Do serum sodium levels predict febrile seizure recurrence within 24 hours?

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Archives de pédiatrie 11 (2004) 1299–1307 www.elsevier.com/locate/arcped Mémoire original Conséquences pour la famille d’une naissance très prématur...

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Archives de pédiatrie 11 (2004) 1299–1307 www.elsevier.com/locate/arcped

Mémoire original

Conséquences pour la famille d’une naissance très prématurée deux mois après le retour à la maison. Résultats de l’enquête qualitative d’EPIPAGE Consequences for the family of a very preterm birth two months after discharge. Results of the EPIPAGE qualitative study M. Garel*, M. Bahuaud, B. Blondel Inserm U 149, recherches épidémiologiques en santé périnatale et santé des femmes, 16, avenue Paul-Vaillant-Couturier, 94807 Villejuif, cedex, France Reçu le 23 juillet 2003 ; accepté le 9 juin 2004 Disponible sur internet le 31 juillet 2004

Résumé Objectifs. – Décrire l’état psychologique des mères et des pères dans les cas de naissances très prématurées, deux mois après le retour à la maison, les difficultés rencontrées avec l’enfant, l’équilibre du couple, l’organisation familiale, et comparer les témoignages des mères et des pères. Population. – Les mères ayant accouché avant 33 semaines dans deux maternités à Paris et à Rouen ont été contactées. Sur 38 mères éligibles, 21 ont accepté. Leurs enfants étaient nés entre 26 et 32 semaines et pesaient de 630 à 2100 g. Méthode. – Un entretien semi-directif, d’environ une heure, avec chaque membre du couple a été conduit par une psychologue au domicile familial. Chaque entretien a été enregistré puis retranscrit intégralement. L’analyse a permis d’en dégager les thématiques récurrentes et de rechercher le rôle de certains facteurs. Résultats. – Deux mois après la sortie du bébé de l’hôpital, les parents évoquent de multiples difficultés : anxiété, affects dépressifs chez les mères, fatigue importante chez les pères, préoccupations pour la santé et le développement de l’enfant chez les deux parents. Des tensions au sein des couples et des difficultés psychologiques chez les enfants aînés sont mentionnées. Les difficultés maternelles ne sont pas liées au degré de prématurité ni à la durée du séjour en néonatologie, mais à l’état de santé actuel du bébé, à ses réhospitalisations et à des caractéristiques maternelles telles que le fait d’être migrante, l’isolement, le manque de soutien et un antécédent de mort périnatale. L’organisation psychique de la mère module aussi le rôle de facteurs objectivables. Les pères montrent une capacité plus grande à mettre à distance et à surmonter le traumatisme de la naissance très prématurée. Ils insistent sur leur rôle de soutien de la mère et de la dyade mère–enfant. Conclusion. – Les conséquences d’une naissance très prématurée sont importantes et touchent l’ensemble de la famille. Après le retour à la maison, la prise en charge du grand prématuré devrait tenir compte de la situation sociale et psychologique de la famille dans son ensemble. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Objectives. – To assess mothers’ and fathers’ psychological health 2 months after discharge of a very preterm infant. To describe the problems encountered with the child, the quality of the marital relationship, the organization of the family and to compare the answers made by mothers and fathers. Population. – Mothers having delivered before 33 weeks in two maternity units in Paris and in Rouen were contacted. Among the 38 mothers who were eligible, 21 accepted to participate. Their children were born between 26 weeks and 32 weeks and weighted from 630 to 2100 g.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Garel). 0929-693X/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.arcped.2004.06.022

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Method. – A semi-structured interview was conducted at home by a psychologist with each member of the couple. It lasted approximately 1 h. Each interview was tape-recorded and fully transcribed. The analysis allowed to discover the main themes emerging from the interviews and to search for the role of factors. Results. – Two months after discharge, mothers expressed anxiety and feelings of depression. Fathers noted considerable fatigue and both parents expressed concerns about the child’s health and development. Marital dissatisfaction and behavioural symptoms in siblings were also noted. Mothers’ difficulties were not linked to the degree of prematurity or length of stay in neonatal unit but with the baby’s present health state, his rehospitalizations and maternal characteristics such as isolation, lack of support and previous perinatal loss. The mother’s psychological organisation modifies the role of objective factors. Fathers seemed more able to cope with and overcome the traumatic event caused by the very preterm birth. They insisted on their role of support for the mother and the mother–child relationship. Conclusion. – The consequences of a very preterm birth are important and concern the whole family. After hospital discharge, the follow-up care of the very preterm baby should take the family social and psychological situation into account. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : Prématurité ; Santé des mères ; Santé des pères Keywords: Infant, very low birth weight; Mothers, psychology; Fathers, psychology; Parents, psychology; Maternal behavior; Stress, psychological

La naissance d’un enfant très prématuré provoque un bouleversement pour la mère, le père et l’ensemble de la famille. À la place de l’enfant idéal attendu, arrive un enfant très petit, fragile qui va être hospitalisé et être l’objet de soins intensifs pendant plusieurs semaines. De très nombreux travaux ont décrit le traumatisme psychique subi par la mère lors de la naissance et pendant le séjour de l’enfant en réanimation néonatale et ceux liés aux troubles de l’attachement mère–enfant. On sait moins de choses sur les conséquences psychologiques pour la famille dans son ensemble. De plus, les études publiées ne vont pas tout à fait dans le même sens [1–4]. Dans le contexte actuel où des enfants de plus en plus prématurés sont sauvés par les techniques de réanimation, il est important de connaître la nature et l’ampleur des difficultés psychologiques rencontrées par les familles, de savoir comment ces difficultés évoluent dans le temps et quels sont les facteurs qui peuvent les atténuer ou les aggraver. Une enquête en population générale, EPIPAGE, a été mise en place dans plusieurs régions de France pour étudier la santé et le développement des enfants nés très prématurément et le devenir de leurs familles [5]. Les résultats de cette enquête quantitative ont montré que l’état de santé physique et psychologique des mères, deux mois après le retour à la maison, était globalement moins bon lorsque l’enfant était né grand prématuré que lorsqu’il était né à terme [6]. Les troubles fonctionnels, tels que la fatigue, les maux de tête, les problèmes digestifs et la consommation d’antalgiques, de tranquillisants et d’antidépresseurs étaient plus élevés chez les mères de grands prématurés. Ces informations obtenues par questionnaire sur un nombre important de sujets donnaient la mesure de la situation. Nous avons souhaité les compléter par une approche qualitative, utilisant des entretiens semi-dirigés. Cette méthode tentait de répondre aux questions de type « pourquoi ? », « comment ? », plutôt que « combien ? ». L’entretien a permis de recueillir le discours spontané de chaque répondant sur son expérience vécue, ses réactions et ses sentiments, avec les nuances et les contradictions inhérentes à toute expérience individuelle. Il a pu en

révéler des aspects non prévus, masqués ou trop sensibles pour être évoqués dans un questionnaire. Il a aussi permis de repérer des mécanismes mis en place par le répondant pour affronter ou surmonter certaines difficultés. Notre démarche était donc d’aider à approfondir et mieux comprendre les résultats de l’enquête quantitative [7]. Le but de cet article a été de décrire l’état psychologique des mères et des pères, les difficultés rencontrées avec l’enfant, l’équilibre du couple, l’organisation familiale, et de comparer les attitudes et les rôles respectifs des mères et des pères. Les résultats concernant le séjour dans le service de néonatologie et l’opinion des parents sur sa prise en charge ont été publiés par ailleurs [8].

1. Population et méthode 1.1. Population L’étude qualitative a concerné toutes les mères ayant accouché avant 33 semaines d’aménorrhée (SA) dans deux maternités à Paris et à Rouen. Elles devaient parler français, vivre en couple, habiter soit Paris et sa petite couronne, soit dans un rayon de moins de 50 km autour de Rouen. Elles ne devaient pas avoir été incluses dans la partie quantitative de l’enquête EPIPAGE. Les naissances multiples ont été exclues. Toutes les mères répondant à ces critères et ayant accouché pendant les périodes de présence de l’enquêtrice ont été contactées de novembre 1998 à novembre 1999 à Paris et de février 2000 à février 2001 à Rouen. Le recrutement devait permettre de constituer un échantillon d’une vingtaine de couples. Au total 38 mères ont été contactées en suites de couches : 21 ont accepté (55 %) et 17 ont refusé. Les motifs de refus étaient la fatigue, le manque d’intérêt pour l’étude ou la crainte de reparler d’une expérience trop douloureuse. Par rapport à celles qui ont refusé, les femmes qui ont accepté avaient accouché un peu moins prématurément (en moyenne 29,6 SA comparées à 28,7 SA), d’un bébé un peu moins petit (poids de naissance moyen de 1356 g com-

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paré à 1149 g). Le niveau d’étude des mères qui ont participé était plus élevé puisque 57 % d’entre elles avaient un diplôme de l’enseignement supérieur contre 29 % parmi celles qui ont refusé. Tous les conjoints des femmes qui avaient accepté l’étude ont été interviewés. Les enfants de l’étude sont nés entre 26 et 32 SA ; leurs poids est compris entre 630 et 2100 g. La naissance a eu lieu par césarienne pour onze d’entre eux. Ils ont tous été transférés, soit en réanimation néonatale (14 enfants), soit en néonatologie (7 enfants). La durée de séjour a été de un mois à cinq mois et sept jours (médiane = 1 mois et 28 jours). Onze mères avaient été traitées pour menace d’accouchement prématuré et dix mères avaient accouché de façon inopinée pour placenta praevia, toxémie et RCIU. Six mères avaient des antécédents de fausses couches précoces (n = 4) et/ou de perte périnatale : une mort fœtale in utero, un mort né, deux IMG, un enfant né à cinq mois et demi-décédé. Dans une famille l’enfant aîné était handicapé (syndrome de Williams). Cinq mères étaient migrantes, cinq mères avaient un enfant aîné et 17 mères avaient une activité professionnelle avant la naissance. 1.2. Méthode L’enquêtrice psychologue contactait les mères à la maternité pour les inviter à participer à l’étude. Un entretien semidirigé individuel, avec chaque membre du couple, était organisé au domicile familial deux mois après la sortie du bébé de l’hôpital. Il prévoyait d’aborder systématiquement certains thèmes, puis de laisser le répondant s’exprimer le plus librement possible. Dans les résultats nous avons présenté les questions telles qu’elles étaient formulées. Chaque entretien était enregistré au magnétophone et durait environ une heure. Il était intégralement retranscrit puis, pour des raisons pratiques, analysé par une autre psychologue que celle qui avait réalisé l’entretien. L’analyse a permis de faire apparaître les thématiques récurrentes d’un entretien à l’autre et de rechercher le rôle de certains facteurs.

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Outre l’anxiété et la fatigue, des affects dépressifs étaient présents chez un peu plus d’une mère sur trois. Nous avons repéré ces affects dans la tonalité, l’expression des émotions et les pleurs fréquents au cours de l’entretien. Il était rare que les mères se déclarent explicitement tristes ou déprimées. Elles masquaient parfois leur détresse par une euphorie excessive. Deux mères sur trois ont spontanément exprimé des sentiments de culpabilité : « J’ai trop travaillé aux dépends du bébé ». Plus rarement elles ont exprimé un sentiment de révolte ou d’injustice : « Pourquoi la toxémie, pourquoi à nous ? » Le traumatisme était encore vivace deux mois après la sortie : « La plus grande épreuve de ma vie, un bouleversement, un trou, un cauchemar » ; « Le désastre de l’accouchement et de la réanimation » ; « Je ne veux plus d’enfant, j’ai trop peur que ça recommence ». Les réponses des pères différaient de celles de leurs compagnes. Il était très rare qu’ils se disent spontanément inquiets, qu’ils montrent de la tristesse ou des affects dépressifs. Ils expliquaient qu’ils devaient être « forts » pour leur conjointe : « Je dois aller bien pour la soutenir ». Leurs difficultés s’exprimaient surtout en termes de fatigue physique due, selon eux, au manque de sommeil et à l’activité professionnelle. Quelques pères parlaient du présent comme d’une période d’apaisement après l’épreuve des premiers mois : « Le moral s’améliore doucement » ; « On commence à revivre maintenant » ; « Il ne faut plus y penser, les choses doivent aller normalement ». On ne retrouvait pas ce discours dans les entretiens avec les mères. Les commentaires des pères ne faisaient pas référence à la culpabilité. Ils parlaient plutôt de fatalité : « C’est comme ça. Elle devait naître, c’est peut-être une fatalité ». Comme les mères, ils insistaient sur l’importance du traumatisme subi : « Je ne recommande à personne de vivre ça ». Mais il leur arrivait également de présenter cette naissance comme une épreuve salutaire. Un père disait qu’il se sentait « renforcé », que sa « vision de la vie avait changé ». Un autre expliquait qu’il en avait tiré des leçons : « Le bébé s’est battu et nous aussi, ensemble. Il faut être à la hauteur de ce fils ».

2. Résultats

2.2. « Comment va votre bébé aujourd’hui ? »

2.1. « Comment allez-vous aujourd’hui ? »

À l’exception de deux mères qui disaient : « tout va bien », toutes les mères ont donné des réponses mitigées. Les difficultés évoquées étaient toujours compensées par des remarques positives sur l’enfant. Les problèmes les plus fréquents concernaient la sphère alimentaire et digestive et, dans une moindre mesure, des problèmes respiratoires. Des problèmes de sommeil et des pleurs difficiles à calmer étaient moins fréquemment évoqués. L’absence de repères pour le développement du bébé était préoccupante : « On ne peut pas comparer ». Des craintes pour le futur étaient plus rarement exprimées. Dans leurs réponses, une mère sur trois associait les réactions ou les besoins actuels du bébé à la naissance très

Toutes les mères ont eu tendance à répondre à cette question en parlant d’abord du bébé. L’équilibre de la mère dépendait d’abord de l’état de santé de son enfant : « Si lui va, ça va ! ». Dans toutes les réponses, l’anxiété concernant l’enfant prédominait. Il s’agissait de « préoccupations », de « tension », d’« inquiétude », ou d’« angoisse ». La peur des maladies et en particulier des bronchiolites, le stress lié aux pleurs du bébé, à sa fragilité, à sa petitesse étaient au premier plan. « Je passe mes journées à le surveiller ». La fatigue a été mentionnée par une mère sur deux. Cette fatigue était, selon elles, surtout due aux nuits sans sommeil.

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prématurée. L’enfant était décrit comme ne supportant pas le silence et ayant besoin de bruit pour dormir, comme lorsqu’il était en néonatologie, ou bien il pleurait quand on lui touchait les mains, car il avait « peur qu’on lui fasse des misères ». Les pleurs étaient parfois interprétés comme un « manque de tendresse à rattraper ». L’enfant nécessitait des soins et une attention particuliers : « Je l’ai toujours sous les yeux » ou bien : « Il faut le stimuler, c’est différent d’un enfant classique ». Pour lutter contre cette attitude, certaines s’efforçaient de ne pas stigmatiser l’enfant : « Je le gronde pour qu’il soit normal ». Des observations positives sur l’enfant venaient toujours compenser l’énumération des problèmes. Il s’agissait de remarques telles que : « Il boit bien », « Il pousse bien ». Son comportement était décrit comme agréable : Il « sourit, est joyeux, gazouille ». « Son développement est satisfaisant », « Il est en avance pour certaines choses ». Parfois ses compétences étaient surestimées : « Il tourne les pages d’un livre » ou « Il commence à parler ». Comme les mères, tous les pères sauf deux ont donné des réponses mitigées à la question. Ils évoquaient les mêmes problèmes de santé, mais avec moins de détails. À propos des pleurs ils exprimaient parfois leur agacement : « Le soir je suis agacé par les pleurs du bébé. Je m’énerve et après je m’en veux ». La fragilité de l’enfant et le besoin d’une attention particulière étaient mentionnés moins souvent par les pères que par les mères. Le manque de repères pour le développement de l’enfant et les risques de séquelles étaient évoqués par les pères, comme par les mères. Comme les mères, les pères tempéraient leurs inquiétudes par des observations positives : « Il dégage du bonheur quand il sourit, il est heureux. Il fait partie de notre équilibre ». Malgré les quelques différences entre le groupe des mères et celui des pères, il n’y avait globalement pas de discordance au sein des couples dans les réponses concernant le type de problèmes posés par la santé ou le développement de l’enfant. 2.3. « Comment s’est passée la sortie de l’hôpital ? » Une mère sur deux en a gardé des souvenirs mitigés faits de joie et d’inquiétude. Elles déploraient un manque de préparation dû à un délai trop court entre l’annonce et la sortie : « C’était une surprise agréable mais ça a été trop rapide et plus tôt que ce qu’on nous avait dit au départ ». Le manque de préparation concernait des aspects matériels : « La chambre n’était pas tout à fait prête », auxquels s’ajoutaient l’inquiétude « d’avoir la responsabilité du bébé » et la crainte de « ne pas savoir s’en occuper ». La séparation d’avec le milieu hospitalier était vécue comme également difficile : « L’hôpital protège », disait une mère. Pour une mère sur quatre la sortie et le retour à la maison se sont très mal passé : « J’aurais préféré qu’il sorte plus tard. J’étais restée dépendante des médecins » ; « Je suis retournée aux urgences plusieurs fois » ; « On a dû réhospitaliser l’enfant ». Une mère sur quatre également faisait un récit

uniquement positif de la sortie du bébé : « Tout s’est bien passé, j’étais pressée de la voir sortir ». Il y avait globalement concordance au sein des couples et, comme leurs compagnes, les pères exprimaient à la fois la joie de récupérer le bébé et beaucoup de craintes d’en avoir la responsabilité. Ils ajoutaient cependant des commentaires positifs qu’elles ne faisaient pas sur la façon dont ils avaient ressenti la sortie de l’hôpital : « C’était comme une deuxième naissance. La première fois qu’il respirait l’air du dehors » ; « Le trajet à trois dans la voiture, le départ pour chez nous. On se sent parents ». 2.4. « Votre enfant a-t-il été réhospitalisé ? » Six enfants ont été réhospitalisés pour problèmes digestifs (régurgitations, diarrhées), malaise vagal ou bronchiolite. Les émotions maternelles lors d’une réhospitalisation étaient toujours violentes. La réhospitalisation était vécue comme une « rechute terrible » ou comme une épreuve encore plus difficile que la première fois : « C’est là que j’ai craqué ». Leurs réactions leur paraissaient excessives et sans lien avec l’état de santé du bébé : « C’était pas grave mais j’ai paniqué ». L’évènement ravivait l’angoisse et la culpabilité associées à cette naissance. Une mère expliquait : « On vous le reprend, c’est comme si on n’avait pas été capable ». Sur ce thème les pères ont exprimé des sentiments comparables mais avec plus de détachement dans la formulation : « La réhospitalisation c’est fatigant. On pense qu’on gère, et il faut y retourner. C’est embêtant ». 2.5. « Comment va votre couple depuis le retour du bébé à la maison ? » La moitié des mères a fait des réponses uniquement positives. Elles ont évoqué une bonne entente, le partage des tâches domestiques et la présence du père auprès de l’enfant. Dans l’autre moitié de l’échantillon, les réponses étaient mitigées. Les mères signalaient des difficultés, soit dans le partage des tâches ménagères, soit dans les relations avec leur conjoint. Elles rapportaient leur plainte d’être délaissées : « Il ne trouve pas sa place, il se sent exclu » ; « Il est jaloux du bébé ». Elles déploraient parfois le manque de présence de leur conjoint auprès du bébé ou d’elles-mêmes. Cependant l’énumération de ces difficultés était tempérée par des commentaires positifs : « Il aide très peu à la maison, mais il s’occupe bien de son fils ». Comme les mères, la moitié des pères a fait des commentaires uniquement positifs, soit sur le rapprochement du couple, soit sur le plaisir qu’ils avaient à s’occuper du bébé. Dans l’autre moitié de l’échantillon, les réponses des pères étaient mitigées avec en négatif moins de disponibilité de la compagne : « C’est difficile de partager sa femme » ; « Le mari est moins chouchouté, mais c’est normal, le bébé est au centre ». Ils se sentaient parfois en décalage avec elle : « Elle pleure pour des bricoles, on a du mal à s’entendre, c’est difficile » ou en décalage avec la situation : « Je n’ai pas intégré la réalité

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de l’arrivée du bébé ». Ils se sentaient parfois inutiles : « Ma femme s’occupe entièrement du bébé ; elle n’a pas besoin de moi ». Quelques pères justifiaient leur peu de présence auprès du bébé : « C’est la fatigue », « le travail », ou « la peur de lui faire mal ». Les trois quarts des pères ont évoqué leur rôle de soutien auprès de leur compagne : « Il faut la rassurer, elle est plus fragile, plus angoissée » et vis-à-vis du couple mère–bébé : « Je soutiens ma femme qui soutient mon fils ». Parfois ils insistaient sur leur rôle de tiers pour que la mère « ne soit pas trop protectrice », même si cela pouvait entraîner des tensions : « On discute avec ma femme. Quand il pleure c’est difficile de le laisser pleurer, mais sinon il va rester collé à sa mère ». 2.6. « À qui faites-vous appel lorsque vous avez des questions ou des inquiétudes à propos de votre enfant ? » Les interlocuteurs cités par les mères étaient le plus souvent médicaux (13 mères) et en particulier le pédiatre (7 mères) ou le médecin généraliste (3 mères) et la PMI (6 mères). Les mères habitant loin de la ville disaient avoir des difficultés pour obtenir un rendez-vous rapidement chez un pédiatre habitué au suivi des grands prématurés et les consultations hospitalières étaient trop espacées pour répondre aux questions qui se posent au quotidien. Des personnes de la famille étaient peu citées : mère, sœurs, cousines ou tante (4 mères), de même que les amies (3 mères). Une mère sur trois redoutait les réactions de personnes étrangères : « À la PMI ça s’est mal passé. On m’a dit : on dirait un nouveau-né, alors qu’il avait trois mois » ou bien « Je me protège du regard et des questions des autres, je ne raconte pas mon histoire, je ne dis pas son âge ». 2.7. « Avez-vous repris votre activité professionnelle ? » Parmi les 17 mères qui avaient une activité professionnelle avant la naissance, deux mères avaient repris le travail à la fin de leur congé de maternité et neuf mères s’apprêtaient à le reprendre. Le mode de garde prévu était majoritairement la nourrice. Quelques enfants seraient gardés par un membre de la famille. Un père était décidé à prendre un congé parental. Six mères avaient décidé de ne pas reprendre le travail à l’issue du congé de maternité ou de différer la date de la reprise. Elles avaient pris cette décision pour pouvoir continuer à s’occuper de leur bébé qu’elles considéraient comme fragile, et retarder le moment de la séparation : « Je m’arrête de travailler, la crèche est déconseillée. Je reprendrai plus tard, c’est mieux pour tout le monde ». Parfois elles se disaient indisponibles pour s’investir dans une activité professionnelle : « Je ne me sens pas capable de travailler, j’ai assez de travail avec le bébé ». La plupart des mères ont évoqué la difficulté à se séparer du bébé. Une majorité avait amorcé le processus mais toujours avec réticence : « Je redoute les personnes étrangères.

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J’hésite à la donner à garder ». Pour une mère sur quatre, la séparation était presque impensable : « Je ne l’ai jamais donné à garder, il n’en est pas capable et moi non plus ». Quelques mères pourtant considéraient que la séparation, quoique difficile, devenait nécessaire : « Il faut le confier, sinon on va devenir fou » ; « je me force à partir de la maison pour faire quelques courses, pour me détacher du bébé ». En revanche, les pères n’exprimaient pas de difficultés à se séparer du bébé. Trois pères ont dit spontanément qu’ils avaient modifié ou allaient modifier leur activité professionnelle pour avoir moins de déplacements et être plus présents, ou pour avoir un métier plus stable. Un de ces pères a évoqué la nécessité de prévoir des congés prolongés pour les mères d’enfants grands prématurés : « Ma femme a arrêté de travailler pour s’en occuper ; elle a des arrêts de maladie. On ne peut le confier à personne, il serait ruiné psychologiquement si on le mettait en nourrice. Ces enfants-là ont besoin de leurs parents, il faudrait un congé spécial. » 2.8. « Comment votre enfant aîné a-t-il réagi à l’arrivée du bébé ? » Dans cinq familles il y avait des enfants aînés, toutes des filles. Les pères et les mères ont fait sensiblement les mêmes commentaires sur l’aînée qui, au moment de la naissance, avait été « bousculée », « ballottée », « s’est sentie délaissée ». Depuis le retour du bébé à la maison, des difficultés étaient signalées chez la quasi-totalité des aînées : réactions de jalousie, d’opposition, troubles du sommeil. À l’inverse, pour une enfant handicapée, les parents considéraient que « la naissance de son petit frère l’a aidée à grandir ». 2.9. Le rôle de certains facteurs Au cours de l’analyse des entretiens nous avons tenté de repérer si les réponses des mères étaient associées à des facteurs tels que l’âge gestationnel, le poids de naissance, la durée d’hospitalisation de l’enfant ou les caractéristiques sociodémographiques des mères. Le rôle des caractéristiques médicales de l’enfant à la naissance et pendant le séjour en néonatologie n’apparaît pas clairement dans les réponses des mères à deux mois. Les réactions des mères lors d’une réhospitalisation ne semblaient pas liées non plus au degré de prématurité et à la durée du séjour en néonatologie, ni à la gravité de la pathologie ayant justifié la réhospitalisation. Il en était de même pour les attitudes vis-à-vis de la reprise du travail de la mère et des séparations. En revanche, les mères dont le bébé avait été réhospitalisé ou celles qui rapportaient des affections respiratoires ou digestives depuis la sortie de l’hôpital exprimaient des inquiétudes, des affects dépressifs et de la fatigue et avec plus d’acuité que les autres. Chez les femmes migrantes, le traumatisme de la naissance très prématurée semblait exacerbé par le déracinement et l’isolement : « Il est trop petit, ça m’inquiète. Chez nous,

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ils ne vivent pas (quand ils naissent) à six mois. Je suis triste, je n’ai pas de famille ici, je ne connais rien ici ». Une mère n’avait pas encore annoncé la naissance à sa famille restée au pays, une autre redoutait le jugement au sein de sa communauté vivant en France et n’osait pas sortir de chez elle. Leurs conjoints, sans doute pour des raisons culturelles, participaient peu aux activités domestiques et étaient peu impliqués auprès du bébé, ce qui renforçait encore la détresse de ces mères. L’isolement était aussi source de souffrance chez des femmes non migrantes dont la famille était éloignée ou dont le conjoint était peu présent ou distant vis-à-vis du bébé. De même, le sentiment d’avoir peu d’interlocuteurs habitués au développement et aux problèmes de santé des grands prématurés amplifiait les difficultés. Les antécédents de pertes périnatales ont paru également perceptibles dans le discours des mères. Leur angoisse pour le bébé était massive, parfois évoquée sans détour : « Je dors très mal, je me fais du souci pour le bébé, il est petit, fragile, j’ai peur qu’il ait froid. J’ai peur de la mort subite ». Parfois au contraire, elle était masquée de façon défensive par un discours et une tonalité euphoriques : « Il va à merveille, il mange bien. Le décalage n’est pas trop important. Il est même en avance pour certaines choses. C’est un petit grand ou un grand petit ! ». Le fait d’avoir déjà un enfant n’a pas semblé être associé au contenu des réponses des mères, sauf lorsqu’elles évoquaient la période d’hospitalisation en néonatologie. En comparant spontanément leur situation avec celle des primipares, elles affirmaient que leur première expérience avec un nouveau-né les avait aidées. Enfin, comme on pouvait s’y attendre, des facteurs psychologiques tels que l’organisation psychique de la mère, son histoire personnelle et le sens qu’a eu pour elle cette naissance modulaient ses réactions et imprégnaient son discours. Par exemple, une mère qui, à deux mois, exprimait une culpabilité importante et disait n’avoir toujours pas accepté la naissance très prématurée se déclarait fatiguée, dépressive et anxieuse avec son bébé, même s’il n’avait jamais présenté de maladie grave. 3. Discussion Cette étude a montré que, deux mois après la sortie du bébé de l’hôpital, tous les parents d’un enfant grand prématuré rapportent de multiples difficultés. Il y a le plus souvent une cohérence entre les témoignages au sein des couples, mais les pères expriment moins intensément leur détresse psychologique que les mères et les commentaires qu’ils font sont généralement moins négatifs. La souffrance psychique des mères et leurs préoccupations concernant le bébé ne semblent pas liées au degré de prématurité, ni à la durée du séjour en néonatologie. Elles dépendent plutôt de l’état de santé actuel de l’enfant et de ses réhospitalisations. Des facteurs psychologiques liés aux caractéristiques de la mère et à son histoire modulent le rôle de facteurs objectivables.

Un peu plus de la moitié des parents contactés ont accepté de participer à l’étude. Le nombre de refus est donc élevé, mais le taux de participation est supérieur à celui d’autres travaux [9,10]. Il semble que la participation soit plus élevée si les mères sont contactées dans le service de néonatologie [11,12]. Nous n’avons pas voulu procéder de cette façon pour des raisons déontologiques et éviter que les mères se sentent obligées d’accepter pour se plier à la demande du service où était leur bébé. Les refus dans notre étude ont probablement plusieurs causes. Il est sûrement difficile de s’engager pour deux ans dans un contexte de crise émotionnelle intense, et cela d’autant plus que les inquiétudes pour l’enfant sont importantes. Nous devons rester prudents dans l’interprétation des résultats. Les parents qui ont accepté de participer avaient un enfant moins prématuré et moins petit que ceux qui ont refusé. De plus les mères avaient un niveau d’étude plus élevé. Il est vraisemblable que les difficultés rapportées par les parents auraient été plus nombreuses si l’ensemble des familles éligibles avait participé. Ce travail a confirmé l’ampleur des difficultés rencontrées par les parents et leurs répercussions deux mois après la sortie du bébé de l’hôpital. Des études descriptives font des observations assez comparables aux nôtres [13,14]. O’Brien et al. par exemple, utilisant des échelles standardisées, ont constaté que la moitié des mères rapportaient des symptômes associés à la dépression, six semaines après la sortie de l’hôpital [13]. Une autre étude quantitative décrit une détresse psychologique à un, huit et 12 mois plus importante chez les mères d’enfant de très petit poids de naissance que chez les mères d’enfant à terme, avec des symptômes tels que la dépression, l’anxiété et des troubles obsessionnels [3]. La santé psychique des mères à deux mois peut être liée à leur état de santé avant la grossesse. Nous n’avons pas d’information sur ce point, hormis le fait que trois d’entre elles étaient déjà suivies par une psychologue suite à une perte périnatale antérieure. Cette perte a été repérée dans les entretiens comme étant associée à une plus grande angoisse maternelle concernant le bébé. Dans le discours des mères, les préoccupations concernant la santé et le développement de l’enfant sont au premier plan. Cette spécificité de la situation des mères de grand prématuré par rapport à des mères d’enfant à terme a été déjà décrite [15,16]. Comme dans l’enquête quantitative [6], nous n’avons pas trouvé de liens entre le degré de prématurité, la durée d’hospitalisation et l’état de santé des mères à deux mois. De même, nous avons constaté que la santé des mères varie suivant le jugement qu’elles portent sur les conditions d’arrivée de l’enfant à la maison, ses réhospitalisations et sa santé actuelle. Un résultat similaire a été mentionné dans une autre étude [9]. En revanche peu d’études font état de commentaires très positifs sur l’enfant, comme ceux que nous avons recueillis. Nos observations reflètent l’ambivalence inhérente à toute relation mère-enfant. Dans le contexte de la grande prématurité, cette ambivalence est sans doute exacerbée et certains

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commentaires reflètent probablement des processus défensifs mis en place pour compenser un vécu très douloureux et permettre, en particulier aux mères, de lutter contre des sentiments de culpabilité [17–19]. Nous avons repéré d’autres facteurs associés à l’état de santé des mères tels que le fait d’être migrante, l’isolement, le manque d’interlocuteur médical, les antécédents de mort périnatale. Ils mériteraient d’être vérifiés dans la poursuite de l’analyse quantitative ou dans d’autres enquêtes. Enfin, parmi les facteurs qui modulent le discours il faut, bien sûr, prendre en compte l’organisation psychique et l’histoire personnelle du répondant. Ceci expliquerait le décalage que nous avons observé entre une certaine réalité médicale et le contenu des témoignages. Des travaux sur l’« état de stress post-traumatique » ont bien montré que l’exposition à un évènement traumatisant n’entraîne pas les mêmes réactions chez tous les individus [20]. Nos résultats suggèrent que la prise en charge d’un grand prématuré et de sa famille nécessite un dialogue approfondi et des échanges répétés pour apprécier toute la singularité de la situation sociale et psychologique, indépendamment de l’histoire médicale de l’enfant. Dans notre étude, les mères ont des contacts avec plusieurs médecins ou équipes médicales : un médecin en ville, (généraliste ou pédiatre), la consultation de PMI et un suivi à l’hôpital. Cependant, leurs préoccupations débordent le champ médical. Il est très rare qu’elles trouvent dans leur entourage des femmes ayant déjà vécu l’expérience de la grande prématurité, avec lesquelles elles pourraient partager leurs inquiétudes, demander des conseils et prendre un peu de recul. Dans les mois qui suivent la sortie de l’hôpital, la possibilité d’un passage à domicile de soignants appartenant à une équipe multidisciplinaire, formée au suivi des grands prématurés, pourrait être bénéfique pour ces mères. Un tel suivi serait particulièrement indiqué pour les mères migrantes, ou plus généralement les mères isolées, sans interlocuteur médical aisément accessible, dont le conjoint est peu présent. Plusieurs recherches ont décrit les effets positifs d’interventions à domicile sur les échanges mère–enfant, le stress, la dépression des mères, leur sentiment de compétence et le développement des enfants grands prématurés [21–24]. Une équipe bordelaise a montré l’intérêt d’une « coopération ville–hôpital » qui permet de combler la « différence choquante qui existe entre l’investissement destiné à la survie des prématurés et celui prévu pour leur suivi et les soins à domicile » [25]. Enfin, un suivi à domicile paraît particulièrement indiqué lorsque l’enfant a des problèmes de santé ou vient d’être réhospitalisé. Les réhospitalisations ravivent la détresse des femmes et peuvent compromettre le fonctionnement de la dyade mère–enfant et de la famille dans son ensemble [26]. Nos observations ont décrit des difficultés conjugales et des troubles chez les autres enfants. L’enquête quantitative a montré que les difficultés conjugales étaient plus fréquentes après la naissance d’un enfant grand prématuré qu’après la naissance d’un enfant à terme [27]. De plus, elles peuvent

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être durables. Un an après la naissance, les parents de grands prématurés auraient davantage de difficultés conjugales que les parents d’enfants nés à terme [16]. La même étude constate chez les frères et sœurs de grands prématurés, davantage de problèmes de comportement (régression, jalousie, problèmes de sommeil) que chez ceux d’enfants nés à terme [16]. Les soignants qui suivent des enfants grands prématurés doivent être attentifs pour repérer ces éventuelles difficultés au sein des familles et proposer un soutien. La sortie du bébé de l’hôpital est un moment souvent délicat pour les parents. L’annonce de la sortie est parfois mal ressentie. Le délai leur paraît court et les parents ne se sentent pas prêts. Plusieurs études ont fait la même observation [28,29]. Les critères médicaux, les compétences de la mère et les conditions de logement ne suffisent pas pour décider la sortie. Il faut que la sortie soit anticipée, préparée et que la mère se sente prête à quitter l’équipe et l’environnement protecteur de l’hôpital et à assumer la responsabilité de l’enfant [30]. La nécessité d’un congé spécial pour les mères après la sortie de l’enfant de l’hôpital est évoquée dans notre étude. Selon la réglementation, les mères d’enfants hospitalisés plusieurs mois peuvent reprendre temporairement leur travail et reporter leurs congés de maternité après la sortie du bébé. Mais les parents, encouragés par les équipes des centres de néonatologie, désirent être le plus possible présents auprès de l’enfant hospitalisé. Les mères doivent alors obtenir des congés de maladie ou arrêter leur activité professionnelle, ce qui entraîne une perte financière et des conséquences néfastes sur leur avenir professionnel. Pour ces cas rares, mais qui risquent d’augmenter avec le nombre de naissances de grands prématurés, on pourrait effectivement envisager des mesures particulières. Nous avons observé des différences entre les témoignages des mères et ceux des pères. La plupart des études s’accordent pour dire que la détresse des deux parents est très élevée pendant le séjour du bébé en réanimation néonatale, mais que celle des mères est plus importante que celle des pères [10,15,28,31–34]. Après la sortie de l’hôpital, les résultats publiés sont peu convergents et leur interprétation difficile car les aspects étudiés, le degré de prématurité et la méthodologie varient d’une étude à l’autre. Dans notre étude, les pères font globalement davantage de commentaires positifs que les mères. Cette attitude a certainement des origines diverses. Tout d’abord les témoignages montrent que, dans la forme, les pères ne verbalisent pas leur angoisse avec les mêmes mots, ni avec la même intensité que leurs compagnes. De plus, leur discours reflète les stéréotypes masculins que notre société véhicule, lorsqu’ils parlent d’eux-mêmes en évoquant leur fatigue physique, évitant ainsi un registre plus affectif, ou bien lorsqu’ils mentionnent leur devoir de soutien auprès de leur compagne. À ce propos on peut se demander si certaines de leurs réponses n’auraient pas été différentes si l’enquêteur avait été un homme [35]. Il est possible également que leur optimisme et leur recul relatifs soient liés au fait qu’ils sont dans la vie active, alors que les mères sont

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toute la journée à la maison avec le bébé. Enfin, il y a sans aucun doute une différence fondamentale irréductible entre la position maternelle et paternelle. Dans notre étude par exemple, les mères s’interrogent sur leur culpabilité, alors que les pères parlent, eux, de fatalité. Les pères tirent aussi des leçons de l’épreuve qu’ils ont traversée, la rendant presque salutaire, montrant ainsi une plus grande capacité à mettre à distance et à surmonter le traumatisme. Dans d’autres études le « stress parental » des pères, mesuré par questionnaire standardisé, est moins élevé que celui des mères chez des parents d’enfants de très petits poids de naissance, comme chez des parents d’enfants nés à terme [36,37]. On peut supposer, que lorsque le père n’est pas là ou qu’il est défaillant, les difficultés et les besoins des mères sont plus importants. Notre étude n’a pas inclus les mères vivant seules car nous souhaitions recueillir et comparer les témoignages des couples. Cependant, d’après l’enquête quantitative, les mères de grands prématurés sont plus souvent seules que les mères d’enfants nés à terme [6]. Il est donc vraisemblable qu’une partie de nos observations sous-estiment l’ampleur des problèmes rencontrés par les mères de grands prématurés.

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4. Conclusion [11]

Deux mois après la sortie de l’hôpital, les parents d’enfants grands prématurés évoquent de multiples difficultés. Les difficultés maternelles ne sont pas liées au degré de prématurité ni à la durée du séjour en néonatologie, mais sont liées à l’état de santé actuel du bébé et à ses réhospitalisations, et à des caractéristiques maternelles telles que l’isolement, le manque de soutien et un antécédent de mort périnatale. L’organisation psychique de la mère et son histoire personnelle modulent le rôle de facteurs objectivables. Différentes mesures devraient être proposées pour faciliter le retour à la maison des grands prématurés et combler le décalage qui existe entre l’investissement destiné à leur survie et celui prévu après la sortie de l’hôpital, pour leur suivi et le soutien des familles.

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Remerciements

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Nous remercions vivement les couples qui ont accepté de participer à cette étude pour leur accueil et le temps qu’ils nous ont consacré lors des entretiens. Nous remercions aussi Monique Kaminski et Gérard Bréart pour leurs commentaires sur des versions antérieures de ce manuscrit.

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Références [23] [1]

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