéricardique [16,17]. Un autre élément du diagnostic nosologique est la réponse au traitement, qui fut singulièrement la même chez nos 2 patientes. Ainsi, la mise en place de la corticothérapie a permis une amélioration spectaculaire, tant clinique que biologique, en quelques jours seulement. Cette cinétique dans la corticosensibilité nous paraît constituer un argument de valeur pour penser que ces 2 patientes souffraient d’une vascularité plutôt de type Horton que d’une périarterite noueuse ou d’une maladie de Takayasu. Le diagnostic de myopéricardite au cours d’une maladie de Horton nous paraissait devoir être retenu chez nos 2 patientes devant les signes généraux cliniques, l’histologie et l’évolution spectaculaire sous corticothérapie. Cette atteinte est rare, 6 autres observations ont pu être retrouvées dans la littérature, elles concernent des femmes d’âge moyen de

66 ans (55 à 77 ans). Ainsi sont rapportés deux travaux [18,19], décrivant des patientes de plus de 65 ans (66 et 74 ans) traitées par corticoïdes pour une pseudopolyarthrite rhizomélique, présentant au cours de la décroissance thérapeutique des douleurs thoraciques avec dyspnée conduisant à la découverte d’un épanchement pleural bilatéral et d’une péricardite. La reprise de la corticothérapie à forte dose avait permis d’améliorer le tableau de myopéricardite, confirmée par une échographie cardiaque. Guillaume et al. [20] ont décrit le cas d’une patiente de 68 ans présentant une altération de l’état général dans un contexte inflammatoire biologique, associée à des douleurs retrosternales sporadiques augmentées à l’inspiration profonde. L’échographie cardiaque objectivait également une péricardite. Le diagnostic étiologique fut porté sur la biopsie de l’artère temporale qui retrouva une histologie typique de maladie de Horton. La mise en place d’une corticothérapie permit une évolution favorable, tant sur le plan biologique (régression du syndrome inflammatoire en 15 j) que sur le plan cardiaque (disparition de la péricardite sur contrôle échographique à 6 mois). Clémentz et al. [21] décrivent le cas d’une femme de 63 ans asthénique chronique, suivie pour un psoriasis sévère avec atteinte articulaire depuis 20 ans. Elle se plaignait d’aggravation de douleurs des épaules et du rachis. À l’interrogatoire fut notée la notion de douleurs thoraciques, d’une dyspnée d’effort apparue 3 mois auparavant, ainsi qu’une claudication de la mâchoire. La prise en charge médicale montra un frottement péricardique et la biologie une anémie à 8,5 g dl–1, une VS à 139, des PAL à 3 fois la normale et des gammaglutamyl-transférase à 4 fois la normale. L’ECG montrait des signes de péricardite, confirmée par l’échographie. La biopsie de l’artère temporale, bilatérale d’emblée, retrouvait une atteinte typique. La corticothérapie permit la résolution des symptômes en 48 h. Toutes les anomalies biologiques disparurent en 2 mois. Stanley et al. [22] présentent le cas d’une patiente de 69 ans ayant eu un épisode d’arthralgie spontanément résolutif dans un premier temps, avec apparition secondaire d’une dyspnée et de douleurs thoraciques. Une échographie cardiaque permit de confirmer le diagnostic de péricardite évoqué sur la clinique (présence d’un frottement péricardique). Là encore, la biopsie de l’artère temporale permit de rattacher l’ensemble du tableau clinique à une maladie de Horton atypique. Elle fut traitée par corticothérapie, avec une bonne évolution biologique. Malheureusement, l’évolution clinique fut dramatique, avec atteinte sévère de la carotide externe et survenue d’un infarctus mésentérique. On peut s’interroger sur la responsabilité de la vascularite dans l’atteinte mésentérique ou plus probablement sur le rôle potentiellement néfaste de la corticothérapie pouvant précipiter une atteinte vasculaire non spécifique. Miller et al. [23], quant à eux, rapportent le cas d’une patiente de 55 ans présentant une altération de l’état général avec anorexie et amaigrissement, ainsi que des douleurs abdominales post-prandiales. Elle présentait également des

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Tableau 1 Tableau récapitulatif des caractéristiques cliniques et anatomopathologiques des 8 cas présentés (NS : Non Signalé) Début après 50 ans.

céphalées

Artère temporale sensible

VS augmentée.

Cas 1

oui

non

non

oui

Biopsie positive (cellule géante) Pas cellule géante

Cas 2

oui

non

non

oui

oui

Dupasquier Dupond Guillaume Clémentz Stanley Miller

oui oui oui oui oui oui

non non non non non oui

oui non non non non NS

oui oui oui oui oui oui

oui oui oui oui oui oui

céphalées frontales dans un contexte de syndrome inflammatoire ayant fait évoquer une maladie de Horton classique. La biopsie de l’artère temporale confirma ce diagnostic. Lors de l’hospitalisation, devant une silhouette cardiaque très élargie à la radiographie thoracique, une échographie cardiaque montra la présence d’une péricardite. L’imputabilité de cette atteinte cardiaque à la maladie de Horton pouvait être discutée au vue de l’évolution sous corticothérapie. En effet, on notait une normalisation rapide en 7 semaines de l’épanchement. Dans les 8 cas rapportés dans ce travail, on peut remarquer que le terrain classique de survenue de la maladie de Horton est constamment retrouvé (femmes d’âge moyen de 66 ans), ainsi que les signes inflammatoires biologiques classiques (VS et CRP élevées, anémie inflammatoire). Cependant, la clinique habituelle est le plus souvent absente. Ainsi, sur 8 patientes, seule l’une d’entre elles se plaignait de claudication de la mâchoire et de céphalées évocatrices de maladie de Horton, les signes visuels étant toujours absents. Dans tous les cas, la réponse précoce à la corticothérapie per os fut bonne, tant sur le plan biologique que cardiologique, rejoignant celle des maladies de Horton classiques. Dans aucun cas, une biopsie myocardique ou péricardique pré- ou post-mortem ne fut effectuée. La physiopathologie de l’atteinte péricardique dans la maladie de Horton reste inexpliquée, une atteinte directe des petits vaisseaux myopéricardiques pourrait être envisagée, rendant l’évolution vers un infarctus du myocarde envisageable [24]. Les types d’atteintes présentées permettent de mettre l’accent sur la difficulté de la démarche diagnostique. En effet, la présentation clinique de ces maladies de Horton est déroutante. Malgré l’aspect histologique de la biopsie de l’artère temporale quasiment constamment retrouvé, les signes cliniques classiques (céphalées, claudication de la mâchoire...) sont presque toujours absents (Tableau 1). La biopsie de l’artère temporale nous semble donc indiquée, afin d’éviter les éventuelles complications ophtalmiques, mais également l’évolution coronarienne, pouvant mettrent en jeu le pronostic vital [25]. La myopéricardite, bien que rare et certaine-

Type infiltrat. Lymphoplasmocytaire, quelque polynucléaire Lymphoplasmocytaire, macrophage Lymphoplasmocytaire NS NS NS Lymphoplasmocytaire NS

ment sous-estimée, doit être connue comme un mode d’expression de la maladie de Horton d’évolution rapidement favorable dès la mise en place du traitement.

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