Sociologie du travail 46 (2004) 150–167 www.elsevier.com/locate/soctra
Le temps du remue-ménage. Conditions d’emploi et de travail de femmes de chambre> Time for cleaning: Chamber maids’ employment and working conditions Isabelle Puech Culture et sociétés urbaines (CSU), Iresco, CNRS, 59–61, rue Pouchet, 75849 Paris cedex, France
Résumé Il est désormais admis que le travail à temps partiel constitue un « marqueur » des inégalités entre les sexes, tant dans la sphère du travail que dans celle de la famille. Cet article s’intéresse plus précisément aux clivages entre les femmes elles-mêmes et se propose d’analyser comment le temps de travail et le statut de l’entreprise se combinent pour créer des inégalités entre les salariées, hétérogénéiser leurs statuts et exposer ainsi une partie d’entre eux à des conditions de travail, d’emploi et de vie précarisées. L’étude porte sur des femmes de chambre travaillant à temps complet et à temps partiel dans le cadre des relations de sous-traitance. Le temps partiel imprime et confirme les différenciations produites par la sous-traitance et aggrave, à travail égal, les inégalités entre les travailleuses. Ces clivages ont provoqué un mouvement de grève, mouvement dont l’analyse permettra de mettre en lumière certains rapports sociaux qui traversent l’entreprise ainsi que les enjeux invisibles du travail et de l’emploi de ces travailleuses de l’ombre. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract It is now admitted that part-time work is a signal of inequality between the sexes, in both work and family. By focusing on cleavages among women, an analysis is made of how worktime and the company’s position as a subcontractor combine so as to produce inequality among wage-earners by assigning them heterogeneous statuses and thus forcing some of them to cope with precarious working, employment and living conditions. This study of the working and employment conditions of
>
Je remercie Margaret Maruani, Tania Angeloff, Myriam Danon-Szmydt, Anne Forssell et Helena Hirata. Adresse e-mail :
[email protected] (I. Puech).
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.soctra.2004.03.001
I. Puech / Sociologie du travail 46 (2004) 150–167
151
chamber maids in France focuses on those who work part or full-time in cleaning companies under contract with other firms. Inside this rather unskilled group of women, part-time work stresses the differences produced by subcontracting and worsens the inequality between stable, full-time employees and the women subcontracted at part-time who do the same job. These cleavages set off a strike among these part-time workers. Analyzing this labor dispute has shed light on the social relations running through the firm and on invisible issues in work and employment for these women with jobs in the shadows. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Conditions d’emploi ; Conditions de travail ; Conflit social ; Femmes ; Flexibilité ; Genre ; Clivages sociaux ; Précarité ; Sous-traitance ; Statut social ; Temps de travail ; Travail à temps partiel Keywords: Employment conditions; Working conditions; Labor dispute; Social cleavages; Social status; Women; Flexibility; Gender; Precariousness; Subcontracting; Worktime; Part-time work; France
1. Introduction Le temps de travail représente un instrument privilégié pour analyser les logiques sociales qui sous-tendent les recompositions du monde du travail. Plus précisément, la question du temps de travail est fondamentale pour comprendre la construction des différences entre les sexes, tant dans l’entreprise que dans la sphère familiale (Silvera, 1998). Dans ce cadre, le travail à temps partiel constitue une forme d’emploi particulièrement pertinente pour mettre en exergue les mécanismes de hiérarchisation qui structurent le marché du travail : entre hommes et femmes, certes, mais aussi entre les femmes ellesmêmes. Dès le début des années 1980, sous couvert de répondre à une « demande sociale » des femmes, les pouvoirs publics ont impulsé le développement du travail à temps partiel. Celui-ci constituait alors un mode de résolution essentiellement féminin de la crise de l’emploi (Maruani et Nicole, 1989). Il n’a dès lors cessé de se développer, de sorte qu’au cours de la décennie suivante, la plupart des emplois créés l’ont été à temps partiel1 : entre 1985 et 1995, alors que le nombre d’emplois occupés par les hommes est resté relativement stable, 88,5 % des emplois créés ont été des emplois de femmes à temps partiel (Husson, 1998). À travers l’individualisation des relations salariales qu’elle sous-tend, cette forme d’emploi féminisée à plus de 80 %2 constitue un vecteur important de stratification des emplois et des travailleurs et contribue à produire des situations de travail extrêmement 1 Le développement du travail à temps partiel est directement lié à la volonté des pouvoirs publics et des employeurs de créer des emplois à temps partiel (Maurin, 1993 ; Alonzo, 1998 ; Angeloff, 1999 ; Galtier, 1999). Le temps de travail permet en effet aux entreprises de s’adapter aux contraintes du marché (Morin et al., 1998). Progressivement, le débat sur le temps de travail s’est déplacé du thème du partage du travail à celui de la recherche de flexibilité (Boulin, 1992). Ce transfert d’une logique sociale à une logique économique s’inscrit dans le cadre d’un mouvement profond de recomposition du temps de travail (Gauvin et Jacot, 1999) marqué par la diversification de son contenu et de ses formes (Boulin et al., 1992). Ces transformations du temps de travail contribuent à modifier le rapport au travail des salariés mais aussi leur vie sociale tout entière (Anxo et al., 1998 ; Terssac et Tremblay, 2000 ; Lallement, 2003). 2 En 2002, 83 % des travailleurs à temps partiel sont des femmes. Sur l’ensemble de la population salariée, 30 % des femmes travaillent à temps partiel, contre 5 % des hommes (Enquête sur l’emploi 2002, Insee).
152
I. Puech / Sociologie du travail 46 (2004) 150–167
précaires (Jenson, 1995 ; Gauvin et Silvera, 1998 ; Alonzo, 2000 ; Angeloff, 2000). Le temps de travail contribue ainsi à segmenter le marché du travail en espaces multiples dont les plus fragiles, au regard du travail et de l’emploi, sont majoritairement féminins. La notion de segmentation, ici empruntée à la théorie du dualisme développée dans les années 1970 (Doeringer et Piore, 1971)3, doit être entendue dans cet article au sens étymologique du terme, c’est-à-dire comme un processus de différenciation. Il ne s’agit pas en effet de montrer que le temps de travail contribue à segmenter le marché entre un « personnel primaire » et un « personnel secondaire », mais plutôt qu’il participe d’un processus de différenciation du salariat qui revêt des formes diverses, en perpétuelle recomposition. Les clivages sociaux introduits par le travail à temps partiel doivent être considérés comme des inégalités mouvantes qui n’ont de sens que si l’on prend en compte le mode de gestion de la main-d’œuvre de l’entreprise et les caractéristiques socioprofessionnelles des salariés. Cet article porte sur les conditions de travail et d’emploi de femmes travaillant à temps partiel et à temps plein, dans un secteur particulier, celui du nettoyage et de la propreté, et dans le cadre d’une forme de division du travail particulière, la sous-traitance. La question est donc de savoir par quel processus et dans quelle mesure le temps de travail et le statut de l’entreprise contribuent à hiérarchiser les travailleurs et les emplois, et quel est le sens donné par les salariés à cette stratification sociale. L’article cherchera également à comprendre comment se superposent et se cumulent les dérégulations introduites par le travail à temps partiel et par la sous-traitance. En tirant les enseignements des études menées dans les années 1970 et 1980 sur le travail intérimaire (Pialoux, 1979 ; Germe, 1981 ; Michon et Ramaux, 1992), l’hypothèse qui est formulée est la suivante : la recherche de flexibilité des entreprises les pousse à mettre en place une gestion différenciée du temps de travail. Statut de l’entreprise et temps de travail se combinent pour créer des inégalités entre les salariés, hétérogénéiser leurs statuts, et exposer ainsi une partie d’entre eux à des conditions de travail, d’emploi et de vie précarisées. Si les dispositions des conventions collectives qui régissent le travail des salariés sous-traitants sont souvent moins favorables que ceux des sociétés mères, la sous-traitance n’est pas toujours synonyme de précarisation salariale (Freyssenet, 1981 ; Germe, 1981). Dans le même sens, toutes les formes de travail à temps partiel ne sont pas discriminantes. Les travailleurs à temps partiel4 ne constituent pas un groupe social homogène (Bué, 2002) (voir les Annexes 1 et 2, en fin de texte). Selon l’enquête « Conditions de travail » de 1998, complémentaire à l’enquête sur l’emploi de la même année, 41 % des salariés à temps partiel sont contraints au sous-emploi au sens du BIT (Bureau international du travail)5. 3
Cette théorie décompose le marché du travail entre un « marché primaire » qui protège relativement ses emplois et ses travailleurs (salaires relativement élevés, garanties de carrière, conditions de travail favorables, stabilité de l’emploi...) et un « marché secondaire » dont les attributs des salariés sont opposés à ceux du précédent segment (Gazier, 1992). 4 Depuis la loi de janvier 2000, dite « loi Aubry II », sont considérés comme travailleurs à temps partiel ceux dont la durée du travail est inférieure à la durée légale ou conventionnelle, c’est-à-dire ceux qui ne travaillent pas à temps complet. Auparavant, seuls les salariés ayant une durée du travail inférieure d’au moins un cinquième à la durée légale ou conventionnelle du travail entraient dans cette catégorie. 5 La définition du sous-emploi au sens du BIT, reprise en France par l’Insee, est la suivante : « sont en sous-emploi visible les personnes pourvues d’un emploi qui travaillent involontairement moins que la durée
I. Puech / Sociologie du travail 46 (2004) 150–167
153
C’est cette catégorie de salariés qui nous intéresse ici, dans un secteur qui puise sa force de travail dans les segments les plus vulnérables du marché du travail — les femmes, les jeunes, les immigrants (Bernstein, 1985) — et où les conditions de travail sont particulièrement difficiles, le secteur du nettoyage et de la propreté. L’organisation et la gestion de l’emploi dans ce secteur fortement concurrentiel se fondent sur une recherche maximale de flexibilité, fondée à la fois sur la variation de la durée du travail et des revenus des salariés, et sur la flexibilité externe qui repose notamment sur l’externalisation. Le recours croissant à la sous-traitance vise à augmenter la compétitivité des entreprises en compressant au maximum les coûts de production. Cette division du travail entre les marchés donneurs d’ordres et les sociétés de sous-traitance donne lieu à de nouveaux modes de gestion de l’emploi. La flexibilité et la gestion différenciée de l’emploi sont au cœur des relations de la sous-traitance et contribuent à transformer les relations salariales (Morin, 1997). Après une présentation globale des conditions de travail dans le secteur du nettoyage, une analyse des conditions d’exercice du travail de certains agents de propreté ainsi que de leur mode d’accès à l’emploi, à travers une étude empirique réalisée auprès de femmes de chambre (voir Encadré 1), permettra de rendre compte des processus de construction des clivages sociaux dans l’entreprise. On s’intéressera ici à la façon dont le temps de travail hiérarchise non seulement le travail mais aussi le statut de l’emploi6 pour une population de femmes salariées peu qualifiées travaillant dans le cadre de relations de sous-traitance. Enfin, l’observation plus précise d’un mouvement de grève exceptionnellement long (une année) de certaines salariées de l’entreprise de sous-traitance sera utilisée comme révélateur des clivages et des rapports sociaux dans l’entreprise. L’étude de ce conflit permettra en outre de mettre en lumière les enjeux sous-jacents du temps de travail en termes de reconnaissance sociale de la valeur du travail et du statut de l’emploi. 2. Les conditions d’exercice de l’activité de nettoyage 2.1. Le labeur des salariés de la propreté Les conditions de travail dans le secteur du nettoyage et de la propreté sont peu reluisantes. Selon l’enquête « Conditions de travail », réalisée en 19987, pour six salariés du nettoyage sur dix, le travail consiste en une série de gestes et d’opérations quand seulement deux sur dix se déclarent être polyvalents. Le rythme de travail est particulièrement rapide normale du travail dans leur activité et qui étaient à la recherche d’un travail complémentaire ou disponibles pour un tel travail dans la semaine de référence ». Sur le sujet, voir Claude Thélot (Thélot, 1986). 6 Le travail renvoie à l’activité de production de biens et de services ainsi qu’à l’ensemble des conditions d’exercice de cette activité, alors que l’emploi se définit par rapport aux modalités d’accès et de retrait du marché du travail. L’emploi est ainsi la traduction de l’activité laborieuse en termes de statuts sociaux (Maruani et Reynaud, 2001). 7 Son exploitation porte ici sur les salariés classés dans les deux NAF (nomenclatures d’activités françaises) auxquelles s’appliquent la convention collective des entreprises de propreté : la NAF 747Z (nettoyage de locaux) et la NAF 930A (nettoyage à domicile de moquettes, tapis, tentures, rideaux). Cette population comprend donc les femmes de chambre de la société de sous-traitance Clean. En revanche, celles employées directement par le groupe Sourire relèvent de la convention collective des hôtels–cafés–restaurants qui s’applique à une large population (serveurs, standardistes, réceptionnistes...), et qui n’est donc pas prise en compte ici pour rendre compte des conditions de travail dans le secteur du nettoyage et de la propreté.
154
I. Puech / Sociologie du travail 46 (2004) 150–167
Encadré 1 Méthodologie L’enquête empirique sur laquelle se fonde cet article s’inscrit dans un travail de plus grande ampleur qui prend en compte d’autres formes de temps partiel plus régulées. Cet article s’appuie sur la réalisation d’entretiens individuels semi-directifs menés auprès de femmes de chambre travaillant pour un groupe hôtelier. Le groupe donneurs d’ordres Sourire8 est une multinationale de l’hôtellerie, des voyages et des loisirs constituée de 1200 hôtels en France, et qui externalise une partie de ses activités de nettoyage et de propreté pour un quart d’entre eux. Clean, société de sous-traitance dont 800 salariés travaillent dans l’hôtellerie, est le premier fournisseur du groupe (Soriano, 2003). Dans ces hôtels, ce sont des femmes qui nettoient les chambres. Mais certaines ne portent pas les mêmes blouses que d’autres : il y a en effet celles qui sont directement employées par le groupe et il y a les autres, nettement plus nombreuses, embauchées par la société de sous-traitance. Une vingtaine d’entretiens ont été réalisés auprès des premières qui travaillent toutes à temps complet, et des secondes, qui sont toutes embauchées à temps partiel. Certains acteurs syndicaux et associatifs ayant participé à un conflit social opposant, de mars 2001 à mars 2002, une trentaine de salariées de la société de sous-traitance à leur employeur ont également été interviewés. Les entretiens se sont déroulés pendant et après la grève. Une série d’interviews a été réalisée dans un hôtel du groupe situé en banlieue parisienne. Les chambres y sont nettoyées par une dizaine de salariées du groupe (qui ont quasiment toutes accepté de me rencontrer à la cafétéria de l’hôtel, après leur travail) et environ 70 salariées de la société de sous-traitance Clean. L’employeur de celle-ci n’ayant pas répondu à mes sollicitations, le canal syndical m’a permis de rencontrer — malgré la « peur de parler » et la barrière de la langue — certaines salariées ayant participé à la grève. Les entretiens ont été réalisés à leur domicile personnel, dans un local syndical ou bien dans des lieux publics. Elles travaillent toutes dans des hôtels du groupe implantés à Paris.
(60 % déclarent devoir se dépêcher toujours ou souvent dans leur travail). Les contraintes posturales sont, par la nature même de l’activité, particulièrement contraignantes : 87 % des salariés doivent rester longtemps debout, 52 % dans une posture pénible ou fatigante à la longue, 57 % sont amenés à faire des déplacements à pied, longs ou fréquents, et plus de la moitié d’entre eux portent des charges lourdes. L’environnement de travail est tout aussi difficile (saleté, poussière...). Ces conditions de travail visent une main-d’œuvre particulièrement « malléable » et fragile. Souvent d’origine étrangère, sans diplôme ni qualification, les travailleurs du nettoyage touchent des salaires très bas qui ne permettent pas de compenser un travail non 8
Les noms des entreprises et des salariés ont été modifiés afin de respecter leur anonymat. L’un des slogans phares de la firme multinationale est : « Nous fabriquons du sourire. »
I. Puech / Sociologie du travail 46 (2004) 150–167
155
seulement difficile mais aussi bien souvent dénué d’intérêt. En outre, cette précarité du travail se superpose à une précarité familiale : les familles monoparentales et les familles nombreuses sont en effet surreprésentées dans le secteur du nettoyage et de la propreté. Pour l’employeur, l’intérêt d’embaucher ces salariés sans expérience ni qualification s’inscrit dans une politique générale de recherche de flexibilité et de compression maximale des coûts. Dans ce cadre, la sous-traitance et le travail à temps partiel constituent des instruments privilégiés. Selon l’enquête sur l’emploi de 2002, 44 % des salariés travaillent à temps partiel dans le secteur. Ce pourcentage peut paraître faible par rapport aux chiffres issus de l’enquête annuelle d’entreprises de services réalisée par l’Insee et selon laquelle entre 60 et 70 % des salariés de ce secteur travaillent à temps partiel. Ce décalage s’explique en partie par la courte durée des contrats de travail qui pousse les salariés à occuper plusieurs emplois (travail dans un hôtel en début de journée et nettoyage des bureaux le soir par exemple). Or, dans l’enquête sur l’emploi, ce sont les salariés qui sont interrogés. Une partie d’entre eux en pluriactivité se déclareront alors à temps complet. En revanche, l’enquête annuelle d’entreprises de services est fondée sur les déclarations des entreprises qui font état de la durée prévue aux contrats de travail de salariés qui, en réalité, peuvent occuper un emploi supplémentaire dans une autre entreprise et travailler en définitive à temps plein. En outre, les heures complémentaires9 sont nombreuses dans ce secteur, et comme nous le verrons dans l’étude empirique, les travailleurs à temps partiel peuvent être amenés à effectuer un nombre d’heures de travail équivalent à un temps complet. Rien de surprenant dès lors qu’ils se déclarent tels. Si l’évaluation de la part du travail à temps partiel et de la pluriactivité sont ainsi difficiles à établir avec précision, force est de constater que ces salariés sont soumis dans leur grande majorité à des horaires décalés (tôt le matin ou tard le soir, parfois la nuit), ce qui complique singulièrement la gestion de leur vie familiale, notamment pour les femmes surreprésentées dans le secteur. 2.2. Faire le ménage : une affaire de femmes L’activité de nettoyage est majoritairement exercée par des femmes : selon l’enquête sur l’emploi de 2002, 62 % des agents de propreté sont des femmes. Ce secteur est marqué par une division sexuée à la fois du temps, de l’espace et des tâches. Les femmes sont en effet quatre fois plus nombreuses que leurs homologues masculins à travailler à temps partiel (63 % d’entre elles, contre 14 % des hommes). En outre, hommes et femmes n’occupent pas les mêmes espaces : si les lieux extérieurs (jardins...) et, dans une moindre mesure, les parties communes (halls, couloirs...) constituent le domaine des hommes, les femmes sont reléguées dans les espaces privés et « cachés », en tout cas moins visibles : les chambres et les toilettes leur sont réservées. Cette division sexuée des lieux est étroitement liée à la forte partition des tâches et des outils de travail : pour les hommes, le recours aux machines automatisées est fréquent, alors que les tâches les moins qualifiées, les plus répétitives et les 9 Sur simple demande de l’employeur, les travailleurs à temps partiel peuvent être amenés à faire des heures complémentaires dans la double limite du dixième de la durée de leur contrat et de la durée légale du travail. À la différence des heures supplémentaires, les heures complémentaires ne sont pas majorées.
156
I. Puech / Sociologie du travail 46 (2004) 150–167
moins mécanisées sont effectuées par des femmes. Une étude menée auprès d’ouvriers du nettoyage travaillant dans une gare a ainsi montré que seules les femmes étaient assignées au nettoyage des toilettes alors que seuls les hommes portaient les sacs de déchets à l’entrepôt. « Les femmes se retrouvent plus souvent là où les mouvements sont rapides, fins et sans micropause, et les hommes là où il faut déployer un effort plus accentué mais plus ponctuel » (Messing, 1996, p. 49). Le travail des femmes s’insère ici dans le prolongement de leur activité domestique (Bretin, 1997). On retrouve là un élément inhérent au travail des femmes, décrit pour la première fois par Madeleine Guilbert à propos des ouvrières (Guilbert, 1966) : les compétences requises pour travailler dans le nettoyage font appel à des savoir-faire acquis par les femmes dans la sphère domestique, ce qui explique qu’elles ne soient pas reconnues comme des qualifications professionnelles mais plutôt comme des compétences « naturellement » féminines. C’est en partie la raison pour laquelle nombre de problèmes de santé de ces travailleuses (troubles musculo-squelettiques, maladies de la peau liées à l’utilisation des produits d’entretien...) ne sont pas reconnus en tant que maladies professionnelles. Le secteur du nettoyage et de la propreté, nous venons de le voir, est marqué à la fois par une forte division sexuelle des tâches, mais aussi, c’est ce que nous allons étudier à partir de l’enquête empirique menée auprès de salariées de ce secteur, par des inégalités entre les femmes elles-mêmes10. Le temps de travail opère une segmentation entre femmes qui vient renforcer les effets de la sous-traitance. 3. Temps de travail, rapport au travail et rapport à l’emploi 3.1. Sous-traitance et sous-salariat La politique économique du groupe Sourire consiste à tirer ses prix vers le bas, tout en augmentant ses normes de qualité11. Le recours à la sous-traitance permet au groupe de se décharger de la gestion des variations des niveaux d’activité, spécialement forts dans le secteur de l’hôtellerie12. Au sein de la société de sous-traitance, les contrats de travail sont de ce fait établis au plus près des besoins de l’entreprise, c’est-à-dire quasi exclusivement à temps partiel13. Cette division du travail est relativement récente. Dans les années 1960–1970, lors de l’ouverture des premiers hôtels du groupe, les activités de nettoyage étaient assurées par un personnel directement employé par le groupe Sourire. Ce n’est qu’à partir des années 1980 que le recours à la sous-traitance s’est développé. Les salariés des entreprises de nettoyage 10 D’autres études menées auprès de femmes non qualifiées travaillant dans la grande distribution ont montré la construction des clivages entre salariées à temps partiel (Bouffartigue et Pendariès, 1994). 11 Des tests bactériologiques permettent par exemple au groupe Sourire d’effectuer des tests sur les lunettes des toilettes ou les combinés téléphoniques pour vérifier leur propreté. 12 L’étude empirique porte uniquement sur des femmes agents de propreté travaillant dans les hôtels. La logique temporelle varie fortement d’une activité de nettoyage à l’autre. Le nettoyage des bureaux par exemple obéit à une organisation du travail beaucoup moins flexible que celle de l’hôtellerie (le nombre de bureaux à nettoyer n’est pas aussi fluctuant que celui des chambres d’hôtels). En revanche, les horaires de travail y sont plus tardifs. 13 L’ensemble des femmes de chambre travaillent à temps partiel, sauf les gouvernantes, c’est-à-dire les chefs d’équipe. Les hommes ne nettoient pas les chambres et travaillent le plus souvent à temps complet.
I. Puech / Sociologie du travail 46 (2004) 150–167
157
sous-traitantes se sont alors progressivement substitués aux agents d’entretien du donneur d’ordres. Aujourd’hui, le nettoyage des hôtels du groupe est assuré majoritairement par des entreprises de sous-traitance. Coexistent ainsi dans les étages des hôtels, deux catégories de femmes de chambre, dont l’une est employée par le groupe hôtelier Sourire et l’autre par le sous-traitant Clean. La distinction entre ces deux catégories de femmes de chambre qui semblent a priori faire le même travail va plus loin que la couleur de leur blouse. Le « mode d’emploi » (Maruani, 1989), et en particulier le temps de travail, introduit un premier clivage entre les travailleurs. Si l’ensemble des femmes de chambre employées directement par le groupe Sourire travaillent à temps complet (37 heures hebdomadaire et pas d’heures supplémentaires), celles employées par Clean ont été embauchées à temps partiel, sur des durées relativement courtes (environ 20 heures par semaine). L’organisation et la répartition du temps de travail sont particulièrement flexibles pour les salariées sous-traitantes qui « savent toujours quand elles commencent mais jamais quand elles finissent ». Le temps de travail est, pour ces femmes, extensible et complètement non maîtrisable14. Si certaines périodes de haute activité hôtelière sont prévisibles (à Paris, par exemple, les clients sont particulièrement nombreux pendant la période estivale), rien ne permet de prévoir le nombre exact de clients. Alors que les femmes de chambre du groupe Sourire ont un nombre fixe de chambres à nettoyer quel que soit le taux de remplissage de l’hôtel, celles employées par Clean adaptent leurs horaires en fonction du nombre de chambres à faire, qui varie d’un jour sur l’autre. Ces dernières n’ont pas un temps de travail à accomplir mais un nombre de chambres à nettoyer en un laps de temps préalablement fixé par la société Clean (de trois à cinq chambres par heure selon le standing de l’hôtel). Lorsque le taux de remplissage des hôtels est élevé, les cadences de travail peuvent être difficiles à tenir pour les femmes de chambre de Clean qui sont amenées à faire de nombreuses heures complémentaires, ce qui aboutit à un temps de travail dépassant souvent 35 heures hebdomadaires. Le droit du travail est loin d’être toujours respecté et les droits les plus élémentaires souvent bafoués : une femme a dû signer un nouveau contrat de travail lors de son retour de congé maternité et a ainsi perdu toute son ancienneté ; une autre a travaillé 27 jours d’affilée sans aucun jour de repos, la plupart n’ont pas de pause repas et n’ont pas le droit de se désaltérer durant leur travail. Sur le plan salarial, alors que les femmes de chambre du groupe Sourire perçoivent un salaire fixe et un intéressement, c’est le paiement à la tâche qui prévaut pour celles de Clean : pour percevoir l’intégralité de leur salaire, celles-ci doivent nettoyer le nombre de chambres fixé par leur employeur. Lorsque les hôtels sont complets ou fortement occupés, elles sont amenées à nettoyer davantage de chambres et ne sont pas payées pour le temps de travail supplémentaire effectué. Ces heures ne sont pas non plus récupérées. En revanche, lorsque les hôtels ne sont pas suffisamment occupés pour permettre aux femmes de Clean de remplir leur quota de chambres à nettoyer, celles-ci s’attèlent aux travaux plus minutieux qu’elles n’ont pas le temps de faire habituellement (nettoyage des plinthes, des tringles à rideaux...). Mais dans ce cas, le nombre de chambres qu’elles ne peuvent nettoyer du fait de 14 Cet aspect est fréquent dans d’autres secteurs fortement féminisés tels que la grande distribution (Alonzo, 1998 ; Angeloff, 2000) où l’organisation et la répartition du temps de travail des femmes s’inscrivent dans le cadre d’une « disponibilité permanente » à l’égard de l’employeur (Cattanéo, 1997).
158
I. Puech / Sociologie du travail 46 (2004) 150–167
la sous-occupation des hôtels est converti en heures d’absence ce qui se traduit par une réduction substantielle de leur salaire. Elles peuvent ainsi perdre du tiers à la moitié de leur paye, qui dépasse rarement le Smic. Ces femmes de chambre qui ne savent jamais quand elles finissent leur travail, ne savent donc pas non plus quel sera leur salaire à la fin du mois : selon les circonstances, il peut varier du simple au triple, de 275 à 750 Q15. Le temps de travail, son organisation et sa répartition, ainsi que sa rémunération, contribuent dès lors à hiérarchiser les conditions dans lesquelles les salariées exercent leur activité. Les inégalités observées sont criantes mais, d’un point de vue strictement juridique, peut-on réellement parler d’inégalité de traitement, de discrimination ? Car ne l’oublions pas, ces femmes travaillent, dans le cadre de marchés de sous-traitance, pour deux employeurs différents. De prime abord, l’inégalité des règles applicables aux femmes de chambres du groupe Sourire et à celles de la société Clean se justifie par le fait qu’elles ne sont pas soumises à la même convention collective : les premières sont en effet régies par la convention collective des hôtels–cafés–restaurants dont dépend le groupe Sourire, alors que les secondes sont rattachées à celle des entreprises de propreté. Cependant, ces femmes occupent les mêmes fonctions et de fait, « quelle que soit la forme de la relation de travail [...], il existe des droits et obligations inhérents à la réalisation d’un travail qui doivent s’appliquer à tous. [...] La réalisation d’une opération commune, ou encore la coactivité entre entreprises pour la réalisation d’une même fin, peut constituer une situation semblable qui justifie l’application de règles communes » (Morin, 1997, p. 108). Comment ces inégalités sont-elles perçues, comprises et acceptées par des femmes qui font pourtant le même travail ? 3.2. Précarité du travail et maintien dans l’emploi Pour comprendre comment les femmes de chambre de la société de sous-traitance acceptent de telles conditions de travail, il faut s’arrêter sur leur mode d’intégration professionnelle (Paugam, 2000) et plus particulièrement sur leur rapport à l’emploi qui dépend étroitement de leurs itinéraires personnels et familiaux. Arrivées récemment en France, les femmes de chambre de la société Clean sont quasiment toutes d’origine africaine (sénégalaise, malienne ...). Elles n’ont jamais travaillé auparavant. Sans diplôme, ni qualification, sachant à peine parler le français, la plupart d’entre elles étaient illettrées lors de leur embauche par la société Clean et beaucoup le sont encore aujourd’hui. Elles se sont dirigées vers le secteur du nettoyage « par défaut », parce qu’il s’inscrivait dans le prolongement de leur activité traditionnelle exercée au sein de la sphère domestique et parce qu’il y avait une offre d’emploi qui leur était destinée. Dans le secteur du nettoyage, pas besoin de savoir lire le français pour travailler. Reconnaître les chiffres pour identifier le numéro des chambres suffit. Les procédures de recrutement de la société Clean décrites par les salariées sont pour le moins « expéditives » : la plupart d’entre elles se sont présentées spontanément dans les hôtels après avoir entendu dire qu’elles pourraient trouver du travail dans ce secteur. Immédiatement reçues, un balai 15
Tania Angeloff (Angeloff, 1999) a montré qu’il existait une instabilité salariale comparable chez les caissières et les aides à domicile.
I. Puech / Sociologie du travail 46 (2004) 150–167
159
et un chiffon dans les mains, elles ont signé un contrat de travail qu’elles ne savaient pas lire. Parfois même, leur employeur les a aidées à signer. Selon les dires des femmes interviewées, l’incapacité à lire et à comprendre le contrat de travail constitue l’un des principaux critères d’embauche. L’illettrisme constitue dans ce secteur davantage une qualité qu’une tare. Au moment de leur embauche, elles ignoraient tout du droit du travail. Aucune n’a, semble-t-il, posé la moindre question sur ses horaires ou son salaire. C’est la « malléabilité » de personnes qui ne connaissent pas leurs droits qui a favorisé leur insertion dans un secteur où l’identité professionnelle est très faible. On y travaille parce qu’on n’a pas eu le choix. Cet emploi à temps partiel, dénué d’intérêt et de sens, dévalorisant, constitue pour ces femmes un pis-aller. La précarité des conditions de travail est acceptée au nom de l’accès à l’emploi. Changer d’emploi ? Pour faire quoi et à quel prix ? La précarité dans le secteur du nettoyage se construit en amont du travail de nettoyage (Bretin, 1997). Les contraintes familiales sont primordiales pour comprendre leurs stratégies vis-à-vis de l’emploi : outre un nombre d’enfants relativement élevé, elles ont aussi parfois à leur charge certains membres de leur famille en France et dans leur pays d’origine auxquels elles envoient une partie de leur salaire. Lorsque le conjoint est présent, il est aussi touché de plein fouet par la précarité professionnelle (soit il ne travaille pas, soit il travaille mais son statut est tout aussi précaire, dans le même secteur souvent). Le salaire des femmes est ainsi parfois la seule source de revenu de la famille. Il existe de ce fait une étroite corrélation entre le temps de travail, le degré de précarité professionnelle et les caractéristiques socioprofessionnelles des salariés (Bouffartigue et Pendariès, 1994). Avoir un emploi, même à temps partiel, constitue pour les femmes rencontrées une amélioration par rapport à une situation antérieure où elles n’en avaient pas. Elles ont désormais un salaire, des droits sociaux, donc un statut social. Cependant, le nettoyage « ne marque nullement la fin des situations précaires mais plutôt une évolution des formes qu’elles peuvent prendre » (Bretin, 1997, p. 278). Pour ces femmes de chambre, la précarité se définit certes par rapport à leur travail mais aussi par rapport à leur vie familiale. La flexibilité du temps de travail en particulier rend difficile la gestion de leur vie familiale : impossible de partir en vacances avec les enfants pendant l’été car c’est aussi la période de plus forte activité hôtelière, difficile aussi de s’occuper d’eux quand le père est absent et que la mère doit cumuler un emploi dans un hôtel le matin et un autre le soir dans les bureaux. Paradoxalement, pour elles, tout est donc précaire, sauf le statut de leur emploi. Elles travaillent en effet toutes sous contrat à durée indéterminée, certaines depuis déjà une vingtaine d’années pour la société Clean. Mais la peur du licenciement, les intimidations de leur employeur, guettent. Leur intégration, pour reprendre la typologie de Serge Paugam (Paugam, 2000) se définit ainsi comme « laborieuse » c’est-à-dire qu’elle est marquée par un rapport négatif au travail mais positif à l’emploi. On le voit ici, le rapport à l’emploi, au travail et à la vie familiale est essentiel pour comprendre les situations des femmes à temps partiel (Kergoat, 1984). Ce rapport se distingue fondamentalement de celui des femmes travaillant à temps complet pour Sourire : ces dernières sont issues de vagues d’immigration moins récentes pour lesquelles les conditions d’intégration sont relativement plus faciles (portugaises, espagnoles, antillaises...). Plus âgées, souvent libérées de leurs charges familiales, elles ont été embauchées
160
I. Puech / Sociologie du travail 46 (2004) 150–167
lors de l’ouverture des premiers hôtels du groupe, lequel gère sa main-d’œuvre sur un mode plutôt paternaliste. Si elles se sont aussi dirigées vers ce secteur « faute de mieux », elles font « partie intégrante » du groupe et partagent une conscience et une identité collectives. Elles entretiennent un rapport moins négatif à leur travail que les femmes de chambre de Clean. Elles sont ainsi plus proches du modèle de « l’intégration assurée » (rapport positif à leur emploi et à leur travail) (Paugam, 2000). L’analyse des clivages sociaux introduits, d’une part par la flexibilisation de l’organisation et de la répartition du temps de travail et, d’autre part, par sa rétribution, est ainsi révélatrice de rapports particuliers à l’emploi, au travail et à la famille. L’analyse d’un mouvement de grève mené par une partie des femmes de chambre de la société de sous-traitance permet de montrer que le maintien dans l’emploi peut ne pas être suffisant pour accepter ces conditions de travail, qualifiées par la plupart des salariées rencontrées d’esclavagisme moderne. Le temps de travail et sa rémunération canalisent alors toutes les attentes des salariées. Leurs revendications laissent entrevoir un enjeu tout aussi invisible que le sont ces femmes de chambre : la reconnaissance sociale de leur travail et, plus fondamentalement, de leur statut social. 4. Temps de travail et statut social 4.1. Un conflit social d’un nouveau genre Début mars 2002, une trentaine de femmes de chambres de la société Clean se sont mises en grève. Aucun élément précis n’a provoqué le déclenchement du conflit. Mais plus qu’un conflit, le mouvement de cette poignée de femmes constitue une révolte, une sorte de « ras-le-bol » spontané. La grève a débuté dès lors que le sentiment d’injustice, ressenti de plus en plus durement chez une part croissante de femmes, est devenu un sentiment collectif (Eff, 2002). Le temps de travail, son rythme et sa rémunération étaient au cœur de leurs revendications : les grévistes demandaient le passage à temps complet de tous les salariés, la baisse des cadences et l’instauration d’une prime de fin d’année. Malgré les tentatives d’intimidation de leur employeur (coups de téléphone aux maris, propositions de postes à temps complet aux « leaders » du mouvement, licenciement pour fait de grève de huit d’entre elles...), une vingtaine de salariées n’ont pas cédé à la peur de perdre leur emploi et ont continué la grève jusqu’à son terme. Aidées financièrement par le syndicat SUD (Syndicat unitaire démocratique) et parfois par leurs municipalités, certaines ont fait des « extras » pour le groupe Sourire. Placées ainsi « de l’autre côté », celui de leurs collègues statutaires, ces petits boulots de remplacement n’ont fait qu’accroître leur détermination. Soutenu essentiellement par le syndicat SUD et un comité de soutien constitué de membres d’extrême gauche (voir Encadré 2), le conflit de ces femmes de chambre représente un nouveau mode de résistance. Cette grève est atypique dans la mesure où elle est menée par des travailleuses précaires. En principe, la précarité rend difficile la construction d’une identité commune et d’une capacité de résistance collective face à l’employeur. Dans le secteur du nettoyage, cependant, les syndicats sont assez bien implantés et les grèves existaient déjà (la plupart des grévistes étaient syndiquées et certaines d’entre elles
I. Puech / Sociologie du travail 46 (2004) 150–167
161
Encadré 2 Jalons d’une révolte atypique 7 mars 2002 : Une trentaine de femmes de chambres de la société Clean travaillant dans quatre hôtels différents décident de cesser le travail. Neuf d’entre elles sont licenciées pour fait de grève. Mars-avril 2002 : La grève est gérée par le seul syndicat SUD (soutien financier aux grévistes). Mai 2002 : Le comité de soutien aux salariés et précaires en lutte, créé lors de conflits sociaux antérieurs (Mc Donald’s, Virgin, Fnac...), se joint aux grévistes en organisant des actions et des réunions plusieurs fois par semaine jusqu’à la fin du conflit (manifestations dans les hôtels du groupe Sourire et devant le siège social de la société Clean). Pour le comité, constitué de militants d’extrême gauche, la lutte des salariées de Clean a un caractère symbolique : plus que la société de sous-traitance, la cible de leurs actions est la multinationale Sourire. Celle-ci représente la mondialisation qui impose ses lois sociales et exploite des salariés venus du tiers monde afin de maximiser son profit. 7 juin 2002 : La séance de conciliation organisée par le conseil des prud’hommes entre les grévistes et la société Clean échoue. Clean refuse de négocier. 3 juillet 2002 : Le siège de Clean est occupé par les grévistes et le comité de soutien. La société Clean dépose une demande de liquidation des astreintes devant le Tribunal de grande instance pour violation des ordonnances qui interdisent les occupations d’hôtels. 9 juillet 2002 : SUD est reçu par l’Inspection du travail qui s’engage à ouvrir une enquête sur les conditions de travail des salariés de la société Clean. L’employeur propose des entretiens individuels aux grévistes. La première reçue est la représentante des grévistes, Médina. Au nom des autres grévistes, elle demande une prime de fin d’année de 358 Q, la baisse des cadences, le paiement des jours de grève et l’augmentation de la durée de travail à sept heures par jour. Après avoir rencontré les grévistes, Clean propose le paiement d’un mois de salaire pour qu’elles reprennent le travail. Aucune autre proposition n’est faite. 23 juillet 2002 : Nouvelle rencontre entre les grévistes et la société Clean. Le conflit s’enlise. Certaines salariées reprennent progressivement le travail, mais un « noyau dur » poursuit la grève. 26 juillet 2002 : Face au battage médiatique, le groupe Sourire annonce qu’il souhaite réétudier sa politique de sous-traitance et renforcer ses exigences auprès des sous-traitants. 29 juillet 2002 : Médina est reçue par un responsable du groupe. 20 septembre 2002 : Trois syndicats décident d’ester en justice et demandent des dommages et intérêts pour l’illégalité des contrats de travail à temps partiel qui ne mentionnent pas précisément les horaires de travail des salariés. 3 octobre 2002 : La société Clean propose un protocole de fin de grève, rejeté par les grévistes car il ne prévoit pas l’égalisation des conditions de travail des employées par Clean et celles des femmes de chambre employées par le groupe Sourire.
162
I. Puech / Sociologie du travail 46 (2004) 150–167
2 novembre 2002 : Les grévistes rejoignent la manifestation des sans-papiers. Médina prend la parole à Düsseldorf (Allemagne) au Ve Conseil politique des femmes qui rassemble des délégations de 24 pays, soit environ 700 personnes. 4 novembre 2002 : Médina intervient publiquement à la Bourse du travail. 3 décembre 2002 : Signature avec les organisations syndicales du groupe Sourire d’un « protocole sur l’orientation des conditions de recours à des entreprises extérieures de nettoyage » qui prévoit le paiement de toutes les heures travaillées, le respect du droit de contrôle des syndicats et la mise en place d’une formation professionnelle. Aucune disposition n’oblige cependant les sociétés de sous-traitance liées au groupe à respecter ces orientations. Janvier 2003 : Les procédures judiciaires concernant la réintégration des grévistes licenciés, l’illégalité des contrats de travail à temps partiel et la liquidation des astreintes sont reportées afin de ne pas gêner les négociations entamées entre les avocats des parties. Le groupe Sourire reçoit deux personnes du comité de soutien aux grévistes. Il augmente, pour l’année 2003, l’enveloppe financière prévue pour le travail de nettoyage en sous-traitance et édite une charte de sous-traitance visant à améliorer la situation sociale des salariés des entreprises extérieures et à renforcer le contrôle de la sous-traitance. La société Clean propose aux syndicats un « protocole accord d’entreprise » qui comprend une avancée majeure : la baisse des cadences. Le protocole prévoit aussi une « procédure disciplinaire » contre les salariés qui ne respecteraient pas les cadences. Les syndicats CGT, FO, CGC, CFTC signent l’accord mais SUD et la CFDT refusent. 29 janvier 2003 : Après une discussion avec des salariés employés par le groupe Sourire au cours d’une distribution de tracts, le comité de soutien aux grévistes envisage de lier les revendications des travailleurs de la sous-traitance avec celles des salariés employés par Sourire. Ces derniers expriment leur solidarité aux grévistes et évoquent leurs propres problèmes au travail, en particulier l’absence de réduction du temps de travail à 35 heures. 8 février 2003 : Intervention de Médina à Bordeaux, lors de la journée de débats sur la recolonisation et la mondialisation, organisée par le collectif Norbert Zongo et l’association pour la démocratie et le développement en Afrique. 12 février 2002 : Les grévistes demandent au comité de soutien de stopper les actions dans les hôtels. 24 février 2002 : Les grévistes acceptent l’accord préparé par les avocats des deux parties. Cet accord — protégé par une « clause de confidentialité » — n’est pas donné aux grévistes, qui signent un avenant à leur contrat de travail. 4 mars 2003 : La vingtaine de salariées en grève depuis un an reprend le travail.
avaient participé à une grève de deux jours quelques années auparavant). Mais ces conflits n’avaient jamais eu un tel impact médiatique (Coutrot, 2003). L’un des outils privilégiés par ces travailleuses de l’ombre pour faire plier la direction était en effet la médiatisation : rendre visible le conflit afin de ternir « l’image sociale » du groupe censé fabriquer du sourire. Durant les premiers mois du conflit, arguant qu’il n’était pas responsable juridi-
I. Puech / Sociologie du travail 46 (2004) 150–167
163
quement des conditions de travail des salariées de Clean, Sourire est resté sourd face aux appels des grévistes. Pourtant économiquement, en cherchant le plus offrant, le groupe fait baisser les tarifs, donc le salaire des femmes de chambre. Ainsi, c’est bien le groupe donneur d’ordres qui est responsable économiquement des conditions de travail des femmes de chambre employées par la société sous-traitante. Ce n’est qu’au terme d’une médiatisation acharnée que le groupe a revu sa politique de sous-traitance en essayant d’améliorer les conditions de travail des salariés. Au terme d’un an de grève et de multiples actions en justice (voir Encadré 2), le conflit a abouti à un compromis qui donne satisfaction aux grévistes mais qui n’est pas sans créer de nouveaux risques de discrimination comme nous le verrons dans la dernière partie de cet article. 4.2. Le temps de la reconnaissance ? Derrière les revendications « traditionnelles » des grévistes, se cachent des enjeux plus fondamentaux pour elles. Si le temps de travail a représenté un élément central du conflit, l’enjeu qui sous-tend cette grève est d’ordre statutaire. Ce que veulent les salariées de Clean, c’est un statut identique à celui des femmes de chambre du groupe Sourire, l’égalité entre femmes. Car si les salariées de Clean ne connaissaient pas leurs droits au moment de leur embauche, le travail au contact des femmes du groupe Sourire a provoqué une prise de conscience collective qui les a amenées à comprendre que les conditions dans lesquelles elles exerçaient leur activité n’étaient pas les mêmes et que leur statut était différent. Pour les femmes de chambre de la société Clean, demander un changement de leur temps de travail, de leur rémunération ou de leur rythme de travail, c’est aussi revendiquer une rétribution symbolique de leur travail qui est la reconnaissance sociale de celui-ci. Inscrite dans l’histoire de plusieurs luttes (salariés du nettoyage, sans-papiers, immigrés) (Eff, 2002), leur détermination à ne pas abandonner la grève pendant une année est semblable à la détermination qui les pousse à se maintenir dans l’emploi malgré la précarité de leur travail. Car grâce au conflit elles se sont senties reconnues. Elles ont « pris de l’assurance », interviennent pour certaines d’entre elles publiquement (voir Encadré 2 ci-dessus). Leurs revendications ont eu de l’écho et elles ont eu le sentiment d’être enfin visibles, d’exister en tant que salariées. Le statut de leur travail est ainsi reconnu, et plus globalement leur statut social. Leurs revendications se sont établies en référence à la « norme » que représente le personnel statutaire à temps complet, preuve s’il en est que la valeur attribuée à leur travail n’est pas la même. Le temps de travail, et en particulier le temps partiel, concourt ainsi à définir le statut social des salariés (Maruani et Michon, 1998 ; Angeloff, 2000). Travailler à temps partiel, c’est avoir un travail qui a une valeur moindre qu’un travail à temps complet. C’est d’autant plus vrai que le travail de nettoyage est dénigré et donne peu de moyens aux salariés de se valoriser individuellement. Dans cet univers du déni du travail, de la qualification, et des savoir-faire (Eff, 2002), le travail à temps partiel contribue, pour ces femmes, à accentuer la négation de leur statut professionnel et de leur statut social. Après un an de conflit, les salariées grévistes se disent satisfaites : elles n’ont pas obtenu leur passage à temps complet mais une augmentation dans leurs contrats de leur temps de travail (qui passe à 130 heures mensuelles), une baisse des cadences et la réintégration des salariées licenciées. Surtout certaines d’entre elles ont insisté au cours des entretiens sur la
164
I. Puech / Sociologie du travail 46 (2004) 150–167
reconnaissance qu’elles ont gagnée. Désormais, leur employeur « ne les regarde plus de la même façon », il les « respecte ». Cette reconnaissance pèse un poids considérable dans la satisfaction de ces femmes de chambre qui tirent une certaine fierté d’avoir mené ce combat jusqu’au bout. La dizaine de salariées qui ont repris le travail avant la fin du conflit, par peur d’être licenciées, par nécessité financière ou par découragement, sont considérées comme celles qui n’ont « pas eu le courage de tenir ». De ce fait, elles « n’ont plus le droit de se plaindre ». Pourtant, les raisons ne manquent pas : selon les salariées interrogées, l’accord de fin de grève ne s’applique en effet qu’aux grévistes16. Les cadences infernales et le « temps de travail à rallonge » semblent demeurer le quotidien de toutes celles qui n’ont pas osé se révolter et de celles qui ont été plus récemment embauchées. L’amélioration des conditions de travail et d’emploi ne concernerait finalement qu’une minorité de femmes qui refusent désormais toute heure de travail complémentaire. Le conflit tend ainsi à accroître l’individualisation des relations salariales dans l’entreprise et crée, à travail égal, de nouveaux clivages entre les femmes. 5. Conclusion. Sous-traitance à temps partiel : le cumul des précarités De nombreux travaux ont montré que le travail à temps partiel constitue un vecteur majeur d’inégalités entre les sexes. Celles-ci peuvent s’expliquer par la ségrégation entre les emplois masculins et féminins : les femmes travaillent à temps partiel parce que cette forme d’emploi s’est développée dans des secteurs féminisés. Les différences de sexe sont alors attribuées au fait qu’hommes et femmes n’occupent pas les mêmes emplois. Notre enquête empirique va plus loin : elle met en lumière des inégalités, des disparités et des clivages, entre les femmes elles-mêmes et, plus encore, entre des femmes qui font un même travail. Ce qui est fondamental ici, c’est que le temps de travail fige et amplifie un autre processus de dérégulation et de précarisation du travail et de l’emploi : la sous-traitance. Temps partiel et sous-traitance poursuivent en effet un même but : la flexibilité, l’adaptation au plus près du marché via la rationalisation du travail et la compression des coûts de production. Helena Hirata a montré au cours d’une étude antérieure menée dans l’industrie japonaise comment la sous-traitance peut aggraver les inégalités entre les sexes : les entreprises donneuses d’ordres emploient des hommes, alors que les sous-traitants embauchent des femmes. En outre, le temps de travail vient renforcer ce clivage : les premiers travaillent en effet à temps complet, bénéficient d’un « emploi à vie » et d’un salaire élevé, alors que les secondes ont été embauchées à temps partiel, sans contrat de travail écrit, pour un salaire faible et sans reconnaissance de leur employeur (Hirata, 1997). Certes une partition aussi nette du travail et des emplois selon le sexe n’existe pas en France, mais dans le cas étudié, de la même façon qu’au Japon, le temps partiel imprime et 16 Ni les grévistes, ni les représentants syndicaux n’ont pu se procurer l’accord de fin de grève. Il peut s’agir soit d’un accord informel qui n’engage unilatéralement que l’employeur, soit d’un accord collectif négocié par les partenaires sociaux. Dans tous les cas de figure, c’est un accord de portée générale qui concerne les conditions de travail et du point de vue du droit, un employeur ne peut accorder des avantages à certains salariés et non à d’autres.
I. Puech / Sociologie du travail 46 (2004) 150–167
165
confirme les différenciations entre salariés produites par la sous-traitance. Il les rend tangibles et aggrave, à travail égal, les inégalités entre les travailleurs stables à temps complet et les salariés sous-traités à temps partiel. Ceux-ci — majoritairement des femmes — sont dès lors doublement touchés par la dérégulation et la précarisation salariale. Une partie des travailleurs est ainsi ramenée vers le « louage de service » du XVIIIe siècle (Coutrot, 2003). Mais nous l’avons vu, ceci n’entache pas la détermination d’un pan de ce salariat à se maintenir dans l’emploi malgré tout. Preuve s’il en est que le travail et l’emploi demeurent au cœur de l’intégration sociale (Castel, 1995).
Annexe 1 Organisation et répartition du temps de travail des travailleurs à temps partiel. En % Ne veut pas travailler plus longtemps Horaires connus dans le mois à venir Travaille le même nombre de jours par semaine Répartition hebdomadaire des horaires de travail : Travaille sur 4 jours Repos de 48 heures consécutives Horaires atypiques : Ne travaille jamais la nuit Ne travaille jamais le samedi Travaille habituellement le samedi Ne travaille jamais le dimanche Travaille habituellement le dimanche
Salariés à temps partiel Veut travailler plus Ensemble des salariés à longtemps temps partiel
81
70
77
84
79
82
29 80
13 76
22 79
94 57 23 81
92 52 27 77
93 55 25 79
6
7
6
Source : enquête « Conditions de travail », Dares, 1998.
Annexe 2 Caractéristiques socioprofessionnelles des salariés à temps partiel. En % Ne veut pas travailler plus longtemps ˆ ge : A Moins de 40 ans Entre 40 et 50 ans Plus de 50 ans
48 28 24
Salariés à temps partiel Veut travailler plus Ensemble des salariés à longtemps temps partiel 62 25 13
53 27 20
166
I. Puech / Sociologie du travail 46 (2004) 150–167
Ne veut pas travailler plus longtemps Nombre d’enfants : 1 enfant 2 enfants 3 enfants ou plus ˆ ge des enfants : A Moins de 6 ans De 6 à 17 ans Pas d’enfant de moins de 18 ans Diplôme : Aucun diplôme ou CEP BEPC seul CAP BEP Bac ou Brevet professionnel Supérieur au Bac Profession : Cadres Profession intermédiaire Employés Ouvriers Précarité du statut (CDD, intérim, stages, contrats aidés...) Ancienneté supérieure à 10 ans Durée hebdomadaire du travail : Plus de 30 heures De 15 à 29 heures Moins de 15 heures
Salariés à temps partiel Veut travailler plus Ensemble des salariés à longtemps temps partiel
22 25 9
22 16 7
22 21 8
23 33 44
15 30 55
20 32 49
29 8 27 14 22
35 8 30 13 14
32 8 28 14 18
8 19 60 13
4 12 61 23
6 16 61 17
10
32
19
40
9
27
38 53 9
21 67 12
31 59 10
Source : Enquête « Conditions de travail », Dares, 1998. Références Alonzo, P., 1998. Les rapports au travail et à l’emploi des caissières de la grande distribution. Travail et emploi 76, 37–51. Alonzo, P., 2000. Femmes et salariat. L’inégalité dans l’indifférence. L’Harmattan, Paris. Angeloff, T., 1999. Des miettes d’emploi : temps partiel et pauvreté. Travail, genre et sociétés 1, 43–70. Angeloff, T., 2000. Le temps partiel : un marché de dupes ? Syros, Paris. Anxo, D., Boulin, J.Y., Lallement, M., Lefevre, G., Silvera, R., 1998. Recomposition du temps de travail, rythmes sociaux et modes de vie. Travail et emploi 74, 5–20. Bernstein, D., 1985. The Subcontracting of Cleaning Work: a Case in the Casualisation of Labour. The Sociological Review 34 (2), 422. Bouffartigue, P., Pendariès, J.R., 1994. Formes particulières d’emploi et gestion d’une main-d’œuvre féminine peu qualifiée : le cas des caissières d’un hypermarché. Sociologie du travail 36 (3), 337–360. Boulin, J.Y., 1992. Les politiques du temps de travail en France : la perte du sens. Futuribles, 41–62. Boulin, J.Y., Cette, G., Taddéi, D., 1992. Le temps de travail : une mutation majeure. Futuribles, 7–17. Bretin, H., 1997. Hommes et femmes en service précaire. Le nettoyage industriel. In: Appay, B., Thébaud-Mony, A. (Eds.), Précarisation sociale, travail et santé. Iresco–CNRS, Paris, pp. 269–283.
I. Puech / Sociologie du travail 46 (2004) 150–167
167
Bué, J., 2002. Temps partiels des femmes : entre « choix » et contraintes. Premières synthèses, Dares. Castel, R., 1995. Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat. Fayard, Paris. Cattanéo, N., 1997. Le travail à temps partiel entre rêve et cauchemar. Les cahiers du Mage 2, 71–80. Coutrot, T., 2003. Travailleurs précaires, unissez-vous ! Milles et une nuits. Attac, Paris. Doeringer, P., Piore, M., 1971. Internal Labor Market and Manpower Analysis. Heath Lexington Books, Lexington. Eff, C., 2002. Journal d’une femme de chambre. La lutte improbable des salariées d’Arcade. Vacarme 22, 60–66. Freyssenet, M., 1981. L’intérêt porté à la précarisation de l’emploi ne va pas de soi. Critique de l’économie politique 15–16, 92–98. Galtier, B., 1999. Les temps partiels : entre emplois choisis et emplois « faute de mieux ». Économie et statistique 321–322 (1–2), 57–77. Gauvin, A., Silvera, R., 1998. Le temps des femmes. Anciennes et nouvelles flexibilités. In: Michon, F. (Ed.), L’économie, une science pour l’homme et la société. Mélanges en l’honneur d’Henri Bartoli. Publications de la Sorbonne, Paris, pp. 399–420. Gauvin, A., Jacot, H., 1999. Temps de travail, temps sociaux, pour une approche globale. Liaisons sociales, Paris. Gazier, B., 1992. Économie du travail et de l’emploi. Dalloz, Paris (2e édition). Germe, J.F., 1981. Instabilité, précarité et transformations de l’emploi. Critique de l’économie politique 15–16, 53–98. Guilbert, M., 1966. Les fonctions des femmes dans l’industrie. Mouton, La Haye. Hirata, H., 1997. Crise économique, sous-traitance et division sexuelle du travail. Réflexions à partir du cas japonais. In: Appay, B., Thébaud-Mony, A. (Eds.), Précarisation sociale, travail et santé. Iresco–CNRS, Paris, pp. 379–392. Husson, M., 1998. Le temps de travail. In: Kergoat, J., Boutet, J., Jacot, H., Linhart, D. (Eds.), Le monde du travail. La Découverte, Paris, pp. 180–188. Jenson, J., 1995. Le travail à temps partiel pour les femmes : choix de qui, solution à quoi ? In: Ephesia (Ed.), La place des femmes. Les enjeux de l’identité et de l’égalité au regard des sciences sociales. La Découverte, Paris, pp. 539–545. Kergoat, D., 1984. Les femmes et le travail à temps partiel : une relation complexe et multiforme au temps travaillé. Travail et emploi 21, 7–21. Lallement, M., 2003. Temps, travail et modes de vie. Puf, Paris. Maruani, M., 1989. Statut social et modes d’emploi. Revue française de sociologie 30 (1), 31–39. Maruani, M., Nicole, C., 1989. Au labeur des dames. Métiers masculins, emplois féminins. Syros–Alternatives, Paris. Maruani, M., Michon, F., 1998. Les normes de la dérégulation : questions sur le travail à temps partiel. Économies et sociétés 20, 125–164. Maruani, M., Reynaud, E., 2001. Sociologie de l’emploi. La Découverte, Paris (3e édition). Maurin, E., 1993. Le travail à temps partiel. L’emploi des femmes. La Documentation française, Paris. Messing, K., 1996. Le genre des « opérateurs » : un paramètre pertinent pour l’analyse ergonomique ? Les cahiers du Mage 4, 45–60. Michon, F., Ramaux, C., 1992. CDD et intérim : bilan d’une décennie. Travail et emploi 52, 37–56. Morin, M.L., 1997. Sous-traitance et égalité de traitement. In: Appay, B., Thébaud-Mony, A. (Eds.), Précarisation sociale, travail et santé. Iresco–CNRS, Paris, pp. 97–109. Morin, M.L., Terssac, G. (de), Thoemmes, J., 1998. La négociation du temps de travail : l’emploi en jeu. Sociologie du travail 40 (2), 191–207. Paugam, S., 2000. Le salarié de la précarité. Puf, Paris. Pialoux, M., 1979. Jeunesse sans avenir et travail intérimaire. Actes de la recherche en sciences sociales 26–27, 19–47. Silvera, R., 1998. Les femmes et la diversification du temps de travail : nouveaux enjeux, nouveaux risques. Revue française des affaires sociales 3, 71–88. Soriano, G., 2003. Mc Donald’s, Fnac, Virgin, Eurodisney, Arcade etc. Une expérience parisienne un peu particulière : le collectif de solidarité. Les temps maudits 15, 35–63. Terssac, G. (de), Tremblay, D.G., 2000. Où va le temps de travail ? Octarès, Toulouse. Thélot, C., 1986. Le sous-emploi a doublé en quatre ans. Économie et statistique 192–193, 37–42.