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Angiomes et angiomatoses
Dossier thématique
Mise au point
Presse Med. 2010; 39: 495–498 ß 2010 Publié par Elsevier Masson SAS.
Cutis marmorata telangiectatica congenita Gabriella Georgesco, Gérard Lorette
Service de dermatologie, CHU de Tours, 37044 Tours cedex, France
Correspondance : Gérard Lorette, Service de dermatologie, CHU de Tours, avenue de la République, 37044 Tours cedex, France.
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Key points Cutis marmorata telangiectatica congenita Cutis marmorata telangiectatica congenita (CMTC) is a rare cutaneous condition in newborns. The lesions form a red or purplish network, sometimes with dilated veins and atrophic areas. Multiple malformations may be associated with it, in particular in infants with macrocephaly. These cutaneous lesions may improve, disappear or remain stable. The appearance is characteristic and diagnosis is based on the clinical picture.
L
a cutis marmorata telangiectatica congenita (CMTC) ou syndrome de Van Lohuizen a été décrite en 1922. C’est une angiomatose d’aspect clinique caractéristique et de cause inconnue.
Aspect clinique À la naissance on constate des stries rouge-violacées ou bleutées plus ou moins anastomosées en réseaux donnant un aspect réticulé (ou marbré) (figure 1–4) parfois nécrotique ou atrophique par endroits sous forme de dépressions linéaires. Dans de rares cas les lésions ne sont pas découvertes à la tome 39 > n84 > avril 2010 doi: 10.1016/j.lpm.2009.09.026
Points essentiels La cutis marmorata telangiectatica congenita (CMTC) est une affection cutanée rare du nouveau-né. Les lésions forment un réseau rouge ou violacé, avec parfois des veines dilatées et des zones atrophiques. Il peut exister des malformations associées multiples, en particulier en cas d’existence d’une macrocéphalie. Les lésions cutanées peuvent s’atténuer, disparaître ou rester stables. L’aspect est caractéristique et la clinique permet le diagnostic.
naissance mais dans les premiers jours de vie. L’atteinte peut exister chez le prématuré [1]. L’atteinte peut être diffuse ou localisée (sur un membre, en particulier chez les filles ou plutôt sur le tronc, la tête, le cou chez le garçon, le visage est très rarement atteint) [2]. Les lésions sont le plus souvent localisées sur un membre, sur une partie du tronc ou sur le cuir chevelu. Sur l’abdomen une limitation médiane nette est habituelle. Des lésions multiples sont possibles. On observe également de façon inconstante des vaisseaux veineux bleutés visibles par transparence. L’aspect a été comparé à un livedo congénital.
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Disponible sur internet le : 5 mars 2010
G Georgesco, G Lorette
Figure 3 Figure 1
Cutis marmorata telangiectatica congenita (CMTC), lésions violacées, en réseau, chez un nouveau-né
Cutis marmorata telangiectatica congenita (CMTC), lésion atrophique de la cheville
Formes cliniques
Dans près de la moitié des cas les lésions régressent dans les deux premières années. Il n’y a pas de signes prédictifs de la régression ou de la persistance des lésions [3]. Les aspects nécrotiques ou cicatriciels restent marqués de cicatrices. Dans d’autres cas, il n’y a pas de modification au fil du temps, les lésions restent identiques. Le pronostic est globalement bon. Une évolution grave en période néonatale a été décrite dans un cas avec saignements et choc hypovolémique puis infection [4].
Des associations nombreuses ont été décrites avec la CMTC. Ces associations sont diverses, certaines sont probablement des coïncidences. Il peut s’agir de malformations osseuses, ophtalmologiques, neurologiques. . . De ces nombreuses malformations associées, on ne comprend pas les liens avec la CMTC. Elles sont souvent bénignes. Les malformations peuvent porter sur la symétrie corporelle, en particulier une atrophie d’un membre atteint, des angiomes, des taches café au lait, un glaucome, un retard psychomoteur. Un lupus congénital transmis de la mère à l’enfant a été décrit [5]. On a insisté ces dernières années depuis les descriptions de Toriello en 1996 et de Moore en 1997 sur l’association avec une
Figure 2
Figure 4
Cutis marmorata telangiectatica congenita (CMTC), lésions persistantes de la jambe
Cutis marmorata telangiectatica congenita (CMTC), lésions violacées, en réseau, grosses veines dilatées chez un nouveau-né
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Évolution
tome 39 > n84 > avril 2010
Cutis marmorata telangiectatica congenita
Physiopathologie La plupart des cas sont sporadiques [17] mais il y a quelques cas familiaux et l’association possible à des maladies génétiques. On a évoqué la possibilité de gènes létaux survivant par mosaïcisme, de paradominance, d’une hérédité autosomique dominante avec expressivité variable ou récessive. Le sex-ratio est voisin de 1, cependant, plusieurs études mentionnent un plus grand nombre de filles [18]. La cause précise n’est pas connue : anomalie d’un vascular growth factor, anomalie nerveuse fonctionnelle des vaisseaux terminaux par défaut de l’innervation a-adrénergique [19] ? Il n’est pas habituellement pratiqué d’examen histologique, on trouverait un aspect non spécifique d’augmentation du nombre et de la taille des veines et capillaires dermiques.
Diagnostic différentiel L’aspect clinique est souvent très évocateur. On discute essentiellement des livedos précoces. Certains hémangiomes infantiles ont un aspect réticulé avec des ulcérations cutanées prolongées. Ils sont situés principalement sur un membre inférieur chez des filles ; des malformations tome 39 > n84 > avril 2010
Figure 5 Cutis marmorata physiologique du nourrisson
diverses peuvent être associées en particulier des anomalies urogénitales, une atteinte cardiaque [20]. Le diagnostic différentiel principal est un angiome plan réticulé, mais il ne comporte ni atrophie ni nécrose. Une CMTC peu prendre un aspect essentiellement érythémateux et donc difficile à différencier de l’érythème physiologique de la période néonatale, ou encore prendre l’aspect d’un angiome plan habituel à la naissance. Des phlébectasies superficielles diffuses constituent le syndrome de Brockenheimer. La cutis marmorata physiologique est constituée de marbrures fines (figure 5), principalement sur les membres, dans les premiers mois de vie. Le réseau est très fin, sans atrophie, sans nécrose. Le froid, les stress la rendent plus visible. Elle est facilement différenciée d’une CMTC.
Examens complémentaires Le diagnostic est clinique. Il n’y a pas d’examen complémentaire nécessaire sauf en cas de manifestation clinique associée.
Traitement Dans les formes limitées, peu nécrotiques, aucun traitement n’est nécessaire et il est probable que les lésions vont s’atténuer, voire disparaître spontanément dans les premiers mois de vie. En cas de malformation associée, il faut prendre en charge celle-ci. En cas d’absence de disparition des lésions, un traitement par laser à colorant pulsé peut être envisagé mais avec des résultats attendus très partiels. La fragilité particulière des mailles vasculaires de CMTC nécessite d’être très prudent dans le choix des constantes utilisées. Conflits d’intérêts : aucun
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macrocéphalie (M-CMTC) et de nombreuses autres malformations possibles (principalement angiome plan de la lèvre ou du philtrum, asymétrie corporelle mais aussi syndactylie, hyperelasticité cutanée, atteintes neurologiques, retard de croissance, atteinte cardiaque. . .) [6–9]. La présence d’une CMTC n’est pas constante dans ce syndrome [10]. On considère maintenant que l’atteinte cutanée correspond en fait à une malformation capillaire réticulée. La transmission héréditaire si elle existe est mal connue [8], la plupart des cas sont sporadiques, il y a une petite supériorité du nombre de garçons atteints, un âge plus élevé du père de ces enfants. Des formes particulières comportent un retard de croissance, une arythmie cardiaque, une mort subite [11] ou encore des épisodes apnéiques. Le syndrome M-CMTC ne partage pas le pronostic habituellement bénin de la CMTC. La CMTC fait partie des signes cliniques observés au cours de l’homocystinurie, la trisomie 21, le syndrome de Cornelia de Lange, le syndrome d’Adams-Oliver qui associe une aplasie cutanée congénitale et des anomalies de membre comme des amputations d’orteils [12]. L’association alopécie congénitale, microcéphalie, cutis marmorata, petite stature est une entité particulière avec retard mental plus ou moins convulsions ; sa transmission héréditaire est encore discutée [13]. L’association d’une CMTC et d’un nævus « cæsius » (nævus bleu, tache mongolique) définit la phacomatose pigmentovasculaire de type « cesio marmorata » [14,15] ou type V [16] (une phacomatose pigmentovasculaire associe un angiome étendu et un nævus pigmentaire étendu). Des manifestations extracutanées peuvent être associées.
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Angiomes et angiomatoses
G Georgesco, G Lorette
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