Intérêt de la photothérapie dynamique dans les choriorétinopathies séreuses centrales chroniques et les épithéliopathies rétiniennes diffuses exsudatives

Intérêt de la photothérapie dynamique dans les choriorétinopathies séreuses centrales chroniques et les épithéliopathies rétiniennes diffuses exsudatives

Journal français d’ophtalmologie (2012) 35, 82—87 ARTICLE ORIGINAL Intérêt de la photothérapie dynamique dans les choriorétinopathies séreuses centr...

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Journal français d’ophtalmologie (2012) 35, 82—87

ARTICLE ORIGINAL

Intérêt de la photothérapie dynamique dans les choriorétinopathies séreuses centrales chroniques et les épithéliopathies rétiniennes diffuses exsudatives Photodynamic therapy for chronic central serous chorioretinopathy and diffuse retinal epitheliopathy P.-L. Cornut a,∗, M. Quaranta-El Maftouhi b, ysse b M. Mauget-Fa¨ a

Service d’ophtalmologie, hôpital Édouard-Herriot, hospices civils de Lyon, université Lyon-1, 5, place d’Arsonval, 69437 Lyon cedex 03, France b Centre ophtalmologique Rabelais, 14, rue Rabelais, 69003 Lyon, France Rec ¸u le 2 mars 2010 ; accepté le 24 juin 2011 Disponible sur Internet le 1er septembre 2011

MOTS CLÉS Choriorétinite séreuse centrale ; Épithéliopathie rétinienne diffuse ; Photothérapie dynamique ; Vertéporphine



Résumé Objectifs. — Rapporter les résultats du traitement par photothérapie dynamique à la Visudyne® (V-PDT) en fluence réduite appliqué à des patients atteints de choriorétinite séreuse centrale (CRSC) chronique (CRSC évoluant depuis plus de six mois). Patients et méthodes. — L’ensemble des données cliniques, angiographiques et OCT des patients atteints de CRSC chronique traités par V-PDT entre 2002 et 2008 au centre Rabelais de Lyon a été analysé rétrospectivement. Un bilan complet (recherche de syndrome maculaire, acuité visuelle ETDRS, biomicroscopie, AG à la fluorescéine et au vert d’indocyanine, OCT) était réalisé avant le traitement par V-PDT et trois mois après. Les patients étaient ensuite régulièrement suivis et retraités en cas de récidives. Le traitement par V-PDT était réalisé avec un spot de surface égale à la surface des zones hyperfluorescentes à bords flous repérées sur les temps tardifs de l’angiographie ICG, de puissance réduite de moitié (300 mW/cm2 au lieu de 600). Résultats. — Quarante et un yeux de 34 patients (27 hommes) d’âge moyen 53 ans ont été inclus. Dix-huit yeux avaient déjà été traités par photocoagulation au laser. Plusieurs points de diffusion caractéristiques des CRSC étaient visibles sur l’angiographie à la fluorescéine dans la plupart des cas (n = 38), maculaires dans 35 cas. Avant traitement : des métamorphopsies étaient notées dans 51 % des cas, un œdème intrarétinien (OIR) était présent sur l’OCT dans 71 % des cas, un DSR dans 85 % et un DEP dans 10 %. Trente-neuf yeux n’ont bénéficié que d’une séance de traitement et un œil a été retraité une fois. À M+3 post-V-PDT, un OIR était présent dans 15 % des cas, un DSR dans 12 % et un DEP dans 2 %. À l’issue d’une période de suivi de 20 mois, un

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P.-L. Cornut).

0181-5512/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jfo.2011.07.005

Photothérapie dynamique pour choriorétinopathies séreuses centrales chroniques

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OIR était présent dans 14 % des cas, un DSR dans 15 % des cas et un DEP dans 0 %. Une atrophie maculaire était observée sur l’OCT dans la plupart des cas à l’issue du suivi (épaisseur centrale mesurée en moyenne à 144,5 microns). Comparée à l’AV initiale, l’AV à M+3 post-V-PDT était abaissée dans 22 % des cas, stabilisée dans 39 % et améliorée dans 39 % alors que l’AV finale à l’issue du suivi était abaissée dans 12 % des cas, stabilisée dans 17 % et améliorée dans 71 %. Aucune complication n’a été observée. Discussion. — Le traitement par V-PDT des formes chroniques de CRSC est à l’origine d’une amélioration anatomique et fonctionnelle (disparition durable des phénomènes exsudatifs dans la plupart des cas et augmentation de l’acuité visuelle dans plus de deux cas sur trois dans cette étude). L’atrophie observée peut être induite par le traitement ou être liée à l’évolution naturelle de la maladie. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Chronic central serous chorioretinopathy; Diffuse retinal epitheliopathy; Photodynamic therapy; Verteporfin

Summary Purpose. — To report outcomes in patients with long-standing (more than 6 months) chronic central serous chorioretinopathy (CSC) treated with low-fluence Visudyne® photodynamic therapy (LFV-PDT). Patients and methods. — The clinical, angiographic and optical coherence tomography (OCT) results of patients with long-standing chronic central serous chorioretinopathy (CCSC) treated with LFV-PDT in the Lyon Centre Rabelais between 2002 and 2008 were retrospectively analyzed. A comprehensive check-up (macular syndrome signs, ETDRS best-corrected visual acuity [BCVA], biomicroscopy, fluorescein [FA] and indocyanine green [ICGA] angiographies, OCT scans) was performed before LFV-PDT treatment and 3 months later. Patients were then followed regularly and retreated in case of recurrence. The LFV-PDT treatment, with a fluence of 25 J/cm2 at an irradiance of 300 mW, was guided by ICGA. Results. — Forty-one eyes of 34 patients (27 males; mean age: 53 years) were included, of which 18 eyes had already been treated with laser photocoagulation. Several leaking points were visible on FA in most of the cases (n = 38), mainly in the macula (35 cases). Before treatment, metamorphopsia was noted in 51% of the cases, intraretinal edema (IRE) was present on OCT scans in 71%, serous retinal detachment (SRD) in 85%, and pigment epithelial detachment (PED) in 10%. Thirty-nine eyes had only one treatment session and one eye was retreated once. At 3 months after LFV-PDT, IRE was present in 15% of the cases, SRD in 12%, and PED in 2%. At the end of the 20-month follow-up, IRE was present in 14% of the cases, SRD in 15%, and PED in 0%. Macular atrophy was observed on OCT in most of the cases at the end of the follow-up (mean central thickness, 144.5 ␮m). Compared to the initial BCVA, at 3 months after LFV-PDT, BCVA decreased in 22% of the cases, stabilized in 39%, and increased in 39%, while at the end of the follow-up, BCVA decreased in 12% of the cases, stabilized in 17%, and increased in 71%. No complication was observed. Discussion. — LFV-PDT treatment for patients with long-standing chronic central serous chorioretinopathy results in anatomical and functional improvement (sustained disappearance of the exudative phenomenon in most cases and increased BCVA in more than two-thirds of the cases). The macular atrophy observed may be due to the treatment or the natural course of the disease. © 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction La choriorétinopathie séreuse centrale (CRSC) est une affection exsudative choriorétinienne d’origine encore indéterminée qui affecte préférentiellement les hommes jeunes entre 20 et 45 ans et qui se manifeste par l’apparition de décollements séreux de la rétine neurosensorielle et/ou de l’épithélium pigmentaire [1,2]. Le stress accompagne fréquemment l’apparition des symptômes manifestés par la constitution d’un syndrome maculaire et la prise de corticoïdes augmente la sévérité de la maladie [3]. Cette affection dont l’origine physiopathologique exacte demeure inconnue, semble être liée à une anomalie de la perfusion

choroïdienne [4] possiblement en lien avec une vasoconstriction choroïdienne (secondaire au stress ou à une cause pharmacologique type traitement vasoconstricteur général ou nasal) [5] ou avec une atteinte vasculaire infectieuse virale ou bactérienne [6]. Deux formes évolutives sont possibles, la première (deux tiers des cas) évolue sur un mode aigu, la seconde (un tiers des cas) est caractérisée par une évolution chronique également dénommée épithéliopathie rétinienne diffuse (ERD). Dans le premier cas, les symptômes aigus et les anomalies anatomiques de la CSRC régressent spontanément en quatre à six mois. Dans le second cas de figure, l’atteinte n’est pas résolutive après six mois d’évolution et/ou est récidivante.

84 Cette forme chronique est caractérisée par des altérations diffuses et progressives de l’épithélium pigmentaire, qui apparaissent en regard des zones de décollements séreux rétiniens (DSR) chroniques ou de l’épithélium pigmentaire (DSEP). Les patients peuvent développer des pertes permanentes de l’acuité visuelle si la macula est concernée par le processus pathologique. L’ERD se traduit sur le plan angiographique en fluorescéine par la présence d’altérations hyperfluorescentes étendues de l’épithélium pigmentaire. Un ou plusieurs points de diffusion sont en général visibles comme lors des CRSC aiguës matérialisés par la présence de petites zones hyperfluorescentes précoces diffusantes aux temps tardifs. L’angiographie au vert d’indocyanine (ICG) recherchera des zones typiques d’hyperfluorescences mal définies à bords flous traduisant une hyperperméabilité choroïdienne, coexistant avec des zones hypofluorescentes probablement secondaires à la présence d’une atrophie de la choriocapillaire [7]. L’OCT objective le DSR chronique qui apparaît sous la forme d’une bande sombre hyporéflective située entre le complexe choriocapillaire/épithélium pigmentaire et la rétine neurosensorielle, souvent associée un épaississement microkystique de la rétine maculaire, traduisant la présence d’un œdème intrarétinien sus-jacent. De petites « villosités » appendues sous la couche des photorécepteurs sont parfois visibles pouvant témoigner de la souffrance des cellules visuelles [8]. L’acquisition des coupes en OCT Spectral domain permet en général la mise en évidence de petits defects au sein de la ligne du complexe épithélium pigmentaire/membrane de Bruch correspondant aux points de diffusion. Le traitement de ces formes chroniques caractérisées par des points de diffusion multiples, parfois mal définis et relativement étendus, ne peut faire appel au laser focal comme dans les formes aiguës traînantes. Des études pilotes ayant recours à la PDT à la Visudyne® ont montré des résultats encourageants pour le traitement de ces zones de diffusion maculaires mal définies [9—17]. Le but de cette étude était de rapporter l’efficacité de la photothérapie dynamique à la Visudyne® pour le traitement des phénomènes exsudatifs observés dans les ERD et de rechercher les éventuels effets indésirables de ce traitement.

Patients et méthodes Cette étude rétrospective a analysé les données issues de patients pris en charge entre 2002 et 2008. Les patients inclus souffraient d’ERD définies par la présence de signes de CRSC évoluant depuis plus de six mois et/ou récidivants associés à la présence d’altérations de l’épithélium pigmentaire. Les patients porteurs d’autres affections exsudatives rétiniennes (DMLA, vasculopathie polypoïdale, télangiectasies, diabète, uvéites, OVCR) étaient exclus de cette série. Un test d’acuité visuelle (ETDRS), la recherche de métamorphopsies, une angiographie à la fluorescéine (AF) et ICG, ainsi qu’un OCT (Stratus puis Cirrus, Carl Zeiss Meditec Inc., Allemagne) ont été réalisés lors de la première consultation, avant le traitement par PDT et trois mois après. Les patients étaient ensuite régulièrement suivis cliniquement

P.-L. Cornut et al. et en OCT. Ils étaient retraités en cas de récidives après le même bilan et suivis selon le même schéma. Le traitement par photothérapie dynamique à la Visudyne® était réalisé avec un spot de surface égale à la surface des zones hyperfluorescentes chroniques à bords flous repérées sur les temps tardifs de l’angiographie ICG. La technique pratique de PDT utilisée était la même que celle utilisée dans la DMLA [18] hormis la puissance du rayonnement laser réduit de moitié (300 mW/cm2 au lieu de 600). Les patients étaient informés du caractère hors AMM du traitement et leur consentement éclairé écrit était recueilli en respectant les termes de la déclaration d’Helsinki.

Résultats Quarante et un yeux (21 OD/20 OG) de 34 patients (27 hommes et sept femmes) d’âge moyen 53,3 ± 9,5 ans (37—72) ont été inclus. Dix-huit yeux avaient bénéficié par le passé d’un traitement par photocoagulation au laser argon d’un ou de plusieurs points de diffusion. On retrouvait à l’interrogatoire, une prise de corticoïdes dans plus de la moitié des cas (neuf patients sur 14 pour lesquels cette donnée était disponible dans le dossier) et un portage d’Helicobacter pylori dans six cas sur 34. Le point de diffusion était isolé dans trois cas, dans les autres cas (38) plusieurs points de diffusion étaient visibles sur l’AF. La situation du ou des points de diffusion n’était extramaculaire que dans six cas et étendue à la macula dans les autres cas (35). Une plage étendue d’altérations de l’EP, type coulée gravitationnelle, était observée dans 17 cas. Tous les patients présentaient initialement un réseau choroïdien anormalement hyperfluorescent sur l’angiographie ICG. Plus de la moitié des patients décrivait un syndrome maculaire avant traitement (métamorphopsies dans 51,2 % des cas [21/41]). Le délai médian d’observation des patients (délais entre la première consultation et le traitement) était d’un an (364 jours), seuls 13 des 41 yeux ont été traités dans les trois premiers mois de suivi. Une baisse d’acuité visuelle était objectivée dans plus de la moitié des cas sur cette période de suivi (22/41). Un œdème intrarétinien était présent sur l’OCT dans 71 % des cas le jour du traitement (29/40), un DSR dans 85 % des cas (35/40) et un DEP dans 10 % des cas (4/40). Quarante yeux n’ont bénéficié que d’une séance de traitement. Un œil a dû être retraité une fois au cours du suivi, pour une récidive des signes exsudatifs plus de trois ans après la première PDT. Trois mois après la première séance de photothérapie dynamique, un œdème intrarétinien était présent sur l’OCT dans 15 % des cas (6/40), un DSR dans 12 % des cas (5/39) et un DEP dans 2 % des cas (1/40). À l’issue d’une médiane de suivi de 473 jours (moyenne 614 ± 488 jours, 87—1832), soit plus de 15 mois de recul, un œdème intrarétinien était présent sur l’OCT dans 15 % des cas (6/40), un DSR dans 15 % des cas (6/39) et une absence de DEP dans la totalité des cas. Une disparition de tout signe exsudatif était constatée dans 75 % des cas lors de l’analyse OCT à l’issue du suivi (31/41). Une atrophie maculaire était observée sur l’OCT dans la plupart des cas en fin d’étude, avec 50 % des yeux présentant une épaisseur maculaire centrale inférieure à 135 microns, pour une moyenne à 145 microns (82—240).

Photothérapie dynamique pour choriorétinopathies séreuses centrales chroniques

Figure 1. Évolution de l’acuité visuelle (convertie en échelle Monoyer) avant traitement et à l’issue du suivi pour chaque patient de l’étude. La plupart des points sont situés au-dessus de la bissectrice. Ils correspondent aux valeurs des patients dont la vision s’est améliorée.

Comparée à l’acuité visuelle initiale, l’acuité visuelle à M+3 post-PDT était améliorée dans 39 % des cas (16/41), stabilisée dans 39 % des cas (16/41) et abaissée dans 22 % des cas (9/41). L’acuité visuelle finale à l’issue du suivi (toujours comparée à l’acuité visuelle initiale) était quant à elle améliorée dans 71 % des cas (29/41), stabilisée dans 17 % des cas (7/41) et abaissée dans 12 % des cas (5/41) (Fig. 1). Cette évolution positive de l’acuité visuelle était statistiquement significative (p < 10−3 , test non paramétrique de Wilcoxon). Les baisses d’acuité visuelle enregistrées dans cette série à l’issue du suivi étaient très faibles, limitées à quelques lettres d’écart dans quatre des cinq cas (moins d’une ligne ETDRS), seul un patient a vu son acuité perdre cinq lignes passant de 3,2/10 à 1/10 sans anomalie anatomique visible susceptible d’expliquer cette perte fonctionnelle, hormis une progression de sa cataracte. La constatation d’une baisse d’acuité visuelle à l’issue du suivi n’était pas corrélée à la persistance de phénomènes exsudatifs. Le bénéfice du traitement en termes de gain d’acuité visuelle était d’autant plus élevé que l’acuité visuelle initiale était bonne (Fig. 1). Il n’existait pas non plus de corrélation entre le niveau d’acuité visuelle final et l’épaisseur maculaire finale mesurée à l’OCT (Fig. 2). Bien que le même pourcentage de patients décrivait toujours la présence de métamorphopsies après traitement (53,7 %) qu’avant traitement, le retentissement fonctionnel était atténué. Aucune complication (à type de déchirure de l’épithélium pigmentaire ou de néovascularisation choroïdienne en particulier) n’était déplorée dans cette série.

Discussion Les résultats de cette étude confirment que le traitement par PDT des formes chroniques de CRSC est à l’origine d’une amélioration anatomique choriorétinienne caractérisée par une disparition durable des phénomènes exsudatifs dans la plupart des cas. Cette évolution anatomique positive s’accompagne d’une amélioration fonctionnelle

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Figure 2. Représentation de l’acuité visuelle finale et de l’épaisseur fovéolaire mesurée en OCT à l’issue du suivi pour chaque patient. Il n’existe pas de corrélation entre ces deux valeurs.

concomitante traduite par une augmentation de l’acuité visuelle dans plus de deux cas sur trois (Fig. 3). Les formes chroniques de CRSC, caractérisées par des altérations diffuses de l’épithélium pigmentaire associées à la présence de détachements chroniques de la rétine neurosensorielle ou de l’épithélium pigmentaire, peuvent conduire les patients à des pertes permanentes de l’acuité visuelle centrale. Les traitements classiques des CRSC par photocoagulation au laser ne peuvent pas être appliqués si les points de diffusion sont situés trop près de la fovéa et/ou s’ils sont multiples et mal définis. Ces formes chroniques sont donc à ce jour sans solution thérapeutique validée. La photothérapie dynamique à la vertéporfine a été développée pour occlure les néovaisseaux choroïdiens compliquant les formes exsudatives de DMLA sans léser les tissus normaux. Le mécanisme exact d’action de ce traitement demeure imparfaitement connu. La vertéporphine, agent de la classe des porphyrines, se lie à des lipoprotéines qui possèdent des récepteurs exprimés à la surface des cellules endothéliales, avec une surexpression au niveau de l’endothélium néovasculaire. L’activation par la lumière infrarouge de la vertéporphine conduit à la libération de radicaux libres. Ce stress oxydatif est responsable d’une altération de l’endothélium vasculaire à l’origine d’une activation de la cascade de l’hémostase et de la coagulation conduisant à l’occlusion sélective du néovaisseau. Cette cascade de réaction s’accompagne d’une vasoconstriction de l’ensemble du réseau choroïdien illuminé par le spot laser à l’origine d’une stase vasculaire et d’une diminution de l’hyperperméabilité choroïdienne bien objectivée en angiographie ICG. Partant de ce constat et étant donné que les CRSC sont caractérisées par un trouble du calibre et une hyperperméabilité du réseau choroïdien [4], certains auteurs ont rapporté l’efficacité de la V-PDT appliquée au traitement des formes chroniques de CRSC. Ces études pilotes sans groupe témoin, incluant pour la plupart un nombre limité de patients, ont toutes montré une efficacité de ce traitement dans cette indication [9—17]. Cette série confirme sur un nombre important de patients ces bons résultats fonctionnels et anatomiques. Les patients inclus

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P.-L. Cornut et al.

Figure 3. Évolution post-traitement pour un même patient. À j0 PDT (ligne du haut) : l’acuité visuelle droite est chiffrée à 1/10 Pa 14, il existe un volumineux décollement de l’épithélium pigmentaire ainsi qu’un décollement séreux rétinien bien visible sur l’OCT maculaire (au centre). Le DEP se remplit de colorant aux temps tardifs des angiographies à la fluorescéine et à l’ICG (à droite). À noter la présence de cicatrices de laser bien visibles en sous-papillaire au fond d’œil (image de gauche) et sur le cliche d’angiographie à la fluorescéine. À M+6 post-traitement (ligne du milieu) : l’OCT maculaire (au centre) objective la résorption des phénomènes exsudatifs. L’angiographie à la fluorescéine met en évidence les altérations de l’épithélium pigmentaire. Une nette diminution de l’hyperperméabilité choroïdienne est observée sur l’angiographie ICG. Une atrophie est visible sur la partie nasale du profil OCT. Quatre ans après traitement (ligne du bas) : l’acuité visuelle est chiffrée à 9/10 Pa 1,5, il n’y a pas eu de récidive exsudative maculaire droite. L’OCT maculaire met en évidence un respect de l’architecture rétinienne fovéolaire et temporale.

dans cette étude ont bénéficié du traitement après une période d’observation de plusieurs mois (un an de médiane) au cours de laquelle aucune guérison spontanée n’était objectivée (malgré l’arrêt d’une éventuelle corticothérapie et/ou l’éradication éventuelle d’un portage d’H. pylori) et à l’issue de laquelle plus de la moitié des patients présentaient une aggravation de leur baisse d’acuité visuelle. Le traitement par V-PDT « low fluence » des formes chroniques de CRSC était à l’origine d’une amélioration anatomique et fonctionnelle caractérisée par une disparition durable des phénomènes exsudatifs dans 75 % des cas et une augmentation de l’acuité visuelle dans plus de 66 % des cas de cette série. Ces chiffres sont comparables à ceux des études actuellement publiées qui démontrent toutes une amélioration anatomique et fonctionnelle dans la plupart des cas traités en se basant sur divers critères de jugement [9—17]. Ces résultats étaient obtenus dans la totalité des cas de cette étude à une exception près, après une seule séance de Visudyne® et étaient maintenus dans le temps sur une longue période d’observation de plus de 15 mois. L’amélioration fonctionnelle de l’acuité visuelle était lente et progressive, se poursuivant au-delà des trois premiers mois. Cette cinétique peut être rapprochée de la récupération fonctionnelle observée lors des ré-applications maculaires post-décollements de rétine rhegmatogènes. Le niveau d’acuité visuelle finale était d’autant plus élevé dans cette série que l’acuité visuelle était conservée avant traitement. Cette constatation encourage à traiter plus précocement les patients sans attendre un effondrement de l’acuité visuelle témoin d’une souffrance irréversible des

photorécepteurs maculaires. Cette attitude est renforcée par les résultats anatomiques observés dans cette étude qui mettent en évidence une absence de corrélation entre l’épaisseur maculaire finale et le niveau d’acuité visuelle à l’issue du suivi. L’atrophie maculaire liée à l’évolution naturelle de la maladie plus ou moins accentuée par le traitement n’était en effet pas prédictive d’une mauvaise récupération fonctionnelle dans notre étude et ne représente donc pas une contre-indication au traitement. L’apport des nouvelles techniques d’imagerie OCT en mode Spectral domain permet une analyse fine de l’état de la couche des photorécepteurs qui s’avérera vraisemblablement utile dans ces cas pour guider les indications [8]. Cependant même si à court et moyen termes, l’efficacité fonctionnelle et anatomique du traitement par PDT semble réelle, les risques d’effets indésirables sont encore à préciser. En effet, à long terme, la PDT pourrait avoir un effet délétère sur un épithélium pigmentaire déjà fragilisé par une hypoxie locale. Certains auteurs ont ainsi pu rapporter des complications à type de néovascularisation choroïdienne [10], d’ischémie choroïdienne [10,19] ou de déchirure de l’épithélium pigmentaire survenue après traitement par PDT [20]. Reibaldi et al. [10] ont montré que le risque de survenue de complications était plus élevé en cas de traitement à pleine dose et pleine fluence suivant les règles d’application utilisées dans le traitement de la DMLA et semblait beaucoup plus limité en cas de traitement à demi dose ou à basse fluence, comme dans cette étude qui ne déplorait pas de cas de complication.

Photothérapie dynamique pour choriorétinopathies séreuses centrales chroniques Bien que le mode d’action exact de la photothérapie dynamique par Visudyne® dans cette indication demeure inconnu à ce jour, plusieurs hypothèses peuvent être envisagées. La Visudyne® pourrait aller se localiser au niveau des parois lésées de la choriocapillaire et agir en thrombosant temporairement les vaisseaux altérés, diminuant ainsi les phénomènes de diffusion. L’occlusion des capillaires endommagés permettrait une prolifération de cellules endothéliales normales ou encore stimulerait la sécrétion ou la mise en œuvre de protéines réparatrices impliquées dans la cicatrisation de l’épithélium pigmentaire (à la manière de l’activation des « heat shock proteins » après thermothérapie transpupillaire) [21]. L’occlusion des vaisseaux choroïdiens anormaux par thrombose pourrait également entraîner une régénération des tissus environnants, comme cela est observé dans le cadre des plaies chroniques qui tardent à cicatriser et qui nécessitent une détersion des tissus malades pour induire la cicatrisation. Les principales limites de cette étude sont liées à son caractère rétrospectif et à l’absence de groupe témoin. Ces bons résultats demandent donc à être corroborés par une étude prospective contrôlée dans le but de déboucher sur une AMM et d’une prise en charge des patients par la sécurité sociale dans cette indication. En effet, l’avènement des thérapeutiques anti-antigéniques supplantant la V-PDT dans la quasi totalité de ses indications (DMLA et myopie), fait planer la perspective d’un éventuel retrait de cette classe thérapeutique du marché.

Conclusion Les résultats de cette étude suggèrent que le traitement des formes chroniques de CRSC par V-PDT « low fluence » est efficace et sûr. En l’absence d’alternative thérapeutique, ce traitement entraîne une amélioration anatomique et fonctionnelle caractérisée par une disparition durable des phénomènes exsudatifs dans 75 % des cas et une augmentation de l’acuité visuelle dans plus de 66 % des cas de cette série. Les résultats de cette étude indiquent que ce traitement est plus efficace lorsque l’acuité visuelle avant traitement est conservée et que l’atrophie rétinienne observée n’est pas corrélée au degré de récupération fonctionnelle.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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