Maltraitance à enfants

Maltraitance à enfants

Le Praticien en anesthésie réanimation (2011) 15, 110—118 MISE AU POINT Maltraitance à enfants Children maltreatment Nicolas Franchitto a,∗, Ludivin...

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Le Praticien en anesthésie réanimation (2011) 15, 110—118

MISE AU POINT

Maltraitance à enfants Children maltreatment Nicolas Franchitto a,∗, Ludivine Guerin-Franchitto b a

Service de médecine légale, CHU Rangueil, 1, avenue Jean-Poulhès, TSA 50032, 31059 Toulouse cedex 9, France b Service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, hôpital La Grave, CHU de Toulouse, TSA 60033, 31059 Toulouse cedex 9, France Disponible sur Internet le 4 mai 2011

MOTS CLÉS Maltraitance ; Signalement ; Protection de l’enfant ; Examen clinique ; Abus sexuel

KEYWORDS Maltreatment; Legal notification; Child abuse; Judiciary process; Clinical examination



Résumé La maltraitance à enfants comporte les violences physiques, psychologiques, les abus sexuels, les négligences. Les publications sur ce sujet sont abondantes, que ce soit par les pédiatres, les psychiatres, les médecins légistes, les radiologues, les médecins généralistes, les dermatologues, ce qui témoigne de la transversalité du sujet et de l’indication d’une prise en charge pluridisciplinaire. Les auteurs discutent le rôle du médecin dans le dépistage de la maltraitance à enfants, l’orientation diagnostique et le diagnostic différentiel souvent difficile, les particularités de l’examen clinique et les implications médicojudiciaires du signalement, dans un but de soin et de protection de l’enfant. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Children maltreatment includes physical and psychological violence, sexual abuse and neglect. Numerous publications are listed on this topic from pediatricians, psychiatrists, specialists in legal medicine, radiologists, general practitioners and dermatologists, showing that the topic is cross-sectional and that management must be multidisciplinary. The physician plays an important role in the diagnosis of child maltreatment. We highlight points to be looked for during clinical examination and the judiciary implications of reporting child abuse, with the aim of protecting the child. © 2011 Elsevier Masson SAS. Published by Elsevier Masson SAS

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (N. Franchitto).

1279-7960/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.pratan.2011.01.003

Maltraitance à enfants

Introduction Tous les professionnels de santé, quelle que soit leur spécialité, peuvent rencontrer des situations de maltraitance à enfants. En 2006, 13 496 cas de mauvais traitements ont été recensés sur des mineurs de moins de 15 ans par les services de police et de gendarmerie [1]. Les enfants peuvent être victimes de différents types de sévices, qu’ils soient simultanés ou successifs et l’auteur en est le plus souvent un parent. Il est important d’évoquer le diagnostic, de différencier les causes accidentelles des violences intentionnelles, de distinguer les enfants en danger et les enfants victimes de maltraitance. Toute la difficulté réside dans la subjectivité du diagnostic et dans le choix des moyens à mettre en œuvre pour protéger l’enfant. L’enjeu est majeur car le risque est vital d’autant plus qu’il est jeune.

Les violences intentionnelles entraînant la mort sont largement sous-estimées par les médecins. C’est pourtant avant l’âge d’un an que le taux d’homicide est le plus élevé de tous les âges de la vie [2], et le décès par homicide pourrait être la première cause de mortalité infantile avant un an. Cependant, malgré les risques de séquelles et de récidive et leur caractère choquant, les situations de maltraitance à enfants doivent être réfléchies en équipe multidisciplinaire et abordées avec calme et rigueur, avant toute annonce diagnostique aux parents et toute décision de signalement aux autorités administratives et judiciaires. Le risque d’une décision précipitée chez les professionnels (erreur diagnostique, signalement abusif ou au contraire pas assez argumenté) est important dans ces situations, et doit être évité car il peut être antithérapeutique, voire préjudiciable et aggravant pour l’enfant et/ou sa famille.

Définitions Il est important de rappeler les trois définitions de la maltraitance : • l’enfant en danger : qui regroupe l’ensemble des enfants maltraités et des enfants à risque ; • l’enfant maltraité : est l’enfant victime de sévices, tel qu’il est défini par l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée (Odas) : « celui qui est victime de violences physiques, de cruauté mentale, d’abus sexuels et/ou de négligences lourdes ayant des conséquences graves sur son développement physique et psychologique » ; • l’enfant à risque : est l’enfant qui connaît des conditions d’existence risquant de mettre en danger sa santé, sa sécurité, sa moralité, son éducation, ou son entretien mais qui ne subit pas à proprement parler de sévices.

Violences physiques Elles constituent la forme la plus connue de la maltraitance et peuvent être la source de séquelles et conduire au décès. C’est la violence « qui se voit ». Le diag-

111 Tableau 1

Évolution colorimétrique selon la biligenèse.

Âge

Description

0 à 2 jours 0 à 5 jours 5 à 10 jours 10 à 15 jours Au-delà

Œdème Bleu violacé Jaune, vert Marron Tend vers la disparition

Tableau 2 Orientation diagnostique selon la localisation des hématomes ou des ecchymoses. Accident

Volontaires

Visage (reliefs saillants) Nez Orbite Coudes Mains Face antérieure des jambes

Fesses Périnée Joues Cuisses Thorax Cou

nostic s’appuie sur l’existence de lésions cutanées mais aussi muqueuses qu’il faut penser à rechercher. Elles nécessitent, pour l’orientation diagnostique, un examen clinique complet au calme, après avoir mis l’enfant en confiance.

Hématomes et ecchymoses L’examen cutané de l’enfant, complètement dévêtu, est déjà informatif. Les ecchymoses sont des taches rouges, livides, noires, brunes ou jaunâtres qui sont provoquées par l’infiltration du tissu sous-cutané par du sang. Les hématomes sont définis par un épanchement de sang dans une cavité néo-formée. Le mécanisme de production peut être accidentel ou volontaire. La datation des lésions selon l’évolution colorimétrique permet de confronter la date du traumatisme aux allégations de l’entourage (Tableau 1). Les hématomes et les ecchymoses d’âge différent, c’est-à-dire de couleurs différentes répartis sur la peau, orienteraient vers une maltraitance physique plutôt que vers un mécanisme accidentel. Il faut néanmoins tenir compte de l’âge de l’enfant et de l’importante variabilité qui peut exister en fonction de la force de production de l’impact initial : la coloration se modifie dans le temps d’autant plus vite que l’enfant est jeune. Certaines notions sont spécifiques du jeune enfant. De fac ¸on naturelle il tend à « faire face au milieu extérieur », c’est-à-dire à se projeter en avant. C’est pourquoi, les lésions accidentelles sont plus fréquemment localisées sur la partie antérieure du tronc, sur les zones proéminentes, donc sur les reliefs. Seront suspectes des lésions ecchymotiques postérieures, sur les lombes et sur les fesses (Tableau 2). Les lésions de la face postérieure des avant-bras sont plutôt associées à des lésions de défense dans une attitude de protection quand l’enfant grandit. La forme de l’hématome peut être évocatrice du mécanisme de production. Des hématomes en boucles de ceinture, de poing, avec un objet contondant (bâton, manche de balai) sont retrouvés (Fig. 1).

112

N. Franchitto, L. Guerin-Franchitto incisivaire est supérieur à 3 cm chez l’adulte, ce qui peut les différencier d’une morsure d’enfant [4]. Des photographies de la morsure sont informatives et pourront permettre par des méthodes de moulage de réaliser une empreinte des arcades dentaires de l’auteur.

Examen des phanères

Figure 1. forme.

Traumatisme par objet contondant et hématomes en

La difficulté dans les lésions des phanères repose sur le nombre important de diagnostics différentiels qui peuvent indiquer un avis spécialisé dermatologique. L’arrachement des ongles, surtout dans leur partie proximale, est suspect d’acte volontaire [5]. L’alopécie se rencontre à la fois dans les maltraitances mais aussi dans les ectoparasitoses (teigne, pelade). Un autre diagnostic différentiel particulier est la trichotillomanie. Il s’agit d’un enfant qui s’automutile : la perte des cheveux est plutôt temporo-pariétale et à droite chez le droitier. L’examen du cuir chevelu ne retrouve pas d’hématomes ou d’ecchymoses [6].

Lésions intrabuccales

Figure 2. Brûlure par immersion dans l’eau chaude. Noter les limites régulières entre la peau lésée et la peau saine.

Brûlures Elles représentent 10 % des mécanismes de production de la maltraitance physique. Il faut distinguer les brûlures de contact par un objet chaud et brûlant (les brûlures de cigarettes ou de fer à repasser), et les plus fréquentes (jusqu’à 80 %) les brûlures par projection d’eau bouillante. De fac ¸on superposable aux hématomes et ecchymoses, la localisation des brûlures peut orienter le diagnostic. Les brûlures accidentelles présentent des limites floues et sont moins profondes, en raison du réflexe de retrait de l’enfant lors du contact avec l’objet chaud. Au contraire, les brûlures dont les limites entre la peau brûlée et la peau saine sont nettes sont rarement accidentelles (Fig. 2). Ces brûlures sont aussi plus profondes. Il faut être attentif, lors de l’examen clinique, à la localisation de la brûlure, qui peut faire varier la profondeur en fonction de la finesse de la peau, d’autant plus que l’enfant est jeune, et réaliser un examen descriptif complet, au mieux avec la prise de photographies, qui permettront une appréciation plus juste des séquelles esthétiques lors de la procédure [3].

La connaissance des stades de développement de l’enfant est nécessaire. L’éruption dentaire lactéale est achevée entre trois et six ans, les dents ne sont pas mobiles. Donc, avant six ans, les dents sont solidement implantées dans la gencive. Elles retrouvent une mobilité entre six et 12 ans pour faire place à la dentition définitive. L’examen buccodentaire fait partie intégrante de l’examen médical dans les suspicions de maltraitance. L’examen de la muqueuse des lèvres peut révéler des hématomes par contact avec les dents sous-jacentes et sont le signe d’un traumatisme direct. En fonction de la violence du coup, on peut noter une plaie avec saignement, causée par l’empreinte des dents. Le frein labial lorsqu’il est rompu, surtout avant l’âge d’acquisition de la marche, est fortement suspect de maltraitance.

Pratiques culturelles La maltraitance physique peut être confondue avec des lésions du revêtement cutané secondaires à des pratiques culturelles [5]. Les plus fréquemment rencontrées sont les saignées par ventouse (cupping), le coining (frottement avec une pièce de monnaie), les piqûres avec un cône d’herbes en feu (moxibustion).

Diagnostic différentiel des dermatoses autonomes Des diagnostics différentiels de dermatose autonome ne doivent pas être confondus avec des lésions de sévices et peuvent indiquer des avis spécialisés pour affirmer le diagnostic (Tableau 3).

Morsures

Traumatismes osseux

Toute trace de morsure reste suspecte et doit être décrite. Par opposition aux morsures animales qui sont plus profondes, les morsures humaines sont plus superficielles et les canines laissent les traces les plus distinctes. L’écart inter-

Les indications des clichés radiologiques du squelette corps entier (holosquelette) sont larges, surtout avant deux ans. Les facteurs d’orientation vers une maltraitance sont des lésions osseuses d’âge différent, un cal hypertrophique, des

Maltraitance à enfants Tableau 3 Principales différentiel.

113 dermatoses :

diagnostic

Pathologies systémiques de localisation cutanée

Dermatoses autonomes

Purpura thrombopénique Purpura des vascularites

Dermatoses bulleuses Angiomes plans et tubéreux Tâches mongoloïdes Pratiques culturelles Œdème aigu hémorragique du nourrisson

Purpuras mécaniques Pathologies de la coagulation Pathologies du tissu élastique

arrachements métaphysaires (fracture épiphysométaphysaires) et des appositions périostées en cas de traumatismes récidivants [7]. Les fractures diaphysaires sont rarement accidentelles chez l’enfant de moins d’un an, surtout celles des os longs (humérus, fémur, tibia). Ces fractures liées à la maltraitance sont ensuite moins fréquentes avec la croissance de l’enfant et sont remplacées par des fractures de l’avant-bras, le plus souvent dans un mouvement de défense. Un point important lors de la prescription de radiographie chez l’enfant est de ne pas omettre la réalisation de clichés de l’articulation sus- et sous-jacente. La scintigraphie osseuse est complémentaire du bilan radiologique standard. La sensibilité de cet examen est faible avant l’âge de deux ans, et elle augmente avec l’âge de l’enfant surtout après cinq ans. Les régions métaphysaires fixent le traceur en raison des cartilages de croissance et faussent l’analyse. La scintigraphie reste indiquée si l’enfant est asymptomatique et la suspicion de maltraitance est importante.

Traumatismes thoraco-abdominaux Ils représentent 1 à 2 % des lésions par sévices, sont plus rares mais d’évolution insidieuse et peuvent se manifester cliniquement par un syndrome abdominal aigu à distance du traumatisme, faisant errer le diagnostic. L’imagerie permet de redresser le diagnostic. Les fractures de côtes de l’enfant sont rarement accidentelles du fait d’une compliance thoracique élevée.

Traumatismes crâniens Fractures du crâne Dans les tableaux cliniques aigus, les traumatismes crâniens se présentent sous la forme d’un coma initial. Chez les enfants victimes de violences chroniques, l’évolution est plus insidieuse, des troubles neurologiques (convulsions, signes d’hypertension intracrânienne, troubles de l’équilibre), des troubles du comportement ou des troubles alimentaires à type d’anorexie ou de vomissements peuvent être l’unique traduction clinique. Il ne faut pas hésiter à consulter le carnet de santé de l’enfant et notamment les courbes de croissance du périmètre crânien.

Syndrome des « bébés secoués » Le diagnostic est difficile et serait souvent confondu avec celui de mort subite inexpliquée du nourrisson [2]. Le

Tableau 4 Arguments maltraitance.

d’orientation

vers

une

Sémiologie des lésions cutanéomuqueuses Âge différent des lésions selon la biligenèse Délai entre la consultation et l’allégation des faits Différence entre les explications des parents et le mécanisme de production des lésions Comportement de l’enfant et ses dires

mécanisme physiopathologique des lésions intracérébrales est secondaire à un mouvement de rotation et d’accélération-décélération de la tête expliquant la fréquence de ce syndrome chez les enfants de moins de deux ans. La tête du nourrisson, qui représente 10 % du poids du corps, ainsi que la faiblesse des muscles paracervicaux, participent à la constitution de ces lésions [8]. La radiographie du crâne ne retrouve pas de fracture. Le scanner cérébral est l’examen de choix pour son accessibilité, sa rapidité d’acquisition, ses facilités d’interprétation. L’œdème cérébral qui peut être diagnostiqué à la phase précoce est difficile à interpréter au regard de l’immaturité de la substance blanche chez le nourrisson et indique le recours à un avis spécialisé par un radiologue pédiatrique. Les images les plus évocatrices épargnent le cortex et sont les lésions de cisaillement de la substance blanche, les hématomes sous-duraux par rupture des veines pont inter-hémisphériques ou corticodurales (qui drainent les veines corticales avant de confluer dans les sinus veineux). L’imagerie dans les traumatismes crâniens permet la datation des lésions cérébrales [9]. Des recommandations de l’American College of Radiology en 2000, et de l’American Academic Pediatrics établies en 2001 soulignent l’intérêt du scanner à la phase précoce après le traumatisme, l’IRM pouvant être retardée même si elle est plus sensible. Le bilan lésionnel peut être complété par un fond d’œil qui occupe une place importante dans l’orientation diagnostique. Il recherchera des hémorragies rétiniennes. Elles sont le plus souvent bilatérales dans les traumatismes par sévices mettant en jeu un mécanisme d’hyperpression veineuse comme la strangulation, mais rarement au cours des traumatismes accidentels [10].

La persistance d’un doute sur le lien de causalité entre les lésions constatées et une maltraitance. Plusieurs arguments d’orientation sont décrits dans la littérature [11], mais ils ne restent que des éléments de supposition argumentés au cours d’une approche multidisciplinaire (Tableau 4).

Maltraitances par carence ou négligence Selon le rapport de l’Odas de 2005, elles sont de constatation croissante. La carence correspond à la non satisfaction des besoins physiologiques (alimentation) et/ou affectifs (protection face au danger, amour parental) de l’enfant. Ces maltraitances sont difficiles à diagnostiquer et à

114 différencier d’autres causes de troubles du développement. L’interrogatoire des parents est fondamental. Il faut rechercher une inadéquation entre les dires des parents et le retentissement staturopondéral de l’enfant constaté à l’examen clinique. Le plus souvent, on note une indifférence de la part des parents sur l’état de maigreur de l’enfant. En cas de malnutrition sévère, l’examen clinique retrouve une saillie des côtes qui contraste avec une protrusion abdominale. Le retentissement sur les phanères est possible avec des ongles cassants. Dans cette forme de maltraitance, la consultation du carnet de santé de l’enfant peut être informative : il est indispensable de tracer les courbe de croissance staturale et pondérale, ainsi que celle de la corpulence (indice de masse corporelle), qui permet de repérer les cassures, de les dater, et éventuellement de les corréler à des évènements de vie familiaux (divorce, décès, adoption. . .). Les tableaux de négligence les plus évocateurs chez l’enfant se rencontrent lors de consultations dans les services d’urgences, avec comme motif des accidents et des intoxications qui se répètent. Cette répétition doit alerter les soignants. Chez le bébé, la carence ou l’irrégularité dans les soins primaires peut prendre la forme d’un trouble de la communication (évitement du regard, troubles de la vigilance, absence de sourire réponse, absence de babillage), d’un retard de développement staturopondéral et/ou psychomoteur. Dans les formes les plus sévères, on décrit le tableau d’hospitalisme qui est un retrait dépressif majeur du bébé conférant à un tableau de trouble autistique, qui peut être irréversible s’il est pris en charge trop tardivement. Ce tableau gravissime peut se rencontrer chez des enfants dont les besoins élémentaires sont assurés (alimentation, bains, changes, sommeil), mais à qui on n’apporte ni attention, ni parole ni affection. Ils sont à différencier des signes précoces d’autisme chez le bébé, qui peuvent mettre à mal tous les parents. Une observation attentive, spécialisée et répétée des interactions parents-bébé est donc souvent nécessaire (pédopsychiatre, PMI).

Maltraitance psychologique ou « cruauté mentale » Il est décrit cinq types de sévices psychologiques : le rejet, l’ignorance, l’isolement, la terreur, la corruption. Les capacités ultérieures d’autorégulation et d’adaptation aux évènements extérieurs de l’enfant seront grandement perturbées du fait de son vécu de « peur sans solution » (celui qui doit me rassurer est celui qui me fait peur. . .). Les conséquences sur l’enfant d’une maltraitance psychologique chronique sont d’autant plus graves qu’elles surviennent sur un individu en devenir, et entravent son développement psycho-affectif et intellectuel, qui dépend étroitement des conditions d’éducation et de ses relations avec ses parents. Le retentissement à long terme peut se traduire par un épuisement psychique avec tous types de troubles psychopathologiques et cognitifs (troubles anxieux, dépressifs, du comportement, retard dans les apprentissages, psychomoteur. . .), parfois durables, se structurant à l’adolescence sur le mode d’un trouble de la personnalité (borderline, psychotique. . .) ou de l’humeur.

N. Franchitto, L. Guerin-Franchitto

Retentissement psychologique de la maltraitance sur l’enfant Les troubles psychologiques associés avec les maltraitances physiques sont polymorphes : troubles anxieux, dépressifs, troubles du comportement. . . Ils ne sont pas spécifiques, mais sont à rechercher et à prendre en charge chez les enfants victimes. Les troubles du sommeil ou de l’alimentation, les plaintes somatiques, peuvent masquer une maltraitance. Selon l’âge de l’enfant, les troubles du comportement prennent la forme d’hyperactivité, de comportement opposant, de régression, d’infléchissement scolaire, rapportés plutôt chez le jeune enfant. Chez le nourrisson avant deux ans, les troubles de l’attachement (au sens de Bowlby), en particulier un attachement désorganisé-désorienté (réactions extrêmes aux séparations brèves et aux retrouvailles avec les parents) et une adhésivité immédiate au soignant étranger peuvent évoquer une distorsion sévère dans les interactions avec les parents [12]. L’adolescent présente plutôt des conduites addictives, des modifications du comportement alimentaire, des scarifications ou des conduites sexuelles à risque. Les actes hétéro-agressifs, voire délictueux sont plus fréquents en cas de violences physiques et chez les garc ¸ons, alors que les syndromes dépressifs, les tentatives de suicide ou équivalents (jeux dangereux, conduites ordaliques) sont observés surtout en cas de maltraitance psychologiques ou sexuelles et chez la fille. Les séquelles de la maltraitance à l’âge adulte sont principalement les symptômes dépressifs et les troubles de la personnalité [13].

Sévices sexuels Ils correspondent à toutes les formes d’attouchements ou de pénétration sexuelle qu’elles soient anale, vaginale ou buccale. L’inceste est fréquent, représentant au moins la moitié des abus sexuels [14]. Le récit de l’enfant est le signe d’appel le plus fréquent, le médecin est souvent un interlocuteur privilégié, hors de la famille, avant l’entrée en collectivité. Mais d’autres plaintes fonctionnelles doivent faire rechercher un abus sexuel car leur incidence est sousévaluée, en effet l’enfant a tendance à taire les abus sexuels (incompréhension de la situation, honte, culpabilité, menaces. . .). L’examen clinique est dans ce cas complet, débutant par le revêtement cutané à la recherche de lésions extragénitales, et se terminant par la région périnéale. Il doit être réalisé par des médecins spécialisés du fait des conséquences à la fois pour l’enfant et pour sa reconnaissance en tant que victime, mais aussi des conséquences judiciaires qui vont suivre sur des périodes longues et potentiellement pénibles. L’examen génital qui recherche « la défloraison médicolégale » définie par une interruption complète du tissu hyménéal jusqu’à la paroi postérieure du vagin reste relativement rare ou bien peut mettre en difficulté le médecin non spécialiste lors de la rédaction du certificat. Des variations anatomiques peuvent être méconnues, ou difficilement interprétables, notamment sur les formes et l’aspect de l’hymen, de la déchirure hyménéale et de sa localisation, et sont sources de débat dans la

Maltraitance à enfants littérature [15]. De plus, l’examen clinique des régions génitales et extragénitales est normal dans la majorité des cas [16], et la notion d’hymen complaisant bien connue des médecins légistes, correspond à la possibilité d’introduire deux doigts dans l’orifice hyménéal alors que le bord libre ne présente pas de déchirure complète atteignant la paroi postérieure du vagin. On peut aussi constater chez certaines adolescentes, la possibilité d’un rapport sexuel avec pénétration pénienne complète sans lésion traumatique ne permettant pas de conclure de fac ¸on certaine. L’examen de la région anale doit être réalisé après que la marge anale a été déplissée. Les lésions du canal anal, l’étude du réflexe cutané anal ainsi qu’un toucher rectal doivent être réalisés. Des photographies peuvent terminer l’examen du mineur. On comprend bien, au regard des spécificités de cet examen médical, que le consentement du mineur doit être recueilli.

Maltraitance du nouveau-né et du fœtus En France, à l’heure actuelle, le fœtus n’est pas une personnalité au sens juridique du terme. Le fait d’entraîner des lésions ou le décès d’un fœtus n’est pas directement puni par la loi. Cependant, l’intoxication alcoolique ou la toxicomanie pendant la grossesse pourraient être considérées comme une forme de maltraitance par la mère envers son fœtus [7]. Plus qu’un point de vue moral ou légal, l’enjeu ici est la prévention de la souffrance néonatale secondaire au sevrage, et la prévention d’une maltraitance après la naissance. Il est actuellement démontré qu’une prise en charge pluridisciplinaire, objective et accueillante de ces futures mères permet de diminuer significativement les risques ultérieurs pour l’enfant, de mieux traiter le syndrome de sevrage néonatal et de favoriser l’instauration d’un lien mère-enfant de bonne qualité (allaitement maternel, peau à peau. . .) [17]. Les facteurs de risque de la maltraitance chez le nourrisson sont ceux qui induisent des troubles dans les interactions précoces parents-bébé, et doivent être recherchés et traités. Du côté des parents, un isolement socio-affectif, un trouble psychiatrique ou de la personnalité décompensé et non suivi, une intoxication chronique non contrôlée, une dépression du post-partum et une impulsivité importante. Chez le bébé, une prématurité, une malformation, un tempérament irritable et une séparation (hospitalisation) à la naissance.

115 • présentation de l’enfant pour le diagnostic ou les soins d’une affection récurrente ou persistante aboutissant à des actes médicaux nombreux à visée diagnostiques ou thérapeutiques ; • un déni de la cause des symptômes par le parent responsable ; • des traitements inefficaces ou mal tolérés par l’enfant ; • une amélioration ou une régression des symptômes lorsque l’enfant est séparé du parent responsable ; • des familles dans lesquelles il existe un antécédent de mort inattendue du nourrisson. Il n’y a que peu de signes d’appel pour orienter le diagnostic, hormis le polymorphisme des conduites du parent responsable. L’enfant se trouve alors au centre de procédures médicales complexes et d’actes invasifs thérapeutiques qui par leurs répétitions, peuvent influer sur son bien-être.

Peut-on reconnaître des facteurs de risques qui doivent attirer l’attention du médecin ? La maltraitance est un phénomène complexe et de multiples facteurs de risques ont été évoqués mais restent souvent controversés. Des facteurs de risques de trois ordres peuvent être reconnus.

Facteurs parentaux La psychopathologie des parents abuseurs a été largement étudiée dans la littérature. Les pathologies psychiatriques chroniques (psychose, dépressions, trouble limite de la personnalité) représentent une minorité des cas de parents abuseurs, et peuvent surtout entraîner des négligences par des réponses inappropriées aux besoins de l’enfant, ou des gestes impulsifs épisodiques favorisés par la décompensation de la pathologie chronique. La majorité des parents abuseurs sont indemnes de maladies psychiatriques, même si certains traits de personnalité peuvent entraîner une perversion de la sexualité (pédophilie) ou un défaut de contrôle des impulsions favorisant les passages à l’acte. Même dans le cas le plus grave des infanticides (meurtre de son enfant avant un an) et des filicides (entre un an et 18 ans), une pathologie psychiatrique serait présente dans seulement 50 % des cas [20,21].

Facteurs liés à l’enfant

Un tableau clinique particulier : le syndrome de Münchhausen par procuration Il constitue une entité à part par sa difficulté diagnostique, mais aussi par l’apparente simplicité du tableau clinique, au sein de troubles factices [18]. Les critères diagnostiques ont été décrits en 1977 par un pédiatre, R. Meadow [19] : • une maladie inexpliquée chez un enfant, produite et/ou simulée par un parent ;

Des facteurs liés à l’enfant sont reconnus surtout lorsque l’enfant nécessite des soins spécifiques médicaux ou éducatifs qui peuvent altérer l’équilibre familial. Ces situations sont rencontrées dans la prématurité, les grossesses multiples, les enfants nés de mère toxicomanes, la grossesse non désirée, les enfants nés d’une première union.

Contexte social La précarité socioéconomique, l’isolement conjugal et familial sont des facteurs de risque.

116

Mesures de protection de l’enfance Le service national de l’enfance maltraitée existe depuis 1990. Il permet à toute personne de dénoncer une suspicion de maltraitance, et son usage gratuit et anonyme en facilite l’accès, y compris par les enfants et les adolescents eux-mêmes. Un numéro de téléphone a été créé : le 119. Si cette ligne téléphonique a pour objectif principal de cibler les enfants, nombreux sont les adultes qui l’utilisent pour dénoncer ou pour prendre un avis sur une situation difficile [22]. Les définitions du verbe « signaler » sont : annoncer par un signal, mais aussi dénoncer pour une faute commise. Cette dernière définition est celle qui nous concerne. Le rôle du médecin prime sur la protection de l’enfant, plus que sur l’apport de la preuve de mauvais traitements. Le signalement, qu’il soit judiciaire ou administratif, est décidé par le médecin et doit être expliqué aux parents.

Signalement judiciaire Les parents, la victime ou toute autre personne peut réaliser un signalement à la police ou à la gendarmerie pour signaler une maltraitance. Cette attitude va provoquer une enquête et une information au Procureur de la République. Un médecin peut aussi interpeller directement le Procureur ou son substitut au Parquet des mineurs (téléphone, fax) dans les situations de danger imminent pour un enfant, afin de solliciter une mesure de protection immédiate (ordonnance de placement en urgence souvent dans ce cas). Dans les huit jours qui suivent, la saisine du juge des enfants sera effective, avec convocation des parents. Une ordonnance de placement provisoire pour six mois renouvelables, une mesure de protection en milieu ouvert, ou une main levée, pourra être décidée par le magistrat à l’issue de l’audience.

Signalement administratif Il est indiqué lorsqu’une évaluation complémentaire est nécessaire pour une appréciation plus efficiente du risque. Il s’agit de signaler une « information préoccupante » à la cellule compétente du Conseil général, la cellule « Enfance en danger » (ED) [23]. Les parents doivent être informés de la démarche du médecin, qui entraîne une enquête sociale confiée à l’Unité territoriale d’action médicale et sociale la plus proche du domicile et réalisée par des travailleurs sociaux, ou de Protection maternelle et infantile (PMI), quand l’enfant a moins de six ans. Ils effectuent une première évaluation déclenchée dans les 48 heures et transmettent un rapport au responsable de la circonscription, qui informe la cellule ED du Conseil général. Cette dernière décidera des mesures de protection à mettre en place en accord avec les parents, ou sollicitera la justice en cas de refus de coopérer. Enfin, un médecin ayant examiné l’enfant et ayant un doute, peut aussi directement contacter son confrère de la PMI, mais ce partage du secret médical doit être autorisé par les parents, qui sont, de plus, en droit de refuser l’intervention de la PMI.

N. Franchitto, L. Guerin-Franchitto

Placement à l’hôpital : hospitalisation en urgence ou maintien en hospitalisation contre l’avis des parents L’indication de l’hospitalisation doit être large, et surtout pour le nourrisson, pour éviter le risque d’une évolution péjorative en cas de récidive. La plupart du temps, obtenir l’accord des parents est possible. Il ne faut pas négliger le fait que les parents, qui ont souvent amené eux-mêmes l’enfant à l’hôpital, sont ambivalents et en souffrance, et peuvent adhérer au projet d’évaluation lors d’un entretien avec le médecin, si le discours est transparent et qu’ils ne confondent pas cette hospitalisation avec une sanction pénale. Cependant, l’hospitalisation peut être demandée en urgence par un médecin au Procureur de la République en cas de refus des parents, ou en cas de menace de retrait pour un enfant déjà hospitalisé. C’est le médecin qui contacte le Procureur de la République ou son substitut et qui argumente la situation de danger. En retour, celui-ci pourra décider d’une ordonnance de placement en urgence et confier l’enfant à l’hôpital le temps des soins. En cas d’impossibilité de joindre le Parquet directement en raison d’une incompatibilité d’horaire, le commissariat de la ville peut être sollicité et un officier de police judiciaire contactera le Procureur de garde. Outre son rôle de séparation de l’enfant du milieu dangereux, l’hospitalisation permet de « poser » la situation, d’affiner le diagnostic et de se donner du temps pour décider calmement de la conduite à tenir la plus adaptée. Elle constitue une période d’observation, qui peut conduire à une amélioration de l’état de santé de l’enfant en cas de maltraitance par négligence avec reprise de la courbe de poids, à une amélioration de l’humeur et des troubles du comportement, à une évolution favorable des lésions. L’hospitalisation permet aussi la réalisation des examens complémentaires pour affiner le diagnostic des lésions. La période d’hospitalisation permet également l’évaluation des parents, et du comportement de ces derniers avec l’enfant dans un « milieu neutre ». L’assistante sociale de l’établissement peut proposer une évaluation de la situation sociale et des soutiens familiaux. Un pédopsychiatre et/ou un psychologue peut rencontrer l’enfant et ses parents, évaluer les causes et les conséquences psychopathologiques de la situation de maltraitance, ainsi que la tonalité des relations parents—enfant. Il recherchera également les facteurs de bons pronostics propres à l’enfant (facteurs de résilience), ainsi que la possibilité de remobilisation de la famille, sur lesquels s’appuyer pour choisir et mettre en place les mesures d’aide. En synthèse, l’hospitalisation permet un abord multidisciplinaire, difficile à mettre en place en milieu ouvert, et répond à la deuxième mission du médecin après la protection de l’enfant qui est la programmation des soins adaptés.

Cadre légal et règlementaire La constatation de maltraitance à enfants engage le médecin qui peut être l’initiateur de la procédure. Il doit connaître ses devoirs, mais doit aussi maîtriser des éléments de la procédure pour ne pas voir sa responsabilité engagée.

Maltraitance à enfants La décision de la rédaction d’un signalement qu’il soit judiciaire ou administratif et la conclusion de l’examen clinique de l’enfant par un certificat descriptif des lésions constatées confrontent le médecin au respect du secret médical qui peut le placer dans une situation délicate entre l’obligation de protéger l’enfant mineur et le maintien de la confiance témoignée par la famille.

Code de déontologie Dans son article 43, le Code de déontologie médicale précise que « le médecin doit être le défenseur de l’enfant lorsqu’il estime que l’intérêt pour sa santé est mal compris ou mal apprécié par son entourage », et l’article 44 qui mentionne : « lorsqu’un médecin discerne qu’une personne. . . est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection ».

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Conclusion Malgré les campagnes d’information et la loi de 2007 réformant la protection de l’enfance, les maltraitances de toute nature restent sous-diagnostiquées, difficiles à traiter, et continuent à tuer des enfants chaque année en France. Toute la difficulté pour les soignants réside dans le fait de garder l’objectivité nécessaire à leur dépistage et diagnostic différentiel, et à la mise en place du traitement le plus adapté possible, comprenant une mesure éventuelle de protection de l’enfant par le biais d’un signalement. Une démarche diagnostique bien conduite, une bonne connaissance du cadre règlementaire, de l’articulation entre les institutions compétentes et les réseaux médicosociaux, ainsi qu’une approche coordonnée et multidisciplinaire sont les éléments essentiels qui permettront au médecin d’aborder l’enfant maltraité et sa famille (Encadré 1 ).

Code pénal La divulgation du secret médical est une infraction pénale au terme de l’article 226-13. Cependant, l’article 226-14 du Code pénal souligne une dérogation facultative lorsque des « violences physiques, sexuelles, psychiques, ou de toute nature » sont infligées à des mineurs, dans ce cas le signalement judiciaire ou administratif ne peut pas engager la responsabilité du médecin s’il est effectué dans les conditions imposées par la loi. En revanche, l’absence de mesures de protection mise en place par le médecin, lorsqu’il a connaissance de maltraitances subies par un mineur, peut être sanctionnée au terme de l’article 226-3 du Code pénal qualifiant l’omission de porter secours pour « quiconque » s’abstient.

Rédaction du certificat médical Le certificat médical descriptif des lésions rédigé à la fin de l’examen clinique doit être précis et ne doit concerner que des éléments médicaux constatés par le médecin. Ce certificat pourra être produit en justice et le médecin rédacteur ne doit pas déborder sa mission et s’immiscer dans les conflits familiaux.

La suspicion de maltraitance peut placer le médecin dans une situation instable La Cour d’assises du Nord, le 6 novembre 2008 a condamné deux médecins qui avaient examiné un enfant victime de maltraitance répétée peu avant son décès. Des peines de prison avec sursis ont été prononcées. Si les médecins ont fait appel de ce jugement, il est important de noter que la justice a étendu la mise en cause de la responsabilité pénale aux médecins au motif qu’ils n’ont pas protégé l’enfant. Cette décision judiciaire accentue la nécessité de signaler les suspicions de mauvais traitements à enfants et pour le médecin initiateur de la procédure de savoir s’entourer de personnes compétentes qu’elles exercent dans le milieu médical, social, ou judiciaire. L’interrogation que suscite cette décision judiciaire renvoie aux moyens dont dispose le médecin pour faire face à ces situations complexes [24].

Encadré 1 La maltraitance à enfant comprend les violences physiques, que tout médecin doit savoir dépister et diagnostiquer, et les violences psychologiques et sexuelles, dont l’examen est délicat et fait appel à un spécialiste. Le premier examen doit être complet, rigoureux et consigné par écrit. La maltraitance est dans la grande majorité des cas le fait des parents. Les conséquences pour l’enfant sont toujours lourdes, du fait du risque de séquelles et d’interférence avec son développement cognitif et affectif. Le pronostic vital est engagé, d’autant plus qu’il est jeune. Les sévices avérés, comme les situations d’enfants à risque sont une dérogation au secret médical. La protection des enfants en danger concerne tout citoyen mais en particulier les médecins, qui engagent leur responsabilité pénale, et doivent bien en connaître les procédures administratives et judiciaires. Les principaux examens paracliniques à réaliser sont l’holosquelette, d’indication large, à la recherche du syndrome de Silverman, et le scanner cérébral, prescrit en urgence dans les cas de traumatismes crâniens et de suspicion du syndrome du bébé secoué. Une hospitalisation est toujours une bonne alternative en cas de suspicion d’enfant maltraité. Elle permet une approche pluridisciplinaire, et de se donner le temps et la prudence nécessaire pour décider de la prise en charge la mieux adaptée à la globalité de la situation de l’enfant, tout en assurant sa protection. Elle peut être si besoin imposée aux parents par le procureur sur demande du médecin. La famille dans son ensemble doit être abordée, et les parents informés par le médecin de la suspicion de maltraitance et de toute démarche de signalement, qui, s’il est utilisé et expliqué avec transparence, fait partie intégrante des soins à l’enfant.

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Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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