Prise en charge officinale des verrues

Prise en charge officinale des verrues

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Prise en charge officinale des verrues Les verrues sont décrites comme des excroissances induites par les papillomavirus humains, qui se développent préférentiellement aux niveaux cutané et muqueux. Retrouvées chez moins de 10 % de la population générale, les verrues cutanées affectent majoritairement les enfants âgés de 10 à 14 ans ainsi que les jeunes adultes. Il a été mis en évidence un mode de transmission direct, principalement par contact entre personnes, mais également indirect via des surfaces ou des matières contaminées.

Nicolas CLERE Maître de conférences UFR des sciences pharmaceutiques et ingénierie de la santé, 16 boulevard Daviers, 49045 Angers cedex, France

© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Mots clés - papillomavirus ; papillomavirus humain ; thérapeutique ; verrue

Advice and treatment of verrucae in the pharmacy. Verrucae are described as outgrowths caused by the human papillomavirus, which develop most commonly on skin and mucosa. Found in less than 10% of the population, skin verrucae affect mainly children aged between 10 and 14 as well as young adults. They can be transmitted directly, mainly by contact between people, but they can also be transmitted indirectly via contaminated surfaces or materials. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved

L

es papillomavirus représentent une large famille de virus à ADN capables d’infecter l’homme, mais également différentes autres espèces telles que la souris, les singes ou encore le bétail. Ces virus appartiennent à la famille des Papillomaviridae et leur réplication, qui ne peut être envisagée in vitro, se réalise principalement au sein des cellules épithéliales (il est alors question de virus épithéliotropes). À la faveur d’une brèche cutanée, le virus se développe au niveau des cellules différenciées des couches superficielles de la peau dans lesquelles il assure son cycle viral complet.

Rôle des papillomavirus humains F Les papillomavirus humains (HPV) infectent l’homme via une contamination par contact dans les piscines par exemple ou lors des rapports sexuels. Dans ce dernier cas, ils se développent au niveau des muqueuses utérines. F Plus d’une centaine d’HPV est identifiée à ce jour. Ainsi, différents

Actualités pharmaceutiques • n° 535 • avril 2014 •

génotypes ont été mis en évidence suivant la structure du génome qui les constitue : • HPV-1, majoritairement retrouvé dans les verrues plantaires ; • HPV-2, responsable des verrues vulgaires ; • HPV-3 et -4 qui induisent, respectivement, des verrues planes et palmaires. D’autres génotypes associés au développement de certaines tumeurs cutanéo-muqueuses ont également été observés. Le pouvoir cancérigène des HPV (notamment les génotypes 16 et 18) s’explique en partie par la production d’oncoprotéines virales E6 et E7 capables d’inhiber l’activité de la protéine p53, pro-apoptotique (pour E6) et d’un anti-oncogène, la protéine du rétinoblastome (pour E7).

Différentes formes cliniques F Les myrmécies sont majoritairement des verrues plantaires dues à une infection par HPV-1, profondes et douloureuses à la pression, généralement uniques ou

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Keywords - human papillomavirus; papillomavirus; therapy; verrucae

À la faveur d’une brèche cutanée, les papillomavirus infectent l’homme par contact, dans les piscines entre autres.

réduites à quelques unités, très contagieuses et récidivantes. Souvent confondues avec des callosités plantaires douloureuses, elles régressent spontanément de 30 à 50 % en 6 mois. F Les verrues en mosaïque sont des verrues plantaires et/ou palmaires superficielles, dont l’origine est une infection par HPV-2. Non douloureuses, multiples et confluentes, elles

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Adresse e-mail : [email protected] (N. Clere).

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Tableau 1. Prise en charge des verrues à l’officine. Limites du conseil

Verrues du visage ou de taille et nombre importants

Produits conseillés

Kératolytiques à base d’acide salicylique : Coricide le Diable®, Sanitos®, pommade Cochon® Kératolytiques à base d’acide salicylique et d’acide lactique : Duofilm®, Kerafilm®, Verrufilm® Supplémentation orale en méthionine (enfant de plus de 6 ans) : Verrulyse® méthionine Homéopathie : Dulcamara 9 CH, Antimonium crudum 9 CH, Nitricum acidum 9 CH, Verrulia®, Thuya complexe n° 37®

Solutions pour diminuer les symptômes associés

Patch d’appui : Pansements Epitact® Vernis neutre : Verlim®

Conseils hygiéno-diététiques

Éviter de faire saigner les verrues, désinfecter douche et baignoire, porter des chaussons en caoutchouc à la piscine, conserver du linge de toilette propre et personnel

D’après Moreddu F. Le conseil associé à une demande spontanée. Tome 2. 3e édition. Rueil-Malmaison: Le Moniteur des Pharmacies; 2011.

régressent spontanément et précocement chez les enfants. F Les verrues vulgaires des mains, principalement dues à une infection par HPV-2, sont localisées sur la face dorsale des doigts et des mains. Elles sont très souvent charnues, inesthétiques et confluentes. Lorsqu’elles sont situées en périphérie des ongles ou sous les ongles, elles sont fréquemment douloureuses, notamment si elles siègent sous le bord libre distal ou latéral de l’ongle, risquant de décoller de son lit la tablette unguéale. Elles peuvent régresser spontanément.

Prise en charge des verrues cutanées

© BSIP/B. Boissonnet

La plupart des traitements actuellement proposés ne sont pas efficaces

à 100 % et leurs indications dépendent des douleurs, des limitations fonctionnelles, du risque de transformation maligne, de la gêne cosmétique occasionnée et, enfin, du risque de dissémination et de l’ancienneté des verrues (tableau 1). Avant la mise en œuvre d’un traitement, il est recommandé aux patients de ne pas manipuler les lésions afin d’éviter les auto- ou hétéro-inoculations. F Afin de prévenir le développement des verrues, il est conseillé d’éviter de marcher pieds nus, donc de toujours porter des sandales, notamment autour des piscines ou dans les douches publiques. Une bonne hygiène des pièces d’eau (désinfection des douches, baignoires et sol de salle de bain) complétée par l’utilisation de linge de toilette personnel contribuent à limiter le risque. F Si les verrues siègent sur le visage, des précautions doivent être prises, en particulier au moment du rasage. En effet, les coupures et le saignement de ces excroissances constituent autant de facteurs de risque au développement et à la propagation du virus.

Destruction chimique Les principaux kératolytiques indiqués dans le traitement des verrues sont à base d’acide salicylique et d’acide lactique.

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F Les principaux kératolytiques indiqués dans le traitement des verrues sont à base d’acide salicylique (encadré 1) (Coricide le

Diable ® , Sanitos ® , pommade Cochon®) et d’acide lactique (Duofilm ® , Kerafilm ® , Verrufilm ® …). La plupart de ces spécialités contiennent du collodion qui forme, après séchage à l’air libre, une pellicule incolore et adhérente. Il est conseillé de les utiliser sur une peau propre et sèche après avoir retiré les peaux mortes (à l’aide d’une lime, dont l’usage doit être limité à la verrue). Le produit doit ensuite être appliqué sur la verrue, sans déborder sur la peau saine (cette dernière peut être protégée par l’application d’un vernis autour de l’excroissance). F Les kératolytiques sont contreindiqués en cas de verrues infectées ou localisées à proximité d’une infection cutanée locale, ainsi que chez les patients diabétiques, afin d’éviter tout risque infectieux. Ils peuvent

Encadré 1. Vaseline salicylée et traitement des verrues La vaseline salicylée peut être utilisée dans le traitement des verrues. Souvent prescrite, cette préparation magistrale repose sur l’association de vaseline (qui permet de prévenir l’hyperkératose) et d’une concentration variable d’acide salicylique (environ 15 % pour des verrues superficielles et jusqu’à 50 % pour des verrues profondes).

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Encadré 2. Place des thérapies à distance dans le traitement des verrues L’homéopathie et les thérapies à distance n’ont, à ce jour, pas montré de preuves scientifiques justifiant d’un intérêt indiscutable dans le traitement des verrues.

entraîner une nécrose cutanée susceptible de s’ulcérer et de se surinfecter. Un désinfectant local peut être proposé en complément afin de prévenir ce risque.

Destruction thermique par cryothérapie F La cryothérapie reste le traitement le plus utilisé par les dermatologues, chez l’adulte et l’enfant âgé de plus de 4 ans pour traiter les verrues vulgaires. Basée sur l’usage d’azote liquide à -196 °C, elle permet de décoller la verrue de son socle conjonctif. F Différents produits sont disponibles en pharmacie, en vente libre (Cryopharma®, Cryoverrues®, Urgo Verrues®). Appliqués durant 30 à 60 secondes sur les verrues, ils contiennent un mélange de diméthyléther, de propane, voire d’isobutane permettant d’obtenir une température de l’ordre de - 50 °C. Ils ne doivent pas être utilisés sur le visage, autour des yeux ou sur les parties génitales.

Traitement par phytothérapie ou aromathérapie F La teinture mère de thuya (Thuya occidentalis) peut être appliquée sur la verrue, à raison d’une goutte deux fois par jour. F Le latex de grande chélidoine (Chelidonium majus), communément appelée “herbe à verrues”, est riche en un alcaloïde, la chélidoxanthine, présentant un intérêt dans la prise en charge des verrues, mais uniquement en application locale. F L’huile essentielle (HE) de

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Ces thérapeutiques peuvent, toutefois, être conseillées en association avec des kératolytiques ou des cryothérapies à domicile.

sariette des montagnes (Satureja montana), isolée des sommités fleuries, peut être conseillée pour ses propriétés antivirales et révulsives cutanées. Déconseillée chez la femme enceinte, elle doit être appliquée localement, toujours après une dilution dans une huile végétale (irritante pure). F L’HE de citronnier (Citrus lemon), extraite du zeste, possède des propriétés antibactériennes, antiseptiques et antivirales intéressantes dans le traitement des verrues. Irritante à l’état pur, elle doit impérativement être diluée dans une huile végétale et être utilisée avec précaution en cas d’expositions solaires en raison de ces propriétés photosensibilisantes. F L’HE de cannelier de Chine (Cinnamomum cassia), extraite du rameau feuillé, est utilisée pour ses propriétés antibactériennes très puissantes et à large spectre d’action, antivirale et stimulante immunitaire. Déconseillée chez la femme enceinte et irritante à l’état pur, elle peut être administrée diluée dans une huile végétale, à raison d’une goutte du mélange deux fois par jour sur la verrue.

F Différentes souches homéopathiques (encadré 2) peuvent être proposées (trois granules matin et soir jusqu’à amélioration) : • Dulcamara 9 CH en cas de verrues planes et lisses ; • Antimonium crudum 9 CH en cas de verrues cornées et dures ; • Nitricum acidum 9 CH en cas de verrues jaunes saignant facilement. Ces différentes souches se retrouvent sous forme de complexe dans une spécialité (Verrulia®) indiquée dans le traitement des verrues chez l’adulte et l’enfant de plus de 6 ans (un comprimé matin et soir à sucer). D’autres spécialités sont disponibles sous forme de gouttes buvables. Ainsi, Thuya complexe n° 37 ®, composé de différentes souches homéopathiques, peut être conseillé chez l’enfant âgé de plus de 2 ans (5 à 10 gouttes, trois fois par jour) et chez l’adulte (20 gouttes, trois fois par jour).

Motifs de consultation La régression spontanée des verrues est fréquente mais les récidives, expliquées notamment par la persistance du virus dans l’épiderme, sont habituelles. Une consultation médicale chez un dermatologue s’impose en cas de récidive, d’inefficacité des traitements conseillés à officine et pour les verrues de grande taille. w

Traitements par voie orale F En complément d’un traitement local, une supplémentation orale par de la méthionine (Verrulyse® méthionine), acide aminé soufré, peut être envisagée. Indiquée chez l’enfant âgé de plus de 6 ans, cette spécialité est conseillée à raison d’un à deux comprimés par jour, à prendre à distance des repas.

Déclaration d’intérêts  L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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