Profils multidimensionnels de jeunes enfants trisomiques bulgares

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Psychologie française 51 (2006) 391–411 http://france.elsevier.com/direct/PSFR/

Article original

Profils multidimensionnels de jeunes enfants trisomiques bulgares Multidimensional profiles in Down syndrome children N. Nader-Grosboisa,*, R. Milushevab, H. Malonovac a

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, université catholique de Louvain, 10, place du Cardinal-Mercier, 1348 Louvain-La-Neuve, Belgique b Chaire de pédiatrie, université de médecine, 11, rue « Akad.-Iv.-Gechov », Sofia, Bulgarie c Chaire de psychiatrie, université de médecine, 1, rue « G.-Sofiisky », Sofia, Bulgarie Reçu le 6 juillet 2005 ; accepté le 25 mai 2006

Résumé Cette étude s’intéresse aux relations entre capacités cognitives, communicatives, socioémotionnelles et psychomotrices précoces de 20 enfants trisomiques bulgares institutionnalisés. Ces enfants ont été examinés au moyen des échelles d’évaluation du développement cognitif précoce (EEDCP, Nader-Grosbois, 1993), des échelles d’évaluation de la communication sociale précoce (ECSP, Guidetti et Tourrette, 1993) et de deux grilles d’indicateurs socioémotionnels et psychomoteurs inspirées du trandisciplinary play-based assessment (TPBA, Linder, 1990) par deux examinateurs entraînés. Plusieurs analyses des patterns développementaux ont été effectuées pour identifier les particularités de l’organisation structurelle des capacités des enfants trisomiques bulgares en situation d’abandon familial et de désavantage : des comparaisons de moyenne de scores par domaines, des analyses corrélationnelles et des clusters de variables, une analyse des profils individuels par clusters de cas. Les résultats indiquent : des faiblesses en imitation vocale et en attention conjointe ; des relations peu nombreuses entre les capacités communicatives ; des homologies locales entre certaines capacités cognitives et communicatives impliquant un manque d’intégration entre elles ; des liens particuliers entre des dimensions spécifiques de l’adaptation socioémotionnelle et psychomotrice et certaines capacités cognitives et communicatives de ces enfants trisomiques. © 2006 Société française de psychologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. * Auteur

correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (N. Nader-Grosbois).

0033-2984/$ - see front matter © 2006 Société française de psychologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.psfr.2006.05.004

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Abstract This study examines links between cognitive, communicative, socioemotional and psychomotor abilities in 20 Bulgarian institutionalised children with Down syndrome. These children were evaluated by means of the Early Cognitive Development Assessment Scales (ECDAS, Nader-Grosbois, 1993), the Early Social Communication Scales (ECSP, Guidetti and Tourrette, 1993), and two grids of socioemotional and psychomotor indicators, inspired by the Trandisciplinary Play-Based Assessment (TPBA, Linder, 1990). Several analyses of developmental patterns were performed in order to identify specificities in the structural organisation of abilities in Bulgarian Down syndrome children in situation of abandonment or negligence: comparison of means of scores in distinct domains, correlations, clusters of variables, analysis of individual profiles by clusters of cases. The results indicate: weakness in vocal imitation and in joint attention; limited relationships between communicative abilities; local homologies between some cognitive and communicative abilities implicating a lack of integration; particular links between specific dimensions of socioemotional and psychomotor adaptation and certain cognitive and communicative abilities in these Down syndrome children. © 2006 Société française de psychologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Évaluation précoce ; Cognition ; Communication ; Émotion ; Psychomoteur ; Trisomie ; Désavantage Keywords: Early assessment; Cognition; Communication; Emotion; Psychomotor; Down’s syndrome; Disadvantage

1. Introduction Depuis une dizaine d’années, les chercheurs et professionnels s’intéressant à l’évolution de la qualité de l’intervention précoce en Bulgarie, améliorent les méthodes d’évaluation diagnostique et développementale des enfants présentant des syndromes et des troubles du développement. À titre de prévention secondaire, l’intervention précoce auprès d’enfants trisomiques doit identifier leurs capacités et déficits dans plusieurs secteurs de développement pour déterminer des objectifs psychoéducatifs individualisés. À cette fin, dans une recherche instrumentale, s’est réalisée l’adaptation bulgare d’outils néopiagétiens : les échelles d’évaluation du développement cognitif précoce (EEDCP, Nader-Grosbois, 1993, 2000) inspirées des infant psychological developmental scales (IPDS, Uzgiris et Hunt, 1975), les échelles d’évaluation de la communication sociale précoce (ECSP, Guidetti et Tourrette, 1993) inspirées des early social communication scales (ESCS, Seibert et Hogan, 1982) ; deux grilles d’observation de l’adaptation socioémotionnelle et psychomotrice, inspirées des transdisciplinary play based assessment (TPBA, Linder, 1990). La présente étude vise à qualifier le développement multidimensionnel d’enfants bulgares à trisomie 21 qui se trouvent en situation de négligence parentale ou d’abandon, suivis en institutions médicosociales. Ces enfants trisomiques en situation de désavantage sociofamilial présentent-ils une organisation structurelle de leurs capacités similaire à ce qui est rapporté en littérature à propos d’enfants trisomiques européens de l’ouest et américains, bénéficiant de conditions nettement plus favorables d’éducation familiale et d’intervention précoce ? Ce questionnement s’inscrit dans la lignée de préoccupations scientifiques de ces dernières années relatives à l’« écologie des risques développementaux » liés au désavantage sociofamilial d’enfants handicapés pouvant subir la négligence éducative (Garbarino, 1993 ; Bryant et Maxwell, 1997 ; Lalière et al., 2004). Ce questionnement nécessite de se référer aux hypothèses de retard ou de différence des modes de développement d’enfants à retard mental (Weisz et al., 1982), d’hétérochronie de leur rythme de développement (Ionescu, 1987) ainsi qu’aux travaux sur les relations entre divers secteurs chez ces enfants élevés en diverses

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conditions, travaux ayant utilisé une méthodologie d’évaluation proche de celle de notre étude pour en comparer les résultats. 1.1. Relations entre domaines cognitifs1 Par analyses en clusters de domaines cognitifs (relevant des IPDS), Dunst et al. (1981) identifient des regroupements fluctuant suivant le stade sensorimoteur et l’âge mental (AM) atteint par les trois groupes d’enfants majoritairement trisomiques : au stade III (trois à huit mois), [PO–MB], [CE–RS–SO–IG], [IV]; au stade IV (8 à 12 mois), [PO–MB–SO–RS], [IG– CE], [IV] ; au stade V (12 à 18 mois), [IG–RS], [CE–SO–PO–MB], [IV]. De plus, ils obtiennent peu de corrélations significatives entre les performances en IV et celles relevant des autres domaines. Chez des enfants trisomiques d’AM de neuf mois, répartis en deux groupes, suivant qu’ils soient élevés à domicile sans le soutien d’une intervention ou qu’ils bénéficient d’une intervention précoce en centre, Dunst et Rheingrover (1983) dégagent, sur base de leurs stades atteints aux IPDS, des clusters quasi similaires entre les deux groupes : un cluster « imitation » (IV et IG se situent souvent au même stade) ; et un cluster « actions sensorimotrices différenciées » (les cinq autres domaines relèvent souvent d’un même stade). Leur analyse factorielle des performances identifient trois facteurs partiellement semblables entre les deux groupes, dénommés « modification de comportements fondée sur les interactions sociales », « actions sensorimotrices différenciées » et « résolution de problèmes ». L’analyse en composantes principales des performances aux IPDS d’enfants trisomiques réalisée par Dunst (1990) indique des facteurs variables suivant leurs AM (0–4, 4–8, 8–12, 12–16, 16–20 et 20–24 mois) bien que l’IV et l’IG soient peu associées aux autres domaines cognitifs et des relations privilégiées existantes entre PO, CE et RS. Nader-Grosbois (2001a), à partir des performances aux EEDCP de 40 enfants belges essentiellement trisomiques (comparés à 40 enfants belges toutvenant) obtient des corrélations partielles toutes significatives entre les sept domaines, avec contrôle de l’âge chronologique. Cependant, les analyses par clusters mettent en évidence, pour les enfants tout-venant, trois clusters : [PO–MB], [RS–CE–IV], [IG–SO] ; pour les enfants trisomiques, trois clusters : [PO–MB–RS] ; [CE–IG–SO]; [IV]. Ce qui est commun aux deux groupes, c’est la proximité relationnelle des domaines de PO et MB, ainsi que de IG et SO. Les autres domaines cognitifs entretiennent des relations variables suivant le groupe clinique, reflétant une différence partielle de leurs patterns structurels. L’ensemble de ces travaux suggère l’apparente autonomie du développement de l’imitation vocale (et parfois de l’imitation gestuelle) par rapport aux autres domaines cognitifs chez les enfants trisomiques. 1.2. Relations entre domaines communicatifs2 Plusieurs travaux mettent en évidence chez des enfants trisomiques américains, français et belges, un déficit ou un rythme plus lent de développement de l’attention conjointe par rapport aux autres fonctions communicatives (régulation de comportement et interaction sociale) (Hamard et Delavaux, 1995, cités in Céleste et Lauras, 1997 ; Kasari et al., 1990 ; Kasari et 1

PO : permanence de l’objet ; MB : moyens pour atteindre un but ; IV : imitation vocale ; IG : imitation gestuelle ; CE : Cause-effet ; RS : relations spatiales ; SO : schèmes de relation aux objets. 2 RIS : réponse à l’interaction sociale ; IIS : initiation à l’interaction sociale ; MIS : maintien de l’interaction sociale ; RAC : réponse à l’attention conjointe ; IAC : initiation à l’attention conjointe ; MAC : maintien de l’attention conjointe ; RRC : réponse à la régulation de comportement ; IRC : initiation à la régulation de comportement ; IS : interaction sociale; AC: attention conjointe; RC: régulation de comportement.

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al., 1995 ; Mellier et al., 1997 ; Mundy et al., 1995 ; Mundy et Sheinkopf, 1998 ; Nader-Grosbois, 1999 ; Smith et Von Tetzchner, 1986). Quelques études constatent un déficit en régulation de comportement chez des enfants trisomiques américains et français (Mc Cune et al., 1989 ; Mellier et al., 1997 ; Mundy et al., 1988 ; Mundy et al., 1995). Ces travaux montrent que la fonction d’interaction sociale évolue plus aisément que les autres fonctions chez ces enfants. En outre, Hamard et Delavaux (1995) obtiennent, chez des enfants trisomiques français, peu de corrélations significatives entre leurs capacités communicatives relevant de chaque fonction et rôle : ceux-ci privilégient un ou quelques aspects communicationnels. En revanche, l’étude de Nader-Grosbois (1999) portant sur 35 enfants tout-venant (âgés de 6 à 24 mois) et 35 enfants trisomiques (âgés de 12 à 60 mois, appariés en âge de développement) belges met en évidence pour les deux groupes, des corrélations partielles positives et significatives entre scores aux huit échelles ESCS, avec contrôle de l’âge chronologique : plus précisément pour les enfants trisomiques, elles sont comprises entre 0,45 et 0,72 (p < 0,005). Dans les deux groupes, les corrélations entre les scores relevant de chaque fonction communicative (IS, AC, RC) présentent des valeurs élevées et les trois clusters obtenus sont similaires : [RAC–MAC], [IAC–IIS–MIS], [RIS, RRC, IRC]. 1.3. Relations entre cognition et communication Pour explorer les liens entre cognition et communication en période sensorimotrice, des hypothèses sont émises sur les relations globales ou spécifiques entre ces capacités, à partir de résultats concernant des enfants américains ou européens de l’ouest (Nader-Grosbois, 2006). Certaines études ont vérifié l’hypothèse piagétienne soutenant la synchronie entre le développement des représentations mentales et du langage (Piaget, 1946). Ces représentations se construisent à travers l’acquisition de la permanence de l’objet et de la personne, l’imitation, le jeu symbolique, l’élaboration des schèmes sensorimoteurs, la compréhension des relations causales et spatiales. Quelques travaux portant sur des enfants trisomiques indiquent que l’atteinte des stades V et VI facilite l’émergence de leurs comportements langagiers (Mahoney et Snow, 1983 ; Cardoso-Martins et al., 1985). Certains auteurs décrivent chez ces enfants un développement plus lent des capacités langagières expressives que celui de capacités cognitives non verbales (Miller, 1987, 1992 ; Fowler, 1990). Certains travaux précisent que l’émergence des premiers mots chez des enfants trisomiques est liée à l’atteinte du stade VI en permanence de l’objet (Moore et al., 1977) ; à la manifestation de comportements symboliques, (Hill et McCune-Nicolich, 1981 ; Beeghly et al., 1990) ; ou à leurs capacités en imitation vocale ou gestuelle (Chatelanat, 1992 ; Mahoney et al., 1981). D’autres études se réfèrent au modèle néopiagétien d’homologie locale (Bates et al., 1977, 1979 ; Bruner, 1983, 1987 ; Fischer, 1980) suggérant qu’une infrastructure cognitive sous-tend les relations entre certaines capacités cognitives s’expérimentant à l’égard des objets et certaines capacités communicatives s’exprimant à l’égard des personnes. Ce modèle admet une hétérochronie du rythme de développement des capacités et une fluctuation dans le temps des relations entre capacités. Plusieurs travaux ont investigué auprès d’enfants trisomiques les relations spécifiques entre certains domaines cognitifs (évalués au moyen des IPDS d’Uzgiris et Hunt., 1975) et certaines capacités communicatives pragmatiques précoces (évaluées au moyen des tâches de Snyder, 1978 ; ou des ESCS de Seibert et al., 1982 ; ou des ECSP de Guidetti et Tourrette, 1993 ; ou des échelles de compréhension et d’expression langagière, REEL de Reynell, 1977). En voici quelques résultats. Greenwald et Leonard (1979) soulignent le lien entre

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l’atteinte des stades IV ou V en MB, CE, SO et leur utilisation de performatifs déclaratifs et impératifs prélinguistiques ; ce lien augmente en fonction de leur âge chronologique. Smith et Von Tetzchner, (1986) observent de bonnes performances primolangagières chez des enfants trisomiques atteignant le stade VI en PO, MB et RS. Quant à Pruess et al. (1987), ils dégagent le lien entre leurs capacités en PO, CE, RS et leurs capacités communicatives précoces. Mundy et al. (1988) rapportent que les enfants trisomiques manifestant plus d’actes ludiques fonctionnels et symboliques initient plus l’attention conjointe et la requête et présentent un meilleur langage réceptif. Kasari et al. (1995) relèvent chez les enfants trisomiques (comparés à des enfants tout-venant) une évolution spécifique des corrélations entre l’âge mental aux échelles de Cattell et les mesures d’attention conjointe et de langage (évalué un an plus tard au moyen du REEL). Nader-Grosbois (2001b) émet trois constats chez des enfants trisomiques : une coordination globale entre le stade cognitif modal (III, IV, V et VI) obtenu aux EEDCP et le niveau communicatif modal (1, 2, 3–3,5 et 4) obtenu aux ESCS (coordination quasi similaire à celle des enfants tout-venant) ; des relations positives d’importance très variable, entre les scores aux différentes échelles cognitives et communicatives, avec contrôle de l’âge chronologique ; des relations plus consolidées entre leurs capacités cognitives et communicatives composant chaque cluster obtenu : [SO–IRC–PO–RRC–RIS–MB–RS–CE] et [IG–IV–MIS–IAC– IIS–RAC–MAC]. 1.4. Relations entre cognition et adaptation psychomotrice Plusieurs travaux montrent que la trisomie est souvent associée à un retard du développement moteur ou à des troubles moteurs (Bruni, 1998 ; Carr, 1970 ; Céleste et Lauras, 1997 ; Cicchetti et Sroufe, 1976 ; Cuilleret, 1992 ; Cunningham, 1994 ; Henderson, 1985 ; Reid et Block, 1996 ; Schnell, 1984), même si ces enfants progressent selon la même séquence développementale que les enfants tout-venant (Russell et Palisano, 1998). Ces travaux soulignent des troubles dans la planification et l’exécution motrice, la coordination globale des mouvements du corps, la coordination oculomanuelle, l’hypotonie musculaire, la réactivité et l’accommodation aux divers stimuli sensoriels, l’acquisition ralentie de postures ou déplacements, des différences interindividuelles importantes chez ces enfants. Plusieurs études rapportent des corrélations positives modérées entre les scores moteurs (évalués au moyen de l’échelle motrice de Bayley ou d’autres indicateurs psychomoteurs) et les scores cognitifs (obtenus aux moyen de l’échelle cognitive de Bayley) qui fluctuent selon l’âge des enfants trisomiques (Carr, 1970 ; Cicchetti et Sroufe, 1976 ; Schnell, 1984). Chez ceux-ci, des relations spécifiques apparaissent entre d’une part, leurs capacités cognitives et d’autre part, leur tonus musculaire (Cicchetti et Sroufe., 1976), leur motricité fine (Bruni, 1998), leur acquisition de la position assise (influençant la motricité fine) [Henderson, 1985]. 1.5. Relations entre communication et adaptation socioémotionnelle Quelques particularités socioémotionnelles sont relevées chez des enfants trisomiques : leur tempérament à tendance plus calme (Bridges et Cicchetti, 1982 ; Cunningham, 1994 ; Greenberg et Field, 1982,) même s’il existe des similitudes par rapport aux enfants tout-venant (Vaughn et al., 1994a) ; leur moindre expression des émotions (Cicchetti et Sroufe, 1978 ; Kasari et al., 1990 ; Kasari et Sigman, 1996) ; leur compréhension malaisée de l’expression émotionnelle d’autrui (Lewis et Sullivan, 1996) ; leurs réactions moins manifestes de recherche de la mère en « strange situation » (Vaughn et al., 1994b ; Serafica et Cicchetti, 1976 ; leurs

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déficits interactifs avec les pairs (Kasari et Bauminger, 1998). Selon Mundy et al. (1988), les enfants trisomiques ayant un niveau faible d’éveil, ont un style plus passif d’interaction avec leur entourage, utilisent moins de requête non verbale pour réguler les événements dans l’interaction. De plus, les enfants trisomiques soutenant moins aisément leur motivation de maîtrise dans l’exploration des objets, font moins appel à l’adulte, par des actes communicatifs pour atteindre les objets ou demander son aide (Berry et al., 1984 ; MacTurk et al., 1985). De plus, Kasari et al. (1990) rapportent que chez les enfants trisomiques, le pourcentage d’affect positif partagé avec leur mère est lié à leurs habiletés d’attention conjointe et de langage expressif. 1.6. Relations entre cognition et adaptation socioémotionnelle Dans leur étude longitudinale, Cicchetti et Sroufe (1976) soulignent un lien prédictif entre l’âge du premier sourire et le développement cognitif précoce d’enfants trisomiques. Plusieurs auteurs relèvent le lien entre certaines dimensions du tempérament et quelques capacités cognitives chez ces enfants. Mundy et al. (1983) obtiennent un lien positif entre la réaction aux stimuli nouveaux et le niveau de développement cognitif obtenu aux IPDS. Selon Motti et al. (1983) les enfants trisomiques de deux ans présentant un meilleur quotient de développement, sont plus enthousiastes et impliqués en situation ludique et manifestent plus d’affects positifs. Quant à la motivation de maîtrise, ces enfants s’engagent moins et manifestent moins de plaisir en causalité que les enfants tout-venant (Ruskin et al., 1994a, 1994b). Par ailleurs, Serafica (1990) souligne que chez ces enfants, le lent développement des capacités cognitives soustendant la compétence sociale, freine leur initiation et leur maintien des échanges avec leurs pairs. Certains auteurs identifient un lien positif entre la qualité de l’attachement de jeunes enfants trisomiques à leur mère et leur développement cognitif (Rauh et Calvet, 2004). 1.7. Relation entre communication et adaptation psychomotrice Laroche et Mellier (2003) observent chez de jeunes enfants trisomiques et tout-venant que la coordination entre l’émission de vocalises et la quantité de mouvements moteurs évolue en fonction de leur âge de développement ; les enfants trisomiques bougent plus durant leurs vocalisations. Au vu de cette littérature, notons que peu d’études récentes portant sur des enfants trisomiques ont investigué l’organisation structurelle de leurs capacités spécifiquement pour la période sensorimotrice, a fortiori chez des enfants trisomiques en situation de désavantage familial et éducatif. 2. Objectif de l’étude Cette étude transversale examine les patterns relationnels cognitifs et communicatifs précoces présentés par de jeunes enfants trisomiques bulgares, institutionnalisés et sous-stimulés, se situant entre les stades II et VI. Sont aussi explorés les liens entre leur degré d’adaptation psychomotrice, socioémotionnelle et leurs compétences cognitives et communicatives. Les forces et faiblesses dans ces quatre secteurs seront également identifiées.

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3. Méthode 3.1. Participants L’étude porte sur 20 enfants trisomiques bulgares (13 filles et sept garçons) âgés entre 5 et 74 mois (M = 28,65 mois ; ET = 19,33) et dont l’âge développemental se situe entre 2 et 22 mois (M = 8,84 mois ; ET = 6,4). Leurs quotients de développement indiquent que leur retard intellectuel est majoritairement sévère (M = 31,40 ; ET = 14,50) même si la dispersion révèle un retard intellectuel modéré chez certains. Ils sont pris en charge par une équipe pluridisciplinaire dans deux institutions médicosociales pour enfants situées à Sofia et Pernik, offrant essentiellement une réponse rudimentaire aux besoins de ces enfants. Celles-ci s’assurent de leur bonne santé physique par des soins médicaux, d’hygiène, une alimentation équilibrée, un respect de leur rythme biologique et proposent des activités occupationnelles collectives ou de jeux libres dans un espace commun à l’ensemble du groupe de vie (environ 15 à 20 jeunes enfants). Un centre de clinique génétique a été contacté afin d’avoir accès à des enfants trisomiques vivant en famille mais la majorité des familles n’ont pas participé. Sur base des objectifs de l’étude, ces enfants se situant entre les stades sensorimoteurs II à VI, sont comparés à des enfants trisomiques belges et tout-venant, examinés selon la même méthodologie (Nader-Grosbois, 2001b). 3.2. Instruments Deux instruments néopiagétiens ont été utilisés sous la forme de versions bulgares : les échelles d’évaluation du développement cognitif précoce (EEDCP, Nader-Grosbois, 1993, 2000) inspirées des infant psychological developmental scales (IPDS, Uzgiris et Hunt., 1975) ; et l’évaluation de la communication sociale précoce (ECSP, Guidetti et Tourrette, 1993) inspirée des early social communication scales (ESCS, Seibert et Hogan, 1982). Sept échelles composent les EEDCP : la permanence de l’objet (PO), les moyens–but (MB), l’imitation verbale (IV) et gestuelle (IG), les cause–effet (CE), les relations spatiales (RS), les schèmes de relation aux objets (SO). Les résultats s’expriment en stade sensorimoteur (de I à VI) par échelle et modal pour l’ensemble des échelles, en score ordinal optimal par échelle, en score moyen aux échelles, en âge développemental approximatif (ADA, Dunst, 1980) et en score de déviation entre l’âge chronologique et l’ADA. Un profil de développement cognitif peut être établi. Les huit échelles ECSP reprennent trois fonctions communicatives (interaction sociale, attention conjointe, régulation de comportement) et trois rôles (réponse, initiation et maintien) et s’intitulent : réponse à l’interaction sociale (RIS), initiation de l’interaction sociale (IIS), maintien de l’interaction sociale (MIS), réponse à l’attention conjointe (RAC), initiation à l’attention conjointe (IAC), maintien de l’attention conjointe (MAC), réponse à la régulation de comportement (RRC), initiation à la régulation de comportement (IRC). Les résultats s’expriment en niveaux développementaux (1, simple volontaire ; 2, complexe différencié ; 3, conventionnel gestuel ; 3,5, conventionnel verbal [un mot] ; 4, symbolique [deux mots]), soit optimaux, moyens ou médians ; en score ordinal avec calcul de points, en fourchettes d’âge développemental (allant de 0 à 30 mois). Un profil de développement communicatif peut être établi.

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Vu le nombre d’items variant selon les échelles, les scores ordinaux ont été transformés en cote allant de 0 à 20 pour appliquer les différentes analyses intégrant ces données développementales. En outre, deux grilles issues du transdisciplinary play based assesment (TPBA, Linder, 1990) applicables à des enfants d’âge de développement de zéro à six ans ont été employées. Ces outils ont servi à repérer le répertoire en motricité globale et fine (TPBAmo) et des indicateurs socioémotionnels (TPBAem) manifestés par les enfants. La TPBAmo comprend cinq catégories : (1) l’aspect général des mouvements (AGM) ; (2) le tonus, la force et l’endurance (TFE) ; (3) la réactivité aux stimulations sensorielles (SS) ; (4) les postures et déplacements (PD) ; (5) la préhension et la manipulation (PM). La TPBAem comprend sept catégories : (1) le tempérament (AAR) ; (2) la motivation de maîtrise (MM) ; (3) les interactions avec une personne familière (IPF) ; (4) les interactions avec l’examinateur (IE) ; (5) les interactions avec les pairs (IP) ; (6) la nuance dans les interactions (NI) ; (7) l’humour (HU). Nader-Grosbois a adapté ces grilles pour apprécier l’adaptation des comportements moteurs et émotionnels en référence à trois critères valant trois scores de cotation : adapté (2), moyennement adapté (1), non adapté (0). Il est important de déterminer quel répertoire perceptif et moteur est mobilisé en résolution de problème chez des enfants trisomiques, plutôt que de décrire leurs troubles. De plus, appréhender les indicateurs socioémotionnels dans diverses interactions avec différentes personnes aide à comprendre comment la communication de l’enfant trisomique est facilitée ou enfreinte suivant la coloration émotionnelle des interactions. Ces quatre outils ont été traduits en bulgare ; leur adaptation a été vérifiée dans une étude exploratoire instrumentale auprès d’enfants bulgares tout-venant et atypiques. 3.3. Procédure Les examens, menés par deux psychologues entraînées, ont eu lieu dans un local de l’institution en présence d’un professionnel familier (psychologue, puéricultrice ou infirmière). Au préalable, des informations sur la santé et l’étiologie ont été fournies par le pédiatre, chef de service. La psychologue responsable a informé l’examinateur à propos des quotients de développement des enfants obtenus au moyen d’une version bulgare réétalonnée de l’échelle de Brunet-Lézine (Manova-Tomova, 1974). En fonction de l’âge chronologique, des résultats à l’échelle diagnostique, sont ciblées les situations inductrices de l’examen développemental au moyen des versions bulgares des EEDCP et ECSP. L’examen commence par la mise en œuvre des situations communes aux deux instruments et se poursuit par les situations spécifiques à chaque instrument. L’ordre des situations fluctue suivant l’intérêt et l’attention de l’enfant. L’examinateur veille à ce que, pour chaque échelle, un certain nombre de comportements soient émis pour obtenir un profil représentatif. Les examens s’effectuent en deux ou trois séances au cours de deux journées successives. Des pauses donnent l’occasion d’observer les comportements spontanés de l’enfant et d’échanger avec la personne familière. La notation des comportements est réalisée sur les protocoles respectifs des échelles lors de l’examen, par un notateur entraîné ; elle est ensuite complétée juste après l’examen sur base des observations de l’examinateur et de l’observateur. Les grilles TPBAmot et TPBAem sont complétées par l’examinateur et l’observateur sur base de leurs observations au cours de l’examen et des informations rapportées par un professionnel familier de l’enfant.

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4. Résultats Pour apprécier les forces ou faiblesses d’un domaine développemental, des comparaisons de moyennes de scores à chaque échelle ont été réalisées par application d’un t de Student. Pour affiner l’étude des relations entre domaines, au-delà des relations globales entre secteurs, des analyses corrélationnelles entre les différents scores ont été effectuées au moyen du coefficient de corrélation partiel de Kendall, avec contrôle de l’âge chronologique ; ainsi que des analyses hiérarchiques par clusters selon la méthode agglomérative de Ward (Johnson, 1967). Ces dernières classent hiérarchiquement les relations entre scores et déterminent des regroupements de variables. En outre, l’analyse en cluster de cas a été appliquée aux scores cognitifs et communicatifs spécifiques pour dégager des sous-groupes d’enfants à fonctionnement proche. 4.1. Relations entre domaines cognitifs Sur base des moyennes à chaque domaine cognitif, des différences significatives sont obtenues. Le score moyen en SO (M = 9,83 ; ET = 6,02) est significativement plus élevé que le score moyen dans tous les autres domaines cognitifs, la PO (M = 8,46 ; ET = 5,71), [t(19) = 2,81 ; p < 0,01] ; les MB (M = 6,84 ; ET = 6,15), [t(19) = 4,20 ; p < 0,001] ; l’IV (M < 4,83 ; ET = 3.53), [t(19) = 5,82 ; p < 0,001] ; l’IG (M = 7,35 ; ET = 7,32), [t(19) = 3,54 ; p < 0,005] ; les CE (M = 7,88 ; ET = 7,54), [t(19) = 2,75 ; p < 0,01] ; les RS (M = 7,73 ; ET = 6,80), [t(19) = 2,91 ; p < 0,01]. Quant au score moyen en IV (M = 4,83 ; ET < 3,53), il est significativement plus faible que les scores moyens de plusieurs domaines cognitifs : la PO (M = 8,46 ; ET = 5,71), [t(19) = –4,53 ; p < 0,001] ; l’IG (M = 7,35 ; ET = 7,32), [t(19) = –2,20 ; p < 0,05] ; les CE (M = 7,88 ; ET = 7,54), [t(19) = –2,63 ; p < 0,05] ; les RS (M = 7,73 ; ET = 6,80), [t(19) = –2,43 ; p < 0,05] et les SO (M = 9,83 ; ET = 6,02),), [t(19) = –5,82 ; p < 0,001]. Les corrélations partielles entre les scores cognitifs, avec contrôle de l’âge chronologique (Tableau 1) indiquent des relations positives et significatives, variables en importance entre les sept domaines, à l’exception d’IV qui n’est positivement liée qu’aux capacités en PO, CE et SO. Les analyses par cluster confortent ces résultats ; le premier cluster comprend [IG–CE– MB–RS–PO–SO] et le deuxième, [IV]. La corrélation entre le quotient de développement moyen et le score cognitif moyen n’est pas significative (r = 0,31 ; p < 0,01). Aucune corrélation n’est significative entre le quotient de développement moyen et chaque score cognitif par domaine. Quant à la corrélation partielle Tableau 1 Corrélations partielles entre scores cognitifs, avec contrôle de l’AC Domaines cognitifs PO MB IV IG CE RS SO

PO

MB

IV

IG

CE

RS

0,79*** 0,49* 0,73*** 0,75*** 0,74*** 0,83***

0,21 0,67*** 0,64*** 0,83*** 0,61**

0,42 0,56* 0,05 0,54*

0,94*** 0,80*** 0,75***

0,75*** 0,80***

0,67***

***p < 0,005 ; **p < 0,01 ; *p < 0,05.

SO

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entre l’âge développemental moyen et le score cognitif moyen, avec contrôle de l’âge chronologique, elle est positive et très significative (r = 0,98 ; p < 0,001). 4.2. Relations entre domaines communicatifs Sur la base des scores moyens obtenus pour chaque fonction communicative, quelques différences significatives apparaissent : le score moyen en AC (M = 6,38 ; ET = 2,66) est significativement plus faible que le score moyen en RC (M = 9,10 ; ET = 2,96), [t(19) = –4,81 ; p < 0,001] ; et en IS (M = 7,77 ; ET = 3,31), [t(19) = –2,46 ; p < 0,05] ; de plus, le score moyen en IS (M = 7,77 ; ET = 3,31) est inférieur au score moyen en RC (M = 9,10 ; ET = 2,96), [t(19) = –2,42 ; p < 0,05]. Parmi les corrélations partielles entre les scores communicatifs, avec contrôle de l’âge chronologique (Tableau 2), quelques unes sont positives et significatives : entre capacités d’interaction sociale (RIS et IIS, RIS et MIS, IIS et MIS) ainsi qu’entre RAC et IAC ; entre RRC et MIS ; entre RRC et IAC. Les analyses par cluster identifient deux clusters : le premier comprend [RIS–IIS–IAC–RR–IR–MIS] et le deuxième inclut [RAC–MAC]. 4.3. Relations entre cognition et communication Le Tableau 3 présente les enfants trisomiques, répartis suivant leur stade cognitif modal et leur niveau communicatif modal. Au stade II (reproduction d’actions sur le corps propre, un à quatre mois), les enfants émettent des actes communicatifs simples indifférenciés dirigés vers autrui (niveau 1). Au stade III (premières conduites intentionnelles simples, quatre à neuf mois), ils manifestent parfois des Tableau 2 Corrélations partielles entre scores communicatifs, avec contrôle de l’AC Domaines communicatifs RIS IIS MIS RAC IAC MAC RRC IRC

RIS

IIS

MIS

RAC

IAC

MAC

RRC

0,51* 0,54* 0,33 0,41 0,23 0,38 0,16

0,49* 0,24 0,26 0,19 0,12 –0,03

0,36 0,42 –0,11 0,46* 0,09

0,71*** 0,30 0,28 0,16

0,35 0,55* 0,26

0,11 –0,09

0,10

IRC

***p < 0,005 ; *p < 0,05. Tableau 3 Stades cognitifs modaux et niveaux communicatifs modaux des enfants trisomiques Stade cognitifs II III IV V VI

Niveaux communicatifs 1 2 7 1 2 5 2 8

9

3

2 1 3

3,5

4 7 3 5 4 1 20

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comportements de niveau 1 et des actes communicatifs différenciés ou des routines sociales de niveau 2. Au stade IV (combinaison de schèmes secondaires en situation nouvelle, 9–11 mois), ils continuent à émettre des comportements de niveau 2. Au stade V (expérimentation par essais–erreurs, 12–18 mois), ils manifestent des comportements communicatifs de niveau 2 ou de niveau 3, par des actes conventionnels gestuels. Le seul enfant se situant au stade VI (représentation mentale, 19–24 mois) émet encore des actes conventionnels gestuels de niveau 3. Bien que cette comparaison reflète une certaine progression entre cognition et communication précoce chez ces enfants trisomiques bulgares, des variabilités interindividuelles sont repérables, par un rythme plus rapide ou plus lent du développement communicatif à un même stade modal cognitif. Quant à la corrélation entre les scores cognitif et communicatif moyens, avec contrôle de l’âge chronologique, elle est positive et significative (r = 0,52 ; p < 0,05). Les corrélations partielles entre les scores à chaque échelle cognitive et communicative, avec contrôle de l’âge chronologique (Tableau 4), indiquent des relations positives significatives entre les capacités en IS (variant selon les rôles) et la majorité des domaines cognitifs, dont PO, MB, IG, CE, RS, SO. L’IAC est corrélée positivement aux capacités en PO et IG; ainsi que RRC et les capacités en PO, SO. Les analyses par clusters identifient deux clusters : le premier inclut [IG–CE–MB–RS–PO–SO] et le second comprend [RAC–MAC–IV–RIS–IIS– IAC–RRC–IRC–MIS]. Ces résultats soutiennent que les capacités cognitives d’exploration des objets se développent de manière asynchrone par rapport aux capacités communicatives et d’imitation vocale qui se développent plus lentement chez ces enfants. La corrélation entre le quotient de développement moyen et le score communicatif moyen n’est pas significative (r = 0,14 ; ns.). Aucune corrélation n’est significative entre le quotient de développement moyen et chaque score communicatif par fonction. Quant à la corrélation partielle entre l’âge de développement moyen et le score communicatif moyen avec contrôle de l’âge chronologique, elle est positive et significative (r = 0,54 ; p < 0,05). 4.4. Relations entre domaines cognitifs et adaptation psychomotrice La corrélation partielle entre les scores cognitif et psychomoteur moyens, avec contrôle de l’âge chronologique, n’est pas significative (r = 0,38 ; ns.). Quelques corrélations spécifiques sont positives et significatives, en contrôlant l’âge chronologique : entre l’aspect général des mouvements et trois domaines cognitifs, MB (r = 0,56 ; p < 0,05), IG (r = 0,46 ; p < 0,05), RS Tableau 4 Corrélations partielles entre scores cognitifs et communicatifs, avec contrôle de l’AC Échelles communicatives RIS IIS MIS RAC IAC MAC RRC IRC

Échelles cognitives PO MB

IV

IG

CE

RS

SO

0,80*** 0,74*** 0,69*** 0,41 0,48* 0,22 0,51* 0,13

0,31 0,29 0,59** 0,29 0,35 0,16 0,30 –0,17

0,52* 0,49* 0,66*** 0,38 0,48* 0,22 0,39 –0,09

0,46* 0,50* 0,64** 0,32 0,45 0,19 0,43 –0,04

0,60** 0,58** 0,44 0,27 0,30 0,07 0,17 0,12

0,55* 0,57** 0,64** 0,44 0,39 0,05 0,50* 0,03

***p < 0,005 ; **p < 0,01 ; *p < 0,05.

0,72*** 0,41 0,53* 0,32 0,44 0,14 0,36 0,13

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(r = 0,46 ; p < 0,05) ; et entre la réaction aux stimulations sensorielles et MB (r = 0,46 ; p < 0,05). La corrélation entre le quotient de développement moyen et le score psychomoteur moyen n’est pas significative (r = 0,41 ; ns.). Quant à la corrélation partielle entre l’âge de développement moyen et le score psychomoteur moyen avec contrôle de l’âge chronologique, elle n’est pas significative (r = 0,40 ; ns.). 4.5. Relations entre domaines communicatifs et adaptation socioémotionnelle La corrélation partielle entre les scores communicatif et socioémotionnel moyens avec contrôle de l’âge chronologique n’est pas significative (r = 0,16 ; ns.). Seules deux corrélations spécifiques sont positives et significatives, en contrôlant l’âge chronologique : entre la motivation de maîtrise et deux capacités communicatives, MIS (r = 0,56 ; p < 0,05) ; et IAC (r = 0,46 ; p < 0,05). 4.6. Relations entre domaines cognitifs et adaptation socioémotionnelle Le score cognitif moyen est corrélé positivement au score socioémotionnel moyen, avec contrôle de l’âge chronologique (r = 0,51 ; p < 0,05). Quelques corrélations spécifiques positives et significatives sont obtenues en contrôlant l’âge chronologique : entre le tempérament et RS (r = 0,50 ; p < 0,05); entre la motivation de maîtrise et IG (r = 0,54 ; p < 0,05) ; entre l’humour et plusieurs domaines cognitifs, PO (r = 0,48 ; p < 0,05), MB (r = 0,50 ; p < 0,05), IG (r = 0,49 ; p < 0,05), RS (r = 0,56 ; p < 0,05) ; et entre la nuance dans les interactions et SO (r = 0,55 ; p < 0,05). La corrélation entre le quotient de développement moyen et le score socioémotionnel moyen n’est pas significative (r = 0,34 ; ns.). Quant à la corrélation partielle entre l’âge de développement moyen et le score socioémotionnel moyen avec contrôle de l’âge chronologique, elle est positive et significative (r = 0,49 ; p < 0,05). 4.7. Relations entre domaines communicatifs et psychomoteurs La corrélation partielle entre les scores communicatif et psychomoteur moyens avec contrôle de l’âge chronologique est nulle (r = 0,04, ns.). Des corrélations partielles positives et significatives apparaissent entre d’une part, l’aspect général des mouvements et d’autre part, RAC (r = 0,54 ; p < 0,05), IAC (r = 0,50 ; p < 0,05) et MAC (r = 0,51 ; p < 0,05), en contrôlant l’âge chronologique. 4.8. Regroupements de profils multidimensionnels individuels L’analyse par cluster de cas appliquée sur la base des scores relevant de tous les domaines spécifiques (cognitifs, communicatifs, socioémotionnels et psychomoteurs) récoltés pour chaque cas d’enfant trisomique bulgare a dégagé quatre sous-groupes présentant des patterns structurels distincts. Ces quatre regroupements (variant entre quatre et six enfants) sont caractérisés par un ADA cognitif moyen correspondant respectivement aux fourchettes suivantes : entre deux et trois ; 3 et 4,5 ; 8 et 11 ; et 16 et 22 mois.

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5. Discussion 5.1. Relations entre domaines cognitifs Cette étude relève la faiblesse de l’imitation vocale ainsi que sa relative autonomie de développement par rapport aux autres domaines cognitifs (vu les corrélations faibles, non significatives avec ceux-ci, la composition des clusters) et confirme les constats d’autres études évoquant un phénomène de « slowing down » développemental en imitation vocale chez les enfants trisomiques (Dunst et al., 1981, Dunst et Rheingrover, 1983 ; Dunst, 1990 ; NaderGrosbois, 2001a). Notons que les situations de face à face avec l’adulte orientées vers l’imitation vocale précoce étant rarement proposées à ces enfants bulgares, cette faiblesse en ce domaine ne peut qu’en être accentuée en comparaison à des enfants trisomiques plus favorisés qui bénéficient de stimulations précoces sollicitant la réponse à des modèles vocaux dans la prise en charge par des orthophonistes. Cette étude relève de meilleures capacités en schèmes de relation aux objets chez les enfants trisomiques bulgares : cela peut s’expliquer par le fait que ceux-ci sont souvent en situation de jeux libres leur permettant d’appliquer les schèmes d’action de leur répertoire. L’organisation structurelle cognitive obtenue pour ces enfants trisomiques bulgares se distingue cependant de ce que d’autres travaux ont relevé (Dunst et al., 1981, Dunst et Rheingrover, 1983 ; Dunst, 1990 ; Nader-Grosbois, 2001a) par le fait que peu d’homologies locales sont identifiées : leur cognition précoce induisant l’exploration de l’environnement matériel semble suivre un rythme lent de développement et serait ainsi expliquée par l’hypothèse de retard de développement (Weisz et al., 1982). 5.2. Relations entre domaines communicatifs Cette étude constate une faiblesse de l’attention conjointe par rapport aux fonctions de régulation de comportement et d’interaction sociale, rejoignant les résultats d’autres travaux (Hamard et Delavaux, 1995 ; Kasari et al., 1990, 1995 ; Mellier et al., 1997 ; Mundy et al., 1995, Mundy et Sheinkopf, 1998 ; Nader-Grosbois, 1999 ; Smith et Von Tetzchner, 1986). Toutefois, l’interaction sociale apparaît moins aisée que la régulation de comportement chez ces enfants trisomiques bulgares ; ce qui va à l’encontre des résultats d’autres auteurs (McCune et al., 1989 ; Mellier et al., 1997 ; Mundy et al., 1988, 1995 ; Nader-Grosbois, 1999). Par ailleurs, les relations entre les capacités communicatives pour les huit échelles relevées dans cette étude sont très peu nombreuses et concernent essentiellement les capacités en interaction sociale ; ces résultats rejoignent en partie ceux de Hamard et Delavaux (1995) mais pas ceux de Nader-Grosbois (1999) rapportant des relations positives entre toutes les échelles communicatives, pour les enfants trisomiques belges. Cependant, les clusters obtenus dans cette étude et celle de Nader-Grosbois (1999) révèlent une association privilégiée de RACMAC (capacités souvent plus faibles). Particulièrement chez ces enfants trisomiques bulgares, les conditions institutionnelles orientées essentiellement sur une prise en charge collective impliquent que chacun d’eux n’a que très peu l’opportunité d’interagir avec l’adulte en situation dyadique, pouvant privilégier la sollicitation de comportements relevant de l’attention conjointe sur des objets, des images ou des événements, et l’instauration de rituels d’interaction sociale enfant–adulte. En revanche, la demande d’aide à l’égard des adultes et même des pairs ainsi que le respect de consignes souvent mises en œuvre seraient propices au développement de conduites relevant de la régulation de comportement, en initiation et en réponse.

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5.3. Relations entre cognition et communication Sur le plan des relations globales entre cognition et communication, les résultats ne rencontrent que partiellement l’hypothèse piagétienne d’homologie générale chez les enfants trisomiques bulgares. En effet, bien que les scores cognitif et communicatif moyens soient liés positivement, la coordination entre les niveaux communicatifs (1, 2, 3, 3.5, 4) et l’atteinte des stades II, III, IV, V chez les enfants trisomiques bulgares ne reflète que partiellement la progression entre développement sensorimoteur et communication décrite chez des enfants trisomiques d’autres nationalités et des enfants tout-venant dans d’autres travaux. Nader-Grosbois (2001b) a rapporté chez des enfants belges trisomiques et tout-venant, qu’au stade III, ils réagissent de manière intentionnelle, différenciée selon les personnes ; au stade IV, ils utilisent des vocalisations, des gestes communicatifs ritualisés ; au stade V, ces gestes se conventionnalisent, des approximations de mot débutent ; au stade VI, ils prononcent des mots isolés et quelques combinaisons de deux mots. Alors que les enfants trisomiques bulgares, même s’ils sont capables cognitivement d’explorer leur environnement de manière élaborée, ils éprouvent des difficultés à ritualiser leurs interactions dyadiques, à conventionnaliser leurs actes communicatifs. Ces résultats vont aussi à l’encontre de ceux d’autres études relevant le lien entre l’atteinte des stades V et VI et l’émergence de mots chez des enfants trisomiques (Cardoso-Martins et al., 1985; Mahoney et Snow, 1983 ; Nader-Grosbois, 2001b). En outre, les relations spécifiques variables en importance entre certains domaines cognitifs et particulièrement les capacités communicatives d’interaction sociale mises en évidence dans la présente étude confortent l’hypothèse d’homologies locales entre celles-ci, chez les enfants trisomiques bulgares ; mais ces résultats contrastent partiellement avec ceux d’études antérieures obtenus chez des enfants trisomiques d’autres nationalités et des enfants tout-venant, relevant des relations beaucoup plus nombreuses entre les différents domaines cognitifs et communicatifs (Nader-Grosbois, 2006). Quant aux clusters identifiés dans cette étude, ils confirment la faible coordination entre capacités relevant de ces deux secteurs. Nader-Grosbois (2001b, 2001c) a aussi relevé chez les enfants trisomiques belges (comparés à des enfants tout-venant) des constructions cognitivocommunicatives plus fragiles, moins généralisables. Notons que ces enfants trisomiques bulgares bénéficient, dans leur contexte éducatif institutionnel, d’occasions très réduites d’interactions dyadiques privilégiées favorables à la coordination entre développement cognitif et communicatif, contrairement à des enfants tout-venant et présentant un retard mental vivant dans des pays dans lesquels depuis plusieurs années l’intervention précoce est organisée en partenariat avec les familles. Dans cet échantillon bulgare, peu d’enfants atteignent les stades V et VI de façon généralisée ; or, la plupart des travaux (à l’exception de ceux de Nader-Grosbois, 2001b) ont étudié les capacités communicatives d’enfants trisomiques se situant aux derniers stades sensori-moteurs et manifestant leurs premiers actes symboliques (Beeghly et al., 1990 ; Cardoso-Martins et al., 1985 ; Fowler, 1990 ; Hill et al., 1981 ; Mahoney et Snow, 1983 ; Miller, 1987, 1992 ; Moore et al., 1977 ; Smith et Von Tetzchner, 1986). Enfin, la permanence de l’objet des enfants trisomiques bulgares est liée à certaines capacités en interaction sociale, en attention conjointe et en régulation de comportement ; ce constat rejoint ceux d’autres auteurs soulignant l’impact de la permanence de l’objet sur l’usage d’actes communicatifs non verbaux et langagiers (Moore et al., 1977 ; Nader-Grosbois, 2001b ; Pruess et al., 1987 ; Smith et Von Tetzchner, 1986). Leurs capacités d’imitation gestuelle sont liées à certaines capacités en interaction sociale et en attention conjointe ; ce lien entre l’imitation et la communication précoce est aussi identifié par d’autres auteurs (Chatelanat, 1992 ; Mahoney et al.,

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1981 ; Nader-Grosbois, 2001b). Comment interpréter ces divers constats ? Pour expliquer les modes de développement d’enfants à retard mental en période sensorimotrice, Nader-Grosbois (2006) a proposé un modèle intégré à effets « en cascades » : (1) sur le plan du microfonctionnement, les dysfonctionnements dans leurs stratégies cognitives et communicatives en contexte de résolution de problème engendrent ; (2) des homologies locales entre capacités cognitives et communicatives variables suivant les âges et qui impliquent ; (3) sur le plan d’un macrofonctionnement, une dysharmonie développementale entre cognition et communication. Ce modèle pourrait s’appliquer aux enfants trisomiques bulgares par le fait que ceux-ci, par les conditions environnementales peu stimulantes et l’irrégularité des situations interactives intégrant l’étayage privilégié de l’adulte, ont peu l’occasion d’expérimenter la mobilisation de stratégies ou de schèmes cognitivosociocommunicatifs de façon combinée ; cela impliquerait des homologies locales instables entre domaines cognitifs et communicatifs et expliquerait le manque de coordination entre les secteurs cognitif et communicatif, plus important chez ces enfants trisomiques bulgares que chez des enfants trisomiques bénéficiant de conditions éducatives plus favorables et individualisées. 5.4. Relations entre domaines cognitifs et adaptation psychomotrice Contrairement à certains travaux (Carr, 1970 ; Cicchetti et Sroufe, 1976 ; Schnell, 1984) soulignant un lien positif entre les niveaux cognitif et moteur, cette étude n’obtient pas ce même lien ; toutefois, elle identifie des relations spécifiques entre l’aspect général des mouvements et plusieurs domaines cognitifs ; ainsi qu’entre la réactivité aux stimuli sensoriels et la capacité à utiliser des moyens pour atteindre un but. D’autres travaux ont aussi rapporté des liens plus spécifiques mais concernant d’autres indicateurs cognitifs et psychomoteurs (liés au tonus et à la motricité fine) (Bruni, 1998 ; Cicchetti et Sroufe, 1976 ; Henderson, 1985). D’où, il est important de différencier par quelle méthodologie d’évaluation ces deux secteurs sont examinés. Notons que la pauvreté de l’environnement spatial et matériel proposé à ces enfants trisomiques bulgares ainsi que les manques d’intervention psychomotrice, kinesthésique peuvent générer des dysfonctionnements psychomoteurs se répercutant partiellement sur leur développement cognitif. 5.5. Relations entre domaines communicatifs et adaptation socioémotionnelle Bien que ces deux secteurs ne soient pas globalement liés dans cette étude, la motivation de maîtrise des enfants trisomiques bulgares est liée à certaines capacités d’interaction sociale et d’attention conjointe ; d’autres auteurs ont souligné l’impact de cette motivation de maîtrise sur la communication d’enfants trisomiques mais surtout sur leurs capacités en régulation de comportement (Berry et al., 1984 ; MacTurk et al., 1985). Cette étude n’a cependant pas examiné les dimensions d’expression d’affects, d’émotions et d’attachement à la mère, de manière assez différenciée pour discuter les résultats d’autres auteurs soulignant l’impact de déficits de ces dimensions affectives sur la communication de ces enfants (Cicchetti et Sroufe, 1978 ; Kasari et al., 1990, 1996 ; Lewis et Sullivan,1996 ; Serafica et Cicchetti, 1976 ; Vaughn et al., 1994b). En effet, l’absence des parents dans la vie de ces enfants trisomiques bulgares fait obstacle à la possibilité d’observer leurs comportements relatifs aux figures « classiques » d’attachement.

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5.6. Relations entre domaines cognitifs et adaptation socio-émotionnelle Comme d’autres travaux, cette étude relève un lien entre la cognition et l’adaptation socioémotionnelle des enfants trisomiques bulgares. Plus particulièrement, certains domaines cognitifs sont plus affectés par les dimensions socioémotionnelles suivantes (comme le constatent d’autres auteurs) : le tempérament plus passif, peu enthousiaste (Bridges et Cicchetti, 1982 ; Cunningham, 1994 ; Greenberg et Field, 1982 ; Motti et al., 1983 ; Mundy et al., 1983) ; leur plus faible motivation de maîtrise (Ruskin et al., 1984a, 1984b) ; leur difficulté d’adaptation dans les interactions avec l’adulte ou les pairs (Serafica, 1990). Quant aux prémices de l’humour, elles sont liées à plusieurs capacités cognitives mais d’autres études n’ont pas exploré ces relations chez de jeunes enfants trisomiques. L’approche éducative collective proposée à ces enfants trisomiques bulgares peut induire une moindre prise d’initiative individuelle ayant un impact sur leur exploration cognitive en résolution de problème ; et par ailleurs, la détresse affective des enfants dans ce contexte ne peut qu’être défavorable au développement de leur cognition et de la taquinerie dans leurs attitudes et leurs actions. 5.7. Relations entre domaines communicatifs et adaptation psychomotrice Comme Laroche et Mellier (2003) l’ont indiqué, l’aspect général des mouvements peut avoir un lien spécifique avec certaines capacités communicatives précoces chez ces enfants trisomiques, bien que ces deux secteurs ne soient pas globalement liés dans la présente étude. De nouveau, le possible lien entre ces deux secteurs ne peut qu’être affecté par la pauvreté du soutien de l’éveil sensoriel, psychomoteur et par l’environnement social impliquant essentiellement des interactions collectives. 5.8. Profils multidimensionnels et quotient de développement, âge de développement Au vu du manque de relation entre les scores relevant des différents secteurs considérés et le quotient de développement moyen, ce dernier ne serait pas un bon indicateur pour créer des sous-groupes cliniques. En revanche, au vu des sous-groupes dégagés de l’analyse en clusters de cas dont la répartition s’est réalisée en fonction des ADA, il semble que l’ADA moyen obtenu aux EEDCP serait un excellent indicateur pour réaliser des groupes d’intervention auprès d’enfants ayant un fonctionnement proche malgré leurs variabilités inter- et intraindividuelles dans divers domaines. 6. Conclusion Chez les enfants trisomiques, on constate un manque d’intégration des capacités cognitives et communicatives précoces impliquant des structures relationnelles moins stables. Ce constat rejoint l’observation d’une difficulté de ces enfants à coordonner leurs actes à l’égard des objets et des personnes (Nader-Grosbois, 1999), ce qui confirme l’hypothèse de différence de leur mode de fonctionnement par rapport aux enfants tout-venant. Or, les modèles de Bates et al. (1977, 1979), de Bruner (1983, 1987) et de Nader-Grosbois (2006) soulignent l’impact des rituels interactionnels sur le développement cognitif, communicatif et langagier. On ne peut qu’encourager les professionnels bulgares à initier ces rituels stimulant l’attention conjointe,

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la régulation de comportement, le plaisir de l’interaction dyadique et l’exploration cognitive de l’environnement, rituels soutenus par un adulte « référent privilégié ». Aussi, certains dysfonctionnements socioémotionnels et psychomoteurs nuancent la compréhension des déficits cognitifs et communicatifs de ces enfants trisomiques : en conséquence, la prévention sur le plan psychoaffectif, et l’éveil sensoriel et psychomoteur au moyen d’un environnement matériel et d’une intervention psychomotrice précoce ne peuvent qu’être facilitateurs de leur développement cognitif et communicatif. À ce propos, signalons que Ionescu et Jourdan-Ionescu (2001) dans une étude longitudinale du développement psychomoteur sur une période de cinq ans, à propos d’enfants roumains abandonnés, placés à un jeune âge dans des institutions, ayant subi des carences affectives et en stimulation, ont observé une importante hétérochronie de leur développement et d’importantes différences individuelles. L’amélioration des conditions de vie, de la qualité des soins, des interactions avec le personnel et des activités éducatives a permis à certains enfants de rattraper leur retard de développement, de se rapprocher de la norme et de faire ainsi preuve de résilience, selon ces auteurs. Dans leur étude de la prédictibilité de négligence éducative à l’égard d’enfants à retard mental, Lalière et al. (2004) expliquent aussi la dynamique des facteurs de risque dont l’intervention précoce doit tenir compte, facteurs relevant : des troubles de développement de l’enfant, des caractéristiques parentales et de la médiocre qualité de vie de l’enfant et de sa famille. Par ailleurs, la présente étude montre l’intérêt de l’évaluation multidimensionnelle pour orienter les interventions car elle permet le repérage de stratégies privilégiées en résolution de problème avec l’adulte, l’identification de variabilités inter- et intra-individuelles (Nader-Grosbois, 1997, 2006). Ce type d’évaluation permet d’identifier des situations ludiques interactives favorables à diverses dimensions du développement et d’appliquer une méthode d’intervention individualisée visant à une coordination des capacités cognitives et communicatives précoces (comme celle proposée par Nader-Grosbois, 2004) ainsi que de déterminer des groupes éducatifs d’enfants sur base de leurs profils multidimensionnels. Enfin, l’intégration des parents comme partenaires au processus évaluatif de ce type a un impact sur le partenariat professionnel–parent : ils coopèrent au repérage des acquisitions et à l’identification d’objectifs d’intervention (Nader-Grosbois et Lepot-Froment, 2002). En Bulgarie, il est donc indispensable de mener de front une sensibilisation des familles aux possibilités de développement de leur enfant atypique, une création de services d’intervention précoce travaillant en collaboration et au sein des familles en se référant à des programmes individualisés ; cela pour prévenir les incapacités pouvant se surajouter à la déficience initiale de l’enfant. Remerciements Ces travaux ont été soutenus par la chaire Baron-Frère en orthopédagogie de l’UCL et par la Commission aux relations internationales (CGRI) favorisant la coopération en recherche entre pays de l’est et la Belgique. Références Bates, E., Benigni, L., Bretherton, I., Camaioni, L., Volterra, V., 1977. From gesture to the first word: on cognitive and social prerequesites. In: Lewis, M., Rosemblum, L.A. (Eds.), Interaction, conversation and the development of language. John Wiley and Sons, New-York, pp. 247–307. Bates, E., Benigni, L., Bretherton, I., Camaioni, L., Volterra, V., 1979. The emergence of symbols: cognition et communication in infancy. Academic Press, New York.

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