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Éditorial
Presse Med. 2014; 43: 1031–1033 ß 2014 Elsevier Masson SAS Tous droits réservés.
Quelle place pour un nouveau métier dans la santé : la coordination des soins ? Vincent Meininger1,3, Bertrand Fontaine1, David Grabli4, Arnaud Basdevant2, Karine Clement2, Marina Vignot2, Valérie Cordesse3
1. Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, institut de recherche translationnelle en neurosciences (A-ICM), 75013 Paris, France 2. Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, institut de cardiométabolisme et nutrition (ICAN), 75013 Paris, France 3. Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, réseau SLA IdF, 75013 Paris, France 4. Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, département des maladies du système nerveux, 75013 Paris, France
Correspondance : Disponible sur internet le : 26 juillet 2014
Vincent Meininger, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, institut de recherche translationnelle en neurosciences (A-ICM), 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.
[email protected]
What about a new job in the health system: The coordinator of care
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tome 43 > n810 > octobre 2014 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.06.006
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es progrès de la médecine ont permis l’émergence d’un grand nombre de maladies chroniques qui deviennent « compagnes de vie », le plus souvent de toute une vie [1]. L’accompagnement de ces malades tout au long de leur parcours de santé représente un défi majeur des politiques de santé et un enjeu pour notre société. En effet, ces maladies chroniques sont complexes, souvent évolutives, et nécessitent l’intervention d’une multiplicité d’acteurs. Ces différents acteurs ne se connaissent pas toujours, ne partagent pas la même culture professionnelle et ont donc souvent du mal à communiquer entre eux, ce qui est à l’origine de ruptures de ce parcours de santé [2]. Ces ruptures sont la source de stress important pour les patients et leurs familles comme pour les professionnels et entraînent des surcoûts qui pourraient être évités [3]. Un autre facteur important susceptible d’amplifier ce phénomène est économique, lié aux contraintes budgétaires et démographiques : moins de lits et moins de personnel à l’hôpital, moins de médecins généralistes et moins de soignants paramédicaux dans le secteur libéral. Les tentatives pour améliorer cette situation se sont avérées inefficaces. Face à ces contraintes, plusieurs rapports [4,5] posent la question de la nécessité des transferts de compétence dans l’optimisation du système de soins. Ils soulignent la nécessité de prévoir les formations nécessaires à l’exercice de ces nouvelles compétences et à la création de nouveaux métiers. Dans le développement de nouveaux métiers, différentes pistes ont été avancées [6].
V Meininger, B Fontaine, D Grabli, A Basdevant, K Clement, M Vignot, V Cordesse
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Outre le métier d’infirmières avancées [7], le rapport Cordier [5] suggère de promouvoir des coordinateurs de parcours de soins dont la fonction serait de coordonner l’encadrement polyvalent des personnes en situation de handicap (ou atteinte de maladies chroniques). Une fiche métier « coordonateur de parcours de soins » est en préparation au Ministère de la Santé. Dans le cadre de l’activité « soin » des instituts hospitalouniversitaires (IHU) ICAN (pathologies chroniques cardiométaboliques) et A-ICM (maladies neurologiques), nous avons mis en place une formation universitaire de niveau Master, spécifique de coordinateur de parcours de soins (www.coorpas.fr), destinée à apporter une solution aux difficultés existantes en créant, dans la santé, un secteur professionnel intermédiaire, transversal, inséré entre l’hôpital et la ville. Ce nouveau métier est occupé par des professionnels ayant perdu la spécificité stricte des métiers socles (infirmier, kinésithérapeute, orthophoniste, ergothérapeute. . .) et ayant acquis une vision transdisciplinaire et transprofessionnelle de la prise en charge des patients. Ce métier se situe à un niveau intermédiaire entre les professionnels de niveau Bac +3 et ceux de niveau Bac +12, ce qui correspond à un niveau ingénieur (Bac +5). Depuis trois ans, nous avons formé plus de trente de ces professionnels. Venus du monde du travail ou d’un cursus universitaire de niveau licence, tous n’ont pas un cursus infirmier, mais tous ont pu acquérir et pratiquer ces fonctions de coordination. Ils assurent la prise en charge de patients atteints de maladies chroniques et handicapantes dont la spécificité et la complexité ne permettent plus aux professionnels de premier recours d’apporter seuls une prise en charge satisfaisante. Leur mission est de venir en appui des intervenants lorsque la prise en charge impose des expertises spécifiques interconnectées. Ces missions s’organisent autour de grands axes : évaluation, régulation des flux, facilitation des relations entre professionnels de proximité et l’hôpital, accompagnement des patients, des familles et des intervenants, formation, structuration de partenariats, communication. Ayant une vision globale du parcours de santé, ils peuvent faire face à des difficultés d’ordre médical, social, mais aussi juridique, architectural notamment. Ils ont quitté le statut antérieur de leur métier socle pour assurer une fonction réellement transprofessionnelle. Ils ont bénéficié d’un transfert du savoir dans leurs domaines d’intervention. Nous avons développé cette fonction spécifique dans une première expérience menée en Île-de-France chez des patients atteints de sclérose latérale amyotrophique (réseau SLA IDF).
Dans cette pathologie lourdement handicapante, le travail des coordinateurs a permis de diminuer de 30 % les hospitalisations, de diviser par 2 le risque de réhospitalisations, de diminuer de 40 % le passage aux urgences, pour un coût moyen par patient de 2,16 euros/jour. Plus de 80 % des patients et aidants se sont dits satisfaits de la prise en compte de leurs difficultés sociales, familiales au-delà des aspects médicaux et de l’aide à trouver les intervenants dont ils ont eu besoin. Plus de 80 % des intervenants médicaux et paramédicaux ont été satisfaits de la qualité d’écoute de l’équipe et des réponses apportées à leurs demandes : qualité globale de la prise en charge par le réseau, connaissance qu’a le réseau de l’évolution de l’état de santé du patient, pertinence et efficacité des solutions proposées par le réseau, qualité de l’aide pour organiser les démarches du patient [7]. À partir de cette expérience, grâce à l’IHU A-ICM, se sont mis en place des études pilotes pour la maladie de Parkinson et la démence des sujets jeunes, auxquelles sont venus s’adjoindre d’autres réseaux régionaux, notamment le réseau SEP Ouest, le réseau des traumatisés crâniens et blessés médullaires pour constituer, avec l’Agence régionale de santé Île-de-France, les bases d’un pôle ressource régional sur le handicap neurologique. Les IHU et l’université Pierre-et-Marie-Curie sont les promoteurs de ce cursus qui est le seul garant de la qualité de formation de ces professionnels. Ce cursus, qui a essentiellement un objectif de formation professionnelle, doit également permettre l’émergence et le développement d’une activité de recherche sur tous ces aspects du parcours de santé. Cette activité de recherche doit viser notamment à mieux connaître la typologie des patients complexes et les causes de rupture du parcours de soins, dans une approche transdisciplinaire. Elle doit également mettre en place une méthodologie d’évaluation de l’impact de la coordination des soins. Ces nouveaux champs de recherche sont indispensables pour améliorer les outils de prise en charge des patients et de leur entourage et la transmission des informations contribuant au décloisonnement de l’hôpital et du secteur libéral. Cette activité de recherche doit être associée rapidement à la mise en place d’enseignements dans les différents cursus médicaux et paramédicaux pour sensibiliser chaque profession à la notion de parcours de soin et favoriser l’insertion de ce nouveau mode de prise en charge dans le système de santé. Déclaration d’intérêts : les données présentées ont bénéficié d’une aide de l’État « Investissements d’avenir » ANR-10-IAIHU-06 et ANR-10-IAHU-05.
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Références
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