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Délinquance des adolescents et maturation pubertaire analysées au travers du timing pubertaire perçu
G Model
AMEPSY-1931; No. of Pages 7 Annales Me´dico-Psychologiques xxx (2015) xxx–xxx
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ScienceDirect www.sciencedirect.com
Me´moire
De´linquance des adolescents et maturation pubertaire analyse´es au travers du timing pubertaire perc¸u Juvenile delinquency and pubertal maturation analyzed through the perceived pubertal timing Fabienne Glowacz a,*, Jean-Pierre Bourguignon b a b
Unite´ de psychologie clinique de la de´linquance, des inadaptations sociales et des processus d’insertion, universite´ de Lie`ge, Lie´ge, Belgique Universite´ de Lie`ge, CHU de Lie`ge, Lie`ge, Belgique
I N F O A R T I C L E
R E´ S U M E´
Historique de l’article : Rec¸u le 9 fe´vrier 2014 Accepte´ le 20 mars 2014
Le processus de maturation pubertaire est au centre du de´veloppement adolescentaire. Les recherches les plus re´centes montrent l’existence de rapports complexes entre de´veloppement pubertaire et troubles internalise´s et externalise´s. Notre e´tude s’inte´resse spe´cifiquement aux liens entre la de´linquance durant l’adolescence et la maturation pubertaire a` partir d’une population de 141 garc¸ons aˆge´s de 12 a` 18 ans. C’est sur la base du timing pubertaire perc¸u (TPP), qui e´value la perception par l’adolescent de sa maturation pubertaire compare´e a` celle de ses pairs, que nous avons mesure´ la variable pubertaire pour comprendre son impact sur diffe´rentes dimensions du fonctionnement des adolescents : la perception de soi, l’agressivite´, l’association aux pairs et la de´linquance auto-re´ve´le´e (atteintes aux biens et aux personnes). Nos re´sultats soutiennent la the`se de la pre´cocite´ : les adolescents au TPP avance´ pre´sentent des scores significativement plus e´leve´s de de´linquance et d’agressivite´ que les adolescents au TPP dans les normes. Toutefois, le sous-groupe des adolescents au TPP retarde´ pre´sente des scores bruts plus e´leve´s de de´linquance (mais sans significativite´ statistique), et surtout une hostilite´ significativement plus intense que les adolescents au TPP dans les normes. Sur la base de ce constat, nous avons identifie´ les variables explicatives de la de´linquance au sein de chaque type de puberte´. Ce mode`le de de´linquance intra-pubertaire analysant la de´linquance selon le TPP a mis en e´vidence que le facteur d’agressivite´ physique est commun aux trois types de timing pubertaire. Cependant, l’affiliation aux pairs de´linquants, reconnue comme le facteur pre´dictif le plus puissant de la de´linquance des mineurs, n’intervient que pour les garc¸ons au TPP avance´ et normal. Pour les garc¸ons au TPP retarde´, c’est l’agressivite´ et l’hostilite´ qui pre´disent leur de´linquance. Ces re´sultats indiquent l’importance d’inte´grer la variable pubertaire dans les recherches sur la de´linquance juve´nile et au niveau de l’intervention. ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
Mots cle´s : Adaptation sociale Adolescent Comportement a` risque Comportement social De´linquance Enqueˆte Puberte´
A B S T R A C T
Keywords: Adolescent Delinquency Investigation Puberty Risk behavior Social adaptation Social behavior
The impact of pubertal development on the psychological and social functioning of the teenager arouses a particular interest; the most recent research shows the existence of complex relationships between pubertal development and the manifestation of internalized and externalized disorders. Two predominant hypotheses are used for explaining influence of pubertal timing on problem behaviors: the maturational deviance theory and the stage termination (early timing) theory. The deviance theory claims that the borderline or abnormal pubertal timing, whether early or late, causes difficulties for adolescent adaptation. The early timing theory suggests that early pubertal timing and the consequent early physical maturation put adolescents at greater risk of adjustment problems because early pubertal maturation interferes with normal progression through the developmental tasks of adolescence. Our
* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Glowacz). http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2014.07.015 0003-4487/ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
Pour citer cet article : Glowacz F, Bourguignon J-P. De´linquance des adolescents et maturation pubertaire analyse´es au travers du timing pubertaire perc¸u. Ann Med Psychol (Paris) (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2014.07.015
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study is interested specifically in the links between delinquency during adolescence and pubertal maturation in a population of 141 boys aged between 12 and 18. We measured the pubertal variable starting from the perceived pubertal timing (PPT), which evaluates the teenagers’ perception of their pubertal maturation, compared with that of their peers, to understand its impact on various dimensions of the functioning of teenagers: the self-perception (scale of Harter), aggressiveness (scale of Buss and Perry), association with peers and self-reported delinquency (attacks on property and individuals). We began with univariate analyses in order to determine the variables associated with early or late pubertal timing through comparison of scores obtained in those subjects with reference to average maturers. Subsequently, multivariate analyses were used in an attempt to sort out which among the studied factors could be predictor or a determinant of delinquency in relation to pubertal timing. Therefore, stepwise multiple regression analysis was performed. Statistical analyses were run with the SAS software, version 9.1. Our results support the thesis of precocity, the teenagers with an advanced PPT present score of delinquency and aggressiveness significantly higher than teenagers with a standard PPT. However, the sub-group of teenagers with delayed PPT present raw scores of selfrevealed delinquency, which are higher than those of teenagers with a standard PPT. These teenagers can be characterized by a significantly higher hostility than the teenagers with a standard PPT. This cognitive dimension of aggressiveness, as evaluated by Buss and Perry, characterizes the functioning of the teenagers with the delayed PPT, who also present poorer self-esteem and dissatisfaction with their physical appearance. On the basis of this assessment, an analysis of multiple regression within each type of PPT aimed at identifying the variables likely to explain the delinquency of teenagers according to their PPT. The results show that the physical factor of aggressiveness is common to the three types of PPT. It is associated with the affiliation with delinquent peers for those teenagers with advanced and normal PPT, whereas for those teenagers with delayed PPT, it interacts with the factor of hostility, which is specific to them. Association with delinquent peers recognized as a major risk factor and predictive for the self-revealed delinquency of teenagers in general does not intervene for these boys who perceive their pubertal development late, compared to the others. The delinquency of teenagers with a delayed PPT cannot be explained by the factors that are considered in the general population, their social functioning and the socialization of these teenagers with delayed puberty is different from that of the other teenagers, as is their implication in delinquency, which is not explained by a kind of socialization with delinquent peers. These results confirm the importance of integrating the puberty variable into research on delinquency, but also at the level of intervention. ß 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
1. Introduction L’adolescence est reconnue comme une pe´riode de´veloppementale caracte´rise´e par un accroissement des conduites a` risque et exploratoires qui s’inscrivent dans un processus de construction de soi, notamment au travers de l’e´preuve des limites. Les courbes de la criminalite´ illustrent bien l’augmentation des conduites de´linquantes en de´but d’adolescence, qui culminent au milieu de l’adolescence avant de subir un de´clin naturel en fin d’adolescence, montrant un processus de de´sistance spontane´e pour la majorite´ de ces adolescents [27]. La de´sistance de´signe le processus d’arreˆt des conduites de´linquantes. Cette e´tape de transition de la vie marquant la fin de l’enfance et l’entre´e dans la phase adulte est inde´niablement associe´e au processus pubertaire. En quoi la puberte´ peut-elle influencer les comportements de l’adolescent ? Il est important de rappeler que le processus pubertaire impose une me´tamorphose complexe sur le plan physiologique, psychologique, social, identitaire et comportemental. Base´e sur une interaction complexe du somatique et du psychique, la puberte´ est pour chacun une e´preuve. Bouleversant le corps de l’enfant par des modifications physiques rapides et brusques l’amenant au corps sexuellement mature, le processus pubertaire va moduler la relation que l’adolescent aura avec le monde, avec lui-meˆme, avec autrui et avec l’autre sexe. Toutefois, si la puberte´ est un processus commun a` tous les humains par la nature des transformations au niveau physiologique, elle est aussi un processus spe´cifique a` chacun, varie´ et he´te´roclite par les diffe´rences individuelles au niveau de la temporalite´ de l’ave`nement de ces mutations et des me´canismes adaptatifs au niveau psychologique et social [18]. On pourrait dire que nous connaissons the´oriquement la destination pre´vue pour chaque adolescent de ce processus pubertaire, mais les chemins
emprunte´s par chaque sujet restent une e´nigme tant pour l’adolescent lui-meˆme que pour les adultes qui l’entourent. Le de´veloppement pubertaire se de´roule en effet selon un plan de´termine´, mais l’aˆge d’apparition et le rythme des se´quences pubertaires varient conside´rablement sans que l’on puisse conside´rer ces e´carts comme pathologiques. On observe donc de grandes diffe´rences interindividuelles en ce qui concerne la date d’apparition des changements pubertaires et l’e´volution des se´quences pubertaires. Les variations physiologiques d’aˆge au de´but de la puberte´ sont telles que certains ont fini de se de´velopper alors meˆme que d’autres n’ont pas encore commence´. Les adolescents, confronte´s a` ces diffe´rences au niveau de leur de´veloppement physique, vont ine´vitablement eˆtre amene´s a` se comparer aux autres et se percevoir comme e´tant dans la norme, en avance ou en retard selon le niveau de maturation de leur groupe de pairs. La perception par l’adolescent de la maturation pubertaire est une dimension particulie`rement importante. Il a en effet e´te´ de´montre´ qu’elle affecte plusieurs aspects de l’adaptation psychosociale. La puberte´ peut de`s lors eˆtre conside´re´e comme un re´el de´fi de´veloppemental car, en plus des effets que les changements hormonaux induisent au niveau de l’humeur, du corps et de la personnalite´, il s’agit d’une e´tape de construction de l’identite´ sociale. Il est de`s lors inte´ressant de s’interroger sur les liens entre l’explosion de conduites de´linquantes au moment de l’adolescence et le processus de maturation pubertaire. 2. Puberte´ et de´linquance : the´ories de´veloppementales Les mode`les les plus re´cents reconnaissent que les rapports entre la puberte´ et les diffe´rents troubles externalise´s sont tre`s complexes, interactifs et bidirectionnels. Toutefois, deux the´ories de´veloppementales princeps restent d’actualite´. La premie`re, la
Pour citer cet article : Glowacz F, Bourguignon J-P. De´linquance des adolescents et maturation pubertaire analyse´es au travers du timing pubertaire perc¸u. Ann Med Psychol (Paris) (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2014.07.015
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the`se de la de´viance, postule que le fait d’eˆtre en de´calage au niveau du de´veloppement pubertaire (en avance ou en retard) place l’adolescent dans une cate´gorie socialement de´viante par rapport aux jeunes qui ont une maturation dans les normes, et c’est ce de´calage qui augmente le risque de proble`mes d’adaptation sociale. La deuxie`me the`se, celle de l’arreˆt d’e´tape de´veloppementale, appele´e e´galement the`se de la pre´cocite´, stipule que c’est uniquement la pre´cocite´ de la puberte´ qui constitue un facteur de risque par rapport a` l’e´mergence de conduites a` risque et de proble`mes comportementaux. Partant de l’ide´e que chaque e´tape de de´veloppement (de l’identite´, des compe´tences adaptatives et e´motionnelles. . .) demande un certain temps pour eˆtre re´solue de manie`re ade´quate, l’avancement pubertaire interrompt ce processus de´veloppemental. Les jeunes manquent de temps pour s’adapter progressivement et de´velopper les compe´tences adaptatives ne´cessaires pour affronter les taˆches de´veloppementales dans lesquelles les pre´cipite leur maturation avance´e [1,2,7,13,16,33]. La majorite´ des e´tudes se rallient a` la the´orie d’arreˆt d’e´tape de´montrant que la pre´cocite´ pubertaire est un facteur de risque de de´viance [2,14,15,17,16,24–26,28,29,31, 32,30] et est associe´e aux comportements a` risque comme l’usage de drogue, la consommation d’alcool, les conduites sexuelles et les conduites de´linquantes violentes et non violentes. Si la recherche s’est initialement centre´e sur les filles, les e´tudes portant sur les garc¸ons ont e´galement montre´ que les garc¸ons a` la puberte´ avance´e avaient des taux plus e´leve´s de de´viance et e´taient plus susceptibles de consommer tabac, alcool et drogues, de s’engager dans des activite´s sexuelles, et d’avoir des niveaux plus e´leve´s de conduites agressives et de´linquantes [5,9,10,13,15,16,25,35]. Felson et Haynie [14] affirment que la maturation pubertaire a des effets comparables a` d’autres puissants pre´dicteurs de la de´linquance tels que l’association aux pairs de´linquants. La pre´cocite´ pubertaire apparaıˆt bien comme un des facteurs de risque par rapport a` la de´linquance a` l’adolescence. L’association aux pairs de´linquants a e´te´ inte´gre´e aux mode`les explicatifs en tant que variable me´diatrice. Les adolescents a` maturation pubertaire pre´coce, en raison de l’e´volution de leur apparence physique, sont davantage enclins a` s’associer et eˆtre accepte´s dans des groupes de pairs plus aˆge´s et engage´s dans des comportements tels que la consommation d’alcool, de tabac, de drogue, des conduites sexuelles. L’immaturite´ de leur de´veloppement cognitif, e´motionnel et relationnel les rend plus vulne´rables a` l’influence et aux pressions des pairs [25,31,32,30]. Pour les filles, il a e´te´ montre´ de manie`re claire que les effets ne´gatifs du timing pubertaire pre´coce sur les comportements de de´linquance et les comportements sexuels a` risque e´taient explique´s par l’effet de l’association avec des pairs plus aˆge´s et de´viants ; les re´sultats pour les garc¸ons pre´coces sont moins nombreux et moins cohe´rents [19,21,23,29,36]. En effet, bien que la plupart des recherches portant sur la population masculine soutiennent, comme pour les filles, la the`se de la pre´cocite´ et identifient le retard pubertaire comme un facteur protecteur par rapport a` la de´linquance [29], quelques e´tudes ont appuye´ la the`se de la de´viance. Notamment, l’e´tude de Williams et Dunlop [40] ou` les garc¸ons a` maturation pre´coce et tardive se sont ave´re´s avoir des taux sensiblement plus e´leve´s de de´linquance que leurs pairs a` maturation normale. D’autres auteurs ont e´galement constate´ que les garc¸ons a` maturation pubertaire tardive pre´sentaient plus de proble`mes d’adaptation sociale [12,28].
3. La puberte´ : quelle e´valuation ? Parmi les e´tudes qui tentent de mettre en relation puberte´ et comportement a` l’adolescence, les deux aspects les plus fre´quemment e´value´s sont le statut pubertaire et le timing pubertaire.
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Le statut pubertaire se rapporte au niveau de de´veloppement physique d’un individu a` un moment donne´ dans le temps, relativement au processus pubertaire ge´ne´ral [6]. La notion de timing re´fe`re a` l’aˆge du de´but de la maturation pubertaire et constitue une mesure du de´veloppement relatif d’un individu, par rapport a` la maturation pubertaire attendue a` un aˆge donne´. Tandis que le statut pubertaire fait re´fe´rence a` des stades de de´veloppement codifie´s auxquels se compare l’individu lui-meˆme sans prendre en compte l’aˆge, l’e´valuation du timing pubertaire fait re´fe´rence a` un groupe de comparaison et a` une diffe´rence interindividuelle en fonction de l’aˆge. Le timing pubertaire se rapporte au fait de savoir si la maturation d’un individu est en avance, en meˆme temps, ou retarde´e par rapport aux pairs du meˆme aˆge. Pour notre recherche analysant les liens entre maturation pubertaire et de´linquance, nous nous sommes centre´s sur le timing pubertaire perc¸u (TPP), qui repose sur la perception de l’adolescent de sa maturation pubertaire compare´e a` celle de ses pairs. Il est obtenu en demandant aux adolescents d’estimer globalement leur niveau de maturite´ physique comparativement a` leurs pairs, d’e´valuer leur « moment » pubertaire comme e´tant « en meˆme temps, plus toˆt ou plus tard » que leurs pairs [1]. Selon les e´tudes, le timing pubertaire perc¸u a e´te´ utilise´ comme une estimation du timing re´el se re´fe´rant aux donne´es de l’examen clinique [20]. Certains auteurs ont plaide´ en faveur de l’utilisation du timing perc¸u comme mesure e´quivalente au timing re´el [20,34], alors que d’autres auteurs ont observe´ que timing re´el et timing perc¸u n’e´taient que mode´re´ment lie´s puisqu’environ 60 % des adolescents situe´s en dehors des temps normaux se sont juge´s comme e´tant « dans les temps » par rapport a` leurs pairs [1,37]. Il a e´te´ ne´anmoins de´montre´ que le timing pubertaire perc¸u affecte plusieurs aspects de l’adaptation psychosociale [7,38].
4. E´tude Notre e´tude a pour objectif, dans la ligne´e des recherches pre´cite´es, de tester les facteurs implique´s dans l’adoption de conduites de´linquantes pour les adolescents selon leur timing pubertaire perc¸u (TPP), de sorte a` de´gager un mode`le explicatif pour chaque type de timing pubertaire (mode`le de de´linquance intra-pubertaire). 4.1. Population L’enqueˆte s’est de´roule´e aupre`s d’un e´chantillon de 141 garc¸ons aˆge´s de 12 a` 18 ans (aˆge moyen 15,6, e´cart-type 1,5) e´value´s dans le cadre scolaire au cours d’une passation collective. Les classes d’e´le`ves ont e´te´ de´signe´es au sein de neuf e´tablissements scolaires en milieu urbain et semi-urbain, au sein des diffe´rents types d’enseignement : ge´ne´ral, technique de transition, technique de qualification et professionnel. Les donne´es ont e´te´ recueillies a` partir de questions ferme´es (items a` choix multiples) concernant le re´seau social, l’engagement dans la vie sentimentale et sexuelle, le timing pubertaire. Un questionnaire de de´linquance auto-re´ve´le´e, le test de perception de soi de Harter [22] et le questionnaire d’agressivite´ de Buss–Perry ont e´te´ soumis a` tous les participants[8]. 4.2. Les instruments de mesure Le timing pubertaire perc¸u a e´te´ e´value´ a` partir de la question globale de Berg-Kelly et Erdes [3]. Il est demande´ aux adolescents de se comparer a` leurs condisciples du meˆme aˆge et de pre´ciser s’ils se trouvaient tre`s en avance, plutoˆt en avance, en meˆme temps, plutoˆt en retard ou tre`s en retard par rapport a` eux. La question propose cinq types de timing pubertaire (pre´coce, avance´, dans les
Pour citer cet article : Glowacz F, Bourguignon J-P. De´linquance des adolescents et maturation pubertaire analyse´es au travers du timing pubertaire perc¸u. Ann Med Psychol (Paris) (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2014.07.015
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normes, diffe´re´ et retarde´) et sera analyse´e sous un mode`le a` trois cate´gories regroupant les deux types de TPP avance´ et les deux types de TPP retarde´. La re´ponse a` cette question montrait dans l’e´tude de Berg-Kelly et Erdes [3] un taux de concordance de 94 % avec les donne´es de l’examen clinique. Des e´tudes de´montrent que la question globale est un outil valide pour l’e´valuation du de´veloppement pubertaire durant la « mid-adolescence » et a une validite´ biologique [1]. Au travers de l’e´chelle de de´linquance auto-re´ve´le´e [4], il est demande´ a` l’adolescent de rapporter ses conduites de´linquantes durant les six derniers mois, a` partir de 12 items reprenant les atteintes aux biens et aux personnes. Le Questionnaire d’agressivite´ de Buss et Perry [8] e´value les composantes comportementale, e´motionnelle et cognitive de l’agressivite´. Plus qu’une mesure de comportements agressifs, il e´value la disposition agressive (c’est-a`-dire la tendance a` s’engager dans une agression) en tant que caracte´ristique d’un fonctionnement et/ou trait de personnalite´ et recouvre quatre dimensions : l’agressivite´ physique, l’agressivite´ verbale, la cole`re et l’hostilite´. Le Self-Perception Profile for Adolescents-SPPA de Harter [22] e´value la perception que le jeune a de ses compe´tences dans diffe´rents domaines : scolaire, athle´tique, acceptation sociale, apparence physique, attirance romantique, conduites comportementales et amitie´s intimes. Il fournit un score d’estime de soi global inde´pendant des autres sous-e´chelles. Les alphas de Cronbach varient pour chacune des sous-e´chelles et des e´chantillons de 0,74 a` 0,92 confirmant la structure interne de l’instrument. L’association aux pairs est e´value´e a` partir de deux items portant sur l’aˆge et la de´linquance des amis fre´quente´s. 4.3. Proce´dure d’analyse des donne´es Nous avons dans un premier temps proce´de´ a` une analyse comparative des scores au niveau des dimensions e´tudie´es (estime de soi, agressivite´, association aux pairs et de´linquance autore´ve´le´e) entre les trois sous-groupes d’adolescents cate´gorise´s selon leur TPP (avance´-normal-retarde´). Les adolescents au TPP avance´ et retarde´ ont e´te´ compare´s pour toutes les variables aux adolescents au TPP normal. Les comparaisons entre groupes des variables continues ont e´te´ faites a` l’aide de mode`les Anova. La comparaison des moyennes a e´te´ re´alise´e a` l’aide d’une analyse de la variance et les comparaisons des variables cate´gorise´es ont e´te´ re´alise´es a` l’aide de test de Chi2. Les re´sultats sont conside´re´s comme significatifs au niveau d’incertitude de 5 % (p < 0,05). Une analyse de re´gression multiple au sein de chaque type de puberte´ a e´te´ re´alise´e a` partir des variables e´tudie´es pre´sente´es ci-dessus (agressivite´ [5] ; perception de soi [8] ; aˆge des amis [1] et de´linquance des amis [1]). Dans le but de de´terminer les variables susceptibles d’expliquer et de pre´dire la de´linquance des adolescents selon leur TPP (avance´, normal, retarde´), nous avons utilise´ une re´gression stepwise. Un premier mode`le multivarie´ reprenant toutes les variables a donne´ lieu a` un second mode`le multivarie´ ayant se´lectionne´ successivement et comple´mentairement les variables les plus significatives. Nous pre´senterons les mode`les se´lection, c’est-a`-dire le mode`le multivarie´ simplifie´. Il s’agit donc d’identifier le meilleur sous-ensemble de variables explicatives de la de´linquance auto-re´ve´le´e selon le type de puberte´ en proce´dant a` une se´lection pas a` pas. 5. Re´sultats 5.1. Timing pubertaire perc¸u et de´linquance auto-re´ve´le´e Notre e´chantillon comprend 56 % des adolescents au TPP normal, 30 % au TPP avance´ et 14 % au TPP retarde´. L’analyse
comparative entre les trois sous-groupes d’adolescents au TPP indique que ce sont les adolescents au TPP normal qui pre´sentent le taux de de´linquance auto-re´ve´le´e le plus faible par rapport aux deux autres sous-groupes. Les garc¸ons au TPP avance´ obtiennent des scores significativement supe´rieurs aux garc¸ons au TPP normal a` toutes les e´chelles de de´linquance (atteintes aux biens et aux personnes). Les adolescents au TPP avance´ commettent plus de conduites de´linquantes que les autres adolescents. Cependant, les adolescents au TPP retarde´ ont, eux aussi, des scores bruts supe´rieurs, mais sans significativite´ sur le plan statistique, par rapport aux adolescents au TPP dans les normes. Nous pouvons ne´anmoins conside´rer que les adolescents percevant leur TPP comme de´cale´ par rapport a` leurs pairs, soit en avance soit en retard, pre´sentent des taux de de´linquance plus e´leve´s que les garc¸ons au TPP dans les normes. Pour les autres dimensions, le TPP avance´ est associe´ de manie`re significative a` des taux supe´rieurs de de´linquance autore´ve´le´e (p = 0,01), d’agressivite´ (score total p = 0,04), a` un sentiment de compe´tence scolaire plus e´leve´ (p = 0,03) et a` une tendance significative pour l’association aux pairs de´linquants (p =0,058). Le TPP retarde´ est associe´ significativement a` une plus faible estime de soi globale (p = 0,001), a` une insatisfaction par rapport a` l’apparence physique (p = 0,001) et a` une hostilite´ plus e´leve´e (p = 0,004) (Tableau 1). Partant du constat que les garc¸ons qui se perc¸oivent en de´calage par rapport aux pairs au niveau de leur timing pubertaire pre´sentent des taux de de´linquance plus e´leve´s que les adolescents au TPP normal, il nous a semble´ inte´ressant d’identifier les variables explicatives de la de´linquance au sein de chaque type de puberte´ afin de tester si des facteurs de risque et de protection seraient spe´cifiques a` un type de maturation pubertaire. Un mode`le explicatif est pre´sente´ pour chaque sous-groupe d’adolescents cate´gorise´s selon leur TPP. 5.2. Mode`le de de´linquance intra-pubertaire (selon le timing pubertaire perc¸u) Le mode`le multivarie´-se´lection indique que la de´linquance des garc¸ons au TPP avance´ augmente avec l’agressivite´ physique, le fait d’avoir tous les amis de´linquants, des amis de tous les aˆges et l’acceptation sociale (popularite´ sociale) (Tableau 2). Elle diminue avec la perception positive de l’apparence physique. Nous retrouvons donc dans ce mode`le deux facteurs centraux au niveau de l’explication de la de´linquance chez les garc¸ons : l’agressivite´ physique et l’affiliation aux pairs de´linquants, qui est le pre´dicteur le plus puissant au niveau du mode`le chez les adolescents au TPP avance´. L’acceptation sociale traduisant le sentiment de popularite´ sociale apparaıˆt dans la constellation plurifactorielle pour ce sousgroupe d’adolescents comme un pre´dicteur du comportement de´linquant associe´ aux facteurs d’agressivite´ et de socialisation de´linquante. On pourrait dire que les adolescents avec puberte´ avance´e subissent l’influence de pairs de´linquants, et l’agressivite´ serait pour eux un mode d’affirmation de soi au sein de leur re´seau social de´linquant en faveur d’une popularite´ sociale qui le´gitimerait a` son tour le recours a` l’agressivite´. L’interaction de ces facteurs conduit a` une de´linquance plus importante et diversifie´e que celle des adolescents au TPP normal et retarde´ (releve´e lors des analyses comparatives). La satisfaction par rapport a` l’apparence physique apparaıˆt dans cette constellation comme un facteur de protection pour les adolescents au TPP avance´. L’adolescent satisfait de son apparence physique, de son corps de´veloppe´ pre´cocement, disposerait la` d’un support de valorisation et de bien-eˆtre. Ce facteur est effectivement reconnu dans la litte´rature comme un de´terminant de l’estime de soi [39], il peut diminuer le risque de de´linquance. Ce constat permet d’envisager que la satisfaction au niveau de l’image corporelle, et donc de l’apparence
Pour citer cet article : Glowacz F, Bourguignon J-P. De´linquance des adolescents et maturation pubertaire analyse´es au travers du timing pubertaire perc¸u. Ann Med Psychol (Paris) (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2014.07.015
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Tableau 1 Analyses comparatives entre les types de timing pubertaire. Garc¸ons n = 141
TPP avance´ n = 43 Moyenne
TPP retarde´ n = 19
TPP normal n = 79 E´cart-type
E´cart-type
Moyenne
Moyenne
TPP av./TPP norm./TPP ret. Valeur p E´cart-type
De´linquance auto-re´ve´le´e
7,13
5,92
4,79
4,60
6,05
3,59
Del. atteinte aux biens
4,02
3,92
2,67
3,22
3,57
2,71
Del. atteinte aux personnes
2,65
2,47
1,72
1,90
1,89
1,59
Agressivite´ totale
81,97
15,43
75,44
17,47
79,94
15,03
Agressivite´ physique Agressivite´ verbale Cole`re Hostilite´
28,48 14,25 18,67 20,65
7,53 3,89 4,54 5,48
25,93 13,72 17,34 18,98
8,21 4,27 5,13 6,13
24,63 14,15 17,52 23,63
7,60 4,90 4,85 6,44
Estime de soi
2,82
0,60
3,00
0,56
2,44
0,62
Compe´tences scolaires
2,86
0,54
2,59
0,70
2,53
0,57
Acceptation sociale Compe´tence sportive Apparence physique
2,94 3,02 2,75
0,53 0,66 0,60
2,82 2,80 2,76
0,66 0,60 0,71
2,73 2,70 2,23
0,71 0,77 0,64
Attirance romantique Conduites comportementales Amitie´s proches
2,77 2,81 3,24
0,58 0,40 0,73
2,73 2,86 3,10
0,51 0,47 0,65
2,74 2,74 3,22
0,51 0,63 0,75
p = 0,01 TPP av. > TPP norm p = 0,04 TPP av. > TPP norm. p = 0,02 TPP av. > TPP norm. p = 0,04 TPP av. > TPP norm. NS NS NS p = 0,004 TPP ret. > TPP norm. p = 0,001 TPP ret. > TPP norm. p = 0,03 TPP av. > TPP norm. p = 0,45 NS p = 0,001 TPP ret. > TPP norm. NS NS NS
TPP : timing pubertaire perc¸u. TPP av. : TPP avance´ ; TPP norm. ; TPP normal ; TPP ret. : TPP retarde´ ; NS : non significatif.
Tableau 2 Adolescents au TPP avance´ – Mode`le multivarie´-se´lection. Variables
Parameter estimate
Standard error
Type II SS
F value
Pr > F
Agressivite´ physique Tous les amis de´linquants Amis de tous les aˆges Acceptation sociale Apparence physique
0,26052 8,31305 2,50253 3,13032 –4,94532
0,08661 1,90749 1,20844 1,28032 1,20146
112,24238 235,59220 53,19504 74,14867 210,15172
9,05 18,99 4,29 5,98 16,94
0,0048 0,0001 0,0458 0,0197 0,0002
Variable de´pendante : de´linquance auto-re´ve´le´e (r2 : 0,6678). TPP : timing pubertaire perc¸u. Tableau 3 Adolescents au TPP normal – Mode`le multivarie´-se´lection. Variables
Parameter estimate
Standard error
Type II SS
F value
Pr > F
Agressivite´ physique Au moins un ami de´linquant Tous les amis de´linquants
0,20511 2,83383 7,14891
0,05891 0,95846 1,46984
116,55204 84,04201 227,42508
12,12 8,74 23,66
0,0009 0,0043 < 0,0001
Variable de´pendante : de´linquance auto-re´ve´le´e – r2 : 0,6372. TPP : timing pubertaire perc¸u.
physique, pourrait mode´rer l’association entre la maturation pubertaire pre´coce et la de´linquance chez les garc¸ons (Tableau 3). Le mode`le multivarie´-se´lection indique que la de´linquance des garc¸ons au TPP normal augmente avec l’agressivite´ physique, le fait d’avoir au moins un ami de´linquant, le fait d’avoir tous les amis de´linquants. Ceci nous renvoie au consensus se de´gageant de la litte´rature et des recherches en matie`re de de´linquance juve´nile [11] quant au roˆle pre´dicteur de l’association aux pairs de´linquants (inde´pendamment de la prise en compte du facteur puberte´) et de l’agressivite´. Ce mode`le confirme les mode`les que l’on retrouve dans la population ge´ne´rale (tous types de puberte´ confondus). Il
est inte´ressant de noter que les facteurs de perception de soi se´lectionne´s dans le mode`le des puberte´s avance´es n’entrent pas en jeu en tant que facteur protecteur ou pre´dictif, alors que les adolescents au TPP normal be´ne´ficiaient de la meilleure estime de soi comparativement aux deux autres types de puberte´. Pour le sous-groupe d’adolescents au TPP retarde´, le mode`le multivarie´-se´lection montre que la de´linquance de ces adolescents augmente avec l’agressivite´ physique et l’hostilite´. Ce sont donc, pour ces adolescents, deux dimensions de l’e´chelle d’agressivite´ qui sont corre´le´es a` la de´linquance et qui agissent en tant que variables pre´dictives (Tableau 4).
Tableau 4 Adolescents au TPP retarde´ – Mode`le multivarie´-se´lection. Variables
Parameter estimate
Standard error
Type II SS
F value
Pr > F
Agressivite´ physique Hostilite´
0,22808 0,26938
0,08844 0,09686
46,19332 53,71540
6,65 7,73
0,0210 0,0140
Variable de´pendante : de´linquance auto-re´ve´le´e – r2 : 0. 5168. TPP : timing pubertaire perc¸u.
Pour citer cet article : Glowacz F, Bourguignon J-P. De´linquance des adolescents et maturation pubertaire analyse´es au travers du timing pubertaire perc¸u. Ann Med Psychol (Paris) (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2014.07.015
G Model
AMEPSY-1931; No. of Pages 7 F. Glowacz, J.-P. Bourguignon / Annales Me´dico-Psychologiques xxx (2015) xxx–xxx
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Contrairement aux mode`les explicatifs des deux autres sousgroupes, la variable « association aux pairs de´linquants » n’est pas se´lectionne´e en tant que variable explicative. Nos re´sultats mettent en lumie`re de manie`re tout a` fait inte´ressante et novatrice que l’association aux pairs de´linquants, pre´dicteur puissant de la de´linquance a` l’adolescence, intervient pour les adolescents a` puberte´ avance´e et normale mais pas pour les garc¸ons avec puberte´ retarde´e. Le fonctionnement social des adolescents avec puberte´ retarde´e paraıˆt diffe´rent de celui des autres adolescents, tout comme leur engagement dans la de´linquance qui ne s’explique pas par un type de socialisation commune aux autres adolescents. La de´linquance des adolescents avec puberte´ retarde´e est principalement soustendue par l’agressivite´ physique et l’hostilite´ qui sont les facteurs pre´dictifs e´mergeant du mode`le.
6. Discussion Cette e´tude met en e´vidence l’inte´reˆt de prendre en compte dans une perspective bio-psycho-sociale la variable pubertaire dans l’e´tude des conduites de´viantes des adolescents. Nos re´sultats s’ajoutent aux e´tudes de´montrant les liens entre timing pubertaire et de´linquance [28], appuyant la the´orie de la pre´cocite´. C’est en effet l’avancement pubertaire (TPP avance´) qui apparaıˆt, sur la base des analyses statistiques, comme associe´ a` la de´linquance, tant pour les conduites d’atteintes aux biens que d’atteintes aux personnes. Le TPP avance´ e´tait e´galement associe´ a` d’autres variables reconnues comme facteurs de risque, a` savoir l’agressivite´ et l’association aux pairs de´linquants. Toutefois, au-dela` de ce constat, il a e´te´ releve´ que tous les adolescents s’e´valuant en de´calage au niveau de leur timing pubertaire par rapport aux pairs, soit en avance soit en retard, avaient des scores de de´linquance plus e´leve´s que ceux s’e´valuant dans les normes, meˆme si cette association n’est pas significative sur le plan statistique pour les TPP retarde´. Les scores plus e´leve´s de de´linquance auto-re´ve´le´e des puberte´s de´cale´es par rapport aux puberte´s normales nous renvoient a` la the´orie de la de´viance et aux recherches de Williams et Dunlop [40] selon lesquelles, pour un adolescent, eˆtre en dehors des normes au niveau de son de´veloppement pubertaire et se percevoir en retard ou en avance par rapport au groupe de pairs augmente le risque de proble`mes d’adaptation et de de´linquance. Dans notre e´tude, le retard pubertaire n’apparaıˆt pas du tout comme un facteur protecteur. Le fait de se percevoir en retard au niveau pubertaire par rapport aux pairs est associe´ chez nos adolescents a` une estime de soi ne´gative, une de´pre´ciation de son apparence physique et une hostilite´ qui sous-tendent leur fonctionnement social. Il a e´te´ pre´alablement de´montre´ que les garc¸ons pube`res tardivement, ge´ne´ralement plus petits et plus faibles musculairement que leurs pairs, sont plus insatisfaits de leur corps [1,40,39], la maturation tardive e´tant pre´dictive d’une faible estime de soi. Les re´sultats les plus inte´ressants dans le champ de la de´linquance portent sur l’association entre le retard du timing pubertaire perc¸u avec l’hostilite´, qui est, rappelons-le, la composante cognitive de l’agressivite´ et renvoie a` une tendance a` percevoir l’environnement et les situations comme menac¸ants et hostiles. Elle traduit non seulement une profonde inse´curite´ interne mais e´galement une angoisse a` allure paranoı¨de de rejet, qui soutient un processus de biais d’attribution hostile. Tandis que la majorite´ des e´tudes associent l’avancement pubertaire a` toutes les formes d’agressivite´, nos re´sultats permettent de conside´rer l’hostilite´ comme spe´cifique au retard pubertaire. Elle ressort dans le mode`le explicatif de la de´linquance chez les adolescents a` puberte´ retarde´e comme variable pre´dictrice.
Alors que les e´tudes sur les liens entre maturation pubertaire et conduites de´linquantes ou conduites a` risque se sont attache´es a` e´valuer si la pre´cocite´ ou le retard pubertaire constituait un facteur de risque, nous avons choisi, sur la base du constat d’une pre´valence plus forte de comportements de´linquants chez les adolescents en de´calage pubertaire, de chercher a` savoir si la de´linquance e´tait explique´e par les meˆmes facteurs pour tous les adolescents. Les mode`les d’explication de la de´linquance selon le type de TPP ont mis en e´vidence, sur la base d’une analyse de re´gression multiple (mode`le complet et avec se´lection pas a` pas [stepwise]) des constellations de variables spe´cifiques a` chacun des sous-types de TPP. Il en est ressorti que le facteur d’agressivite´ physique est commun aux trois types de timing pubertaire perc¸u. Il est associe´ a` l’affiliation aux pairs de´linquants pour les puberte´s avance´es et normales, alors que pour les puberte´s retarde´es, il interagit avec le facteur d’hostilite´ qui leur est spe´cifique. On retrouve chez les garc¸ons au TPP avance´ le sentiment d’acceptation sociale (popularite´ sociale) qui participe a` leur fonctionnement de´linquentiel. Au sein de ce groupe d’adolescents, l’agressivite´ serait un mode d’affirmation de soi pouvant renforcer leur popularite´ sociale et re´ciproquement. Un autre facteur de perception de soi agissant cette fois en tant que facteur protecteur est la perception positive de l’apparence physique : l’adolescent satisfait de son corps de´veloppe´ pre´cocement disposerait la` d’un support de valorisation positive et de conformite´. Pour les garc¸ons au TPP normal, l’agressivite´ physique et l’affiliation aux pairs de´linquants sont retenues comme les facteurs pre´dictifs de leur de´linquance, ce qui rejoint un consensus largement e´tabli pour la de´linquance juve´nile [11]. Nos re´sultats ont releve´ que, contrairement aux mode`les explicatifs des deux autres sous-groupes, la variable « association aux pairs de´linquants » n’est pas se´lectionne´e en tant que variable explicative pour les adolescents au timing pubertaire perc¸u en retard. Ce facteur hautement pre´dicteur dans les mode`les de de´linquance des adolescents n’intervient pas pour les garc¸ons au TPP retarde´. La socialisation des adolescents avec puberte´ retarde´e diffe`re de celle des autres adolescents, tout comme leur engagement dans la de´linquance, qui ne s’explique pas par l’affiliation aux pairs de´viants. Ces re´sultats confirment l’inte´reˆt d’inte´grer la variable pubertaire dans les recherches sur la de´linquance, mais aussi au niveau de l’intervention, avec une attention particulie`re pour les adolescents de´linquants a` la puberte´ retarde´e pre´sentant des besoins autres, notamment quant au processus de socialisation et aux interventions a` mener.
ˆ ts De´claration d’inte´re Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article. Re´fe´rences [1] Alsaker FD. Annotation: the impact of puberty. J Child Psychol Psychiatry 1996;37:249–58. [2] Beaver KM, Wright JP. Biosocial development and delinquent involvement. Youth Violence Juvenile Justice 2005;3:168–92. [3] Berg-Kelly K, Erdes L. Self-assessment of sexual maturity by mid-adolescents based on a global question. Acta Paediatrica 1997;86:10–7. [4] Born M, Gavray C. Self-reported delinquency in Lie`ge, Belgium. Delinquent behaviour among young people in the western world: first results of the International Self Report Delinquency Study. New York: Kugler Publications; 1994. p. 131–55. [5] Brooker RJ, Berenbaum SA, Bricker J, Corley RP, Wadsworth SA. Pubertal timing as a potential mediator of adoption effects on problem behaviors. J Res Adolesc 2012;22:739–45. [6] Brooks-Gunn J, Warren MP, Rosso J, Gargiulo J. Validity of self-report measures of girls’ pubertal status. Child Dev 1987;829–41. [7] Buchanan CM, Eccles JS, Becker JB. Are adolescents the victims of raging hormones? Evidence for activational effects of hormones on moods and behavior at adolescence. Psychol Bull 1992;111:62.
Pour citer cet article : Glowacz F, Bourguignon J-P. De´linquance des adolescents et maturation pubertaire analyse´es au travers du timing pubertaire perc¸u. Ann Med Psychol (Paris) (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2014.07.015
G Model
AMEPSY-1931; No. of Pages 7 F. Glowacz, J.-P. Bourguignon / Annales Me´dico-Psychologiques xxx (2015) xxx–xxx [8] Buss AH, Perry M. The aggression questionnaire. J Pers Soc Psychol 1992; 63:452. [9] Castellanos-Ryan N, Parent S, Vitaro F, Tremblay RE, Se´guin JR. Pubertal development, personality, and substance use: a 10-year longitudinal study from childhood to adolescence. J Abnorm Psychol 2013;122:782. [10] Cota-Robles S, Neiss M, Rowe DC. The role of puberty in violent and nonviolent delinquency among Anglo American, Mexican American, and African American boys. J Adolesc Res 2002;17:364–76. [11] Dishion TJ, Spracklen KJ, Andrews DW, Patterson GR. Deviancy training in male adolescent friendships. Behav Ther 1996;27:373–90. [12] Dorn LD, Susman EJ, Ponirakis A. Pubertal timing and adolescent adjustment and behavior: Conclusions vary by rater. J Youth Adolesc 2003;32:157–67. [13] Duncan PD, Ritter PL, Dornbusch SM, Gross RT, Carlsmith JM. The effects of pubertal timing on body image, school behavior, and deviance. J Youth Adolesc 1985;14:227–35. [14] Felson RB, Haynie DL. Pubertal development, social factors and delinquency among adolescent boys. Criminology 2002;40:967–88. [15] Flannery DJ, Rowe DC, Gulley BL. Impact of pubertal status, timing, and age on adolescent sexual experience and delinquency. J Adolesc Res 1993;8:21–40. [16] Ge X, Conger RD, Elder Jr GH. The relation between puberty and psychological distress in adolescent boys. J Res Adolesc 2001;11:49–70. [17] Ge X, Brody GH, Conger RD, Simons RL, Murry VM. Contextual amplification of pubertal transition effects on deviant peer affiliation and externalizing behavior among African American children. Dev Psychol 2002;38:42. [18] Glowacz F, Domine F, Ledent A, Bourguignon JP. Implications psychosociales des variations de l’aˆge de la puberte´. Rev Prat 2008;58:1331–4. [19] Graber JA. Pubertal timing and the development of psychopathology in adolescence and beyond. Horm Behav 2013;64:262–9. [20] Graber JA, Seeley JR, Brooks-Gunn J, Lewinsohn PM. Is pubertal timing associated with psychopathology in young adulthood? J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 2004;43:718–26. [21] Graber JA, Nichols TR, Brooks-Gunn J. Putting pubertal timing in developmental context: implications for prevention. Dev Psychobiol 2010;52:254–62. [22] Harter S. Manuel for the self-perception profile for adolescents. Denver, CO: University of Denver; 1988. [23] Haynie DL, Piquero AR. Pubertal development and physical victimization in adolescence. J Res Crime Delinquency 2006;43:3–35. [24] Huddleston J, Ge X. Boys at puberty: psychosocial implications. In: Hayward C, editor. Gender differences al puberty. New York: Cambridge University Press; 2003. p. 113–34.
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Pour citer cet article : Glowacz F, Bourguignon J-P. De´linquance des adolescents et maturation pubertaire analyse´es au travers du timing pubertaire perc¸u. Ann Med Psychol (Paris) (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2014.07.015
AMEPSY-1931; No. of Pages 7 Annales Me´dico-Psychologiques xxx (2015) xxx–xxx
Disponible en ligne sur
ScienceDirect www.sciencedirect.com
Me´moire
De´linquance des adolescents et maturation pubertaire analyse´es au travers du timing pubertaire perc¸u Juvenile delinquency and pubertal maturation analyzed through the perceived pubertal timing Fabienne Glowacz a,*, Jean-Pierre Bourguignon b a b
Unite´ de psychologie clinique de la de´linquance, des inadaptations sociales et des processus d’insertion, universite´ de Lie`ge, Lie´ge, Belgique Universite´ de Lie`ge, CHU de Lie`ge, Lie`ge, Belgique
I N F O A R T I C L E
R E´ S U M E´
Historique de l’article : Rec¸u le 9 fe´vrier 2014 Accepte´ le 20 mars 2014
Le processus de maturation pubertaire est au centre du de´veloppement adolescentaire. Les recherches les plus re´centes montrent l’existence de rapports complexes entre de´veloppement pubertaire et troubles internalise´s et externalise´s. Notre e´tude s’inte´resse spe´cifiquement aux liens entre la de´linquance durant l’adolescence et la maturation pubertaire a` partir d’une population de 141 garc¸ons aˆge´s de 12 a` 18 ans. C’est sur la base du timing pubertaire perc¸u (TPP), qui e´value la perception par l’adolescent de sa maturation pubertaire compare´e a` celle de ses pairs, que nous avons mesure´ la variable pubertaire pour comprendre son impact sur diffe´rentes dimensions du fonctionnement des adolescents : la perception de soi, l’agressivite´, l’association aux pairs et la de´linquance auto-re´ve´le´e (atteintes aux biens et aux personnes). Nos re´sultats soutiennent la the`se de la pre´cocite´ : les adolescents au TPP avance´ pre´sentent des scores significativement plus e´leve´s de de´linquance et d’agressivite´ que les adolescents au TPP dans les normes. Toutefois, le sous-groupe des adolescents au TPP retarde´ pre´sente des scores bruts plus e´leve´s de de´linquance (mais sans significativite´ statistique), et surtout une hostilite´ significativement plus intense que les adolescents au TPP dans les normes. Sur la base de ce constat, nous avons identifie´ les variables explicatives de la de´linquance au sein de chaque type de puberte´. Ce mode`le de de´linquance intra-pubertaire analysant la de´linquance selon le TPP a mis en e´vidence que le facteur d’agressivite´ physique est commun aux trois types de timing pubertaire. Cependant, l’affiliation aux pairs de´linquants, reconnue comme le facteur pre´dictif le plus puissant de la de´linquance des mineurs, n’intervient que pour les garc¸ons au TPP avance´ et normal. Pour les garc¸ons au TPP retarde´, c’est l’agressivite´ et l’hostilite´ qui pre´disent leur de´linquance. Ces re´sultats indiquent l’importance d’inte´grer la variable pubertaire dans les recherches sur la de´linquance juve´nile et au niveau de l’intervention. ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
Mots cle´s : Adaptation sociale Adolescent Comportement a` risque Comportement social De´linquance Enqueˆte Puberte´
A B S T R A C T
Keywords: Adolescent Delinquency Investigation Puberty Risk behavior Social adaptation Social behavior
The impact of pubertal development on the psychological and social functioning of the teenager arouses a particular interest; the most recent research shows the existence of complex relationships between pubertal development and the manifestation of internalized and externalized disorders. Two predominant hypotheses are used for explaining influence of pubertal timing on problem behaviors: the maturational deviance theory and the stage termination (early timing) theory. The deviance theory claims that the borderline or abnormal pubertal timing, whether early or late, causes difficulties for adolescent adaptation. The early timing theory suggests that early pubertal timing and the consequent early physical maturation put adolescents at greater risk of adjustment problems because early pubertal maturation interferes with normal progression through the developmental tasks of adolescence. Our
* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Glowacz). http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2014.07.015 0003-4487/ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
Pour citer cet article : Glowacz F, Bourguignon J-P. De´linquance des adolescents et maturation pubertaire analyse´es au travers du timing pubertaire perc¸u. Ann Med Psychol (Paris) (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2014.07.015
G Model
AMEPSY-1931; No. of Pages 7 F. Glowacz, J.-P. Bourguignon / Annales Me´dico-Psychologiques xxx (2015) xxx–xxx
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study is interested specifically in the links between delinquency during adolescence and pubertal maturation in a population of 141 boys aged between 12 and 18. We measured the pubertal variable starting from the perceived pubertal timing (PPT), which evaluates the teenagers’ perception of their pubertal maturation, compared with that of their peers, to understand its impact on various dimensions of the functioning of teenagers: the self-perception (scale of Harter), aggressiveness (scale of Buss and Perry), association with peers and self-reported delinquency (attacks on property and individuals). We began with univariate analyses in order to determine the variables associated with early or late pubertal timing through comparison of scores obtained in those subjects with reference to average maturers. Subsequently, multivariate analyses were used in an attempt to sort out which among the studied factors could be predictor or a determinant of delinquency in relation to pubertal timing. Therefore, stepwise multiple regression analysis was performed. Statistical analyses were run with the SAS software, version 9.1. Our results support the thesis of precocity, the teenagers with an advanced PPT present score of delinquency and aggressiveness significantly higher than teenagers with a standard PPT. However, the sub-group of teenagers with delayed PPT present raw scores of selfrevealed delinquency, which are higher than those of teenagers with a standard PPT. These teenagers can be characterized by a significantly higher hostility than the teenagers with a standard PPT. This cognitive dimension of aggressiveness, as evaluated by Buss and Perry, characterizes the functioning of the teenagers with the delayed PPT, who also present poorer self-esteem and dissatisfaction with their physical appearance. On the basis of this assessment, an analysis of multiple regression within each type of PPT aimed at identifying the variables likely to explain the delinquency of teenagers according to their PPT. The results show that the physical factor of aggressiveness is common to the three types of PPT. It is associated with the affiliation with delinquent peers for those teenagers with advanced and normal PPT, whereas for those teenagers with delayed PPT, it interacts with the factor of hostility, which is specific to them. Association with delinquent peers recognized as a major risk factor and predictive for the self-revealed delinquency of teenagers in general does not intervene for these boys who perceive their pubertal development late, compared to the others. The delinquency of teenagers with a delayed PPT cannot be explained by the factors that are considered in the general population, their social functioning and the socialization of these teenagers with delayed puberty is different from that of the other teenagers, as is their implication in delinquency, which is not explained by a kind of socialization with delinquent peers. These results confirm the importance of integrating the puberty variable into research on delinquency, but also at the level of intervention. ß 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
1. Introduction L’adolescence est reconnue comme une pe´riode de´veloppementale caracte´rise´e par un accroissement des conduites a` risque et exploratoires qui s’inscrivent dans un processus de construction de soi, notamment au travers de l’e´preuve des limites. Les courbes de la criminalite´ illustrent bien l’augmentation des conduites de´linquantes en de´but d’adolescence, qui culminent au milieu de l’adolescence avant de subir un de´clin naturel en fin d’adolescence, montrant un processus de de´sistance spontane´e pour la majorite´ de ces adolescents [27]. La de´sistance de´signe le processus d’arreˆt des conduites de´linquantes. Cette e´tape de transition de la vie marquant la fin de l’enfance et l’entre´e dans la phase adulte est inde´niablement associe´e au processus pubertaire. En quoi la puberte´ peut-elle influencer les comportements de l’adolescent ? Il est important de rappeler que le processus pubertaire impose une me´tamorphose complexe sur le plan physiologique, psychologique, social, identitaire et comportemental. Base´e sur une interaction complexe du somatique et du psychique, la puberte´ est pour chacun une e´preuve. Bouleversant le corps de l’enfant par des modifications physiques rapides et brusques l’amenant au corps sexuellement mature, le processus pubertaire va moduler la relation que l’adolescent aura avec le monde, avec lui-meˆme, avec autrui et avec l’autre sexe. Toutefois, si la puberte´ est un processus commun a` tous les humains par la nature des transformations au niveau physiologique, elle est aussi un processus spe´cifique a` chacun, varie´ et he´te´roclite par les diffe´rences individuelles au niveau de la temporalite´ de l’ave`nement de ces mutations et des me´canismes adaptatifs au niveau psychologique et social [18]. On pourrait dire que nous connaissons the´oriquement la destination pre´vue pour chaque adolescent de ce processus pubertaire, mais les chemins
emprunte´s par chaque sujet restent une e´nigme tant pour l’adolescent lui-meˆme que pour les adultes qui l’entourent. Le de´veloppement pubertaire se de´roule en effet selon un plan de´termine´, mais l’aˆge d’apparition et le rythme des se´quences pubertaires varient conside´rablement sans que l’on puisse conside´rer ces e´carts comme pathologiques. On observe donc de grandes diffe´rences interindividuelles en ce qui concerne la date d’apparition des changements pubertaires et l’e´volution des se´quences pubertaires. Les variations physiologiques d’aˆge au de´but de la puberte´ sont telles que certains ont fini de se de´velopper alors meˆme que d’autres n’ont pas encore commence´. Les adolescents, confronte´s a` ces diffe´rences au niveau de leur de´veloppement physique, vont ine´vitablement eˆtre amene´s a` se comparer aux autres et se percevoir comme e´tant dans la norme, en avance ou en retard selon le niveau de maturation de leur groupe de pairs. La perception par l’adolescent de la maturation pubertaire est une dimension particulie`rement importante. Il a en effet e´te´ de´montre´ qu’elle affecte plusieurs aspects de l’adaptation psychosociale. La puberte´ peut de`s lors eˆtre conside´re´e comme un re´el de´fi de´veloppemental car, en plus des effets que les changements hormonaux induisent au niveau de l’humeur, du corps et de la personnalite´, il s’agit d’une e´tape de construction de l’identite´ sociale. Il est de`s lors inte´ressant de s’interroger sur les liens entre l’explosion de conduites de´linquantes au moment de l’adolescence et le processus de maturation pubertaire. 2. Puberte´ et de´linquance : the´ories de´veloppementales Les mode`les les plus re´cents reconnaissent que les rapports entre la puberte´ et les diffe´rents troubles externalise´s sont tre`s complexes, interactifs et bidirectionnels. Toutefois, deux the´ories de´veloppementales princeps restent d’actualite´. La premie`re, la
Pour citer cet article : Glowacz F, Bourguignon J-P. De´linquance des adolescents et maturation pubertaire analyse´es au travers du timing pubertaire perc¸u. Ann Med Psychol (Paris) (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2014.07.015
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the`se de la de´viance, postule que le fait d’eˆtre en de´calage au niveau du de´veloppement pubertaire (en avance ou en retard) place l’adolescent dans une cate´gorie socialement de´viante par rapport aux jeunes qui ont une maturation dans les normes, et c’est ce de´calage qui augmente le risque de proble`mes d’adaptation sociale. La deuxie`me the`se, celle de l’arreˆt d’e´tape de´veloppementale, appele´e e´galement the`se de la pre´cocite´, stipule que c’est uniquement la pre´cocite´ de la puberte´ qui constitue un facteur de risque par rapport a` l’e´mergence de conduites a` risque et de proble`mes comportementaux. Partant de l’ide´e que chaque e´tape de de´veloppement (de l’identite´, des compe´tences adaptatives et e´motionnelles. . .) demande un certain temps pour eˆtre re´solue de manie`re ade´quate, l’avancement pubertaire interrompt ce processus de´veloppemental. Les jeunes manquent de temps pour s’adapter progressivement et de´velopper les compe´tences adaptatives ne´cessaires pour affronter les taˆches de´veloppementales dans lesquelles les pre´cipite leur maturation avance´e [1,2,7,13,16,33]. La majorite´ des e´tudes se rallient a` la the´orie d’arreˆt d’e´tape de´montrant que la pre´cocite´ pubertaire est un facteur de risque de de´viance [2,14,15,17,16,24–26,28,29,31, 32,30] et est associe´e aux comportements a` risque comme l’usage de drogue, la consommation d’alcool, les conduites sexuelles et les conduites de´linquantes violentes et non violentes. Si la recherche s’est initialement centre´e sur les filles, les e´tudes portant sur les garc¸ons ont e´galement montre´ que les garc¸ons a` la puberte´ avance´e avaient des taux plus e´leve´s de de´viance et e´taient plus susceptibles de consommer tabac, alcool et drogues, de s’engager dans des activite´s sexuelles, et d’avoir des niveaux plus e´leve´s de conduites agressives et de´linquantes [5,9,10,13,15,16,25,35]. Felson et Haynie [14] affirment que la maturation pubertaire a des effets comparables a` d’autres puissants pre´dicteurs de la de´linquance tels que l’association aux pairs de´linquants. La pre´cocite´ pubertaire apparaıˆt bien comme un des facteurs de risque par rapport a` la de´linquance a` l’adolescence. L’association aux pairs de´linquants a e´te´ inte´gre´e aux mode`les explicatifs en tant que variable me´diatrice. Les adolescents a` maturation pubertaire pre´coce, en raison de l’e´volution de leur apparence physique, sont davantage enclins a` s’associer et eˆtre accepte´s dans des groupes de pairs plus aˆge´s et engage´s dans des comportements tels que la consommation d’alcool, de tabac, de drogue, des conduites sexuelles. L’immaturite´ de leur de´veloppement cognitif, e´motionnel et relationnel les rend plus vulne´rables a` l’influence et aux pressions des pairs [25,31,32,30]. Pour les filles, il a e´te´ montre´ de manie`re claire que les effets ne´gatifs du timing pubertaire pre´coce sur les comportements de de´linquance et les comportements sexuels a` risque e´taient explique´s par l’effet de l’association avec des pairs plus aˆge´s et de´viants ; les re´sultats pour les garc¸ons pre´coces sont moins nombreux et moins cohe´rents [19,21,23,29,36]. En effet, bien que la plupart des recherches portant sur la population masculine soutiennent, comme pour les filles, la the`se de la pre´cocite´ et identifient le retard pubertaire comme un facteur protecteur par rapport a` la de´linquance [29], quelques e´tudes ont appuye´ la the`se de la de´viance. Notamment, l’e´tude de Williams et Dunlop [40] ou` les garc¸ons a` maturation pre´coce et tardive se sont ave´re´s avoir des taux sensiblement plus e´leve´s de de´linquance que leurs pairs a` maturation normale. D’autres auteurs ont e´galement constate´ que les garc¸ons a` maturation pubertaire tardive pre´sentaient plus de proble`mes d’adaptation sociale [12,28].
3. La puberte´ : quelle e´valuation ? Parmi les e´tudes qui tentent de mettre en relation puberte´ et comportement a` l’adolescence, les deux aspects les plus fre´quemment e´value´s sont le statut pubertaire et le timing pubertaire.
3
Le statut pubertaire se rapporte au niveau de de´veloppement physique d’un individu a` un moment donne´ dans le temps, relativement au processus pubertaire ge´ne´ral [6]. La notion de timing re´fe`re a` l’aˆge du de´but de la maturation pubertaire et constitue une mesure du de´veloppement relatif d’un individu, par rapport a` la maturation pubertaire attendue a` un aˆge donne´. Tandis que le statut pubertaire fait re´fe´rence a` des stades de de´veloppement codifie´s auxquels se compare l’individu lui-meˆme sans prendre en compte l’aˆge, l’e´valuation du timing pubertaire fait re´fe´rence a` un groupe de comparaison et a` une diffe´rence interindividuelle en fonction de l’aˆge. Le timing pubertaire se rapporte au fait de savoir si la maturation d’un individu est en avance, en meˆme temps, ou retarde´e par rapport aux pairs du meˆme aˆge. Pour notre recherche analysant les liens entre maturation pubertaire et de´linquance, nous nous sommes centre´s sur le timing pubertaire perc¸u (TPP), qui repose sur la perception de l’adolescent de sa maturation pubertaire compare´e a` celle de ses pairs. Il est obtenu en demandant aux adolescents d’estimer globalement leur niveau de maturite´ physique comparativement a` leurs pairs, d’e´valuer leur « moment » pubertaire comme e´tant « en meˆme temps, plus toˆt ou plus tard » que leurs pairs [1]. Selon les e´tudes, le timing pubertaire perc¸u a e´te´ utilise´ comme une estimation du timing re´el se re´fe´rant aux donne´es de l’examen clinique [20]. Certains auteurs ont plaide´ en faveur de l’utilisation du timing perc¸u comme mesure e´quivalente au timing re´el [20,34], alors que d’autres auteurs ont observe´ que timing re´el et timing perc¸u n’e´taient que mode´re´ment lie´s puisqu’environ 60 % des adolescents situe´s en dehors des temps normaux se sont juge´s comme e´tant « dans les temps » par rapport a` leurs pairs [1,37]. Il a e´te´ ne´anmoins de´montre´ que le timing pubertaire perc¸u affecte plusieurs aspects de l’adaptation psychosociale [7,38].
4. E´tude Notre e´tude a pour objectif, dans la ligne´e des recherches pre´cite´es, de tester les facteurs implique´s dans l’adoption de conduites de´linquantes pour les adolescents selon leur timing pubertaire perc¸u (TPP), de sorte a` de´gager un mode`le explicatif pour chaque type de timing pubertaire (mode`le de de´linquance intra-pubertaire). 4.1. Population L’enqueˆte s’est de´roule´e aupre`s d’un e´chantillon de 141 garc¸ons aˆge´s de 12 a` 18 ans (aˆge moyen 15,6, e´cart-type 1,5) e´value´s dans le cadre scolaire au cours d’une passation collective. Les classes d’e´le`ves ont e´te´ de´signe´es au sein de neuf e´tablissements scolaires en milieu urbain et semi-urbain, au sein des diffe´rents types d’enseignement : ge´ne´ral, technique de transition, technique de qualification et professionnel. Les donne´es ont e´te´ recueillies a` partir de questions ferme´es (items a` choix multiples) concernant le re´seau social, l’engagement dans la vie sentimentale et sexuelle, le timing pubertaire. Un questionnaire de de´linquance auto-re´ve´le´e, le test de perception de soi de Harter [22] et le questionnaire d’agressivite´ de Buss–Perry ont e´te´ soumis a` tous les participants[8]. 4.2. Les instruments de mesure Le timing pubertaire perc¸u a e´te´ e´value´ a` partir de la question globale de Berg-Kelly et Erdes [3]. Il est demande´ aux adolescents de se comparer a` leurs condisciples du meˆme aˆge et de pre´ciser s’ils se trouvaient tre`s en avance, plutoˆt en avance, en meˆme temps, plutoˆt en retard ou tre`s en retard par rapport a` eux. La question propose cinq types de timing pubertaire (pre´coce, avance´, dans les
Pour citer cet article : Glowacz F, Bourguignon J-P. De´linquance des adolescents et maturation pubertaire analyse´es au travers du timing pubertaire perc¸u. Ann Med Psychol (Paris) (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2014.07.015
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normes, diffe´re´ et retarde´) et sera analyse´e sous un mode`le a` trois cate´gories regroupant les deux types de TPP avance´ et les deux types de TPP retarde´. La re´ponse a` cette question montrait dans l’e´tude de Berg-Kelly et Erdes [3] un taux de concordance de 94 % avec les donne´es de l’examen clinique. Des e´tudes de´montrent que la question globale est un outil valide pour l’e´valuation du de´veloppement pubertaire durant la « mid-adolescence » et a une validite´ biologique [1]. Au travers de l’e´chelle de de´linquance auto-re´ve´le´e [4], il est demande´ a` l’adolescent de rapporter ses conduites de´linquantes durant les six derniers mois, a` partir de 12 items reprenant les atteintes aux biens et aux personnes. Le Questionnaire d’agressivite´ de Buss et Perry [8] e´value les composantes comportementale, e´motionnelle et cognitive de l’agressivite´. Plus qu’une mesure de comportements agressifs, il e´value la disposition agressive (c’est-a`-dire la tendance a` s’engager dans une agression) en tant que caracte´ristique d’un fonctionnement et/ou trait de personnalite´ et recouvre quatre dimensions : l’agressivite´ physique, l’agressivite´ verbale, la cole`re et l’hostilite´. Le Self-Perception Profile for Adolescents-SPPA de Harter [22] e´value la perception que le jeune a de ses compe´tences dans diffe´rents domaines : scolaire, athle´tique, acceptation sociale, apparence physique, attirance romantique, conduites comportementales et amitie´s intimes. Il fournit un score d’estime de soi global inde´pendant des autres sous-e´chelles. Les alphas de Cronbach varient pour chacune des sous-e´chelles et des e´chantillons de 0,74 a` 0,92 confirmant la structure interne de l’instrument. L’association aux pairs est e´value´e a` partir de deux items portant sur l’aˆge et la de´linquance des amis fre´quente´s. 4.3. Proce´dure d’analyse des donne´es Nous avons dans un premier temps proce´de´ a` une analyse comparative des scores au niveau des dimensions e´tudie´es (estime de soi, agressivite´, association aux pairs et de´linquance autore´ve´le´e) entre les trois sous-groupes d’adolescents cate´gorise´s selon leur TPP (avance´-normal-retarde´). Les adolescents au TPP avance´ et retarde´ ont e´te´ compare´s pour toutes les variables aux adolescents au TPP normal. Les comparaisons entre groupes des variables continues ont e´te´ faites a` l’aide de mode`les Anova. La comparaison des moyennes a e´te´ re´alise´e a` l’aide d’une analyse de la variance et les comparaisons des variables cate´gorise´es ont e´te´ re´alise´es a` l’aide de test de Chi2. Les re´sultats sont conside´re´s comme significatifs au niveau d’incertitude de 5 % (p < 0,05). Une analyse de re´gression multiple au sein de chaque type de puberte´ a e´te´ re´alise´e a` partir des variables e´tudie´es pre´sente´es ci-dessus (agressivite´ [5] ; perception de soi [8] ; aˆge des amis [1] et de´linquance des amis [1]). Dans le but de de´terminer les variables susceptibles d’expliquer et de pre´dire la de´linquance des adolescents selon leur TPP (avance´, normal, retarde´), nous avons utilise´ une re´gression stepwise. Un premier mode`le multivarie´ reprenant toutes les variables a donne´ lieu a` un second mode`le multivarie´ ayant se´lectionne´ successivement et comple´mentairement les variables les plus significatives. Nous pre´senterons les mode`les se´lection, c’est-a`-dire le mode`le multivarie´ simplifie´. Il s’agit donc d’identifier le meilleur sous-ensemble de variables explicatives de la de´linquance auto-re´ve´le´e selon le type de puberte´ en proce´dant a` une se´lection pas a` pas. 5. Re´sultats 5.1. Timing pubertaire perc¸u et de´linquance auto-re´ve´le´e Notre e´chantillon comprend 56 % des adolescents au TPP normal, 30 % au TPP avance´ et 14 % au TPP retarde´. L’analyse
comparative entre les trois sous-groupes d’adolescents au TPP indique que ce sont les adolescents au TPP normal qui pre´sentent le taux de de´linquance auto-re´ve´le´e le plus faible par rapport aux deux autres sous-groupes. Les garc¸ons au TPP avance´ obtiennent des scores significativement supe´rieurs aux garc¸ons au TPP normal a` toutes les e´chelles de de´linquance (atteintes aux biens et aux personnes). Les adolescents au TPP avance´ commettent plus de conduites de´linquantes que les autres adolescents. Cependant, les adolescents au TPP retarde´ ont, eux aussi, des scores bruts supe´rieurs, mais sans significativite´ sur le plan statistique, par rapport aux adolescents au TPP dans les normes. Nous pouvons ne´anmoins conside´rer que les adolescents percevant leur TPP comme de´cale´ par rapport a` leurs pairs, soit en avance soit en retard, pre´sentent des taux de de´linquance plus e´leve´s que les garc¸ons au TPP dans les normes. Pour les autres dimensions, le TPP avance´ est associe´ de manie`re significative a` des taux supe´rieurs de de´linquance autore´ve´le´e (p = 0,01), d’agressivite´ (score total p = 0,04), a` un sentiment de compe´tence scolaire plus e´leve´ (p = 0,03) et a` une tendance significative pour l’association aux pairs de´linquants (p =0,058). Le TPP retarde´ est associe´ significativement a` une plus faible estime de soi globale (p = 0,001), a` une insatisfaction par rapport a` l’apparence physique (p = 0,001) et a` une hostilite´ plus e´leve´e (p = 0,004) (Tableau 1). Partant du constat que les garc¸ons qui se perc¸oivent en de´calage par rapport aux pairs au niveau de leur timing pubertaire pre´sentent des taux de de´linquance plus e´leve´s que les adolescents au TPP normal, il nous a semble´ inte´ressant d’identifier les variables explicatives de la de´linquance au sein de chaque type de puberte´ afin de tester si des facteurs de risque et de protection seraient spe´cifiques a` un type de maturation pubertaire. Un mode`le explicatif est pre´sente´ pour chaque sous-groupe d’adolescents cate´gorise´s selon leur TPP. 5.2. Mode`le de de´linquance intra-pubertaire (selon le timing pubertaire perc¸u) Le mode`le multivarie´-se´lection indique que la de´linquance des garc¸ons au TPP avance´ augmente avec l’agressivite´ physique, le fait d’avoir tous les amis de´linquants, des amis de tous les aˆges et l’acceptation sociale (popularite´ sociale) (Tableau 2). Elle diminue avec la perception positive de l’apparence physique. Nous retrouvons donc dans ce mode`le deux facteurs centraux au niveau de l’explication de la de´linquance chez les garc¸ons : l’agressivite´ physique et l’affiliation aux pairs de´linquants, qui est le pre´dicteur le plus puissant au niveau du mode`le chez les adolescents au TPP avance´. L’acceptation sociale traduisant le sentiment de popularite´ sociale apparaıˆt dans la constellation plurifactorielle pour ce sousgroupe d’adolescents comme un pre´dicteur du comportement de´linquant associe´ aux facteurs d’agressivite´ et de socialisation de´linquante. On pourrait dire que les adolescents avec puberte´ avance´e subissent l’influence de pairs de´linquants, et l’agressivite´ serait pour eux un mode d’affirmation de soi au sein de leur re´seau social de´linquant en faveur d’une popularite´ sociale qui le´gitimerait a` son tour le recours a` l’agressivite´. L’interaction de ces facteurs conduit a` une de´linquance plus importante et diversifie´e que celle des adolescents au TPP normal et retarde´ (releve´e lors des analyses comparatives). La satisfaction par rapport a` l’apparence physique apparaıˆt dans cette constellation comme un facteur de protection pour les adolescents au TPP avance´. L’adolescent satisfait de son apparence physique, de son corps de´veloppe´ pre´cocement, disposerait la` d’un support de valorisation et de bien-eˆtre. Ce facteur est effectivement reconnu dans la litte´rature comme un de´terminant de l’estime de soi [39], il peut diminuer le risque de de´linquance. Ce constat permet d’envisager que la satisfaction au niveau de l’image corporelle, et donc de l’apparence
Pour citer cet article : Glowacz F, Bourguignon J-P. De´linquance des adolescents et maturation pubertaire analyse´es au travers du timing pubertaire perc¸u. Ann Med Psychol (Paris) (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2014.07.015
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Tableau 1 Analyses comparatives entre les types de timing pubertaire. Garc¸ons n = 141
TPP avance´ n = 43 Moyenne
TPP retarde´ n = 19
TPP normal n = 79 E´cart-type
E´cart-type
Moyenne
Moyenne
TPP av./TPP norm./TPP ret. Valeur p E´cart-type
De´linquance auto-re´ve´le´e
7,13
5,92
4,79
4,60
6,05
3,59
Del. atteinte aux biens
4,02
3,92
2,67
3,22
3,57
2,71
Del. atteinte aux personnes
2,65
2,47
1,72
1,90
1,89
1,59
Agressivite´ totale
81,97
15,43
75,44
17,47
79,94
15,03
Agressivite´ physique Agressivite´ verbale Cole`re Hostilite´
28,48 14,25 18,67 20,65
7,53 3,89 4,54 5,48
25,93 13,72 17,34 18,98
8,21 4,27 5,13 6,13
24,63 14,15 17,52 23,63
7,60 4,90 4,85 6,44
Estime de soi
2,82
0,60
3,00
0,56
2,44
0,62
Compe´tences scolaires
2,86
0,54
2,59
0,70
2,53
0,57
Acceptation sociale Compe´tence sportive Apparence physique
2,94 3,02 2,75
0,53 0,66 0,60
2,82 2,80 2,76
0,66 0,60 0,71
2,73 2,70 2,23
0,71 0,77 0,64
Attirance romantique Conduites comportementales Amitie´s proches
2,77 2,81 3,24
0,58 0,40 0,73
2,73 2,86 3,10
0,51 0,47 0,65
2,74 2,74 3,22
0,51 0,63 0,75
p = 0,01 TPP av. > TPP norm p = 0,04 TPP av. > TPP norm. p = 0,02 TPP av. > TPP norm. p = 0,04 TPP av. > TPP norm. NS NS NS p = 0,004 TPP ret. > TPP norm. p = 0,001 TPP ret. > TPP norm. p = 0,03 TPP av. > TPP norm. p = 0,45 NS p = 0,001 TPP ret. > TPP norm. NS NS NS
TPP : timing pubertaire perc¸u. TPP av. : TPP avance´ ; TPP norm. ; TPP normal ; TPP ret. : TPP retarde´ ; NS : non significatif.
Tableau 2 Adolescents au TPP avance´ – Mode`le multivarie´-se´lection. Variables
Parameter estimate
Standard error
Type II SS
F value
Pr > F
Agressivite´ physique Tous les amis de´linquants Amis de tous les aˆges Acceptation sociale Apparence physique
0,26052 8,31305 2,50253 3,13032 –4,94532
0,08661 1,90749 1,20844 1,28032 1,20146
112,24238 235,59220 53,19504 74,14867 210,15172
9,05 18,99 4,29 5,98 16,94
0,0048 0,0001 0,0458 0,0197 0,0002
Variable de´pendante : de´linquance auto-re´ve´le´e (r2 : 0,6678). TPP : timing pubertaire perc¸u. Tableau 3 Adolescents au TPP normal – Mode`le multivarie´-se´lection. Variables
Parameter estimate
Standard error
Type II SS
F value
Pr > F
Agressivite´ physique Au moins un ami de´linquant Tous les amis de´linquants
0,20511 2,83383 7,14891
0,05891 0,95846 1,46984
116,55204 84,04201 227,42508
12,12 8,74 23,66
0,0009 0,0043 < 0,0001
Variable de´pendante : de´linquance auto-re´ve´le´e – r2 : 0,6372. TPP : timing pubertaire perc¸u.
physique, pourrait mode´rer l’association entre la maturation pubertaire pre´coce et la de´linquance chez les garc¸ons (Tableau 3). Le mode`le multivarie´-se´lection indique que la de´linquance des garc¸ons au TPP normal augmente avec l’agressivite´ physique, le fait d’avoir au moins un ami de´linquant, le fait d’avoir tous les amis de´linquants. Ceci nous renvoie au consensus se de´gageant de la litte´rature et des recherches en matie`re de de´linquance juve´nile [11] quant au roˆle pre´dicteur de l’association aux pairs de´linquants (inde´pendamment de la prise en compte du facteur puberte´) et de l’agressivite´. Ce mode`le confirme les mode`les que l’on retrouve dans la population ge´ne´rale (tous types de puberte´ confondus). Il
est inte´ressant de noter que les facteurs de perception de soi se´lectionne´s dans le mode`le des puberte´s avance´es n’entrent pas en jeu en tant que facteur protecteur ou pre´dictif, alors que les adolescents au TPP normal be´ne´ficiaient de la meilleure estime de soi comparativement aux deux autres types de puberte´. Pour le sous-groupe d’adolescents au TPP retarde´, le mode`le multivarie´-se´lection montre que la de´linquance de ces adolescents augmente avec l’agressivite´ physique et l’hostilite´. Ce sont donc, pour ces adolescents, deux dimensions de l’e´chelle d’agressivite´ qui sont corre´le´es a` la de´linquance et qui agissent en tant que variables pre´dictives (Tableau 4).
Tableau 4 Adolescents au TPP retarde´ – Mode`le multivarie´-se´lection. Variables
Parameter estimate
Standard error
Type II SS
F value
Pr > F
Agressivite´ physique Hostilite´
0,22808 0,26938
0,08844 0,09686
46,19332 53,71540
6,65 7,73
0,0210 0,0140
Variable de´pendante : de´linquance auto-re´ve´le´e – r2 : 0. 5168. TPP : timing pubertaire perc¸u.
Pour citer cet article : Glowacz F, Bourguignon J-P. De´linquance des adolescents et maturation pubertaire analyse´es au travers du timing pubertaire perc¸u. Ann Med Psychol (Paris) (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2014.07.015
G Model
AMEPSY-1931; No. of Pages 7 F. Glowacz, J.-P. Bourguignon / Annales Me´dico-Psychologiques xxx (2015) xxx–xxx
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Contrairement aux mode`les explicatifs des deux autres sousgroupes, la variable « association aux pairs de´linquants » n’est pas se´lectionne´e en tant que variable explicative. Nos re´sultats mettent en lumie`re de manie`re tout a` fait inte´ressante et novatrice que l’association aux pairs de´linquants, pre´dicteur puissant de la de´linquance a` l’adolescence, intervient pour les adolescents a` puberte´ avance´e et normale mais pas pour les garc¸ons avec puberte´ retarde´e. Le fonctionnement social des adolescents avec puberte´ retarde´e paraıˆt diffe´rent de celui des autres adolescents, tout comme leur engagement dans la de´linquance qui ne s’explique pas par un type de socialisation commune aux autres adolescents. La de´linquance des adolescents avec puberte´ retarde´e est principalement soustendue par l’agressivite´ physique et l’hostilite´ qui sont les facteurs pre´dictifs e´mergeant du mode`le.
6. Discussion Cette e´tude met en e´vidence l’inte´reˆt de prendre en compte dans une perspective bio-psycho-sociale la variable pubertaire dans l’e´tude des conduites de´viantes des adolescents. Nos re´sultats s’ajoutent aux e´tudes de´montrant les liens entre timing pubertaire et de´linquance [28], appuyant la the´orie de la pre´cocite´. C’est en effet l’avancement pubertaire (TPP avance´) qui apparaıˆt, sur la base des analyses statistiques, comme associe´ a` la de´linquance, tant pour les conduites d’atteintes aux biens que d’atteintes aux personnes. Le TPP avance´ e´tait e´galement associe´ a` d’autres variables reconnues comme facteurs de risque, a` savoir l’agressivite´ et l’association aux pairs de´linquants. Toutefois, au-dela` de ce constat, il a e´te´ releve´ que tous les adolescents s’e´valuant en de´calage au niveau de leur timing pubertaire par rapport aux pairs, soit en avance soit en retard, avaient des scores de de´linquance plus e´leve´s que ceux s’e´valuant dans les normes, meˆme si cette association n’est pas significative sur le plan statistique pour les TPP retarde´. Les scores plus e´leve´s de de´linquance auto-re´ve´le´e des puberte´s de´cale´es par rapport aux puberte´s normales nous renvoient a` la the´orie de la de´viance et aux recherches de Williams et Dunlop [40] selon lesquelles, pour un adolescent, eˆtre en dehors des normes au niveau de son de´veloppement pubertaire et se percevoir en retard ou en avance par rapport au groupe de pairs augmente le risque de proble`mes d’adaptation et de de´linquance. Dans notre e´tude, le retard pubertaire n’apparaıˆt pas du tout comme un facteur protecteur. Le fait de se percevoir en retard au niveau pubertaire par rapport aux pairs est associe´ chez nos adolescents a` une estime de soi ne´gative, une de´pre´ciation de son apparence physique et une hostilite´ qui sous-tendent leur fonctionnement social. Il a e´te´ pre´alablement de´montre´ que les garc¸ons pube`res tardivement, ge´ne´ralement plus petits et plus faibles musculairement que leurs pairs, sont plus insatisfaits de leur corps [1,40,39], la maturation tardive e´tant pre´dictive d’une faible estime de soi. Les re´sultats les plus inte´ressants dans le champ de la de´linquance portent sur l’association entre le retard du timing pubertaire perc¸u avec l’hostilite´, qui est, rappelons-le, la composante cognitive de l’agressivite´ et renvoie a` une tendance a` percevoir l’environnement et les situations comme menac¸ants et hostiles. Elle traduit non seulement une profonde inse´curite´ interne mais e´galement une angoisse a` allure paranoı¨de de rejet, qui soutient un processus de biais d’attribution hostile. Tandis que la majorite´ des e´tudes associent l’avancement pubertaire a` toutes les formes d’agressivite´, nos re´sultats permettent de conside´rer l’hostilite´ comme spe´cifique au retard pubertaire. Elle ressort dans le mode`le explicatif de la de´linquance chez les adolescents a` puberte´ retarde´e comme variable pre´dictrice.
Alors que les e´tudes sur les liens entre maturation pubertaire et conduites de´linquantes ou conduites a` risque se sont attache´es a` e´valuer si la pre´cocite´ ou le retard pubertaire constituait un facteur de risque, nous avons choisi, sur la base du constat d’une pre´valence plus forte de comportements de´linquants chez les adolescents en de´calage pubertaire, de chercher a` savoir si la de´linquance e´tait explique´e par les meˆmes facteurs pour tous les adolescents. Les mode`les d’explication de la de´linquance selon le type de TPP ont mis en e´vidence, sur la base d’une analyse de re´gression multiple (mode`le complet et avec se´lection pas a` pas [stepwise]) des constellations de variables spe´cifiques a` chacun des sous-types de TPP. Il en est ressorti que le facteur d’agressivite´ physique est commun aux trois types de timing pubertaire perc¸u. Il est associe´ a` l’affiliation aux pairs de´linquants pour les puberte´s avance´es et normales, alors que pour les puberte´s retarde´es, il interagit avec le facteur d’hostilite´ qui leur est spe´cifique. On retrouve chez les garc¸ons au TPP avance´ le sentiment d’acceptation sociale (popularite´ sociale) qui participe a` leur fonctionnement de´linquentiel. Au sein de ce groupe d’adolescents, l’agressivite´ serait un mode d’affirmation de soi pouvant renforcer leur popularite´ sociale et re´ciproquement. Un autre facteur de perception de soi agissant cette fois en tant que facteur protecteur est la perception positive de l’apparence physique : l’adolescent satisfait de son corps de´veloppe´ pre´cocement disposerait la` d’un support de valorisation positive et de conformite´. Pour les garc¸ons au TPP normal, l’agressivite´ physique et l’affiliation aux pairs de´linquants sont retenues comme les facteurs pre´dictifs de leur de´linquance, ce qui rejoint un consensus largement e´tabli pour la de´linquance juve´nile [11]. Nos re´sultats ont releve´ que, contrairement aux mode`les explicatifs des deux autres sous-groupes, la variable « association aux pairs de´linquants » n’est pas se´lectionne´e en tant que variable explicative pour les adolescents au timing pubertaire perc¸u en retard. Ce facteur hautement pre´dicteur dans les mode`les de de´linquance des adolescents n’intervient pas pour les garc¸ons au TPP retarde´. La socialisation des adolescents avec puberte´ retarde´e diffe`re de celle des autres adolescents, tout comme leur engagement dans la de´linquance, qui ne s’explique pas par l’affiliation aux pairs de´viants. Ces re´sultats confirment l’inte´reˆt d’inte´grer la variable pubertaire dans les recherches sur la de´linquance, mais aussi au niveau de l’intervention, avec une attention particulie`re pour les adolescents de´linquants a` la puberte´ retarde´e pre´sentant des besoins autres, notamment quant au processus de socialisation et aux interventions a` mener.
ˆ ts De´claration d’inte´re Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article. Re´fe´rences [1] Alsaker FD. Annotation: the impact of puberty. J Child Psychol Psychiatry 1996;37:249–58. [2] Beaver KM, Wright JP. Biosocial development and delinquent involvement. Youth Violence Juvenile Justice 2005;3:168–92. [3] Berg-Kelly K, Erdes L. Self-assessment of sexual maturity by mid-adolescents based on a global question. Acta Paediatrica 1997;86:10–7. [4] Born M, Gavray C. Self-reported delinquency in Lie`ge, Belgium. Delinquent behaviour among young people in the western world: first results of the International Self Report Delinquency Study. New York: Kugler Publications; 1994. p. 131–55. [5] Brooker RJ, Berenbaum SA, Bricker J, Corley RP, Wadsworth SA. Pubertal timing as a potential mediator of adoption effects on problem behaviors. J Res Adolesc 2012;22:739–45. [6] Brooks-Gunn J, Warren MP, Rosso J, Gargiulo J. Validity of self-report measures of girls’ pubertal status. Child Dev 1987;829–41. [7] Buchanan CM, Eccles JS, Becker JB. Are adolescents the victims of raging hormones? Evidence for activational effects of hormones on moods and behavior at adolescence. Psychol Bull 1992;111:62.
Pour citer cet article : Glowacz F, Bourguignon J-P. De´linquance des adolescents et maturation pubertaire analyse´es au travers du timing pubertaire perc¸u. Ann Med Psychol (Paris) (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2014.07.015
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Pour citer cet article : Glowacz F, Bourguignon J-P. De´linquance des adolescents et maturation pubertaire analyse´es au travers du timing pubertaire perc¸u. Ann Med Psychol (Paris) (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2014.07.015