Cas clinique
Rec¸u le : 13 mars 2006 Accepte´ le : 23 avril 2007
He´mangioendothe´liome e´pithe´lioı¨de simulant un ane´vrisme de l’arte`re occipitale Epithelioid hemangioendothelioma mimicking an occipital artery aneurysm T. Tayeb*, M. Bouzaiene Service de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale, CHU Tahar Sfar, Mahdia, Tunisie
Summary
Re´sume´
Introduction. Epithelioid hemangioendothelioma (EHE) is a unique tumor of soft tissues, primarily occurring in adults. It is characterized by the proliferation of epithelioid or histiocytoid endothelial cells. Its clinical course being close to that of hemangioma and conventional angiosarcoma, the term epithelioid hemangioendothelioma was suggested. Case report. The authors report the case of 29-year-old women complaining of a right occipital nodule of the scalp, diagnosed later as an epithelioid hemangioendothelioma located in the scalp and appearing like an aneurysm of the occipital artery on clinical examination and on radiological investigations. On first clinical examination this tumor mimicked a sebaceous cyst. However during history taking we noted headaches and palpation revealed a pulsatile mass with a thrill. An aneurysm of the occipital artery was suspected according to ultra-sound and MRI findings. The treatment was a wide and complete excision of the lesion. Finally it was the histological examination which confirmed the diagnosis of epithelioid hemangioendothelioma. There was no evidence of local recurrence at the twelve-month follow-up. Discussion. This case is unusual on the following points: a rare occurrence of this kind of tumors, especially in the scalp region, arterial origin of the tumor, but also the fact that it mimicked an aneurysm of the occipital artery. Epithelioid hemangioendotheliomas belong to the epithelioid vascular tumor spectrum. They have in common the morphologic epithelioid aspect of endothelial tumor cells. Cutaneous involvement is rare and often associated with multi-systemic localizations. © 2007 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction. L’he´mangioendothe´liome e´pithe´lioı¨de est une tumeur unique des tissus mous, survenant pre´fe´rentiellement chez les adultes. Elle est caracte´rise´e par la prolife´ration de cellules endothe´liales e´pithe´lioı¨des ou histiocytoı¨des. Sa pre´sentation clinique est particulie`re pouvant la faire confondre avec un he´mangiome ou un angiosarcome conventionnel. Observation. Nous rapportons le cas d’un he´mangioendothe´liome e´pithe´lioı¨de du scalp. Les donne´es cliniques et e´chographiques ayant au de´part fait e´voquer un ane´vrisme de l’arte`re occipitale. Il s’agit d’une patiente aˆge´e de 34 ans pre´sentant un nodule du cuir chevelu occipital droit. L’aspect e´voquait un kyste se´bace´ mais l’interrogatoire retrouvait la notion de ce´phale´es. La le´sion e´tait pulsatile, un thrill e´tait perceptible. Les donne´es de l’e´chographie-doppler et de l’angio-IRM ont fait suspecter un ane´vrisme de l’arte`re occipitale. Le traitement a comporte´ une exe´re`se large et comple`te de la le´sion. C’est l’examen histologique de la pie`ce ope´ratoire qui a permis de redresser le diagnostic. Apre`s 12 mois d’e´volution, aucune re´cidive locale n’a e´te´ observe´e. Discussion. Cette observation est originale par sa rarete´, sa localisation au scalp et son origine arte´rielle. L’he´mangioendothe´liome e´pithe´lioı¨de appartient au groupe des tumeurs vasculaires e´pithe´lioı¨des ayant en commun un aspect morphologique e´pithe´lioı¨de des cellules tumorales endothe´liales. La localisation a` la peau est rare, elle fait souvent partie d’une atteinte multisyste´mique. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
Keywords: Epithelioid neoplasms, Scalp
hemangioendothelioma,
Mots cle´s : He´mangioendothe´liome vasculaire, Cuir chevelu
e´pithe´lioı¨de,
Tumeur
Vascular
* Auteur correspondant. Service de stomatologie et chirurgie maxillofaciale, CHU de Sahoul, 4054 Sousse, Tunisie. e-mail :
[email protected]
451 0035-1768/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. 10.1016/j.stomax.2007.04.007 Rev Stomatol Chir Maxillofac 2007;108:451-454
T. Tayeb, M. Bouzaiene
Rev Stomatol Chir Maxillofac 2007;108:451-454
Introduction
L’e´cho-doppler cervical montrait une formation ovalaire sur le trajet de l’arte`re occipitale droite. Cette formation mesurait 20,9 mm de grand axe. Elle e´tait ane´choge`ne, he´te´roge`ne et l’enregistrement doppler re´ve´lait un trace´ de type arte´riel (fig. 1). Un ane´vrisme de l’arte`re occipitale a e´te´ e´voque´. L’angio-IRM montrait une le´sion sous-cutane´e bien limite´e de signal he´te´roge`ne en T1–T2, avec visualisation de petites structures serpigineuses en hyposignal pouvant eˆtre en rapport avec des vaisseaux a` flux lent, sur les se´quences en e´chogradient T2. Cette le´sion se rehaussait de fac¸on mode´re´e et he´te´roge`ne apre`s injection de gadolinium (fig. 2). Au vu de ces nouvelles donne´es, le diagnostic le plus probable e´tait celui d’un he´mangiome sous-cutane´. Le 10 mai 2005, une le´sion pulsatile appendue a` l’arte`re occipitale a e´te´ oˆte´e simplement apre`s ligature arte´rielle. Les suites ope´ratoires ont e´te´ simples, sans re´cidive a` distance. L’aspect histologique e´tait caracte´rise´ par la prolife´ration de structures vasculaires et capillaires de taille variable. Ces structures e´taient tapisse´es par des cellules endothe´liales a` cytoplasme abondant, e´osinophile et a` noyau paˆle et parfois allonge´, finement nucle´ole´ et de´pourvu de signes de malignite´. La prolife´ration vasculaire se retrouvait dans un abondant infiltrat inflammatoire riche en polynucle´aires e´osinophiles. En pe´riphe´rie de la le´sion, on observait par
L’he´mangioendothe´liome e´pithe´lioı¨de (HEE) est une tumeur rare, d’origine vasculaire. Elle est caracte´rise´e par la prolife´ration de cellules endothe´liales e´pithe´lioı¨des ou histiocytoı¨des. Cette tumeur a` bas grade de malignite´ a e´te´ de´crite pour la premie`re fois comme une entite´ distincte par Weiss et Enzinger en 1982 [1]. Sa pre´sentation clinique est particulie`re la plac¸ant a` mi-chemin entre l’he´mangiome et l’angiosarcome conventionnel en termes de morphologie et de comportement [2]. Plus de la moitie´ des HEE se de´veloppent a` partir d’un vaisseau sanguin, ge´ne´ralement des veines de gros ou de moyen calibre. Nous rapportons l’observation d’un HEE de´veloppe´ a` partir de l’arte`re occipitale. L’origine arte´rielle et la pre´sentation clinique de cette tumeur (type ane´vrisme) font l’originalite´ de notre article.
Observation Mlle S.C. aˆge´e de 34 ans, aux ante´ce´dents chirurgicaux d’appendicectomie a` l’aˆge de 14 ans, a consulte´ le 17 de´cembre 2004 pour un nodule occipital droit e´voluant depuis un an. L’interrogatoire retrouvait la notion de ce´phale´es intermittentes, la masse semblait e´voluer lentement sans geˆne particulie`re. A` l’examen, la tume´faction ovalaire mesurait 2 cm de grand axe. Elle e´tait de consistance molle, discre`tement sensible dans la re´gion occipitale droite et mobile par rapport aux plans superficiel et profond. Le cuir chevelu en regard e´tait normal. Les aires ganglionnaires cervicales e´taient libres. La tumeur e´tait pulsatile. Un thrill e´tait perc¸u et l’e´ventualite´ d’une tumeur vasculaire a e´te´ souleve´e.
Figure 1. E´chographie en mode doppler. Le´sion sous-cutane´e bien limite´e ovalaire de 20,9 mm hypoe´choge`ne he´te´roge`ne. Le trace´ est de type arte´riel.
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Figure 2. Image IRM en T1 avec injection de gadolinium. La masse souscutane´e sie`ge dans la re´gion occipitale droite (fle`che). Elle est bien limite´e, ovalaire, faisant 20 mm de grand axe. Elle se re´hausse de fac¸on mode´re´e et he´te´roge`ne apre`s injection de gadolinium.
He´mangioendothe´liome e´pithe´lioı¨de simulant un ane´vrisme de l’arte`re occipitale
endroits des follicules lymphoı¨des munis de centres re´actionnels. Le diagnostic retenu a e´te´ : he´mangioendothe´liome e´pithe´lioı¨de.
Discussion L’he´mangioendothe´liome e´pithe´lioı¨de est une tumeur rare surtout dans cette localisation dermique et au scalp. L’origine arte´rielle, comme dans notre observation, est e´galement originale. En 1903, Mallory a introduit le terme « he´mangioendothe´liome » pour de´signer une tumeur vasculaire qui infiltre les tissus environnants, re´cidivant localement et pouvant essaimer a` distance [3]. C’est en 1982 que l’HHE a e´te´ de´crit pour la premie`re fois, par Weiss et Enzinger, comme une entite´ distincte dans le re´pertoire des tumeurs vasculaires [1]. La classification des tumeurs vasculaires est controverse´e. C’est ainsi que L’HEE fait partie des tumeurs vasculaires a` malignite´ interme´diaire au sein d’un spectre ou` le poˆle be´nin est repre´sente´ par l’he´mangiome e´pithe´lioı¨de (ou hyperplasie angiolymphoı¨de avec e´osinophilie) et le poˆle malin par l’angiosarcome e´pithe´lioı¨de. L’HEE se de´veloppe habituellement dans les tissus mous, musculaires ou osseux, principalement des extre´mite´s infe´rieures [1]. Plus rarement l’HEE se localise au niveau du foie et des poumons. L’atteinte buccale est beaucoup plus rare. Notre observation est particulie`re par sa localisation dermique. L’HEE n’a pas de pre´dilection pour la peau, 23 cas d’HEE localise´s a` ce niveau ont e´te´ rapporte´s [1, 2, 4], dont deux au niveau du scalp [1]. L’HEE peut se pre´senter sous la forme de tumeur unique, de tumeurs multiples disse´mine´es ou de tumeurs multiples re´gionales. Environ 10 % des cas se caracte´risent par la coexistence d’autres anomalies et syndromes, notamment : le de´veloppement pre´coce de varices veineuses, le lymphœde`me, le syndrome de Klippel-Trenaunay-Weber et le syndrome de Maffucci [5]. Cette tumeur atteint surtout les personnes de la deuxie`me ou troisie`me de´cade de vie et plus rarement l’enfant [6]. Dans la plupart des cas les symptoˆmes sont non spe´cifiques, comme dans notre cas : douleur ou masse le´ge`rement sensible e´voluant sur des dure´es variables. Typiquement ces tumeurs sont de petite taille, bien limite´es, et adhe´rentes aux plans superficiel et profond jusqu’a` l’os sous-jacent. Dans notre cas, la tumeur ressemblait a` un ane´vrisme de l’arte`re occipitale du fait de son caracte`re pulsatile et de l’existence d’un thrill. La rarete´ d’une telle caracte´ristique fait, entre autre, l’originalite´ de notre cas et nous n’avons
retrouve´ que deux autres cas similaires dans la litte´rature [7, 8]. Sur le plan histologique, l’HEE est une tumeur vasculaire issue des cellules endothe´liales. Elle se de´veloppe habituellement a` partir d’une veine pe´riphe´rique de gros ou de moyen calibre. Castelli et al. [7] ont rapporte´ un cas ou` l’origine arte´rielle de ce type de tumeur a e´te´ retenue et notre observation va aussi dans ce sens. Les cellules tumorales sont e´pithe´lioı¨des, surtout de forme polygonale. Elles ont un cytoplasme e´osinophile abondant parfois vacuole´ et pouvant contenir des e´rythrocytes. Elles peuvent meˆme se meˆler avec des paquets de fibres musculaires lisses. Des cas ont e´te´ de´crits ou` coexistaient des cellules e´pithe´lioı¨des et des cellules histiocytoı¨des. Dans certains cas, des foyers d’ossifications et des calcifications dystrophiques a` l’inte´rieur de la zone tumorale ont e´te´ de´crits [2]. L’activite´ mitotique est habituellement faible ainsi que le degre´ d’atypie. Ce n’est qu’occasionnellement que ces deux parame`tres sont plus e´leve´s, engendrant des foyers de ne´crose. Les cellules tumorales expriment dans leur majorite´ un antige`ne associe´ au facteur VIII cytoplasmique ainsi que des marqueurs endothe´liaux, comme le CD31 et CD34, identifiables a` l’immunohistochimie. De plus, la positivite´ a` l’actine du muscle lisse et a` la cytoke´ratine peut eˆtre retrouve´e respectivement dans 45 et 26 % des cas [6]. Bien que l’e´volution de l’HEE ne soit pas corre´le´e a` l’aspect histologique, il est ne´anmoins admis par la plupart des auteurs qu’une activite´ mitotique e´leve´e ainsi que la pre´sence d’atypies cytonucle´aires sont a` conside´rer comme pre´dicteurs d’une e´volution agressive de la tumeur [4]. L’absence de ces anomalies cytologiques chez notre patient explique que l’on n’ait pas re´alise´ de bilan d’extension, et qu’il n’y ait pas de re´cidive locale. Dans notre cas, le diagnostic diffe´rentiel aurait pu se poser avec un nodule angiomateux e´pithe´lioı¨de, dont l’histologie est voisine et l’e´volution tout aussi be´nigne [9]. Les cas pre´sentant des signes histologiques de malignite´ doivent faire discuter d’autres diagnostics : un carcinome primitif ou me´tastatique, un chondrosarcome myxoı¨de, un me´lanome ou meˆme un sarcome e´pithe´lioı¨de. L’angiosarcome e´pithe´lioı¨de doit tout particulie`rement eˆtre e´voque´. Toutefois, cette tumeur montre en ge´ne´ral beaucoup plus de dysplasies qu’un he´mangioendothe´liome [10]. L’HEE sarcome-like diffe`re de l’HEE classique en exprimant le CD34 a` l’immunohistochimie. L’HEE est une tumeur a` malignite´ interme´diaire dont le traitement est l’exe´re`se chirurgicale large et comple`te. Les formes malignes devront eˆtre traite´es de la meˆme manie`re qu’un sarcome. Meˆme apre`s exe´re`se chirurgicale large, 453
T. Tayeb, M. Bouzaiene
l’HEE peut re´cidiver dans plus de la moitie´ des cas ou diffuser a` distance. Les me´tastases sont ganglionnaires dans 50 % des cas. Le pronostic de l’HEE est incertain et de´pend du sie`ge de la tumeur [4]. Dans une e´tude mene´e sur 48 mois et regroupant 46 patients, Weiss et al. ont releve´ 13 % de re´cidives locales, 31 % de me´tastases osseuses, he´patiques ou au niveau des ganglions lymphatiques re´gionaux [5].
Re´fe´rences 1.
2.
3.
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