Cas clinique au laboratoire lésions pigmentaires cutanées multiples

Cas clinique au laboratoire lésions pigmentaires cutanées multiples

clinique au laboratoire L sions pigmentaires cutan es multiples P. S A I N T - B L A N C A R D *, Th. L E G U Y A D E C **, G. L A N T E R N I E R ...

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clinique au laboratoire

L sions pigmentaires cutan es multiples

P. S A I N T - B L A N C A R D

*, Th. L E G U Y A D E C **, G. L A N T E R N I E R et R. L E V A G U E R E S S E *

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I. Observation clinique

2. Discussion

Un jeune homme &g~ de 22 ans, sans antecedent particulier, consultait pour l'extension progressive de l~sions maculeuses pigment~es r~parties sur tout le t~gument. Les premieres l~sions ~taient apparues un an auparavant. Le patient avait remarqu~ que Iorsqu'il frottait ses l~sions pendant sa toilette, les macules devenaient "comme des piqeres d'orties" mais sans le d~manger. A l'inspection, l'examen r~v~lait en effet de nombreuses macules de 3 & 5 mm de diam~tre, non squameuses, de couleur rouge-brun, predominant & la face ant~rieure du tronc et la racine des membres, mais ~pargnant les paumes et les plantes. II n'existait pas de dermographisme, mais ces macules devenaient turgescentes au frottement (signe de Darier) (figure 1). Les muqueuses et les phan~res n'~taient pas atteints. L'examen clinique complet ne r~v~lait ni ad~nopathie, ni h~patom~galie, ni spl~nom~galie. De plus, sur le plan fonctionnel, l'~tat g~n~ral du sujet n'~tait pas alt~r~ et il ne se plaignait pas de prurit, de flush ou de diarrh~e. Le bilan biologique ~tait normal, tout particuli~rement la numeration formule sanguine et le bilan h~patique. L'~lectrocardiogramme n'~tait pas perturb& Enfin, les donn~es de l'imagerie (radiographies pulmonaire et du squelette entier ; ~chographie abdominale) ~taient n~gatives. L'examen anatomopathologique d'une l~sion cutan~e mettait en ~vidence un infiltrat dermique de densit~ mod~r~e de cellules de taille moyenne, allant de 15 ~ 30 microns, arrondies et fusiformes, au cytoplasme amphophile et au noyau rond central d~s la coloration standard (h~matoxyline-phloxinesafran HPS) (figure 2). Les colorations sp~ciales confirmaient la presence de mastocytes grSce & la r~v~lation de granulations cytoplasmiques de couleur rouge & l'acide p~riodique Schiff (PAS), pourpre au Giemsa et au bleu de toluidine (figures 3, 4 et 5). L'~piderme ~tait normal.

La mastocytose est caract~ris~e par l'accumulation de mastocytes dans la peau et les diff~rents organes. Les manifestations cliniques sont li~es d'une part & la proliferation cellulaire et d'autre part & la liberation par le mastocyte de diff~rents m~diateurs, en particulier l'histamine. Les mastocytoses ont un pic de fr~quence dans l'enfance oO elles sont le plus souvent cutan~es pures, r~gressant ~ l'adolescence (70 % des cas). Les formes de l'adulte sont plus rares mais doivent faire redouter une atteinte syst~mique, ou l'association ~ une h~mopathie, qui en fait toute la gravit~ justifiant un bilan et une surveillance minutieuse. La mastocytose syst~mique peut compliquer environ 10 % des formes cutan~es. Elle peut survenir en l'absence d'atteinte du t~gument (20 % des cas). La mastocytose syst~mique consiste en l'accumulation de mastocytes dans diff~rents organes, pratiquement tous l'exception du syst~me nerveux central et du muscle. Sur le plan pratique, les dermatologues proposent une classification simple distinguant : les mastocytoses cutan~es "b~nignes" g~n~ralis~es ou localis~es ; - les mastocytoses syst~miques avec ou sans atteinte cutan6e. La classification de TRAVIS (8) reprend le m~me schema tout en ~tant plus d~taill~e. LEVER (6) distingue quatre formes : -l'urticaire pigmentaire rencontr~e chez le nourisson et le jeune enfant avec exceptionnellement une atteinte visc~rale ;

En r~sum~, nous ~tions en presence d'une mastocytose cutan~e ~ type d'urticaire pigmentaire commune, sans manifestation syst~mique associ~e chez un jeune homme sans antecedent connu.

Revue frangaise des laboratoires, mai 1997, N ° 293

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* Laboratoire de biologie m~dicale et d'anatornie pathologique ** Service de dermatologie H6pital d'Instruction des Arrn~es Percy 101, av. Henri-Barbusse - B.P. 406 92141 C L A M A R T CEDEX TIRF=S A P A R T : M. le Dr P. SAINT-BLANCARD

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FIGURE 1 Mastocytose cutan~e : signe de D a r i e r

FIGURE 2 Peau : infiltrat d e r m i q u e diffus de mastocytes (HES x 200)

FIGURE 3 Infiltrat d e r m i q u e de mastocytes (Giemsa x 200)

FIGURE 4 I d e m (Bleu de toluidine x 200)

FIGURE 5 I d e m (Giemsa x 400)

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- l a mastocytose cutan6e de l'adolescent ou de l'adulte comportant des 16sions syst6miques peu 6volutives ; - la mastocytose syst6mique avec ou sans atteinte cutan6e ; - la leuc6mie h mastocytes, forme toujours mortelle. L'atteinte cutan6e est retrouv6e dans 90 % des cas. Plusieurs formes ont 6t6 d6crites (4) dont la plus commune est l'urticaire pigmentaire comme dans notre observation. C'est dans cet aspect qu'est retrouv6 le plus souvent le signe de Darier pathognomonique mais toutefois inconstant. II consiste en un 6ryth6me et un ced6me de survenue imm6diate apr6s le frottement des 16sions. Les autres formes cliniques d6crites sont c6t6 de la forme maculeuse et maculopapulaire, la telangiectasia eruptiva macularis perstans, les mastocytoses en plaques, les mastocytoses tumorales papuleuses ou nodulaires, les formes diffuses et les formes bulleuses.

1. D i a g n o s t i c positif Le diagnostic de la mastocytose cutan6e repose sur la biopsie d'une 14sion cutan6e. Elle doit 6tre r6alis6e prudemment pour 6viter la d6granulation des mastocytes, sur un 616ment non frott6. La biopsie sera pr6c6d6e d'une anesth6sie locale avec de la xylocaine non adr6nalin6e r6alis6e h distance de la 16sion. Quelle que soit la forme cutan4e, la caract6ristique histologique est l'infiltrat dermique plus ou moins dense ~ pr6dominance de mastocytes d'aspect cytologique variable. Un nombre au moins 6gal & six mastocytes par champ au fort grossissement (x 400) est jug6 significatif (7). CIVATTE (1) distingue deux tableaux : - soit un infiltrat mod4r6 dont le risque est de ne pas 6voquer le diagnostic ; - soit un aspect nodulaire. Sur le plan cytologique, les mastocytes sont des cellules de 15 50 microns, arrondies, globuleuses ou polygonales, parfois cuboides ou fusiformes, au noyau central (d'o6 l'aspect classique en "oeuf sur le plat") et au cytoplasme ~osinophile tr6s riche en granulations color6es en rouge par le Giemsa et le PAS, reconnaissables surtout par leur caract6re m6tachromatique apr~s coloration au bleu de toluidine en solution tamponn6e (pH 4,2).

3. C o n d u i t e ~ t e n i r La d6couverte d'une mastocytose conduit ~ pratiquer un bilan seulement chez l'adulte (5). Devant une forme cutan6e pure sans point d'appel, on peut se contenter d'un bilan minimum, di~cut6, mais comportant en g6n6ral une num6ration formule /sanguine (NFS), un bilan h6patique, un 61ectrocardiogramme, des radiographies du squelette et des poumons et une 6chographie abdominale. En l'absence d'616ment inqui6tant, une surveillance annuelle, bas6e sur la clinique, une NFS et un bilan h6patique suffisent. En cas de suspicion d'atteinte syst6mique ou de mastocytose diffuse, un bilan plus exhaustif est n6cessaire, comportant avant tout une BOM.

4. Pronostic Ce bilan permet donc de classer les mastocytoses et d'en approcher le pronostic en distinguant (5) : - les formes cutan~es pures, surtout chez l'enfant, au pronostic excellent ; - les atteintes syst~miques en distinguant quatre groupes : - les mastocytoses indolentes ou non agressives - les mastocytoses syst6miques associ~es & une h6mopathie ; - les mastocytoses agressives ; - les leuc~mies ~ mastocytes.

Conclusion Reconna~tre une mastocytose cutan~e repose sur |a clinique, surtout pour l'urticaire pigmentaire, mais l'affirmer n6cessite le recours & |a biopsie pour une ~tude histologique. I1 faut ensuite essayer d'affirmer son caract~re "cutan~ pur" ou du moins ~valuer l'absence de gravit~ par un interrogatoire precis, un examen clinique rigoureux et quelques examens parao cliniques simples associ~s & une surveillance r~gu° li~re. Au moindre doute, la biopsie ost~om~dullaire s'impose. La mastocytose est une des affections dans laquelle la relation entre la clinique et l'anatomopa° thologie prend toute son importance.

2. D i a g n o s t i c d i f f ~ r e n t i e l Du fait de la teinte brune fr6quente de l'urticaire pigmentaire (due ~ une hyperpigmentation de la basale associ6e ou non une incontinence m61anique dans le derme), il conviendra d'61iminer toutes les autres tumeurs noires de la peau comme l'6ph~lide, le lentigo ou le naevus. Devant une forme nodulaire ou 6ryth6mateuse de l'enfant, une confusion avec l'histiocytose langheransienne est possible d'autant que dans les deux situations des polynucl6aires 6osinophiles sont souvent intriqu6s h l'infiltrat. Cependant, dans le cas de Fhistiocytose langheransienne, les cellules infiltrent l'6piderme. De toute fagon les colorations sp6ciales rectifieront rapidement le diagnostic. A d6faut, l'expression par les cellules de Langherans de la prot6ine S 100 et de l'antig6ne C D I a par des techniques immunohistochimiques et la raise en 6vidence des granules de Birbeck Iors de l'examen ultrastructural affirment l'histiocytose langheransienne. Le diagnostic de mastocytose est clinique (et souvent uniquement clinique devant une forme typique de l'enfant) et histologique. Chez l'adulte, devant une forme cutan~e, la biopsie apporte facilement le diagnostic. Le frottis m6dullaire et surtout la biopsie ost4om6dullaire (BOM) sont indispensables en cas de suspicion de mastocytose syst6mique (2, 3). La biopsie d'autres organes est plus rare et est guid6e en fonction des signes d'appel. Les dosages des m6diateurs sont moins utiles, soit parce qu'ils sont peu sensibles et non sp6cifiques (histamin6mie, histaminurie), soit parce qu'ils ne sont pas de pratique courante (le dosage urinaire de l'acide N-m6thyl-imidazole ac6tique augmente dans les mastocytoses syst6miques).

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1. CIVATTE J. - Histopathologie cutanEe. Flammarion MEdecine Sciences, 2 ~ Edition, 1982. 2. H O R N Y H.P., P A R W A R E S C H M.R., L E N N E R T K. - Bone marrow findings in systemic mastocytosis. Hum. Pathol., 1985, 1 6 : 808-814. 3. KENDALL M.E., FIELDS J.P., KING L.E. - Cutaneous mastocytosis without clinically obvious skin lesions. Am. Acad. Dermatol., 1984, 1 0 : 903-905. 4. K L A U S S.N., W I N K E L M A N N R.K. - The clinical spectrum of urticaria pigmentosa. Proc. Mayo. Clinic., 1965, 4 0 : 923. 5. LE BOZEC P. - Les mastocytoses systEmiques. Ann. Dermatol. VEnErEol., 1992, 1 1 9 : 703-713. 6. L E V E R W.F. - Histopathology of the skin. Lippincott, 7° Edition, 1990. 7. RAPINI R.P., JORDON R.E. - Anatomie pathologique de la peau. Arnette, 1989. 8. TRAVIS W.D., LI C.Y., B E R G S T R A L H E.J. Y A M L.T., S W E E R.G. - Systemic mast cell disease : analysis of 58 cases and literature review. Medecine, 1988, 6 7 : 345-368.

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