Francisella tularensis et la tularémie

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ZOONOSES Francisella tularensis et la tularémie Max Maurina,*, Isabelle Pelloux a RÉSUMÉ SUMMARY Francisella tularensis est une bactérie à Gram né...

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ZOONOSES

Francisella tularensis et la tularémie Max Maurina,*, Isabelle Pelloux a

RÉSUMÉ

SUMMARY

Francisella tularensis est une bactérie à Gram négatif, intracellulaire facultative, de réservoir animal étendu, responsable de la tularémie. Ce pathogène hautement infectieux chez l’Homme, est considéré comme agent potentiel de bioterrorisme (classe A du CDC). Les infections humaines sont dues à F. tularensis subsp. tularensis (souches de type A, les plus virulentes) en Amérique du Nord et à F. tularensis subsp. holarctica dans tout l’hémisphère Nord. Les infections humaines surviennent au contact d’animaux infectés (lièvres), par l’intermédiaire d’arthropodes (tiques, moustiques en Scandinavie) ou à partir d’un environnement hydrique ou tellurique contaminé. Les manifestations cliniques varient principalement en fonction de la porte d’entrée des bactéries et correspondent habituellement aux formes ulcéro-ganglionnaires et ganglionnaires (voie cutanée), oculo-ganglionnaires (voie oculaire), oro-pharyngées (voie orale), pulmonaires (voie aérienne ou hématogène) et typhoïdiques (variable). Le diagnostic de certitude repose sur l’isolement de F. tularensis à partir de prélèvements cliniques, mais cette bactérie fastidieuse est rarement obtenue en culture. La sérologie permet le plus souvent de confirmer le diagnostic. L’amplification génique par PCR permet de détecter l’ADN bactérien en phase précoce ou plus tardive de la maladie et apporte une identification de certitude de l’espèce F. tularensis et de la sous-espèce en cause. Le traitement repose sur les fluoroquinolones et les tétracyclines, les aminosides (streptomycine et gentamicine) étant réservés aux formes graves. La tularémie entraîne rarement le décès des patients, mais demeure une maladie fréquemment invalidante en particulier du fait de l’abcédation des ganglions infectés. Aucun vaccin contre la tularémie n’est disponible actuellement.

Francisella tularensis and tularemia Francisella tularensis is a Gram negative, facultative intracellular bacterium, with a large animal reservoir, responsible for tularemia. This highly infectious pathogen belongs to the CDC class A of potential bioterrorism agents. Human infections are caused by F. tularensis subsp. tularensis (type A strains, the most virulent) in North America and F. tularensis subsp. holarctica throughout the Northern Hemisphere. Human infections occur through contact with infected animals (hares), via arthropod bites (ticks, mosquitoes in Scandinavia) or from a soil or water contaminated environment. The clinical manifestations vary mainly depending on the portal of entry of bacteria and usually correspond to ulceroglandular and glandular forms (skin inoculation), oculoglandular (conjonctival), oropharyngeal (oral), pneumonic (contaminated aerosol inhalation or hematogenous spread of bacteria) and typhoidal (variable). The diagnosis is based on isolation of F. tularensis from clinical specimens, but this fastidious bacterium is rarely obtained by culture. Serology allows confirmation of diagnosis in most cases. Gene amplification using PCR is used to detect bacterial DNA in early or later stages of the disease and provides accurate identification of F. tularensis at species and subspecies levels. Treatment is based on administration of a fluoroquinolone or a tetracycline, whereas the aminoglycosides (streptomycin and gentamicin) are advocated for severe forms of tularemia. The disease is rarely fatal, but patirents are often disabled for prolonged periods especially in case of lymph node suppuration. No vaccine is currently available.

Francisella tularensis – tularémie – épidémiologie – manifestations cliniques – diagnostic – traitement – prophylaxie.

1. Introduction La bactérie Francisella tularensis, agent étiologique de la tularémie, a été nommée ainsi du fait de son isolement en 1912 chez des écureuils terrestres dans le Comté de Tulare (Californie, USA) et pour honorer Edward Francis, médecin américain, pour sa contribution concernant la description des manifestations cliniques et le diagnostic de Centre national de référence des Francisella Laboratoire de bactériologie – Département des agents infectieux Institut de biologie et de pathologie Centre hospitalier universitaire de Grenoble CS 10217 38043 Grenoble cedex 9 a

* Correspondance [email protected] article ti l reçu le l 3 mars, accepté té le l 8 avril il 2014. 2014 © 2014 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.

Francisella tularensis – tularemia – epidemiology – clinical manifestations – diagnosis – treatment – prophylaxis.

cette maladie [1, 2]. Le premier isolat humain a été obtenu en 1914 par Wherry et Lamb, mais la maladie humaine avait notamment été décrite en 1837 par Homma Soken, médecin japonais. L’intérêt médical pour cette bactérie a été relancé après l’attentat du 11 septembre 2001 et l’utilisation de spores d’anthrax aux États-Unis. En effet, F. tularensis est un agent potentiel de bioterrorisme, dans la catégorie A du CDC (Centers for diseases control, Atlanta, USA). Ce pathogène hautement infectieux chez l’Homme [3] a été utilisé pour la fabrication d’armes biologiques pendant et après la 2e guerre mondiale [3]. Ce risque biologique explique la mise en place depuis 2002 d’une déclaration REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUILLET/AOÛT 2014 - N°464//

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Tableau I – Espèces appartenant au genre Francisella et potentiellement pathogènes chez l’Homme. Espèce, sous-espèce

Réservoir

Répartition géographique

Pouvoir pathogène

F. tularensis subsp. tularensis

Mammifères

Amérique du Nord (Slovaquie, Autriche)

Tularémie

F. tularensis subsp. holarctica

Mammifères

Hémisphère nord (Australie)

Tularémie

F. tularensis subsp. mediasiatica

Rongeurs

Asie centrale

Incertain

F. novicida

Hydrique

USA, Europe (Suisse), Australie

F. philomiragia

Hydrique

USA

Pneumonie après noyade

F. hispaniensis

Non connu

Espagne

1 cas de bactériémie

obligatoire de la maladie et la création d’un Centre national de référence des Francisella.

2. Bactériologie Les bactéries du genre Francisella sont des petits coccobacilles à Gram négatif, non sporulés, immobiles, aérobies stricts, appartenant au groupe gamma des Proteobacteria [1]. Le genre Francisella comprend actuellement sept espèces, incluant F. tularensis (tableau I). L’espèce F. tularensis est elle-même séparée en quatre sous-espèces, dont deux seulement sont responsables de la tularémie : F. tularensis subsp. tularensis (type A) et F. tularensis subsp. holarctica (type B). Chacune de ces sous-espèces est divisée en génotypes, de répartition géographique et de virulence variables [4, 5]. Enfin, les souches de type B sont classiquement séparées en trois biovars : le biovar I naturellement sensible à l’érythromycine, le biovar II naturellement résistant à cet antibiotique, et le biovar Japonica limité au Japon [4-6]. Les souches de type A et B nécessitent pour leur croissance un milieu enrichi en cystéine et en glucose, tel que le milieu gélosé « chocolat » supplémenté en vitamines (PolyVitex® ou Isovitalex®) (figure 1). Les colonies obtenues sont catalase faiblement positive et oxydase négative. La virulence de F. tularensis est liée en grande partie à sa capacité à se Figure 1 – Coloration de Gram de Francisella tularensis subsp. holarctica après culture en gélose Chocolat Polyvitex.

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multiplier dans le cytosol des macrophages et des cellules non-phagocytaires telles que les cellules épithéliales des voies respiratoires [1]. Cette propriété est liée notamment à la présence de gènes spécifiques regroupés sous forme d’un îlot de pathogénicité [1].

3. Épidémiologie La tularémie est une maladie infectieuse limitée à l’hémisphère nord [1, 2, 4]. Classiquement, les infections humaines sont dues aux souches de type A et B en Amérique du Nord [4], mais uniquement à celles de type B en Eurasie [1, 2]. Récemment, quelques souches de type A ont été détectées chez des petits rongeurs en Slovaquie et en Autriche [7, 8], et des souches de type B ont été isolées en Australie [9, 10] et en Afrique (Soudan) [11]. Il existe également une variabilité dans la répartition géographique des différents génotypes et biovars de ces sous-espèces (figure 2). La tularémie est le plus souvent responsable d’infections humaines sporadiques, mais des épidémies ont été décrites ces dernières années aux États-Unis, en Asie et en Europe [2], notamment en Espagne, en Norvège, en Suède, au Kosovo et en Bulgarie. F. tularensis peut infecter de nombreuses espèces animales sauvages ou domestiques [1]. Les rongeurs sont le plus souvent en cause dans la transmission de la maladie à l’Homme, en particulier les lagomorphes (lièvres, lapins) et les petits rongeurs semi-aquatiques (mulots, campagnols, castors, rats musqués, chiens de prairie, etc.). Certains arthropodes constituent des réservoirs de F. tularensis, en particulier les tiques Ixodidiae et plus rarement les moustiques (en Scandinavie essentiellement). Enfin, la bactérie survit plusieurs semaines dans un environnement tellurique ou aquatique [2]. L’infection humaine par F. tularensis peut survenir directement à partir du réservoir animal, par voie cutanée (exemple classique du chasseur manipulant un lièvre infecté), conjonctivale (manuportée), orale (contamination manuportée, consommation de viande de gibier insuffisamment cuite) ou respiratoire (aérosols infectieux) [1]. Elle peut être liée à une inoculation cutanée par un arthropode vecteur : tiques Ixodidae dans la plupart des pays d’endémie de tularémie [1] ;

Figure 2 – Répartition mondiale de la tularémie et des souches de F. tularensis (type A, type B de biovar I ou II).

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moustiques dans les pays scandinaves (Aedes notamment) [12]. Plus rarement, la transmission humaine a lieu à partir d’un réservoir environnemental, tellurique (jardinage, poussières, etc.) ou aquatique (ingestion d’eau contaminée ou contact cutanéomuqueux avec cette eau). En modèle expérimental, F. tularensis peut se multiplier dans les amibes Acanthamoeba. La transmission interhumaine de F. tularensis n’a jamais été décrite à ce jour. En France, 20 à 40 cas humains de tularémie sont déclarés annuellement à l’Institut de veille sanitaire (InVS). Les infections autochtones sont dues aux souches de type B et de biovar I [13, 14]. L’incidence de cette maladie est vraisemblablement sous-évaluée. Les régions d’endémie de tularémie sont essentiellement le Centre (Indre, Indre-et-Loire, Loir-et-Cher), l’Alsace et Rhône-Alpes [13], mais cette zone d’endémie semble s’étendre [15]. Les lagomorphes sont la source principale de ces infections humaines, par contact direct ou par consommation de viande mal cuite. Les chasseurs sont particulièrement exposés à ce mode de contamination. Les morsures de tiques sont responsables d’environ 10 % des cas, en particulier en zones forestières d’endémie de tularémie. La transmission à partir d’un environnement contaminé est plus difficile à mettre en évidence, mais représenterait 10 à 20 % des cas [14].

Chez environ 30 % des patients présentant une adénopathie, les ganglions lymphatiques infectés évoluent vers une abcédation et parfois une fistulisation à la peau. Dans ce cas, la maladie peut se prolonger plusieurs semaines à plusieurs mois, et la guérison définitive n’est souvent obtenue qu’après plusieurs cures d’antibiothérapie voire exérèse chirurgicale des tissus ganglionnaires suppurés. La tularémie peut également se manifester par des localisations infectieuses secondaires, hématogènes : méningites, méningo-encéphalites, infections ostéo-articulaires, suppurations profondes, etc. Ces formes septicémiques sont plus fréquentes chez les patients immunodéprimés. En cas de traitement adapté, la mortalité est inférieure à 1 % chez les patients infectés par les souches de type B, en Eurasie. Elle est globalement plus élevée aux ÉtatsUnis (2-5 %), les souches de type A étant plus virulentes. Des taux de mortalité beaucoup plus élevés (~ 30 % ou plus) ont été décrits dans ce pays pour les infections pulmonaires, pour les infections survenant chez des patients immunodéprimés, et plus récemment pour les infections liées au génotype AIb [4]. Le pronostic dépend également de la précocité de l’administration d’un traitement adéquat.

4. La tularémie

Le diagnostic de tularémie est confirmé par isolement d’une souche de F. tularensis à partir d’un prélèvement clinique quel qu’il soit, mais repose habituellement sur la sérologie du fait de la faible sensibilité de la technique de culture. Les techniques basées sur l’amplification génique par PCR sont utiles pour une détection précoce de l’ADN de F. tularensis dans les prélèvements cliniques, avant apparition des anticorps spécifiques. Ces techniques permettent également de confirmer la présence de F. tularensis dans des tissus d’exérèse chirurgicale (adénopathies suppurées notamment) lorsque la faible efficacité des traitements antibiotiques spécifiques amène un doute diagnostique.

La durée d’incubation de la tularémie est courte, de 3 à 5 jours en moyenne à un maximum de 2 semaines. La maladie se manifeste d’abord par un syndrome pseudogrippal pouvant associer fièvre, frissons, céphalées, myalgies et arthralgies. Puis apparaissent des manifestations cliniques plus évocatrices bien que non spécifiques, classiquement regroupées en six syndromes [1] : 1/ la forme ulcéro-ganglionnaire correspond à l’association d’un ulcère cutané d’inoculation (blessure lors de la manipulation d’un animal infecté, morsure de tique, etc.) et d’une adénopathie satellite ; 2/ la forme ganglionnaire, variante de la précédente, correspond à une adénopathie isolée sans escarre cutanée associée ; 3/ la forme oculo-ganglionnaire (inoculation conjonctivale) associe une conjonctivite et une adénopathie satellite, ce qui définit le syndrome oculo-ganglionnaire de Parinaud ; 4/ la forme oro-pharyngée (inoculation par voie orale) se caractérise par une pharyngite d’évolution prolongée, une adénopathie cervicale et une résistance au traitement par bêta-lactamine ; 5/ la pneumonie à F. tularensis survient après inhalation d’un aérosol infectieux ou diffusion systémique de la bactérie à partir d’un foyer infectieux extra-pulmonaire ; 6/ la forme typhoïdique est une infection systémique, caractérisée habituellement par un sepsis sévère, des signes neurologiques (confusion) et l’absence de porte d’entrée ou d’adénopathie à l’examen clinique. En France, les formes ulcéro-ganglionnaires et ganglionnaires prédominent (> 60 % des cas déclarés) [14]. Les formes oro-pharyngées (~ 3 %) et oculo-ganglionnaires (~ 5 %) sont plus rares. Les formes pulmonaires et typhoïdiques représentent environ 20 % des cas déclarés, ce qui témoigne vraisemblablement d’une surreprésentation de ces formes graves parmi les cas déclarés.

5. Diagnostic

5.1. Diagnostic sérologique Les techniques les plus répandues sont la microagglutination, l’immunofluorescence et les techniques de type ELISA [16]. Des tests de Western blot existent mais sont peu utilisés [17]. Ces méthodes sont peu ou pas standardisées. Les titres anticorps considérés comme significatifs varient entre différentes techniques et différents laboratoires. Le CNR prépare son antigène à partir d’une souche de type B et considère comme significatifs des titres anticorps ≥ 160 en microagglutination, ou ≥ 80 et ≥ 160 en immunofluorescence respectivement pour les anticorps de type IgM et IgG. Ces titres significatifs sont habituellement détectés après 2 semaines d’évolution de la maladie [14]. Les titres anticorps atteignent un maximum après quelques semaines d’évolution de la maladie puis régressent. Des anticorps résiduels peuvent persister plusieurs mois à plusieurs années après infection. Une séroconversion ou une multiplication par 4 des titres anticorps spécifiques à au moins 15 jours d’intervalle sont considérées comme des critères de diagnostic certain de tularémie. En effet, des réactions sérologiques croisées ont été décrites entre F. tularensis, Brucella sp., Proteus OX19 et Yersinia pestis [1], mais posent rarement des problèmes d’interprétation. REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUILLET/AOÛT 2014 - N°464 //

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5.2. Isolement de F. tularensis en culture F. tularensis est une bactérie de croissance fastidieuse. Moins de 20 % des cas de tularémie déclarés sont confirmés par culture [14, 18, 19]. Les cultures de ce pathogène doivent être manipulées en laboratoire de niveau 3 de sécurité biologique du fait du risque élevé d’infection acquise en laboratoire [20]. Cette bactérie peut être isolée de divers prélèvements cliniques, notamment du sang (hémocultures), de prélèvements cutanés (escarre cutané), d’exsudats conjonctivaux ou pharyngés, de suppurations ou biopsies ganglionnaires, de l’expectoration en cas de pneumonie, ou d’un liquide céphalo-rachidien en cas de méningite [14]. L’isolement d’une souche de F. tularensis est obtenu en moins de 5 jours en flacon d’hémoculture [14], ou en gélose Chocolat supplémentée en vitamines et incubée à 37 °C, en présence de 5 % de CO 2 [1]. L’identification de cette espèce est difficile par méthode conventionnelle, avec possibilité de faux négatifs ou de faux positifs [1, 21]. Les souches A et B étaient anciennement différenciées sur des critères biochimiques et de virulence chez le lapin : fermentation du glycérol et virulence plus élevée des souches de type A. La spectrométrie de masse de type MALDI-TOF est bien adaptée à l’identification de ce pathogène hautement infectieux du fait de sa rapidité et de l’inactivation préalable des bactéries [22]. Cependant les bases de données actuelles contiennent peu ou pas de souches de F. tularensis, limitant l’intérêt de cette technique. Une identification de certitude, au niveau de l’espèce, de la sous-espèce voire du génotype, peut être obtenue par une méthode moléculaire [6, 23]. La réalisation d’un antibiogramme n’est pas nécessaire car elle expose inutilement le personnel à un risque de contamination, aucune résistance acquise aux antibiotiques utilisés en clinique n’ayant été rapportée à ce jour.

5.3. Diagnostic par amplification génique (PCR) L’ADN de F. tularensis peut être détecté directement au niveau de prélèvements cliniques : sang, sérum, tissus ganglionnaires, suppurations cutanées, exsudats pharyngés ou conjonctivaux [14, 24, 25]. La PCR est plus sensible que la culture concernant les prélèvements de suppuration cutanée ou ganglionnaires. Elle peut permettre un diagnostic précoce de conjonctivite ou de pharyngite due à F. tularensis, avant apparition des anticorps spécifiques. Les techniques moléculaires d’identification des Francisella peuvent être appliquées directement aux prélèvements cliniques lorsque les cultures demeurent négatives.

6. Traitement F. tularensis est sensible in vitro aux aminosides (principalement streptomycine et gentamicine), aux fluoroquinolones et aux tétracyclines [26-32]. Ces antibiotiques sont également actifs en modèle d’infection cellulaire [29, 33]. Aucune résistance acquise à ces antibiotiques n’a été décrite à ce jour chez des souches naturelles de F. tularensis, même si cette résistance peut être facilement sélectionnée in vitro [34-36]. Il n’est donc pas nécessaire de tester en

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routine la sensibilité aux antibiotiques de ce pathogène, ce qui expose le personnel de laboratoire à un risque inutile. D’autre part, seul le CLSI (Clinical and laboratory standards institute, USA) a défini une méthode standardisée pour tester la sensibilité de cette bactérie aux antibiotiques [37]. Les fluoroquinolones et les tétracyclines sont préconisées en première intention dans le traitement des formes habituelles de tularémie [18, 19, 38]. Les taux d’échecs thérapeutiques et de rechutes varient globalement de 5-10 % pour les fluoroquinolones et de 10-15 % pour les tétracyclines [18, 19, 38]. Ces taux varient en fonction du terrain du patient, du type de souche et des formes cliniques. Ces rechutes sont particulièrement fréquentes chez les patients développant une forme ganglionnaire abcédée. La streptomycine et la gentamicine (utilisées seule ou en association à une fluoroquinolone ou une tétracycline) sont recommandées au cours des formes graves, septicémiques de tularémie. La streptomycine (1 gr IM x 2 fois/j chez l’adulte, 10 à 15 mg/kg x 2 fois/j chez l’enfant, pendant 10 jours) a longtemps été considérée comme le traitement de référence de cette maladie [3, 18, 19, 38]. La gentamicine (5 mg/kg IM ou IV x 1 fois/jour, ou 2,5 mg/kg IM ou IV x 3 fois/jour, 10 jours) a remplacé cette molécule dans les pays où elle n‘est plus disponible. Des échecs thérapeutiques ont cependant été rapportés avec cet antibiotique [39]. Ces antibiotiques sont potentiellement toxiques voire contre-indiqués chez la femme enceinte et l‘enfant jeune avant 8 ans. F. tularensis n’est pas sensible in vitro aux bêta-lactamines du fait de la sécrétion d’une bêta-lactamase de classe A [40] et de leur multiplication intracellulaire [29, 33]. La prescription d’une bêta-lactamine est le plus souvent associée à un échec thérapeutique chez les patients tularémiques [18]. Les macrolides ne sont actifs in vitro que vis-à-vis des souches de F. tularensis de type B et biovar I. Leur activité clinique chez les patients atteints de tularémie est considérée comme modeste. L’azithromycine pourrait cependant représenter une alternative intéressante chez l’enfant et la femme enceinte dans les zones géographiques où seules les souches B de biovar I sont présentes, comme en France [41]. La souche F. tularensis subsp. holarctica LVS (live vaccine strain) a été utilisée chez l’Homme comme vaccin [20]. Ce vaccin n’est plus préconisé du fait de son efficacité partielle, des suppurations fréquentes au point d’injection et du risque potentiel de réversion vers une souche virulente. La prophylaxie non vaccinale consiste à éviter le contact cutané direct avec les animaux infectés (lagomorphes en particulier), les morsures de tiques en zone d’endémie, et l’exposition cutanée ou aux aérosols en laboratoire. Après exposition avérée à un risque élevé d’infection par F. tularensis, notamment en laboratoire ou dans le cadre du bioterrorisme, l’administration de ciprofloxacine est préconisée pendant une durée de 14 jours [3]. Aucune prophylaxie n’est nécessaire chez les personnes en contact avec un cas de tularémie du fait de l’absence de transmission interhumaine. Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

ZOONOSES

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REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUILLET/AOÛT 2014 - N°464 //

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