Les maladies rares au Liban: difficultés diagnostiques et thérapeutiques

Les maladies rares au Liban: difficultés diagnostiques et thérapeutiques

Table ronde Maladies rares autour de la Méditerranée (APLF) Les maladies rares au Liban : difficultés diagnostiques et thérapeutiques H. Mansour Ped...

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Table ronde

Maladies rares autour de la Méditerranée (APLF)

Les maladies rares au Liban : difficultés diagnostiques et thérapeutiques H. Mansour Pediatric Neurometabolic Unit, Saint George University Medical Center, Beyrouth, Liban

A

vec une population ne dépassant pas les 4 800 000 d’habitants, regroupés en 18 communautés différentes avec des mariages en majorité intercommunautaires, le Liban se retrouve avec un taux de consanguinité assez élevé, pouvant parfois atteindre 70 % chez les parents de patients atteints de certaines maladies rares. Des maladies « rares » qui s’avèrent de plus en plus fréquentes avec la facilité d’accès aux outils diagnostiques, mais des outils diagnostiques assez coûteux et nécessitant un personnel médical spécialisé. Face à cette réalité, surtout dans un pays où la médecine est majoritairement privée, le diagnostic et la prise en charge des maladies rares se trouvent confrontés à des barrières financières importantes, majorées par le fait que les médecins spécialistes (11 neuropédiatres, 2 métaboliciens et 2 généticiens) sont centrés à Beyrouth. Malgré les premiers essais cliniques et statistiques dans les années 1980  [1,2], l’estimation de la fréquence des maladies rares au Liban reste impossible en l’absence d’un registre national. Depuis, les quelques rares publications discutant ce sujet reposent sur les statistiques de centres médicaux privés à Beyrouth, auxquels seulement les patients appartenant à un certain niveau social et économique peuvent avoir accès. Ceci laisse dans l’obscurité une tranche large de patients distribués en dehors de la capitale, n’ayant pas accès à un avis médical spécialisé et à un diagnostic clair. Une solution à cette difficulté d’accès aux soins, était d’offrir la possibilité de consultations médicales spécialisées en dehors de la capitale. Les neuropédiatres de l’unité de Maladies neuro-métaboliques pédiatriques au CHU Saint George offrent actuellement, en plus du travail à Beyrouth, des consultations spécialisées couvrant tout le territoire Libanais en collaborant avec des associations non gouvernementales. La figure  1 résume les 394 nouveaux patients atteints de maladies neurométaboliques diagnostiqués et suivis par notre unité entre Janvier  2010 et Janvier  2015. Parmi les 39 nouveaux cas de phénylcétonurie, 82 % ont été diagnostiqués par le dépistage néonatal et 18 % en consultation régulière après l’âge de 1 an. Pour les aciduries organiques on retrouve une concentration de patients dans des régions spécifiques du sud et de la Bekaa avec différentes formes d’aciduries organiques au sein de la même famille. Nous avons aussi retrouvé une abondance de maladies mitochondriales avec 156 nouveaux cas, une abondance également retrouvée dans plusieurs études faites sur les patients Libanais en diaspora [3]. Le fait de trouver des patients porteurs de deux maladies rares simultanément n’était pas exceptionnel. Correspondance : [email protected]

Pour les procédures diagnostiques, les bilans radiologiques de base ainsi que les IRM et la spectroscopie sont accessibles à la majorité des patients, ainsi que les bilans biochimiques de base. Le dépistage néonatal pour les maladies métaboliques couvre actuellement 70 % des nouveau-nés (3 laboratoires locaux) et il est parfois utilisé pour le suivi clinique des patients sous régimes spécifiques faute du prix élevé des chromatographies. Pour les bilans biochimiques plus avancés, nous avons recours à des laboratoires européens. Moins de 50 % des patients arrivent à couvrir les frais de ces examens spécifiques, et moins de 10 % pour les examens génétiques. La prise en charge thérapeutique est un défi pour les patients : le ministère de la Santé offre une prise en charge à 80 % environ pour les maladies métaboliques à régime, avec une disponibilité variable des formules d’acides aminés spécifiques. Pour les médicaments orphelins, les prix élevés posent toujours un problème majeur. Chaque patient nécessite l’accord direct du ministre pour une durée limitée et renouvelable de traitement. Depuis 2 ans, 14 patients au Liban ont reçu un traitement par enzymothérapie : le Ministère de la santé couvre complètement les frais du traitement pour 6 patients (3 MPS 1 et 3 maladies de Pompe, dont 5 suivis dans notre centre), l’enzymothérapie de 8 patients atteints de maladie de Gaucher (2 enfants, 6 adultes) est prise en charge par d’autres organismes gouvernementaux payants. La prise en charge d’accompagnement en physiothérapie, orthophonie et ergothérapie est assurée par des associations attachées au Ministère de la santé et par le secteur privé comme le SESOBEL et la « Lebanese Welfare Association for the handicapped ». La carte du polyhandicap (loi 220/2000) offre une couverture partielle des frais et des équipements. Nos projets actuels se basent sur la création de réseaux de professionnels qui couvrent le territoire libanais, à essayer de créer des associations de parents pour apporter le soutien nécessaire aux familles des patients, et aider à trouver des solutions financières dans les limites possibles.

Références [1] Der Kaloustian VM, Khoury MJ, Hallal R, et al. Sandhoff disease: a prevalent form of infantile GM2 gangliosidosis in Lebanon. Am J Hum Genet 1981;33:85-9. [2] Alexander DR. The study of inborn errors of metabolism in Lebanon. J Med Liban. 1986;36:54-61. [3] Lim SC, Smith KR, Stroud DA, et al. A founder mutation in PET100 causes isolated complex IV deficiency in Lebanese individuals with Leigh syndrome. Am J Hum Genet 2014;94:209-22.

1 © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2015;22(HS2):1-2

H. Mansour

Archives de Pédiatrie 2015;22(HS2):1-2

MPS I Maladies Peroxisomales Tyrosinemie II Glycogénoses

Tyrosinémie I Maladie de pompe Némaline Rod

12 39 156

Mitochondrial diseases

8

MSUD Acidurie Glutarique type I GM2 Phénylcétonurie

7 7 7 7 8

Acidémie propionique Duchenne Déficit en carnitine Leukodystrophie métachromatique

5 5 5 6 6 6 6 7

Homocystinurie

180

X Fragile Alkaptonurie

4 4 4 5

Central Core

160

MMA MCAD MPS II Becker

140

Déficit en CoE Q10 CDG

3 4 4 4 4 4

MPS III CPT II Gaucher

120

Galactosémie Déficit en Butyryl CoA Déficit en Béta Ketholiolase

3 3 3 3 3 3 3

Acidurie Isovalérique Troubles du cycle de l’urée

100

haller VordenSpatz 3-methyl-crotonyl-glycinurie

80

ALD Déficit en Créatine

3 3 3 3 3

MLC1 Acidurie Ethylmalonique

60

LMGD2A

4 2 2

CMT SMA

2 2 2 2

Niemann-Pick A Déficit en Lamine A/C néonatal

1 1 1 2

SCHAD VLCAD

40

20

0 Maladie d’Austin Maladie de Canavan Acidurie Glutaconique

Figure 1. Nouveaux patients diagnostiqués et suivis par l’Unité des maladies neuro-métaboliques pédiatriques du CHU Saint George entre janvier 2010 et janvier 2015.

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