Harcèlement : realités et représentations. Entre discours médical et discours juridique

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Annales Médico Psychologiques 162 (2004) 595–599 Communication Harcèlement : réalités et représentations Entre discours médical et discours juridiqu...

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Annales Médico Psychologiques 162 (2004) 595–599

Communication

Harcèlement : réalités et représentations Entre discours médical et discours juridique Harassment: reality and representation Between medical and legal descriptions M.-G. Schweitzer, N. Puig-Verges GRECC, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, 370, boulevard de l'Hôpital, 75013 Paris Disponible sur internet le 07 août 2004

Résumé Récemment apparu dans les évolutions langagières contemporaines, le harcèlement participe à la dynamique des mutations sociales ; il constitue une nouvelle forme de rapports sociaux et trouve sa place dans une pathologie du lien social. © 2004 Publié par Elsevier SAS. Abstract Newly appeared in the present evolution of langage, harassment is a symbol of social mutations; harassment constitues a new type of social relationship and can be understood as a new pattern to study the pathology of social relationship. © 2004 Publié par Elsevier SAS. Mots clés : Causalité ; Épistémologie ; Événement de vie ; Harcèlement ; Nosographie ; Trouble psychique Keywords: Causality; Epistemology; Harassment; Life events; Mental disorder; Nosography

L’examen des évolutions actuelles constatées dans les pratiques sociales nous conduit à prendre en compte, à travers les évolutions langagières contemporaines [23], non seulement l’émergence de termes nouveaux relatifs aux interventions sanitaires [24] et à l’évolution des institutions, mais aussi le type de démarche clinique et les évolutions des analyses théorico-cliniques et juridiques qui en découlent. Ces analyses, lorsqu’elles portent sur le fait psychique inscrit dans une perspective psycho-dynamique, doivent être

* Auteur correspondant : M.-G. Schweitzer Adresse e-mail : [email protected] © 2004 Publié par Elsevier SAS. doi:10.1016/j.amp.2004.06.010

reprises selon la démarche de l’épistémologie clinique comparative telle que nous l’avons présentée à plusieurs reprises [19], présentation renouvelée lors d’un récent colloque [18, 23] ; nous estimons en effet qu’il y a intérêt à privilégier la pluralité des niveaux d’analyses et l’analyse en réseau [23]. C’est dans ce contexte de pluralité et de transversalité des niveaux de discours, notions déjà utilisées dans nos précédentes interventions [19, 25, 26], que trouvent place

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les analyses consacrées au harcèlement dans ses composantes clinique, sociologique et juridique, avec, comme dimension commune sans cesse revendiquée, l’idée de la reconnaissance sociale de ce harcèlement. 1. Une situation nouvelle ? Un regard nouveau ? Des réalités évolutives Pendant nombre d’années, les situations de harcèlement dans les rapports inter-personnels semblaient ne relever que de faits divers susceptibles de donner lieu à des analyses sociologiques ; on assiste depuis peu au développement d’une référence au terme harcèlement, suivi ou non de multiples qualificatifs, et cela dans des contextes situationnels diversifiés. Bien que les situations regroupées sous ce vocable de harcèlement ne soient pas nouvelles et que leur réalité soit désormais admise, c’est leur prise en compte qui s’est modifiée ; le présupposé sous-jacent est la volonté toujours réaffirmée de les « faire reconnaître », selon la terminologie en usage actuellement. Les recherches menées dans la littérature spécialisée nous ont montré que la référence au harcèlement s’est progressivement constituée à partir de deux sources : l’une tient au développement du champ de la victimologie clinique, l’autre au développement d’analyses juridiques mêlant droit du travail et droit pénal. Les notions de harcèlement sexuel puis de harcèlement moral se sont ainsi rapidement dégagées. Après la polarisation médiatique sur les violences sexuelles et les violences conjugales, le harcèlement sexuel, puis le harcèlement moral, une nouvelle modalité de harcèlement, qualifiée de harcèlement de « troisième type » [5], selon la terminologie des pays anglo-saxons, commence à apparaître. Toutefois, au plan clinique, la plupart des analyses portent plutôt sur le harcèlement moral et le contexte de la situation professionnelle dans les entreprises privées ou publiques, y compris le milieu hospitalier [3, 21] ; il devient alors pertinent de faire porter les analyses sur l’évolution des relations entre l’individu et l’institution, en intégrant la perspective d’une microsociologie des institutions. Nous constatons que la référence à la notion de stress et de souffrance psychique au travail s’est atténuée, son usage restant limité aux textes consacrés à la psychopathologie du travail [7]. C’est à la suite de la publication récente d’ouvrages écrits par des psychiatres, notamment consacrés au harcèlement moral [11], que la notion de souffrance au travail s’est estompée au profit de celle de harcèlement moral. Cette notion a alors envahi le débat public et a été amplifiée du fait de la répétition d’actions de médiatisation, surtout lorsqu’il s’agissait de conflits en milieu professionnel ; le maintien de la référence au harcèlement moral a été favorisé par la constitution d’une démarche de défense des victimes de harcèlement ; selon certains auteurs, cette attitude prendrait

« le relais des luttes de la classe ouvrière » [12] dans « une optique alliant la psychologie, la morale et la loi ». Alors qu’il importe de « comprendre ce qui se trouve en jeu dans le succès de cette notion » [12] et que l’on relève une tendance convergente pour préciser le contenu du vocable harcèlement, il n’existe « pas actuellement de définition du harcèlement moral au travail qui fasse consensus » [9] ; on relève seulement « des définitions qui, selon les auteurs et les points de vue, privilégient soit l’aspect sociologique lié aux réalités et à ses enjeux, soit la dimension psychologique et le contexte interpersonnel du harcèlement » [9], mais elle ne peut pas pour autant être qualifiée de « non spécifique » [9]. Dans la mesure où il peut faire l’objet de sanction et de réparation, le harcèlement apparaît alors comme une « construction juridico-sociale » [5] ; sa prise en compte s’intègre aux nouvelles préoccupations collectives sur la prise en charge de la souffrance psychique par rapport à la santé individuelle, ce qui rejoint un autre axe d’analyse, celui de la construction sociale de la maladie mentale, conception critiquée par Hacking [10]. Selon certains auteurs, le harcèlement est devenu une « réalité nouvelle qui s’impose aux psychiatres » [5] ; toutefois nous remarquerons que les psychiatres ont des difficultés à s’impliquer dans ce type d’intervention, ce qui n’est pas sans rappeler les difficultés antérieures d’interventions spécialisées en faveur de l’enfance maltraitée ou victime d’abus sexuel ; cela renvoyait déjà à des analyses se référant au vécu de la victime et allait contribuer à l’émergence d’un discours nouveau. 2. Des questions pour la clinique et la psychopathologie Les analyses cliniques consacrées au harcèlement qui se trouvent dans la littérature spécialisée ne font pas apparaître l’existence d’une symptomatologie univoque au sens de la démarche clinico-séméiologique. L’accent est mis sur le déploiement dans le temps « d’un processus insidieux » [9] en raison de l’existence d’effets durables avec expressions cliniques polymorphes ; si l’on prend en compte la dynamique temporelle, cela diffère sensiblement des violences physiques en milieu professionnel, puisque la violence des actes est nécessairement plus limitée dans le temps. Sur le plan de la description des troubles, nous relèverons, outre le constat d’une grande variété séméiologique interpersonnelle, l’émergence d’un vocabulaire nouveau [22, 25] s’éloignant de la psychopathologie. Ce vocabulaire, qui emprunte aux vocables sociologiques et communicationnels ainsi qu’à la terminologie de la victimologie clinique, contribue à suggérer l’existence de nouvelles expressions séméiologiques. Bien qu’il soit souvent fait référence au syndrome de stress post-traumatique, ce diagnostic nous paraît insuffisamment adapté pour rendre compte des conséquences intra-psychiques

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des faits subis ; il ne met pas en évidence le caractère nécessairement répétitif et cumulatif des actes de harcèlement qui est une condition nécessaire à sa constitution. Nous soulignerons, pour notre part, chez la personne harcelée, l’intensité des phénomènes de doute, d’inhibition psychique, les failles de l’estime de soi et leur retentissement sur l’espace relationnel, ce qui tend à générer une situation clinique nouvelle du fait d’une vulnérabilité psychique induite, notion que nous privilégierons par rapport à celle de souffrance psychique que nous considérons comme trop polysémique. Dans la mesure où nous sommes attachés au maintien de la perspective psychodynamique, il nous paraît nécessaire d’intégrer l’expérience subie par la personne en termes d’événements de vie ou de moments de ruptures, ce qui renvoie à la notion d’antécédents ou de fonctionnement psychique individuel avant le développement de la situation traumatique et de ses effets. Cette préoccupation clinique nous conduit à reformuler la question de l’étiopathogénie [26] et de la causalité psychique et à nous interroger, au plan nosographique, sur les limites entre trouble psychique et souffrance psychique. 3. Des enjeux de qualification juridiques C’est à partir de l’intervention initiale du juge prud’homal [15], puis de l’évolution du droit du travail, mais aussi de la victimologie clinique et plus récemment du droit pénal, que le Droit va appréhender les diverses formes du harcèlement ; nous en trouvons la traduction dans les mouvements législatifs récents avec la pénalisation [8] de ces conduites devenues transgressives et les définitions du harcèlement sexuel* et du harcèlement moral**. Ainsi, les définitions sont perçues comme étant « lourdes, complexes, peu claires (pour le harcèlement moral) ou même absolument indigentes (pour le harcèlement sexuel) » [15]. Ces évolutions législatives sont cependant reçues par la doctrine comme « une abondance de textes, de définitions, de sanctions [15] », ce qui a pour corollaire la nécessité de procéder à « un choix entre les différents textes applicables » (ibid.) ; nous relevons que des difficultés existent aussi pour le juriste, lorsqu’il s’agit de « donner un contenu aux textes d’incrimination de deux délits ». La prise en compte des évolutions actuelles conduit J. Mayaud à souligner que les procédures pour atteintes sexuelles ont envahi le prétoire et qu’elles constituent le domaine « où les incertitudes et les erreurs sont fréquentes »

* Loi n° 92-1179 du 2 novembre 1992 relative à l’abus d’autorité en matière sexuelle dans les relations de travail, modifiée par la loi n° 2001397 du 9 mai 2001 relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. ** Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002. (JCP G 2002, 54) dite de modernisation sociale, notamment l’article L 222-33-2 du Code pénal, qui insère cinq articles dans le Code du Travail : L 122-49 à L 122-53.

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[16] dès que l’on se penche sur la question particulière des qualifications et des incriminations. Ainsi, la modernisation sociale passe par « la modernisation du juge pénal qui doit apprendre à faire preuve d’imagination » tout en respectant le texte, en ayant la liberté d’en dessiner les contours, et en s’appuyant sur le respect des principes de légalité et d’interprétation stricte du Code pénal (articles 111-2, -3 et 4) [15]. Alors que le juriste reste « à la recherche du sens du droit pénal du harcèlement » (ibid.), nous remarquerons qu’en matière de harcèlement les interférences entre champ clinique et champ juridique s’étendent, puisqu’elles ont donné lieu à des procédures entrant dans le contentieux de la Sécurité Sociale, notamment en matière d’accidents du travail. 4. Les enjeux d’une démarche de reconnaissance Depuis quelque temps, on assiste à l’amplification des demandes et démarche de « reconnaissance », formulation à entendre comme volonté réaffirmée de se faire reconnaître, notamment comme victime ; l’étude de ce mouvement de reconnaissance du fait victimaire par la société trouverait ses racines et un support dans la reconnaissance juridique d’un dommage, dans le cadre du processus de réparation du dommage corporel, puis en raison de la création de la Commission des Victimes d’Infractions pénales. Ces évolutions ont permis de mieux prendre en compte la demande de la victime, mais il apparaît aujourd’hui que cette démarche reste insuffisante pour certains qui appellent à « d’autres changements nécessaires pour que les victimes obtiennent la reconnaissance qui leur est due » [4]. Comment faut-il entendre cette exigence de reconnaissance ? Il s’agit, sur le plan individuel, d’une démarche réalisée à l’initiative de la victime, cherchant à obtenir la reconnaissance officielle par une instance spécialisée de ce qui a été réellement vécu, de l’évaluation de la souffrance endurée ; il en résulte une forme d’authentification sociale des faits subis, d’où l’augmentation de cette référence à la reconnaissance et à l’attente des victimes. Cette demande individuelle est, en fait souvent relayée, si ce n’est suscitée, par des associations de victimes d’un délit spécifique. Si la volonté des victimes et des associations de voir reconnaître le fait victimaire est mieux prise en considération, il subsiste le risque, selon les magistrats, qu’en répondant « à la sensibilité des victimes ou à la qualité des auteurs », « les aspects juridiques » [16] soient souvent négligés. Qu’il s’agisse du médecin du travail, du médecintraitant, du praticien-conseil de la Sécurité Sociale ou de l’expert judiciaire, chacun a une approche différente de la personne concernée, mais aussi une perception personnelle des niveaux d’interactions entre celle-ci et la pathogénicité du milieu ; le praticien ne se trouve pas en situation « de démêler le vrai du faux » [11], mais doit prendre en considération « la subjectivité de la victime » [15]. Il en résulte une extension des cadres institutionnels où la situation de harcèlement, notamment de troisième type, est

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évoquée. Nous relevons ainsi que devant le développement de la notion de syndrome d’épuisement professionnel du soignant [2], certains cliniciens [14] en sont venus à considérer que ce syndrome devait être reconnu comme maladie professionnelle. On assiste d’ailleurs, en matière de harcèlement, à l’émergence de procédures relevant du droit de la Sécurité Sociale, procédures initiées par des salariés de divers secteurs afin que leur situation de victime de harcèlement soit reconnue comme maladie professionnelle. Bien que le harcèlement ne figure pas encore au Tableau des Maladies professionnelles, la dynamique des procédures et voies de recours spécifiques au contentieux de la Sécurité Sociale entraîne la mise en jeu de l’expertise médicale comme nécessité procédurale pour réguler le conflit. Il faut voir, dans l’augmentation de ces procédures, le début d’une étape supplémentaire qui pourrait aboutir à la reconnaissance ultérieure du harcèlement comme maladie professionnelle. Ainsi, les enjeux de la reconnaissance du harcèlement sont à analyser à deux niveaux, celui de la reconnaissance des faits comme constitutifs de ce qui est aujourd’hui dénommé harcèlement, et celui de la prise en compte de la réalité des faits comme facteur étiopathogénique exclusif supplémentaire dans l’analyse psychodynamique. Cette dernière perspective rejoint la notion de construction sociale des maladies, critiquée par Hacking [10] qui privilégie la notion de « niche écologique » en appelant à distinguer entre la construction des idées et la représentation qu’en ont les individus.

et les neurosciences, à qui il arrive d’apporter des données nouvelles contribuant à reformuler les représentations acquises [26], puissent être plus performantes que la psychopathologie dynamique pour expliquer ce qui relève d’une pathologie du lien social. Références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8]

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5. Conclusion [13]

D’apparition récente dans le champ des évolutions langagières contemporaines, les analyses consacrées au harcèlement viennent, après d’autres, participer aux « mutations sociales » [1]. Le harcèlement contribue à l’élaboration de nouvelles conceptions par rapport au champ de la santé ; il apporte, pour certains, une contribution nouvelle à la perception de la maladie et du confort et donne lieu aujourd’hui à de fortes pressions en faveur d’une démarche de reconnaissance [20]. « À la fois symptôme et vecteur de la pénétration de nouveaux modes de pensée et d’action dans les milieux professionnels » [12], le harcèlement rend aussi compte d’une nouvelle forme de rapports sociaux, tendant à s’articuler autour d’un « phénomène de victimisation de notre société » [17] et sous-tendue par l’existence de « l’idée d’une micro-violence sociale ». Avec les développements des analyses consacrées au harcèlement, de nouvelles interrogations spécifiques à la psychiatrie surgissent quant à ses missions et à ses limites par rapport à cette situation [6, 18], au point que certains estiment ne « plus savoir très bien quelles limites raisonnables il conviendrait d’assigner à la psychiatrie actuelle » [13]. Le harcèlement trouve sa place dans le champ des pathologies de la relation, comme les agressions sexuelles et la maltraitance. Il est peu probable que les sciences cognitives

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Discussion Dr P. Houillon – Il faut remercier l’auteur de cette communication qui envisage successivement le harcèlement sous les angles clinique, sociologique et juridique. Plusieurs réflexions viennent à l’esprit. D’abord, le terme d’ « interférence » utilisé à propos de la relation entre ces trois aspects est-il vraiment adapté ? À l’analyse des faits il semble, en effet, que nous avons affaire à trois compartiments à cloison étanche. Il suffit de considérer l’insuffisance des confrontations, explications et concertations entre cliniciens, sociologues et juristes. Ensuite, « réalités et représentations », termes qui figurent dans l’intitulé de cette communication, ne revêtent pas la même signification pour tous. En effet, les représentations du harcèlement que se font les uns et les autres sont souvent de nature différente. Si la « réalité » médicale tient compte, à la fois, d’éléments objectifs et subjectifs, l’appréhension ou l’approche juridique sont davantage soumises à la « tyrannie des apparences ». Il se fait aujourd’hui que la victime, y compris celle qui se comporte ou se considère comme telle, bénéficie d’une tendance extensive parfois même systématique à une reconnaissance de sa qualité de victime sans la discrimination nécessaire qu’elle nécessiterait. Le plus souvent, c’est la recherche de l’indemnisation qui est privilégiée. Or, s’agissant du harcèlement, l’identification de « victime » et la distinction « harceleur » « harcelé » demeurent

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souvent aléatoires. Le diagnostic est alors posé sur la forme plus que sur le fond et le risque d’un jugement inéquitable secondaire à une erreur d’appréciation n’est pas négligeable. Dr Morin – Il existe depuis ces dernières années une forme nouvelle de passage à l’acte donnant lieu à hospitalisation d’office, c’est le harcèlement comme « intégration persécutive active » visant un proche, un anonyme ou une célébrité. La thématique est rarement sexuelle mais plus généralement revendicative, en réponse à un mécanisme imaginatif d’évolution délirant. Réponse du Rapporteur – Je remercie les intervenants successifs de leurs questions et remarques. Au Dr Houillon – Vous l’avez souligné judicieusement, la référence au vocable harcèlement tend à infiltrer l’ensemble des rapports sociaux, dépassant les cadres auxquels il est fait référence dans cette communication, sans pour autant déboucher vers les rapports de victimisation, qui se construiraient à partir du clivage réducteur, harceleur-harcelé. Au Dr Blanc – L’objectif de cette intervention n’était pas de procéder au développement d’une approche sociologique qui tendrait à rendre compte des multiples situations institutionnelles susceptibles de donner lieu à l’émergence de conduites de harcèlement. Au plan méthodologique, la communication se propose de mettre en évidence, d’une part, les usages du terme harcèlement comme émergence constitutive d’un discours et, d’autre part, l’impact psychosocial en se référant à mon expérience de psychiatre clinicien et celle d’expert judiciaire notamment en matière de Sécurité sociale. Au Dr Morin – L’expérience clinique ne doit pas nous faire oublier à quel point l’expérience vécue du harcèlement est susceptible pour celui qui en est victime de perturber la vie psychique, notamment par des effets de démobilisation et de désinvestissement, ou même de déstructuration. En nous référant à la notion d’acte et de conduite, le harcèlement constitue, du point de vue de celui qui en est l’auteur, une nouvelle modalité de passage à l’acte dont les modalités et la réalité restent difficiles à objectiver.