Médecine & Droit 2009 (2009) 155–166
Responsabilité civile
Chronique Medical liability chronicle Cristina Corgas-Bernard (Maître de conférences) IODE, UMR-CNRS 6262, centre de recherche juridique de l’Ouest, université du Maine, 20, rue des Fosses, 35000 Rennes, France
Résumé La responsabilité médicale suscite toujours un contentieux important. Les arrêts rendus ces derniers mois en témoignent. La jurisprudence tente d’établir un équilibre délicat entre les intérêts des professionnels et ceux du patient. Ainsi, la plus grande rigueur dans la dispense et l’organisation des soins est-elle exigée du médecin. Celui-ci est, en outre, tenu d’informer ses patients sur les effets secondaires des produits qu’il utilise et doit assumer les conséquences des infections nosocomiales contractées avant l’adoption de la loi du 30 décembre 2002. En parallèle, la Cour de cassation refuse de rendre les praticiens responsables du fait des agissements de leurs patients ou de leur faire supporter les aléas thérapeutiques. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Organisation des soins ; Collaboration entre médecins ; Produits défectueux ; Dommage lié à la naissance ; Infection nosocomiale ; Aléa thérapeutique ; Préjudice économique ; Préjudice scolaire ; Dommage, obligation de minimiser
Abstract The medical malpractice always arouses an important case law. Sentences published these last months illustrate. The courts try to establish a just balance between the interests of the professionals and those of the patient. The biggest rigour in the exemption and the organisation of the care is required from the doctor. He has, besides, to inform his patients about the side effects of products and has to assume the consequences of the hospital-borne infections contracted before the adoption of the law of December 30th, 2002. At the same time, the Court of cassation refuses to hold the doctor responsible for the patient’s act or to make them bear the therapeutic alea. © 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Organization of the care; Collaboration between doctors; Default of a product; Damage about the birth; Hospital borne-infection; Economic damage; School damage; Duty of mitigation
Les arrêts étudiés dans la présente chronique participent d’une certaine continuité jurisprudentielle. La plupart ont eu l’honneur d’une large publicité. Celle-ci témoigne notamment d’une volonté de didactisme de la part de la Cour de cassation. Les principes que renferment ces arrêts, pour classiques qu’ils peuvent paraître, soulèvent encore des difficultés d’application.
l’organisation de ceux-ci, d’autre part, dans la collaboration au sein du corps médical enfin.
1. Fait générateur de responsabilité
Si le principe de la responsabilité pour faute du médecin est acquis, la reconnaissance de certaines fautes par la jurisprudence attise les discussions. La faute de maladresse en est une illustration. De manière constante, la jurisprudence reconnaît la responsabilité du médecin maladroit. Cette conclusion n’est pas toujours acceptée par le corps médical, qui tend à analyser l’acte incriminé comme un aléa. Un arrêt de la 1re Chambre civile de la Cour de cassation du 18 septembre 2008 reflète cette opposition. En l’espèce, un patient est victime d’une
Les trois premiers arrêts commentés attestent de la rigueur dont la Cour de cassation fait preuve à l’égard des médecins et des établissements de soins. Cette rigueur est exigée à plusieurs niveaux : dans l’administration des soins, d’une part, dans
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[email protected]. 1246-7391/$ – see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.meddro.2009.09.001
1.1. Rigueur dans la dispense des soins : Cass. 1re civ., 18 septembre 2008, deux arrêts, no 07-12.170, Bull. civ. I, no 205 ; no 07-13.080, Bull. civ. I, no 206
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perforation de l’intestin lors de la réalisation d’une coloscopie. Avec son épouse, il engage la responsabilité du médecin. Le Tribunal de grande instance et la Cour d’appel retiennent la responsabilité de ce dernier et le condamnent à indemniser le couple. Le praticien se pourvoit en cassation, selon le moyen que le dommage réalisé était un risque de l’intervention, exclusif de toute faute. En d’autres termes, il invoquait l’aléa. Sans réelle surprise, la Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que « ayant relevé que la coloscopie pratiquée était un acte à visée exploratoire dont la réalisation n’impliquait pas une atteinte aux parois examinées et déduit, tant de l’absence de prédisposition du patient, que des modalités de réalisation de la coloscopie que la perforation dont celle-ci avait été victime était la conséquence d’un geste maladroit du médecin », la Cour d’appel a pu retenir que celui-ci avait commis une faute. Cette solution s’inscrit dans le prolongement de la jurisprudence antérieure. Ainsi, la 1re Chambre civile de la Cour de cassation a-t-elle jugé dans un arrêt du 30 septembre 1997 que « toute maladresse d’un praticien engage sa responsabilité et est, par là même, exclusive de la notion de risque inhérent à l’acte médical »1 . Par deux arrêts du 23 mai 20002 , elle a précisé que sauf anomalie anatomique, une faute technique existe dès lors que le praticien porte atteinte à un organe ou à un tissu qu’il n’était pas nécessaire de toucher pour réaliser l’intervention, alors que la victime ne présentait aucune anomalie. Le médecin n’a pas le droit à certaines erreurs. La Cour de cassation exige de la rigueur et de l’exactitude dans la réalisation de l’acte médical. En conséquence, la maladresse est nécessairement fautive. Celle-ci s’apparente à une faute technique. Un médecin normalement diligent et compétent n’aurait pu commettre le dommage. Il appartient en principe à la victime de démonter la faute. Tâche délicate, tant il est malaisé de caractériser positivement la maladresse ! Les juges font donc montre de souplesse. Ils se contentent de présomptions. Ils déduisent la faute d’un certain nombre d’éléments qui font fortement présumer l’insuffisance technique du professionnel. Ils procèdent par déduction. La Cour de cassation approuve cette méthode, ainsi qu’en témoigne l’arrêt commenté3 . Dès lors que le patient ne présentait pas de prédisposition particulière, que l’acte médical ne postulait pas l’atteinte à l’organe, la faute est présumée4 . Le médecin s’exonérera de sa responsabilité par la preuve de l’impossibilité dans laquelle il se trouvait d’éviter 1 Cass. civ. 1re , 30 septembre 1997, Bull. Civ. I, no 259, JCP 1998, I, 144, obs. G. Viney. 2 Cass. civ. 1re , 23 mai 2000, Bull. civ. I, no 153. Voir dernièrement : Cass. 1re civ., 8 juillet 2008, no 07-12.159, Bull. civ. I, no 190 : condamnation du médecin pour sa persistance dans un diagnostic erroné. 3 Voir cependant : P. Jourdain, RTD. civ. 2000, p. 840 : « ces prétendues fautes ne sont en réalité parfois que de simples erreurs humaines excusables et souvent fortuites. Mieux vaudrait admettre clairement que le médecin est tenu d’une obligation de sécurité de résultat, comme l’ont osé certaines juridictions du fond. Serait évitée la marque d’infamie qui s’attache à la proclamation d’une faute et qui peut gravement nuire à la réputation du médecin désigné “coupable” ». 4 Adde : J. Sainte-Rose, Gaz. Pal. 2006, p. 29 : « hormis des anomalies particulières non décelables du patient, ou circonstances tout à fait exceptionnelles non imputables à l’action du médecin – qui sont alors exclusives de la qualification même de maladresse – le chirurgien qui intervient sur un organe ne doit pas en blesser un autre. S’il commet une telle blessure, ce seul fait (. . .) démontre sa
le dommage. On quitte alors le champ de la faute pour celui de l’aléa. Un arrêt rendu également le 18 septembre 2008, par la 2e Chambre civile postule cette analyse. Dans cette espèce, la Cour a jugé « qu’ayant relevé que la lésion du nerf tibial constituait un risque inhérent à ce type d’intervention, et que la technique de la réparation chirurgicale de la rupture du tendon d’Achille utilisée par le chirurgien était conforme aux données acquises de la science, une cour d’appel peut en déduire que le dommage survenu s’analyse en un aléa thérapeutique, des conséquences duquel le médecin n’est pas contractuellement tenu ». La capacité de maîtriser ou non les risques inhérents à l’intervention distingue la maladresse fautive de l’aléa5 . Si cette capacité relève des compétences raisonnables d’un praticien, le dommage survenu est en toute vraisemblance imputable à une faute, en l’absence de prédisposition de la victime. À l’inverse, l’aléa est stigmatisé si l’impuissance du médecin de parer à l’accident survenu s’explique par les insuffisances de la science6 . Le critère du risque inhérent à l’acte médical n’est donc pas prépondérant. Toute intervention ne supporte-t-elle pas une part de risque ? 1.2. La rigueur dans l’organisation des soins : Cass. 1re civ., 13 novembre 2008, no 07-15.049, Bull. civ. I, no 255 Le patient est lié à l’établissement de santé privé par un contrat d’hospitalisation et de soins7 . En vertu de celui-ci, l’établissement est tenu de procurer au patient « des soins qualifiés en mettant notamment, à son service des médecins pouvant intervenir dans les délais imposés par son état ». L’arrêt rapporté atteste de l’acuité de cette obligation. En l’espèce, un malheureux quiproquo est à l’origine d’un drame. Une patiente enceinte a été hospitalisée dans une clinique où exerce son gynécologueobstétricien, M. X. Elle a été admise au bloc obstétrical à 15 h 30. Le médecin de garde, M. Z., et M. X. ont été informés de l’état de cette dernière. Apprenant entre 17 h 10 et 17 h 30 que celui-ci s’était amélioré, le médecin de garde n’est pas intervenu, persuadé que la patiente pouvait attendre l’arrivée de M. X., qui devait selon M. Z. prendre sa garde à 18 h. M. X. quant à lui, estimait n’avoir à prendre la relève qu’à 20 h. Bien qu’il ait été appelé par la sage femme à deux reprises, vers 18 h 30 puis vers 19 h, il n’est arrivé à la clinique qu’à 19 h 30. Il a alors dû procéder à l’accouchement par césarienne. L’enfant, ayant
maladresse et engage sa responsabilité, sauf à lui prouver à prouver une anomalie ou circonstance exceptionnelle (. . .). Sans entrer dans le débat théorique sur la “faute virtuelle”, on peut dire que la fate est démontrée par les circonstances dans lesquelles est survenue la blessure d’un organe (au sens large) qu’il n’était pas nécessaire de toucher pour réaliser l’intervention ». 5 Adde : C. Baby-Gareau, Gaz. Pal. 30. déc. 2008, p. 43. 6 Voir cependant : J. Penneau, D. 2009, p. 1306 : « il est difficile de déterminer ce qui justifie objectivement la différence de traitement des deux situations (. . .). Si l’on est dans l’incertitude objective de la cause exacte de l’accident – car, si on la connaît, il faut clairement l’indiquer – toute affirmation de l’existence d’une maladresse ou au contraire de l’existence d’un aléa thérapeutique sur des présomptions telles que celles énoncées dans les deux arrêts rapportés relève du verbalisme, et la solution retenue semble, pour le coup, relever de l’aléa judiciaire ». 7 Cass. civ., 6 mars 1945, D. 1945, jur. p. 247, arrêt Clinique Sainte-Croix.
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souffert d’une encéphalopathie anoxique périnatale, est resté atteint de graves séquelles. Les époux ont recherché la responsabilité des deux praticiens ainsi que celle de la clinique. La Cour d’appel d’Orléans a fait droit à leurs demandes. Elle a reconnu la responsabilité pour faute des deux médecins et de la clinique. Celle-ci, condamnée à prendre en charge 20 % du montant de la réparation, s’est pourvue en cassation. La Cour de cassation, invitée à s’exprimer sur la seule question de la responsabilité de l’établissement, a approuvé la Cour d’appel qui « a constaté que les dispositions du règlement intérieur étaient insuffisamment contraignantes et trop imprécises quant aux horaires, pour que soit garantie aux malades la continuité des soins ; que ce manque de rigueur dans l’organisation a permis à chacun des deux médecins en cause de considérer qu’il appartenait à l’autre d’intervenir et a conduit à une vacance totale de la permanence pendant une heure et demi au moins ; qu’elle a pu en déduire, sans se contredire, que la clinique avait commis dans son organisation une faute qui avait contribué au dommage ; qu’ensuite la circonstance que les médecins exercent à titre libéral et engagent leur seule responsabilité au titre du contrat de soins n’était pas de nature à exonérer l’établissement de santé privé de sa responsabilité née de sa faute ». La faute de l’établissement des soins n’était pas discutable. Le dysfonctionnement dans l’organisation du personnel était patent. Les dispositions du règlement intérieur, relativement floues sur les emplois du temps des divers médecins, ont suffi à convaincre les juges. Cet arrêt s’inscrit dans un courant jurisprudentiel désormais classique8 . Il reproduit presque mot pour mot les motifs d’un arrêt rendu par la même chambre le 15 décembre 19999 . La clinique doit s’assurer de la continuité des soins et de la gestion de ses ressources humaines. Elle doit veiller à l’absence de carence du corps médical. Toute fluctuation à cet endroit lui est en principe imputable10 . La circonstance selon laquelle les médecins exerc¸aient à titre libéral au sein de l’établissement était à cet égard sans incidence. La liberté dont ils disposent dans l’exercice de leur art ne les dispense pas d’une discipline collective. Leur indépendance au sein de la clinique ne saurait être totale. La faute caractérisée n’était cependant pas à l’origine de l’entier dommage du patient. Dans ces circonstances, la clinique ne devrait être tenue de réparer qu’une perte de chance, eu égard à l’incertitude qui entoure l’issue de l’accouchement si les médecins étaient intervenus rapidement. Il n’est, en effet, pas garanti que la présence immédiate d’un médecin aurait permis d’éviter le dommage subi11 . Sur ce point, l’arrêt des juges du fond n’encourt pas davantage de critique.
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1.3. Rigueur enfin dans la coopération entre les médecins : Cass. 1re civ., 27 novembre 2008, no 07-15.963 ; Bull. civ. I, no 273 En cas de doute sur le diagnostic, le médecin doit consulter un confrère plus qualifié. À défaut, il est fautif et engage sa responsabilité. Cette obligation puise sa source dans les articles 32 et 33 du Code de déontologie, devenus les articles R. 4127-32 et R. 4127-33 du Code de la santé publique. Tel est l’enseignement de l’arrêt de la Cour de cassation présentement commenté12 . En l’espèce, une femme a donné naissance le 18 janvier 2002 à un enfant présentant une agénésie de l’avant-bras droit et de la main droite. Les parents de l’enfant ont recherché la responsabilité du médecin en lui reprochant de n’avoir pas détecté cette malformation lors des cinq échographies pratiquées au cours de la grossesse. La Cour d’appel a rejeté ces demandes. Elle a constaté que l’expert avait précisé que, devant le doute diagnostique sur la présence ou l’absence d’un membre, il aurait été de bonne pratique de faire contrôler cette anomalie. Elle en déduit cependant que les articles 32 et 33 du Code de déontologie médicale ouvrent à cet égard une possibilité mais n’imposent pas une obligation. À partir des mêmes constatations, la Cour de cassation adopte une position inverse. L’arrêt est censuré au motif que « en statuant par de tels motifs, alors qu’en présence d’un doute diagnostique, qu’elle avait ainsi constaté, les articles 32 et 33 du Code de déontologie médicale faisaient devoir au praticien de recourir à l’aide de tiers compétents ou de concours appropriés, la Cour d’appel a violé, par fausse application, les textes susvisés ». Aucune alternative n’est offerte au médecin. Il ne saurait persister dans un diagnostic douteux. Il doit dissiper toute incertitude en recourant à l’avis de confrères, susceptibles de l’éclairer. Cet arrêt conforte la jurisprudence antérieure. La règle énoncée puise directement sa source dans les dispositions réglementaires du Code de la santé publique qui ont transposé les préceptes déontologiques. Les dispositions visées par l’arrêt formulent une injonction à destination des professionnels, plutôt qu’une recommandation. Ainsi l’article R. 4127-32 dispose-t-il que « dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisan appel, s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents ». L’article R. 4127-33 est encore plus explicite puisqu’il précise que « le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s’aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées, et, s’il y a lieu, de concours appropriés ». Le Conseil national de l’ordre des médecins précise la lecture des articles13 .
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Sur cette jurisprudence, voir P. Sargos, JCP 2009, II, 10030. Bull. civ. I, no 351 ; no 97-22.652. Voir plus récemment : Cass. 1re civ., 21 février 2006, Bull. civ. I, no 84. 10 J. Penneau, D. 2009, p. 1306 : « cette conception suppose (. . .) que l’établissement – même s’il ne peut se substituer aux médecins dans l’organisation technique de la permanence de soins, en raison de l’indépendance d’exercice des praticiens lorsqu’ils exercent à titre libéral – s’assure de l’existence et de l’effectivité de cette permanence de soins, en fonction des spécialités prises en charge en son sein ». 11 Adde : P. Sargos, art. préc. 9
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Sur la valeur du code de déontologie, voir : P. Sargos, La révolution éthique des codes de déontologie des professions médicales et ses conséquences juridiques et judiciaires, D. 2007, chron. 811. Adde : L. Mordefroy, Un doute diagnostique crée une obligation de recourir à un tiers compétent, JCP 2009, II, 10067. 13 Commentaires du code de déontologie médicale, commentaire du second article : « l’hésitation dans le diagnostic, l’absence de diagnostic initial ou l’erreur ne sont répréhensibles si l’examen a bien été fait et la réflexion convenable » : http://www.conseil-national.medecin.fr/, cité par L. Mordefroy, art. préc.
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Le médecin ne peut prétendre échapper à sa responsabilité que si le doute est partagé par la communauté scientifique, si bien qu’un avis plus autorisé s’avère inutile. Hormis cette hypothèse, toute approximation est sanctionnée. La jurisprudence ne censure pas l’erreur de diagnostic en elle-même, mais celle qui est consécutive à une négligence, à un manque de vigilance du médecin. 1.4. Produit défectueux et obligation d’information du médecin : Cass. civ. 1re , 22 novembre 2007, Bull. civ. I, no 368, no 06-14.174 Les produits destinés au corps humain donnent une nouvelle fois l’occasion à la Cour de cassation de se prononcer sur la responsabilité du fait des produits défectueux. En l’espèce, une patiente, souhaitant suivre un traitement d’effacement de rides et d’imperfections cutanées, a subi à deux reprises des injections de Dermalive® sur son visage, pratiquées par un médecin esthéticien. Des nodules inflammatoires sont apparus ultérieurement sur son visage. Le praticien et la société qui a fabriqué et vendu le produit ont été condamnés in solidum à des dommages-intérêts envers cette dernière. La société s’est pourvue en cassation, contestant principalement la défectuosité du produit. Son pourvoi est rejeté par la Cour au motif qu’« aux termes de l’article 1386-4, alinéa 2, du Code civil, le défaut d’un produit, au sens de ses articles 1386-1 et suivants s’apprécie en tenant compte de toutes les circonstances, et notamment de sa présentation ; que, par motifs propres et adoptés, la Cour d’appel a relevé que, si la notice d’utilisation du Dermalive, remise aux seuls médecins, mentionnait le risque d’effets indésirables tels que ceux survenus, la plaquette d’information, communiquée préalablement à Mme X., n’en faisait aucun état, malgré leur présence dans la littérature médicale et leur incidence sur un éventuel renoncement de la patiente aux soins ; que par ces seuls motifs. . ., elle a légalement justifié sa décision ». Le pourvoi incident formé par le médecin a connu un sort similaire : « la Cour d’appel a relevé, à la charge de M. Z., d’après le rapport d’expertise et l’appréciation qu’elle en a faite, une méconnaissance de son obligation d’informer sa patiente sur la possibilité des inflammations effectivement apparues et, par ailleurs, une injection excessive du produit, que par ces seuls motifs, sa décision de retenir sa responsabilité est légalement justifiée ». Cet arrêt appelle plusieurs observations. D’abord, la Cour de cassation confirme l’importance du critère de la présentation du produit dans la caractérisation de sa défectuosité. Cette jurisprudence est conforme à l’article 1386-4 du Code civil. Un produit qui ne satisfait pas à une exigence de transparence quant à ses éventuels effets secondaires est défectueux14 . La circonstance selon laquelle ce produit n’était utilisé que par les médecins et n’était pas directement vendu aux patients est jugée 14 Voir par exemple : Cass. 1re civ., 24 janvier 2006, trois arrêts, Bul. civ. I, no 33, 34, 35 ; Méd. et droit. janvier/février 2007, p. 1 et s., no 7, obs. C. CorgasBernard ; Comp : Cass. 1re civ., 7 mars 2006, affaire du Distilbène, pourvois no 04-16.179 et no 04-16.180 ; Méd. et droit. juillet/août 2007, p. 123 et s., no 1, obs. C. Corgas-Bernard : est mis à la charge des laboratoires une obligation de vigilance, en cas de risques connus et identifiés du produit.
inopérante. Elle ne saurait exonérer le premier de toute responsabilité. L’information doit circuler à tous les maillons de la chaîne afin de s’assurer que le destinataire ultime en prendra connaissance, singulièrement lorsque le produit a pour objet le corps humain15 . Le fabricant de tels produits est donc tenu d’informer tous les utilisateurs, les professionnels, comme les patients. En l’espèce, une notice d’information avait bien été remise à la patiente. Celle-ci ne mentionnait cependant pas les risques d’apparition de nodules, pourtant indiquées dans la notice d’information communiquée au médecin. Aucune raison plausible ne justifiait une telle différence de traitement. Ensuite, l’obligation d’information qui pèse sur le fabricant n’est pas exclusive de celle à la charge du médecin. Celuici ayant rec¸u des renseignements précis sur le produit utilisé devait les transmettre à sa patiente, afin qu’elle puisse donner un consentement éclairé à l’acte médical. Les risques connus d’un produit applicable au corps humain ne sauraient être dissimulés au principal intéressé. La condamnation du médecin dans les circonstances de l’espèce, pour traditionnelle qu’elle soit, présente le mérite d’insister sur les responsabilités de chacun des professionnels, lors de d’utilisation d’un produit défectueux. L’articulation entre ces responsabilités suscite cependant quelques réserves. Dans l’arrêt rapporté, la Cour de cassation censure la Cour d’appel au motif que « la réparation d’un dommage, qui doit être intégrale, ne peut excéder le montant du préjudice ; qu’en retenant la perte de la chance d’éviter le dommage, alors qu’elle venait de réparer les conséquences de sa survenance, la Cour d’appel a violé » l’article 1147 du Code civil. L’arrêt est cassé sans renvoi, seulement en ce qu’il a condamné les défendeurs à payer 2500 euros à la victime au titre de la perte de chance. En d’autres termes, les juges du fond ne peuvent cumuler la réparation de l’entier dommage avec la réparation d’une perte de chance. Ces deux indemnités sont inconciliables. La solution se conforme au principe de la réparation intégrale et aux règles régissant la perte de chance. Celle-ci représente une fraction du dommage subi. Si celui-ci est entièrement réparé, il ne peut l’être une seconde fois sur le fondement de la perte de la chance. Néanmoins, on peut être surpris du fait que la Haute Juridiction opte pour une réparation totale du préjudice plutôt que pour une perte de chance, dans la mesure où ne sont finalement retenues à la charge du médecin et de la clinique que des fautes d’information16 . L’arrêt se comprend cependant si l’on admet que le fondement de la responsabilité du fabricant réside dans la défectuosité du produit, dont le vice de présentation n’est qu’une manifestation. Le défaut absorbe le vice d’information, si bien que la victime a droit à l’indemnisation de tout son dommage17 . Quel sort convient-il alors de réserver au médecin à qui ne peut être reproché qu’une faute éthique ? Doit-il également supporter l’entier dommage ? La réponse est a priori positive sur le terrain de l’obligation si, comme en l’espèce, il a été condamné in solidum avec le
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J.-S. Borghetti, RDCO 1er avril 2008, p. 306 et s. J.-S. Borghetti, note préc. Adde : C. Radé, RCA 2008, comm. 30.
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fabricant. La question se reporte alors sur le terrain de la contribution. Ainsi que le suggère l’article 1386-14 du Code civil, la responsabilité du fabricant se substituerait-elle à celle du praticien ? Si cette analyse peut trouver des soubassements théoriques, elle n’en serait pas moins insatisfaisante. Elle renvoie à la lancinante et épineuse problématique de la sanction de cette faute éthique. Que faut-il accorder à une obligation dont la méconnaissance n’est assortie d’aucune sanction dissuasive18 ? 1.5. L’absence de responsabilité du médecin locataire du fait de ses patients : Cass. 3e civ., 19 novembre 2008, no 07-15.508, Bull. civ. III, no 174 La responsabilité du médecin du fait de ses patients pourraitelle trouver sa consécration en droit positif ? C’est sur le terrain du droit du bail que la formation plénière de la troisième Chambre civile de la Cour de cassation a du répondre à cette question, dans un arrêt du 19 novembre 2008. En l’espèce, un médecin exerce son activité dans un local qu’il a pris en location. Des troubles ont été constatés dans les parties communes de l’immeuble. Le propriétaire bailleur se plaignait des détritus, tels que des seringues déposés dans les parties communes, ou du fait que celles-ci aient pu servir de lieu d’aisance. Il a alors assigné son locataire en résiliation du bail. Sa demande a été rejetée par la Cour d’appel de Paris. Son pourvoi n’a pas davantage prospéré. Dans un attendu circonstancié, la Haute Juridiction juge que « ayant constaté la présence d’un interphone que (le médecin) avait fait installer afin de filtrer les accès au bâtiment, relevé que (le bailleur) reprochait au docteur X. d’exercer son activité auprès d’une clientèle “qu’il ne devait pas recevoir dans un immeuble bourgeois” ne s’appuyait sur aucun comportement fautif des preneurs au titre de l’accueil des patients fréquentant le cabinet, et retenu, à bon droit, que l’autorisation donnée par le bail à ce praticien d’exercer sa profession de médecin dans les lieux loués impliquait le droit pour l’intéressé d’accueillir touts patients, lesquels ne constituent pas des personnes de la maison au sens de l’article 1735 du Code civil, la Cour d’appel qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ni de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit que (le docteur X) ne pouvait être personnellement tenu pour responsable du comportement de certains des patients dans les parties communes de l’immeuble ». Cet arrêt, destiné à figurer dans le rapport annuel de la Cour de cassation, mérite approbation pour plusieurs raisons. En premier lieu, il trouve son soubassement dans le droit du bail19 . En effet, l’article 1735 du Code civil institue un régime sévère de responsabilité pour le locataire, qui justifie que son domaine d’application soit appréhendé strictement. La responsabilité sans faute du preneur n’est acceptable que s’il dispose d’une certaine maîtrise sur les actes des « personnes de la maison » dont il Voir déjà à propos de Cass. Civ. 1re , 6 décembre 2007, JCP 2008, I, 125, o n 3, P. Stoffel-Munck ; D. 2008, p. 192, P. Sargos ; C. Corgas-Bernard, Nouvelle approche de l’obligation d’information du médecin, Revue Lamy Droit civil 2008, p. 19 et s. ; P. Jourdain, RTD civ. 2008, p. 303, obs. P. Jourdain. 19 Y. Dagorne-Labbé, Defrénois 2009, p. 435. 18
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pourrait répondre. La Cour de cassation a adopté cette ligne directrice dans un arrêt du 16 juin 200420 . Le locataire n’est désormais responsable que des personnes résidant « fût-ce temporairement dans les lieux loués » et de celles qui interviennent chez lui à sa demande et à titre professionnel. Les patients d’un médecin peuvent-ils ressortir à la seconde catégorie ? La réponse est assurément négative. Le patient se rend chez son médecin pour des raisons personnelles, indépendantes de toute connotation professionnelle. En outre, il n’investit pas les lieux à la demande du locataire, mais en principe de son propre chef. Le médecin n’a aucun droit sur sa clientèle et n’a pas de réel pouvoir de contrôle sur les méfaits réalisés dans l’immeuble. En conséquence, il aurait été inique de lui faire supporter la charge des exactions commises par ses patients. En second lieu, l’arrêt préserve la liberté professionnelle du médecin. Le bailleur reprochait, en effet, à ce dernier d’accueillir des patients au profil non adaptés à la destination bourgeoise de l’immeuble. Il l’invitait donc à opérer une discrimination. La reconnaissance d’une obligation de répondre des actes des patients aurait abouti à ce résultat, en totale contradiction avec la déontologie et le serment d’Hippocrate. La Cour de cassation l’affirme sans ambages : « l’autorisation donnée par le bail à ce praticien d’exercer sa profession de médecin dans les lieux loués impliquait le droit pour l’intéressé d’accueillir tout patients ». Il n’est pas certain que le médecin soit à l’abri de toute poursuite. Un bailleur pourrait se prévaloir de la clause résolutoire qui l’autoriserait à demander la résiliation du bail en cas de trouble de voisinage, ainsi que l’y autorise désormais l’article 4, g de la loi du 6 juillet 1989, modifié par la loi du 5 mars 200721 . Encore faut-il aux termes de cet article que les troubles aient été constatés « par une décision de justice passée en force de chose jugée ». Ce moyen n’a pas prospéré dans le présent arrêt, dans la mesure où il était invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation. Celle-ci ne statue donc pas sur le fond de la question, qui reste en suspens. 1.6. Secret médical versus droit à l’information : Cass. civ. 2e , 13 novembre 2008, FS-P+B+R+I, no 07-18.364, Bull. civ. II, no 240 La jurisprudence peine à trouver un équilibre satisfaisant entre les intérêts du patient et ceux des tiers qui ressentiraient le besoin d’avoir accès aux informations couvertes par le secret22 . La position de principe de la Cour de cassation semblait claire : le patient avait un droit absolu au secret. Il pouvait s’opposer à la levée de celui-ci et le médecin était tenu de se conformer à ce souhait, même lorsque la personne qui sollicitait les informations était un expert judiciaire. Le juge ne pouvait passer outre ce refus que s’il ne reposait pas sur un intérêt légitime ou s’il
20 Bull. civ. III, no 119. Sur l’évolution jurisprudentielle relativement à l’interprétation de cet article, voir D. 2009, p. 1231 et s., A.-C. Monge, F. Nési. 21 Adde : B. Vial-Pedroletti, Loyers et copr. janvier 2009, étude 1. 22 J.-D. Sarcelet, La confidentialité des informations de santé peut-elle tenir face à la protection d’autres intérêts légitimes ?, Le rôle du juge dans la confrontation des intérêts légitimes en présence, D. 2008. p. 1921 et s.
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visait à faire écarter un élément de preuve23 . Le médecin qui violait le secret engageait sans conteste sa responsabilité. Le trouble a été semé par un arrêt rendu le 22 novembre 200724 , dans lequel la Cour admettait que le secret médical ne pouvait être invoqué à l’encontre d’un médecin expert missionné pour éclairer le juge sur les conditions d’attribution d’une prestation sociale. La solution était justifiée par le fait que ce médecin était lui-même soumis au secret et par l’incompétence du juge dans le domaine technique en question. Cette ignorance expliquait la nécessité de prendre connaissance de certaines informations. Nous nous étions inquiétés dans notre précédente chronique de la portée de cet arrêt. Si la Cour semblait le circonscrire au contentieux de la sécurité sociale, la formulation de la première partie de son attendu postulait cependant une portée plus large25 . L’arrêt en date du 13 novembre 2008, appelé à la plus large publicité, semble revenir sur cette décision. Les faits de l’espèce étaient proches de ceux de l’arrêt de 2007. Me X, salariée, a été victime d’un accident de travail. La CPAM a pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle et lui a reconnu un taux d’IPP de 10 %. L’employeur a contesté cette décision auprès du tribunal du contentieux de l’incapacité de Paris. Celuici a estimé ne pas disposer de suffisamment d’informations. Il a alors ordonné une instruction complémentaire afin que soient versées aux débats toutes pièces administratives et médicales détenues par les organismes décideurs ou les médecins-conseils de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) nécessaires à la solution du litige qu’il qualifie d’essentiellement médical. Dans cette logique, le président du Tribunal a rendu une ordonnance, le 23 octobre 2005, qui a enjoint sous astreinte au service médical de la CNAMTS détaché auprès de la caisse primaire de lui faire parvenir, à l’intention du médecin consultant qui devait être désigné, toutes pièces administratives et médicales relatives à cette affaire, ces dernières éventuellement sous double enveloppe « secret médical ». Le médecin-conseil, chef du service concerné par cette ordonnance, a poursuivi la rétractation de cette dernière, au motif, notamment que le secret médical lui interdisait de déférer à cette injonction. En réponse, une ordonnance du 21 décembre 2005 lui a opposé que le refus de communication invoqué aurait pour effet d’annihiler tout débat contradictoire au sens de l’article 6
23 Cass. 1re civ., 7 décembre 2004, Bull. civ. I, no 306 : « si le juge civil a le pouvoir d’ordonner à un tiers de communiquer à l’expert les documents nécessaires à l’accomplissement de sa mission, il ne peut, en l’absence de disposition législative spécifique, contraindre un établissement de santé à lui transmettre des informations couvertes par le secret sans l’accord de la personne concernée ou de ses ayants droit, le secret médical constituant un empêchement légitime que l’établissement de santé a la faculté d’invoquer, il appartient au juge saisi sur le fond, d’apprécier, en présence de désaccord de la personne concernée ou de ses ayants droits, si celui-ci tend à faire respecter un intérêt légitime ou à faire écarter un élément de preuve et d’en tirer toute conséquence quant à l’exécution du contrat d’assurance ». 24 Méd. et droit septembre/octobre 2008, p. 131 et s., C. Corgas-Bernard ; T. Tauran, Expertise médicale et secret médical, JCP éd. S, 2008, p. 1281 ; M. Pierchon, À propos du secret médical devant les juridictions du contentieux technique, JCP éd. S 2007, p. 1564. 25 Art. préc.
§ 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de gêner l’analyse du médecin expert du tribunal et d’enrayer le cours de la justice. La Cour d’appel a confirmé le refus de rétractation de l’ordonnance en s’appuyant sur le raisonnement suivant : « l’assuré social sollicitant un avantage social en réparation d’un préjudice doit en rapporter la preuve en application de l’article 9 du Code de procédure civile devant les organismes d’attribution et les juridictions de recours ; qu’à cette fin, il lui est nécessaire de faire état de ses déficiences, handicaps, infirmités et pathologies tant physiologiques que psychiatriques ; qu’il renonce volontairement, dans son propre intérêt, à la protection instituée en sa faveur par l’article 4 du Code de déontologie médicale ; que dans ces conditions, le secret médical ne peut être valablement opposé aux juridictions alors même que l’assuré sollicite qu’il soit débattu contradictoirement de sa situation de santé ». La Cour d’appel avait donc repris les motifs de l’arrêt du 22 novembre 2007. C’était sans compter sur un nouveau revirement de jurisprudence. Un an tout juste après l’arrêt précité, la 2e Chambre civile renoue avec sa position antérieure. Dans un attendu de principe, rendu au visa des articles 9 du Code civil et R. 4127-4 du Code de la santé publique, anciennement article 4 du Code de déontologie médicale, la Cour affirme de manière générale et sans aucun tempérament que « chacun a droit au respect de sa vie privée et le secret médical, institué dans l’intérêt des patients, s’impose à tout médecin ». Elle censure les juges du fond dans la mesure où « ni l’accord de la victime ni son absence d’opposition à la levée du secret médical ne peuvent résulter de la simple sollicitation de prestations, la Cour nationale a violé les textes susvisés ». Le principe de la maîtrise par le patient du secret médical est rétabli et ne souffre plus de tempérament en cas de technicité du contentieux. La simple inaptitude du juge ou le caractère complexe d’un litige ne peut justifier des atteintes à ce droit fondamental. Ce retour à l’orthodoxie doit être approuvé. D’abord, il est conforme à la loi. Aucun texte n’ouvre expressément la faculté pour le juge de contraindre le patient à dévoiler les informations couvertes par le secret médicales dans les circonstances de l’espèce26 . La jurisprudence ne tolère cette immixtion que dans deux situations : la dissimulation d’un élément de preuve pertinent ou l’existence d’un intérêt légitime. Il appartient donc au juge d’établir l’une ou l’autre de ces hypothèses, s’il entend faire obstruction au refus du patient27 . Telle n’a pas été l’attitude des juges du fond en l’espèce. Leur décision méritait donc la censure. Ensuite, les fondements qui légitimaient la levée du secret médical dans l’arrêt de 2007 étaient trop vaguement définies et laissaient une grande marge de manœuvre aux juges du fond. Au cas d’espèce, ceux-ci avaient attaché des conséquences extrêmes et péremptoires à la simple demande de prestation sociale, puisque celle-ci inférait nécessairement l’abandon par le demandeur de son droit au secret. Or la renonciation à un droit ne saurait se présumer. Elle doit être claire et non équivoque.
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C. Bergoignan Esper, Le respect du secret médical dans la législation de notre pays, D. 2009, p. 1918 et s. 27 J.-D. Sarcelet, art. préc.
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Notons enfin que la 2e Chambre civile semble admettre que l’autorisation de lever le secret peut être tacite. La simple absence d’opposition du patient suffirait. Le silence vaudrait en quelque sorte acceptation28 . Cet infléchissement, s’il venait à se confirmer, est inopportun29 . L’exigence d’un accord exprès aurait été plus protectrice des victimes, particulièrement de celles qui ne maîtrisent pas les implications de leur passivité. 1.7. Infection nosocomiale : application rationae temporis de la loi : Cass. 1e civ., 16 octobre 2008, no 07-17.605, Bull. civ. I, no 231 L’adoption en quelques années de plusieurs lois visant à réglementer la réparation du dommage corporel explique que la Cour de cassation soit régulièrement invitée à se prononcer sur des questions d’application de la loi dans le temps30 . Dernièrement, elle a été saisie du « domaine temporel » de l’article L. 1142-1, II du Code de la santé publique. Lorsqu’un patient est victime d’une infection nosocomiale génératrice d’un dommage corporel, il est susceptible d’être indemnisé sur le fondement de plusieurs régimes. Il peut d’abord relever du régime de la responsabilité de droit commun qui fait peser sur le médecin et l’établissement de soins une obligation de sécurité de résultat. Il peut ensuite bénéficier de la solidarité nationale s’il justifie d’un taux d’IPP de 25 % ou d’une incapacité de travail d’une durée totale de six mois. Les ayants droits peuvent encore agir devant la CRCI si la victime est décédée des suites de son infection. Ce dispositif reposant sur la solidarité nationale pour les infections les plus graves a été rendu effectif par la loi du 30 décembre 2002. Les praticiens ont intérêt à se prévaloir de cette loi pour échapper aux conséquences de leur responsabilité de plein droit. Celleci n’a cependant pas vocation à régir toutes les demandes. La 1re Chambre civile de la Cour de cassation l’a rappelé dans cet arrêt du 16 octobre 200831 . En l’espèce, l’infection a été contractée entre le 5 septembre 2001, date d’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 et le 1er janvier 2003, date d’entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 2002, soit entre la fin mai et le début du mois de juin 2002. L’infection a entraîné le décès de la patiente. L’établissement de soins, demandeur au pourvoi, défendait la thèse selon laquelle l’infection devait être prise en charge par l’Oniam au motif que l’ensemble de la loi du 30 décembre 2002 serait rétroactif et non pas seulement l’article 3 de cette dernière. Autrement dit, il estimait que le mécanisme de la solidarité nationale créé par l’article 1er de la loi du 30 décembre 2002 avait vocation à prendre charge tous les dommages survenus à compter du 5 septembre 2001, à l’instar de l’alinéa 1er de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique. Cette thèse a été écartée par la Cour de cassation. Dans un attendu bref et limpide, elle restreint la rétroactivité de la loi du 30 décembre 2002 à son seul article 3. Elle affirme que « la loi du 30 décembre 2002 en son article 1er n’est pas d’application 28
Voir déjà : Cass. 1re civ., 15 juin 2004, Bull. civ. I, no 171 : l’arrêt évoque déjà une simple absence d’opposition du patient. 29 Adde : H. Groutel, Resp. civ. et assur. février 2005, comm. no 75. 30 Voir dernièrement : Cass. 1re civ., 18 octobre 2005, Bull. civ. I, no 365. 31 D. 2008, p. 2719.
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rétroactive ». Seules les dispositions relatives à la responsabilité pour faute des professionnels de santé sont rétroactives, à l’exclusion du mécanisme de solidarité nationale. En somme, toutes les infections contractées jusqu’au 1er janvier 2003 sont de l’entière responsabilité des établissements de soins ou des médecins. La solidarité nationale ne joue qu’à compter de cette date. Cet arrêt a le mérite de la clarté. L’articulation entre les divers régimes d’indemnisation des infections nosocomiales ne devrait plus poser de difficultés. La Haute Juridiction administrative a également statué en ce sens dans un arrêt du 13 juillet 200732 . Cette solution est en outre conforme à la lettre et à l’esprit de la loi33 . Le législateur a clairement distingué le régime de la responsabilité pour faute des médecins, auquel il a voulu conférer un effet rétroactif, du mécanisme de la prise en charge des infections les plus graves par l’Oniam, qui ne produit ses effets que pour l’avenir. 2. Dommages – préjudices 2.1. Dommage lié à la naissance : l’épilogue ? : Cass. 1re civ., 8 juillet 2008, no 07-12.159, Bull. civ. I, no 190 C’est encore d’application de la loi dans le temps dont il est principalement question dans l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 8 juillet 2008. Plus précisément, il s’agissait pour la Haute Juridiction de définir la portée de la censure de la rétroactivité de l’article 1er de la loi du 4 mars 2002. On sait, en effet, depuis les arrêts Maurice et Draon du 6 octobre 2005 rendus par la Cour européenne des droits de l’homme que le principe édicté par cet article selon lequel « nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance » affirmé par l’article litigieux, ne peut régir les actions en justice introduites avant la loi du 4 mars 2002, sous peine de contrarier l’article 1er du protocole additionnel no 1 de la convention européenne des droits de l’homme34 . Les juridictions franc¸aises ont aligné leur position sur les arrêts de la Cour de Strasbourg35 . Cette censure de la rétroactivité de la loi devait-elle être étendue aux faits dommageables antérieurs au 4 mars 2002, pour lesquels les victimes n’ont saisi la justice que postérieurement ? C’est à cette question qu’a dû répondre la Cour de cassation dans l’arrêt étudié. Elle y a apporté une réponse positive. En l’espèce, une femme était enceinte de jumeaux, dont l’un d’eux n’était pas viable. Elle avait clairement fait connaître sa volonté de ne pas poursuivre sa grossesse en cas de malformation du second fœtus. Son radiologue et son gynécologue ont apaisé ses craintes en concluant à l’absence d’anomalie. Aucun examen complémentaire n’a donc 32
No 293196 ; RFDA 2008, p. 337, concl. T. Olson ; RDSS 2007, p. 847, obs. Cristol. 33 Adde : T. Olson, concl. préc. 34 Aff. 11810/03, Maurice c/ France ; aff. 1513/03, Draon c/ France. 35 Cass. 1re civ., 24 janvier 2006, D. 2007, p. 1102, obs. J.-C. Galloux, H. Gaumont-Prat ; CE 24 février 2006, no 250704, Levenez, AJDA 2006, p. 1272, note S. Hennette-Vauchez. Sur ces évolutions, voir : A. Gouttenoire, S. PorchySimon, Suite de l’affaire Perruche : condamnation de la rétroactivité du dispositif issu de la loi du 4 mars 2002, JCP 2006, II, 10062 ; C. Radé, Resp. civ. et ass. november 2005, comm. no 327 ; B. Beignier, Dr. fam. avril 2006, comm. 105 ; L. Leveneur, Contr. conc. conso. mai 2006, comm. 76.
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été prescrit. À la naissance, l’enfant est atteint d’une malformation cérébrale complexe. La Cour d’appel de Rennes, par un arrêt du 29 novembre 2006, avait débouté la mère et le père de leur demande en réparation de leur préjudice et de celui de leur enfant, au motif qu’ils n’avaient pas introduit de recours avant l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, laquelle était en conséquence applicable. L’arrêt est cassé au visa de l’article 1er du premier protocole additionnel, ensemble l’article 1er de la loi du 4 mars 2002, les articles 114 et 1382 du Code civil. La Cour argumente précisément sa décision : « attendu qu’il résulte du premier de ces textes que si une personne peut être privée d’un droit de créance en réparation d’une action en responsabilité, c’est à la condition que soit respectée le juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens, que le deuxième de ces textes ne répond pas à cette exigence dès lors qu’il prohibe l’action de l’enfant né handicapé et exclut du préjudice des parents les charges particulières qui en découlent tout au long de la vie, instituant seulement un mécanisme de compensation forfaitaire du handicap sans rapport raisonnable avec une créance de réparation intégrale, tandis que les intéressés pouvaient, en l’état de la jurisprudence applicable avant l’entrée en vigueur de cette loi, légitimement espérer que leur préjudice inclurait toutes les charges particulières invoquées, s’agissant d’un dommage survenu antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi susvisée, indépendamment de la date de l’introduction de la demande en justice ». La Cour de cassation décide donc que les principes prétoriens ont vocation à régir l’ensemble des dommages liés à des naissances survenues avant l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, peu importe la date d’assignation en justice36 . L’enfant comme les parents ont droit à la réparation de leur entier préjudice, sans subir les restrictions légales. Techniquement, cet arrêt trouve ses soubassements juridiques dans le droit de la responsabilité. La date du fait dommageable est, en effet, un critère déterminant en matière de responsabilité. Le juge ne fait que déclarer une créance de réparation qui préexiste et prend naissance au jour du fait générateur. Partant, le droit appelé à régir la demande de dommages-intérêts s’apprécie à cette date37 . Les demandeurs sont fondés à arguer d’une espérance légitime de créance dont elles ne sauraient être privées, au sens de la jurisprudence européenne. L’arrêt assoit encore sa légitimité sur l’équité. En effet, au cas d’espèce, la solution est d’autant mieux accueillie que la tardiveté de l’action judiciaire était principalement due à des expertises longues, retardées à raison d’événements indépendants de la volonté des victimes38 . Force est toutefois de constater la disparité patente qu’il existe entre les victimes selon la date du fait générateur de responsabilité. Alors qu’elles peuvent aspirer à la réparation de leur entier dommage sous le régime antérieur, la nature des préjudices indemnisables et le montant de la réparation sont canalisés sous 36
Voir déjà en ce sens : Cass. 1re civ., 30 octobre 2007, no 06-17.325, inédit. Adde : S. Porchy-Simon, Refus d’application du dispositif « anti-Perruche » aux dommages survenus antérieurement à la loi du 4 mars 2002, D. 2008, p. 2765 ; C. Coulon, La résistance de la Cour de cassation à l’application du dispositif anti-Perruche, RLDC 2009, no 56. 38 S. Porchy-Simon, note préc. 37
l’empire du droit nouveau. Une telle distance n’est pas admissible. Deux issues sont envisageables. La Cour de cassation et le Conseil d’État pourraient faire évoluer leurs jurisprudences et refuser d’indemniser l’enfant de ses préjudices. Un tel revirement surprendrait, mais ne serait pas dénué de pertinence juridique. Il suffit pour s’en convaincre de relire les innombrables commentaires de l’arrêt du 17 novembre 2000, qui mettent en relief les incohérences de ce dernier39 . La nature du dommage de l’enfant comme le lien de causalité entre ce dommage et la faute imputable au médecin sont controversés. Les hautes juridictions franc¸aises n’ont cependant livré aucun signe en ce sens. Au contraire, elles ont confirmé leur volonté d’ancrer leurs positions respectives. Il reste à escompter que le législateur s’efforce de réduire l’écart entre les deux systèmes d’indemnisation, en se montrant plus généreux envers les victimes40 . 2.2. La réparation intégrale des préjudices : quelques applications Le principe de la réparation intégrale est bien ancré dans notre droit, malgré l’absence de texte en ce sens. Il implique de réparer tout le dommage, mais seulement le dommage. Cette règle a vocation à régir l’ensemble des préjudices, patrimoniaux comme extrapatrimoniaux. S’agissant des préjudices patrimoniaux, deux arrêts ont retenu notre attention, l’un relatif au préjudice professionnel, l’autre au préjudice scolaire. L’évaluation du préjudice professionnel s’opère à partir du seul fait dommageable. Un arrêt de la 2e Chambre civile de la Cour de cassation du 12 février 200941 réaffirme cette règle, parfois occultée par les juges du fond. En l’espèce, un viticulteur a été frappé à mort. Sa veuve, agissant tant en son nom propre qu’en celui de son mineur, ainsi que sa fille, devenue majeure, ont saisi une commission d’indemnisation des victimes d’infraction en réparation de leurs préjudices. Le Fonds de garantie fait grief à l’arrêt d’avoir surindemnisé le préjudice économique, en ayant décidé que les revenus tirés de la mise en fermage des terres exploitées jusqu’à son décès par la victime ne devaient pas être pris en compte pour le calcul du préjudice économique de ses ayants droits, cependant que la mise en fermage de ces terres ne s’analyse pas comme une activité nouvelle mais comme un simple changement des modalités juridiques de l’exploitation du fonds de laquelle le ménage tirait déjà ses ressources. La Cour de cassation rejette le pourvoi par un attendu de principe formulé comme suit : « mais attendu que pour fixer le préjudice économique subi par une épouse et ses enfants du fait du décès de son mari causé par une infraction, ne doit pas être pris en
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Parmi de nombreux commentaires, voir par exemple : JCP 2000, II, 10438, concl. J. Sainte-Rose, rapp. P. Sargos, note Fr. Chabas ; D. 2001, jur. p. 332, note D. Mazeaud et p. 336, note P. Jourdain. 40 La « nouvelle prestation de compensation » prévue aux articles L. 245-1 et suivants du Code de l’action sociale et familiale ne vise qu’à compenser certaines charges liées au handicap, tels le besoin d’aides humaines ou techniques, l’aménagement du logement ou du véhicule, sans réparer intégralement le préjudice. 41 No 08-12.706, à paraître au Bulletin.
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considération ce qui n’est pas la conséquence directe et nécessaire du décès ». Elle en déduit que « l’arrêt retient qu’avant le décès de son mari, Mme X. percevait avec lui un revenu moyen annuel de 30453 euros ; qu’après le décès elle a per¸cu en 2002 des revenus agricoles pour 35257 euros et 45527 euros en 2003 ; qu’elle a cessé d’exploiter les terres sous la forme d’une société civile d’exploitation agricole pour les louer, en sorte qu’à partir de l’année 2004, les revenus tirés de la location des terres s’élèvent à la somme de 17 765 euros ; que par ces constatations et énonciations dont il résulte que les revenus tirés du fermage n’étaient pas la conséquence nécessaire du fait dommageable et ne pouvaient donc diminuer le montant du préjudice le montant du préjudice économique, la Cour d’appel a exactement décidé qu’ils n’avaient pas à en être déduits ». En somme, cette mise en location des terres n’avait pas de lien direct avec le fait générateur de responsabilité. Les revenus supplémentaires en résultant participaient d’une décision personnelle de la victime, indépendante du fait dommageable. Partant, le débiteur ne pouvait s’en prévaloir pour modérer les dommages-intérêts dus. Il est de principe que le comportement de la victime n’interfère pas sur le montant des dommages-intérêts, alors même qu’il est susceptible d’alléger la dette du débiteur. Cet arrêt poursuit la logique de la jurisprudence qui prohibe l’obligation de minimiser le dommage en droit franc¸ais42 . Le responsable ne saurait reprocher à la victime de ne pas avoir adopté les mesures idoines pour réduire ses préjudices. Il ne peut davantage tirer profit des décisions économiques opportunes qu’elle pourrait prendre. L’évaluation de la perte de revenus doit s’apprécier in concreto eu égard aux salaires qu’aurait perc¸us la victime si elle n’avait pas subi de dommage43 . Cette solution peut paraître sévère pour le responsable. Elle pourrait offrir l’occasion à la victime de s’enrichir. Elle constitue cependant une traduction précise des fondements qui innervent notre droit de la responsabilité. Ainsi que l’exprime la Cour de cassation, « le propre de la responsabilité est de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu »44 . Après des discussions, le préjudice scolaire a été inclus dans le poste de préjudice patrimonial par le groupe de réflexion présidé par M. Dinthilac45 . « Ce poste de préjudice (. . .) a pour objet de réparer la perte d’année(s) d’étude que ce soit scolaire, universitaire, de formation ou autre consécutive à la survenance du dommage subi par la victime directe. Ce poste intègre, en outre, non seulement le retard scolaire ou de formation subi, mais aussi une possible modification d’orientation, voire une renonciation
42 Cass. 2e civ., 19 juin 2003, D. 2003, p. 2326, note J.-P. Chazal ; RTD civ. 2003, p. 716, obs. P. Jourdain ; Cass. 2e civ., 22 janvier 2009, no 07-20.878, D. 2009, p. 1114, R. Loir. 43 B. Grillon, M.-C. Gras, Fiche pratique : perte de gains professionnels actuels, Gaz. Pal. 2009, p. 27 et Fiche pratique : perte de gains professionnels futurs, Gaz. Pal. 2009, p. 36. 44 Cass. 2e civ., 28 octobre 1954, Bull. civ. no 328. 45 Rapport du groupe de travail chargé d’élaborer une nomenclature des préjudices corporels, Groupe de travail présidé par J.-P. Dinthlac, président de la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation, juillet 2005.
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à toute formation qui obère ainsi gravement l’intégration de cette victime dans le monde du travail »46 . Un arrêt de la 2e Chambre civile de la Cour de cassation du 9 avril 200947 a fait une application exacte de cette définition. Les juges ont approuvé la Cour d’appel qui a retenu « qu’il est établi par les pièces versées au dossier que M. X. a perdu au moins deux années scolaires en raison des séquelles dues à l’accident, préjudice qui sera indemnisé par l’allocation d’une somme de 14 000 euros ; que M. X. établit par ailleurs avoir souscrit un emprunt pour régler le coût de sa scolarité à l’école de commerce, scolarité qu’il n’a pu mener à son terme n’ayant pu obtenir le diplôme de l’école ; que le montant de l’emprunt constitue bien une perte financière devant être indemnisée à hauteur de 19 540,05 euros », « de ces constations et énonciations procédant de son pouvoir souverain d’appréciation de la valeur de la portée des éléments produits devant elle, la Cour d’appel a pu déduire l’existence d’un préjudice scolaire dont elle a ensuite évalué les divers éléments ». L’arrêt est toutefois censuré sur le premier moyen au visa des articles 1382 du Code civil et 3 de la loi du 5 juillet 1985, sur le fondement de la perte de chance. Après avoir énoncé la règle classique selon laquelle « la réparation d’une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle était réalisée », la Haute Juridiction censure la Cour d’appel au motif « qu’en tenant pour acquis que M. X. aurait obtenu un poste de cadre supérieur et en indemnisant la perte de salaire correspondante capitalisée, la Cour d’appel a violé les textes susvisés ». En effet, le raisonnement de la Cour d’appel reposait sur une contradiction : la réparation de l’entier dommage tout en retenant une perte de chance. De deux choses, l’une : soit il est certain que la victime aurait pu prétendre à un poste de cadre supérieur, soit il subsiste une incertitude sur cette évolution de carrière. Dans le premier cas, elle doit être indemnisée totalement, tandis que dans le second cas, son préjudice équivaut à la chance perdue d’avoir pu accéder à l’avenir professionnel escompté. La règle est constante. La Cour de cassation a eu l’occasion de la rappeler à plusieurs reprises ces dernières années. On s’étonnera donc qu’il puisse encore il y avoir des censures de ce chef. La Cour de cassation peinerait-elle à convaincre les juges du fond de la pertinence du régime de la perte de chance, envers lequel ces derniers manifesteraient une certaine réticence ? S’agissant ensuite du préjudice extrapatrimonial, les juges du fond peuvent se montrer particulièrement compréhensifs en certaines occurrences. Les positions arrêtées à propos des préjudices liés à des sondes cardiaques en témoignent. Par un arrêt du 19 décembre 200648 , la 1re Chambre civile de la Cour de cassation avait cassé un arrêt pour violation de l’article 455 du Code de procédure civile au motif qu’elle avait débouté le patient de sa demande d’indemnisation d’un préjudice moral sans répondre à ses conclusions invoquant l’existence d’un dommage lié à
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Rapport préc., p. 64. No 08-15.977 ; à paraître au Bulletin. 48 No 05-15.719 ; JCP 2007, II, 10052, note S. Hocquet-Berg ; Resp. civ. et assur. 2007, comm. 64, C. Radé ; RTD civ. 2007, p. 352. 47
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l’annonce de la défectuosité du type de sonde posée et à la crainte de subir d’autres atteintes graves jusqu’à l’explantation de sa propre sonde. En l’espèce, un défaut de conception de la sonde auriculaire implantée au demandeur souffrant d’une insuffisance cardiaque créait un risque de rupture du fil de rétention. Pour contrôler ce risque, il avait convenu d’augmenter la surveillance médicale des patients porteurs de telles sondes. Les juges du fond avaient débouté les patients de leur demande d’indemnisation au motif que le changement de sonde avait été effectué à titre préventif sans difficulté et que l’insuffisance de la surveillance n’avait pas établi. Toutefois, ils n’avaient pas répondu à la question de la caractérisation d’un éventuel préjudice moral. Telle était la raison de cette censure disciplinaire. Celle-ci ne préjudiciait pas du fond. La Cour invitait les juges du fond à une plus ample motivation sur l’ensemble des prétentions des parties. Il appartenait donc à la Cour de renvoi de prendre parti sur ce préjudice d’angoisse. Cette tâche a incombé à la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 12 septembre 200849 . Elle n’a pas remis en cause la défectuosité du produit. Elle a ainsi confirmé « qu’un rapport d’expertise a mis en évidence le défaut de conception d’une sonde auriculaire qui était affectée en raison du risque potentiel de rupture de l’armature métallique que constitue le fil de rétention. Ce produit ne présentait pas la sécurité à laquelle le patient pouvait légitimement s’attendre ». Son arrêt nous intéressera particulièrement quant au préjudice. Les juges parisiens ont en effet estimé que « l’annonce de la dangerosité potentielle présentée par ce matériel qui a eu pour conséquence directe dans un premier temps et préalablement à son retrait, d’augmenter la surveillance médicale du patient, a inéluctablement créé chez celui-ci un sentiment d’angoisse quand bien même le risque de blessure, voire de mort, en cas de rupture du fil métallique et de sortie de la sonde de sa gaine de protection, ne s’est pas réalisé. Le patient a donc subi un dommage certain même s’il s’est trouvé exposé à un risque statistiquement faible ». La boîte de Pandore serait-elle ouverte ? L’indemnisation de ce préjudice qu’est le préjudice d’angoisse suscite des hésitations. On éprouve un certain malaise à la lecture de l’arrêt. Deux raisons peuvent être avancées. Premièrement, le préjudice d’angoisse est difficilement saisissable, car éminemment personnel. Ses contours peinent à se dessiner. L’angoisse est un sentiment de degré variable, aux causes incertaines. En outre, sa force d’expansion est vaste. L’exposition à tout danger, quelle que soit sa nature, créé-telle cette angoisse ? Comment établir avec certitude la causalité directe entre ce préjudice et le fait dommageable ? En l’espèce, les juges parisiens se contentent d’affirmer que l’annonce de la dangerosité potentielle de la sonde a généré « inéluctablement » ce sentiment. Une telle affirmation heurte les esprits. Elle s’apparente à une présomption. Or le préjudice ne doit-il pas être positivement établi. Le corps médical pourra-t-il s’exonérer de sa responsabilité en démontrant que le risque était minime et que toutes les mesures idoines ont été prises afin d’apaiser l’angoisse des patients ?
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No 07/05802 ; D. 2008, p. 2429.
Deuxièmement, au cas d’espèce, l’indemnisation de ce préjudice est d’autant plus discutable que son fait générateur est lui-même imprécis50 . Ce préjudice serait imputable à une éventuelle dangerosité du produit, susceptible de créer un risque de rupture du fil de rétention. À un risque potentiel est associé un préjudice insaisissable. Le droit doit-il réellement répondre « à celui qui se plaint de sa propre appréhension, de sa propre peur, d’une crainte qu’il lui appartient et à lui seul de vaincre et de dominer ? La multiplication des préjudices indemnisables est déjà une dérive mais que penser des soi-disant préjudices moraux qui ne sont que des peurs de préjudices ? (. . .) Notre société est une société de liberté et non seulement de responsabilité, les risques à assumer en dépendent »51 . Au cas d’espèce, les bienfaits incontestables de ces sondes pour les patients souffrant de troubles cardiaques n’impliquent-ils pas une certaine prise de risque ? C’est toute la question de l’équilibre à assurer dans la balance « bénéfices/risques ». L’arrêt de la Cour d’appel de Paris n’est pas isolé. Les juges du fond paraissent relativement enclins à réceptionner ce type de préjudice. Ainsi, récemment la Cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 4 février 2009, a approuvé les juges de première instance d’avoir imposé le démantèlement d’une antenne relais, dès lors qu’il s’agissait de faire cesser « le préjudice moral résultant de l’angoisse créée et subie par les intimés ». Elle a, en outre, octroyé des dommages-intérêts à ces derniers, car la permanence de cette angoisse a constitué un préjudice réparable52 . Cet arrêt semble reposer sur la même dialectique que l’arrêt commenté. Le fait d’exposer un individu à un risque probable, quoique incertain, génère une anxiété qui à elle seule mérite indemnisation. Ces décisions s’inscrivent dans un courant favorable à la fonction préventive de la responsabilité et en corollaire au principe de précaution53 . Il s’agirait de mettre à la charge d’un individu le poids des risques particulièrement graves engendrés par son activité, indépendamment de toute faute. Les fondements et les contours de cette responsabilité demeurent cependant fluctuants, si bien que le scepticisme est de mise54 . Enfin, on ne manquera pas d’établir un parallèle avec l’arrêt de la 1re Chambre civile de la Cour de cassation du 6 décembre 2007 qui a affirmé péremptoirement que le défaut
50 Adde : D. Bandon-Tourret, A. Gorny, Le préjudice indemnisable dans le contentieux des sondes cardiaques : vers l’indemnisation du préjudice d’angoisse, JCP E 2008, 2253. 51 A.-E. Crédeville, Le défaut d’information sur les risques de l’intervention : quelles sanctions ? Non à la dérive des préjudices, D. 2008, p. 1914. 52 D. 2009, p. 819, M. Boutonnet. 53 C. Thibierge, Libres propos sur l’évolution du droit de la responsabilité, Vers un élargissement de la fonction de la responsabilité civile ?, RTD civ. 1999, p. 561 et s. ; du même auteur, Avenir de la responsabilité : responsabilité de l’avenir, D. 2004, chron. 577. Comp. : Cass. civ. 2e , 15 mai 2008, no 07-13.483, RTD civ. 2008, p. 679 : les dépenses destinées à prévenir un risque de dommage constituent un préjudice réparable. Comp : CEDH, 27 janvier 2009, Environnement mai 2009, comm. 65 : l’existence d’un risque sérieux et substantiel pour la santé et pour le bien-être des requérants faisait eser sur l’État l’obligation positive d’adopter des mesures raisonnables et adéquates capables de protéger les droits des intéressés au respect de leur vie privée et leur domicile et, plus généralement, à la jouissance d’un environnement sain et protégé. 54 Adde : P. Brun, Responsabilité civile extracontractuelle, Litec, 2005, no 180–181.
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d’information par le médecin ne peut être la source d’un préjudice moral et ne peut être la source que d’une perte de chance55 . Le droit positif se ferait l’écho du paradoxe suivant : dûment informé d’un danger éventuel, le patient pourrait néanmoins alléguer d’un préjudice d’angoisse, alors que non informé avant la réalisation d’un acte médical des risques de celui-ci, aucun préjudice moral ne lui serait reconnu ! Enfin, doit être rapporté un dernier arrêt qui rappelle que tout préjudice quel qu’il soit ne mérite indemnisation que si sa réalité est établie. Le préjudice d’agrément ne fait pas exception, ainsi que le précise un arrêt de la 2e Chambre civile de la Cour de cassation du 5 juin 200856 . En l’espèce, un homme a été blessé lors d’un accident de la circulation. Il a demandé une certaine somme au titre de son préjudice d’agrément. La Cour d’appel y a consenti au motif qu’il éprouvait de la gêne, voire une impossibilité de monter à cheval. Cette impossibilité était incommodante puisque la victime exploitait avec son épouse une propriété agricole où étaient élevés des chevaux. L’arrêt est cassé au visa de l’article 455 du Code de procédure civile, car les juges du fond n’ont pas répondu aux conclusions du responsable faisant valoir que la victime ne justifiait pas de la pratique de l’équitation ou d’une quelconque passion pour l’élevage des chevaux. Cette cassation disciplinaire insiste sur l’obligation des juges du fond d’argumenter précisément leur décision quant aux préjudices qu’ils indemnisent. De simples allégations ou présomptions ne suffisent pas à ouvrir droit à des dommages-intérêts. Il convient de rappeler que les typologies de préjudices proposées respectivement par le groupe présidé par Mme Lambert-Faivre57 et par le groupe dirigé par M. Dinthilac58 ont adopté une conception restrictive du préjudice d’agrément, afin d’éviter tout cumul avec le préjudice fonctionnel temporaire ou permanent. Le préjudice d’agrément est réduit à un préjudice d’agrément spécifique, exprimant l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisirs. L’incapacité personnelle de la victime, la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence, que la jurisprudence classait antérieurement dans le préjudice d’agrément, largement entendu, devraient désormais relever du chef du préjudice fonctionnel. 3. Lien de causalité 3.1. Lien de causalité et incertitude scientifique : Cas. 1re civ., 22 mai 2008, quatre arrêts ; Cass. civ. 1re , 22 janvier 2009, no 07-16.449, à paraître au Bulletin Peut-on juridiquement imputer un dommage corporel à une cause sans que la science n’étaie cette conclusion ? Tel est le dilemme auquel sont confrontées les juridictions dans le contentieux dit du vaccin de l’hépatite B. Alors que les victimes relient 55 JCP 2008, I, 125, no 3, P. Stoffel-Munck ; D. 2008, p. 192, P. Sargos, C. Corgas-Bernard, Nouvelle approche de l’obligation d’information du médecin, Revue Lamy Droit civil 2008, p. 19 et s. 56 No 07-15.791, inédit. 57 Rapport sur l’indemnisation du dommage corporel, juin 2003. 58 Rapport préc.
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leurs pathologies à ce vaccin, les juges marquent quelques réticences à établir le lien de causalité. La problématique à laquelle ils sont confrontés est la suivante : faut-il s’incliner devant les incertitudes scientifiques ou accepter de s’en écarter pour privilégier une vérité plausible, bien qu’incertaine ?59 La jurisprudence oscille entre ces deux attitudes. Dans un premier temps, la Cour de cassation a refusé de caractériser la causalité juridique à défaut de preuve scientifique tangible. Elle a infléchi sa position dans plusieurs arrêts rendus le 22 mai 2008, suivant le chemin tracé par le Conseil d’état60 . Les arrêts du 22 mai 2008 ont, en effet, introduit une dose de souplesse. La Cour de cassation a admis que la causalité pouvait s’établir à partir des présomptions du fait de l’homme, à condition qu’elles soient graves, précise et concordantes, conformément à l’article 1353 du Code civil. Elle a ainsi censuré les juges du fond qui s’étaient exclusivement fondés sur l’absence de lien scientifique et statistique entre vaccination et développement de la maladie pour exclure la causalité61 . Elle invite ces derniers à rechercher s’il n’existe pas d’autres éléments de nature à faire présumer le lien de causalité entre le dommage et le vaccin62 . Les juges demeurent cependant souverains dans l’appréciation de ces éléments63 . La Cour de cassation substitue donc une appréciation casuistique à un principe général exprimant une politique jurisprudentielle claire. Cette solution n’est pas pleinement satisfaisante, car source de divergence et d’insécurité juridique. Afin de canaliser celle-ci, il est impérieux de définir les indices susceptibles de caractériser juridiquement le lien de causalité. La Cour de cassation semble cependant vouloir faire preuve de réserve également à ce niveau. Elle ne livre, en effet, aucune directive particulière. La jurisprudence postérieure conforte cette ligne de conduite. Un arrêt rendu par la 1re Chambre civile le 22 janvier 2009 est topique à cet égard. En l’espèce, Mme X. a rec¸u trois injections successives du vaccin Engerix B® , fabriqué et mis en circulation en 1989 par la société laboratoire Glaxosmithkline. Après la troisième injection, elle a ressenti une perte de sensibilité des membres inférieurs qui a conduit au diagnostic de la polyradiculonévrite, dite maladie de Guillain-Barré. Elle a engagé la responsabilité du laboratoire. La Cour d’appel de Versailles l’a déboutée de ses demandes. Son pourvoi est rejeté par la Haute Juridiction, qui se retranche derrière le pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond. Les motifs de l’arrêt sont les suivants : « la Cour d’appel, ayant souverainement apprécié la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, desquels elle a relevé qu’il ressortait que plusieurs facteurs pouvaient être à l’origine de la maladie, dont une cause infectieuse telle que celle ayant pu justifier la cholécystectomie pratiquée à
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L. Grynbaum, Le lien de causalité en matière de santé : un élément de la vérité judiciaire, D. 2008, p. 1928 et s. 60 RDCO 2008, p. 1186 et s., J.-S. Borghetti ; RCA 2008, étude 8, C. Radé ; RTD civ. 2008, p. 7492, obs. P. Jourdain. 61 Bull. civ. I, no 148 et 149. 62 Voir pour l’adoption d’un raisonnement identique afin d’établir le défaut d’un produit : Cass. 1re civ., 24 janvier 2006, no 02-16.648, RTD civ. 2006, p. 323. RDSS 2006, p. 495, obs. J. Peigné. 63 Arrêts no 06-18.848 et 07-17.200.
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la même époque, et que les deux rapports d’expertise judiciaire avaient conclu à l’absence de relation entre la vaccination et l’apparition de la maladie, a estimé, excluant ainsi l’existence de présomptions graves, précises et concordantes, que Mme Y. n’avait pas rapporté la preuve de l’imputabilité de la maladie à l’injection re¸cue ; que par ces motifs qui échappent aux griefs du moyen, l’arrêt est légalement justifié ». La Cour confirme le mouvement amorcé en 2008. Les connaissances scientifiques ne doivent pas constituer un élément exclusif d’appréciation à la disposition des juges. Pour le reste, ils demeurent souverains. La Haute Juridiction se limite au contrôle de la réunion des conditions de l’article 1353 du Code civil, à savoir l’existence de faits précis, graves et concor-
dants permettant de présumer un fait inconnu. En l’espèce, elle approuve les juges du fond d’avoir écarté la causalité au motif que l’incertitude scientifique se conjuguait avec d’autres explications possibles du dommage. Peu importe, d’une part, que la victime ait établi une connivence dans le temps entre son dommage et la vaccination, d’autre part, qu’elle ne présentant pas de prédisposition particulière. Les juridictions judiciaires feraientelles preuve de davantage de sévérité que les juridictions administratives qui attachent une importance prépondérante à ces deux derniers critères64 ? Il faut se garder de toute conclusion hâtive. La politique adoptée par les premières repose sur la casuistique. Aussi, par hypothèse, tout serait question d’espèce !
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CE 9 mars 2007, no 267635, Schwartz ; S. Carpi-Petit, Considérations sur la causalité entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques, JCP A 2007, 2277.