Cancer/Radiothérapie 11 (2007) 317–319 http://france.elsevier.com/direct/CANRAD/
Mise au point
Déclaration des événements indésirables graves liés aux soins à l’Institut de Veille sanitaire Report of adverse events related to treatments to Institute de Veille sanitaire P. Maingona,*, S. Simmon-Tellierb a
Département de radiothérapie, centre Georges-François-Leclerc, 1, rue du Professeur-Marion, 21079 Dijon, France b Institut de Veille sanitaire, 12, rue du Val-d’Osme, 94445 Saint-Maurice cedex, France Disponible sur internet le 17 septembre 2007
Résumé Le code de santé publique impose à tous les professionnels de santé une obligation de déclaration des événements indésirables graves liés à des soins réalisés lors d’investigations de traitement ou d’actions de prévention. La loi du 9 août 2004 a placé sous la responsabilité de l’Institut de Veille sanitaire une expérimentation visant à définir un dispositif de déclarations des événements indésirables graves afin d’en tester la faisabilité, l’efficacité, pour identifier les conditions et les modalités qui permettraient ensuite sa généralisation. Le champ de cette expérimentation concerne tous les professionnels de santé, qu’ils exercent en établissement de santé ou en pratique libérale. La définition des événements indésirables graves devra être clarifiée. Le circuit des déclarations devra être discuté avec la Société française de radiothérapie oncologique (SFRO) afin d’améliorer les conditions actuelles de gestion des incidents et événements indésirables. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract The code de santé publique imposes to all health professionals an obligation to declare serious and undesirable events following cares applied during treatment investigations or prevention actions. An experimentation has been installed under the responsibility of the Institut de Veille sanitaire further to the 9 August 2004 bill. It aims to define how to declare undesirable adverse events to test its feasibility, its efficiency and to identify the necessary conditions to widespread its modalities. The field of these experimentations concerns all health professionals, working in public hospital or in private practice. The definition of undesirable adverse events should be clarified. Different ways to declare these events will be discussed with SFRO (Société française de radiothérapie oncologique) to improve the current management of incidents and adverse events. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Événements indésirables graves ; Radiothérapie ; Institut de Veille sanitaire ; Accident Keywords: Adverse events; Radiotherapy; Institute de Veille sanitaire; Accident
1. Introduction
2. Contexte législatif et réglementaire
Le dispositif expérimental concernant la déclaration des événements indésirables graves liés aux soins constitue un outil parmi d’autres du développement de la sécurité des patients.
L’article L.1413-14 du code de santé publique, issu de la loi no 2002-303 du 4 mars 2002, instaure pour l’ensemble des professionnels de santé, exerçant ou non en établissement de santé, une obligation de déclaration à l’autorité administrative compétente des « événements indésirables graves liés à des soins réalisés lors d’investigations, de traitements ou d’actions de prévention ». Cette obligation complète celles relatives aux vigilances mises en œuvre par l’Agence française pour la sécu-
* Auteur
correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (P. Maingon).
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rité sanitaire et les produits sanguins (Afssaps) sur les produits de santé et par l’Agence de la biomédecine sur les activités cliniques et biologiques d’Assistance médicale à la procréation, au signalement des infections nosocomiales par les établissements de santé, à la déclaration à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) des incidents et accidents par exposition aux rayonnements ionisants. La mise en œuvre de cette nouvelle obligation a été subordonnée par l’article 117 de la loi no 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, à une expérimentation préalable d’une durée maximale de trois ans, placée sous la responsabilité de l’Institut de Veille sanitaire (InVS). La loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique instaure un dispositif général de signalement à l’InVS via le représentant de l’État dans le département, des « menaces imminentes pour la santé de la population… ainsi que les situations dans lesquelles une présomption sérieuse de menace sanitaire grave leur paraît avérée ». Les déclarants sont entre autres les services de l’État et les collectivités territoriales, les établissements de santé publics et privés, les professionnels de santé (article L.1413-15 du code de santé publique). 3. Objectifs Les objectifs du dispositif expérimental sont définis au regard du contexte dans lequel il s’inscrit : amélioration de la qualité et de la sécurité des soins et développement de la « culture » de gestion des risques. Il a pour ambition de constituer un outil d’apprentissage continu par les professionnels de santé et au service de ces professionnels, afin d’améliorer la prise en charge des malades. Il s’agit pour eux de tirer les enseignements de l’analyse des événements indésirables graves afin d’éviter la reproduction de ceux qui sont évitables. 4. Expérimentation Les modalités de l’expérimentation, son cahier des charges et les conditions de son déroulement sont fixés par l’arrêté du 25 avril 2006 qui précise les points suivants. L’InVS est chargé de proposer, de mettre en œuvre et d’évaluer un dispositif expérimental. Il a la responsabilité de définir un protocole portant sur les critères de déclaration des événements indésirables graves, les modalités de la déclaration et les moyens de sa transmission, les critères de déclaration et d’analyse. Il doit en outre définir les critères de choix des sites de l’expérimentation, et de sélection des professionnels de santé libéraux. La mise en œuvre et l’organisation du fonctionnement sont fixées au 1er décembre 2006 au plus tard. Le dispositif de déclaration des événements indésirables graves liés à des soins s’inscrit dans le développement des programmes de gestion des risques au sein des établissements de santé. L’objet de l’expérimentation est d’élaborer, de mettre en œuvre et d’évaluer un tel dispositif de déclaration des événements indésirables graves par les professionnels et établissements de santé.
Les objectifs opérationnels sont les suivants : ● définir un dispositif de déclaration de ces événements indésirables graves, dans une perspective d’alerte et d’intervention éventuelle de l’autorité sanitaire afin d’en éviter la reproduction et éventuellement d’en limiter les effets ; ● tester la faisabilité, la pertinence et l’efficacité d’un tel dispositif ; ● identifier les conditions et les modalités permettant sa généralisation. Le dispositif doit impérativement garantir la confidentialité des données recueillies, être conçu et déployé en complémentarité et en articulation avec les dispositifs préexistants (vigilances et infections nosocomiales). Il doit s’intégrer dans les organisations mises en place, au sein des établissements de santé, pour développer leur programme global et coordonner la gestion des risques. Le champ de l’expérimentation concerne l’ensemble des professionnels de santé, qu’ils exercent ou non en établissements de santé. Un Comité de pilotage (Copil), créé auprès du ministre de la Santé et des Solidarités pour la durée de l’expérimentation, est chargé d’émettre des avis et recommandations sur le déroulement de l’expérimentation. La Direction générale de la santé (DGS) et la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) assurent conjointement la présidence et le secrétariat de ce Copil dont les membres sont nommés par arrêté du ministre chargé de la santé. Outre des représentants de la DGS, de la DHOS et de la Direction de la recherche, des études de l’évaluation et des statistiques, ce comité comprend des membres de la Haute Autorité de santé, de l’Afssaps, de l’Agence de la biomédecine, de la Direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, de la Conférence des directeurs régionaux des affaires sanitaires et sociales, de la Conférence des médecins inspecteurs régionaux, de la Conférence des directeurs d’agences régionales de l’hospitalisation, des Conseils nationaux de l’Ordre des médecins, des pharmaciens, des sages-femmes, des chirurgiensdentistes, de la Caisse nationale de l’assurance maladie, de la Fédération de l’hospitalisation privée, de la Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privée, de la Conférence des présidents des unions régionales des médecins libéraux, de l’Union nationale des professions de santé. L’InVS est assisté dans l’élaboration et la mise en œuvre de l’expérimentation par un Comité technique qu’il préside et dont il définit les modalités de fonctionnement et la composition. 5. Événements indésirables graves La loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique institue un Comité national de santé publique qui a pour mission de coordonner l’action des différents départements en matière de sécurité sanitaire et de prévention. L’InVS a pour mission « l’alerte sanitaire auprès du ministre vis-à-vis des menaces imminentes pour la santé de la popula-
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tion ainsi que des situations dans lesquelles une présomption sérieuse de menace sanitaire grave paraît avérée ». Ces objectifs sont clairement différents de la gestion des événements indésirables graves dont la définition est par ailleurs confuse. La version la plus connue, mais la plus contraignante, est issue de la Directive européenne du 4 avril 2001 relative à l’application des bonnes pratiques cliniques dans la conduite d’essais cliniques sur les médicaments à usage humain. Elle est transcrite dans l’article R.1123-39 du code de santé publique. Elle concerne « tout événement ou effet indésirable qui entraîne la mort, met en danger la vie de la personne qui se prête à la recherche, nécessite une hospitalisation, provoque une incapacité ou un handicap important ou durable ou bien se traduit par une anomalie ou une malformation congénitale, quelle que soit la dose administrée ». Le même terme d’événement indésirable grave est utilisé pour décrire des situations cliniques extrêmement variées. En premier lieu, il est réalisé un amalgame entre une menace sanitaire à l’échelle de la population et la protection individuelle d’un patient soumis à un risque aléatoire lié à sa participation à une recherche thérapeutique qu’il a acceptée. L’Anaes (Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé), en son temps, a proposé comme définition de l’événement indésirable grave « une situation qui s’écarte de procédures ou de résultats escomptés dans une situation habituelle et qui est, ou qui serait potentiellement source de dommage [dysfonctionnement, incident, accident] ». L’InVS projette de retenir les termes de l’Étude nationale sur les événements indésirables graves liés aux soins, issue de la Directive européenne sur les essais cliniques, avec un classement en trois niveaux : ● niveau 1 : décès ou mise en jeu du pronostic vital ; ● niveau 2 : hospitalisation en réanimation, réintervention non programmée ;
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● niveau 3 : séquelle ou préjudice psychologique, esthétique ou fonctionnel. Dans un premier temps, seuls les événements de niveaux 1 et 2 feraient l’objet de déclaration. La liste générale des événements indésirables graves à déclarer pourrait comporter des événements « généraux », tels que erreur de patients, erreur de côté lors d’un acte chirurgical, corps étrangers après chirurgie, et des événements indésirables graves « spécifiques » des spécialités proposés par les sociétés savantes. Une tentative de simplification de l’identification des événements indésirables graves par l’utilisation des scores de complications disponibles dans la littérature se heurte rapidement à la spécificité de chaque spécialité et celle liée à la localisation tumorale. Par exemple, la déclaration des toxicités de grade 3 et plus va conduire à inscrire tous les patients porteurs de cancers de la tête et du cou traités par association de chimiothérapie et de radiothérapie, ou à l’inverse ne plus les traiter correctement pour éviter les complications dites indésirables graves. 6. Conclusion La Société française de radiothérapie oncologie a été sollicitée pour contribuer à la mise en place du dispositif expérimental de l’InVS pour sa spécialité. Elle est partie prenante des discussions devant conduire à améliorer la sécurité et la qualité des traitements. Or, sa spécificité doit être préservée dans ce processus. La radiothérapie est déjà soumise à un dispositif réglementaire déclaratif particulier. Une clarification indispensable du circuit des déclarations doit être discutée avec la DHOS, l’ASN, l’Afssaps et les professionnels. Il n’est pas envisageable qu’un nouveau circuit parallèle se mette en place dans les conditions actuelles de gestion des événements indésirables dits graves.