Quelles techniques pour quels prélèvements (cytologie, biopsie pleurale, thoracoscopie) ?

Quelles techniques pour quels prélèvements (cytologie, biopsie pleurale, thoracoscopie) ?

Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2013) 5, 172-176 ISSN 1877-1203 Revue des Maladies Respiratoires Organe Officiel de la Société de Pneum...

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Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2013) 5, 172-176 ISSN 1877-1203

Revue des

Maladies

Respiratoires Organe Officiel de la Société de Pneumologie de Langue Française

Disponible en ligne sur

Actualités Congrès de Pneumologie de Langue Française 2013 Lille, Grand Palais Numéro coordonné par O. Sanchez

Plèvre pariétale

www.sciencedirect.com

Plèvre viscérale

Cavité pleurale Poumon

83343

Numéro réalisé avec le soutien institutionnel de Novartis.

www.splf.org

Juin Vol 5 2013



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SESSION A41 : APPROCHE DIAGNOSTIQUE DE LA PATHOLOGIE PLEURALE

Quelles techniques pour quels prélèvements (cytologie, biopsie pleurale, thoracoscopie) ? Which sampling procedures are best suited for pleural disease (cytology, pleural biopsy, thoracoscopy)? Présidents : J.-F. Bernaudin (Paris), A. Scherpereel (Lille) Orateur : P. Astoul (Marseille)* Article rédigé par : C. Hussenet (Paris) *Service de cancérologie thoracique, CHU, Hôpital Nord, Chemin des Bourrely, 13915 Marseille cedex 20, France

MOTS-CLÉS Pleurésie ; Ponction pleurale ; Biopsie pleurale percutanée ; Pleuroscopie/ Thoracoscopie ; Tuberculose pleurale

Résumé L’approche initiale de toute pleurésie repose sur la ponction pleurale exploratrice. L’examen cytologique du liquide pleural est peu sensible mais peut présenter un intérêt dans l’exploration des pathologies néoplasiques et dans certaines situations, sa positivité est le reÁet d’un envahissement de la plèvre viscérale. La biopsie pleurale percutanée garde une place en cas de suspicion de pleurésie tuberculeuse car les lésions (granulomes) au niveau de la plèvre pariétale sont diffuses. À l’inverse, elle a peu d’intérêt dans les pleurésies néoplasiques car sa positivité est aléatoire hormis en cas de carcinose pleurale profuse et donc de maladie très avancée. En cas de pleurésie unilatérale, la thoracoscopie réalisée sous anesthésie locale ou générale est la pierre angulaire pour le diagnostic étiologique avec un excellent rendement de l’ordre de 90 %. Cet examen permet en outre une exploration de la cavité pleurale, des gestes thérapeutiques (talcage par exemple) et permet une évaluation pronostique. En cas d’échec, la thoracoscopie chirurgicale est une alternative. © 2013 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Quelles techniques pour quels prélèvements (cytologie, biopsie pleural, thoracoscopie) ?

Thoracentesis; Percutaneous pleural biopsy; Pleuroscopy/ Thoracoscopy; Pleural tuberculosis

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malignant pleural mesothelioma. Percutaneous pleural biopsy (PPB) is useful in case of strong suspicion of pleural tuberculosis because the lesions (granuloma) are disseminated on parietal pleura. Conversely PPB adds little for the diagnosis of pleural malignancies. In case of unilateral pleurisy, thoracoscopy done under local or general anesthesia is the cornerstone for the diagnosis with a diagnostic yield of more than 90%. This procedure allows also a careful examination of the pleural cavity, therapeutic procedure as talc poudrage for instance and a prognosis approach of the disease. When a medical approach failed, surgical thoracoscopy is an alternative. © 2013 SPLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Pathologie fréquente, des étiologies multiples : un challenge diagnostique La prise en charge des pleurésies est une problématique fréquente en pratique clinique. On distingue deux types de pleurésies : mécaniques ou inÁammatoires. Les pleurésies mécaniques sont, dans la plupart des cas, secondaires à une cirrhose ou à une décompensation aiguë cardiaque, un syndrome néphrotique, mais peuvent également être liées à une hypoalbuminémie, une dialyse péritonéale, une hypothyroïdie, une sténose mitrale. Les causes plus rares sont la péricardite constrictive, l’urinothorax ou encore le syndrome de Meigs. Les pleurésies inÁ ammatoires sont le plus souvent néoplasiques, secondaires à une infection de voisinage (pleurésies parapneumoniques) ou d’origine tuberculeuse. Au second rang, les étiologies retrouvées sont l’embolie pulmonaire, les maladies auto-immunes, les pleurésies asbestosiques bénignes, la pancréatite aiguë, l’infarctus. EnÀn, rarement, on évoquera les maladies lymphatiques, les infections fongiques, et les causes médicamenteuses (méthotrexate, amiodarone, phénytoïne, nitrofurantoine, bêtabloquants, etc.). L’approche initiale devant toute pleurésie repose sur la ponction pleurale. Dans le cadre d’un cancer broncho-pulmonaire connu, il est important de ne pas faire exclure d’emblée les autres diagnostics possibles (pleurésies « paranéoplasiques »). La pleurésie peut être la conséquence de l’extension locale de la tumeur ou des effets des traitements.

immunocytochimique) dépend de la quantité de liquide, de la préparation du prélèvement (centrifugation), de l’expérience du cytologiste, de l’envahissement local et du type de tumeur. En effet, la présence de cellules malignes dans la plèvre est plus fréquente dans l’adénocarcinome, puis par ordre décroissant dans le mésothéliome pleural, le carcinome épidermoïde, le lymphome et enÀn le sarcome. Le prélèvement pleural peut être jugé inadéquat par le cytologiste, en l’absence de cellules mésothéliales ou dégénératives. Mais l’absence de cellules néoplasiques sur un prélèvement adéquat n’exclut pas le diagnostic. La présence de cellules atypiques peut reÁéter une origine inÁammatoire autant que cancéreuse. La présence de cellules malignes à l’examen cytologique nécessite un typage par immunocytochimie. La nature et le mécanisme de l’envahissement pleural ont une grande importance, en termes de diagnostique et thérapeutique. L’envahissement pleural peut être secondaire à des embols tumoraux avec inÀltration de la plèvre viscérale, puis dissémination secondaire vers la plèvre pariétale. Il peut exister un envahissement par contiguïté, en cas de cancer du sein ou d’atteinte de la paroi thoracique, ou, enÀn, une dissémination à la plèvre pariétale par voie hématogène ou lymphatique (Fig. 1). La cytologie est d’autant plus sensible qu’il existe un envahissement de la plèvre viscérale dans certains types de cancer. Ainsi, dans une étude récente concernant des patients atteints d’un mésothéliome pleural malin, Pinelli et al. ont mis en évidence une corrélation entre la positivité de la cytologie pleurale et l’envahissement de la plèvre viscérale (Fig. 2) [1]. En cas de cytologie positive, il existait

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P. Astoul

Figure 1. Mécanismes de l’envahissement pleural.

Biopsies pleurales percutanées : indications actuelles et limites La biopsie pleurale percutanée garde, pour certains auteurs, une place dans l’exploration pleurale. Elle nécessite un épanchement pleural de moyenne abondance et une cavité pleurale libre. Le rendement diagnostique est d’environ 55 à 60 % pour le cancer, il est vrai pour des tumeurs à des stades localement avancés. Ce geste est grevé de complications non négligeables : douleur (1 à 15 %), pneumothorax (3 à 15 %), malaise (1 à 5 %), saignement (< 2 %), Àèvre transitoire (< 1 %). Néanmoins, il augmente de 7 à 27 % le rendement de la ponction pleurale simple. Le rendement des biopsies est associé dans la littérature au type d’aiguille, à la taille des prélèvements, au nombre de biopsies (> 5) et à l’expérience de l’opérateur. Il faut souligner que dans une étude menée par une équipe très expérimentée, 20 % des biopsies réalisées ne contenaient pas de tissu pleural [4]. Il existe d’importantes limites à la biopsie percutanée, notamment dans le cadre d’une atteinte pleurale maligne. L’atteinte pleurale néoplasique est inhomogène et les lésions peuvent siéger dans des zones inaccessibles à la biopsie percutanée (plèvre diaphragmatique, médiastinale, viscérale). EnÀn, cette technique ne permet pas de visualiser l’espace pleural, ni d’établir une évaluation du stade tumoral ou de faire une évaluation préopératoire, à la différence de la thoracoscopie.

Quelles techniques pour quels prélèvements (cytologie, biopsie pleural, thoracoscopie) ?

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Tableau 1. Diagnostic thoracoscopique des pleurésies néoplasiques [3]. Type de tumeur chez les patients avec épanchement pleural malin Types de tumeurs

N (%)

Poumon

Variables

HR

IC 95%

Tumeur primitive

p 0,04

Adénocarcinome

47

Carcinome broncho-pulmonaire non à petites cellules (CBNPC)

1





Carcinome épidermoïde

6

Mélanome

2,84

1,20 – 6,75

0,02

Adénocarcinome et épidermoïde

1

Sein

0,73

0,38 – 1,41

0,36

Petites cellules

3

Autres

0,81

0,42 – 1,54

0,51

Neuroendocrine à grandes cellules

1

Âge

0,76

0,47 – 1,25

0,28

Tumeur indifférenciée

1

Sexe

1,03

0,60 – 1,76

0,93

Mélanome

8

Aspect du liquide pleural

1,89

1,10 – 3,28

0,02

Sein

23

Adhérences pleurales

Ovaire

4

Absence d’adhérence

1





Rein

4

Adhérences limitées

0,86

0,33 – 2,28

0,76

Prostate

2

Adhérences étendues

2,2

1,23 – 3,94

0,01

Gynécologique

1

Nodules pleuraux pariétaux

Pancréas

1

Pas de nodules

1





Gastro-intestinale

1

Peu de nodules

0,22

0,06 – 0,84

0,03

Œsophage

1

Nodules multiples

0,93

0,46 – 1,86

0,83

Thyroïde (cancer médullaire)

1

Envahissement de la plèvre viscérale

0,77

0,34 – 1,78

0,55

Indifférenciée

1

Nodules de la plèvre viscérale

0,65

0,35 – 1,23

0,18

Adénocarcinome, d’origine indéterminée

1

Lymphangite pleurale diaphragmatique

0,51

0,23 – 1,15

0,10

0,02

0,07

HR : Hazard Ratio, IC : Intervalle de conÀance.

Tableau 2. Rendement diagnostique de la thoracoscopie (d’après Janssen et al. JOB 2004). Auteur

Année

Nombre de cas

Champ diagnostique

Pleurésie non spéciÀque

Nombre de faux positifs pleurésies non étiquetées durant le suivi

Période de suivi

Boutin

1981

215

97 %

40 (19 %)

19 (9 %)

1 an

Loddenkemper

1981

250

98 %

23 (9 %)



NS

176

Diacon et al. sur une population de 91 patients. Le rendement diagnostique était de 84 %, avec une spéciÀcité de 100 % en cas de malignité [6].

Cas particulier de la tuberculose pleurale En cas de suspicion de tuberculose, le rendement des biopsies pleurales percutanées est bien meilleur car les lésions sont disséminées et il n’existe pas de zone pleurale saine. Dans les régions à forte incidence de tuberculose, l’association du dosage de l’adénosine désaminase (ADA), du ratio lymphocytes/PNN dans la ponction pleurale et des biopsies percutanées est une prise en charge raisonnable et réalisable en ambulatoire, peu coûteuse et très rentable (93 %) [7].

Place de la thoracoscopie La thoracoscopie est la méthode de choix devant une pleurésie inÁammatoire sans diagnostic étiologique et lorsqu’une cause néoplasique est suspectée (grade C) (recommandations BTS) [8]. En cas de pleurésie inÁammatoire unilatérale sans diagnostic, le rendement diagnostique de la thoracoscopie est supérieur à 90 %, dans la méta-analyse de Janssen et al. (Tableau 2) [9]. Deux éléments clés interviennent : la présence de brides qui peut limiter l’exploration complète de la cavité pleurale et gêner la réalisation de biopsies de bonne qualité, et la technique de prélèvement. La thoracoscopie permet des biopsies de taille sufÀsante, l’exploration de la cavité pleurale à visée pronostique et l’orientation de la stratégie thérapeutique. Après un talcage, l’exploration se fera par voie chirurgicale, par mini-thoracotomie. Les thoracoscopies non diagnostiques sont habituellement des thoracoscopies difÀciles, gênées par des adhérences (37 %), ou par une couche de Àbrine pleurale (32 %) [9].La thoracoscopie chirurgicale s’impose en cas de difÀcultés de l’examen initial. Chez 40 patients consécutifs sans diagnostic après thoracoscopie, 80 % évoluaient vers une résolution de l’épanchement, dont 12,5 % avec ou plusieurs récidives tandis que 20 % étaient en fait de faux négatifs [10]. C’est pourquoi, il semble important de répéter la thoracoscopie si nécessaire.

P. Astoul

La thoracoscopie est l’examen possédant le meilleur rendement diagnostique. Il permet des biopsies de taille sufÀsante, une exploration de la cavité pleurale à visée pronostique et une approche thérapeutique représentée essentiellement par le talcage. En cas d’échec d’un premier examen, la thoracoscopie, en l’absence de talcage antérieur, peut être renouvelée. La thoracotomie chirurgicale s’impose en cas de difÀcultés de l’examen initial, du fait d’adhérence, de pachypleurite, de Àbrine, et en présence d’une histoire d’exposition à l’amiante, ou en cas de scanner évocateur de mésothéliome lorsqu’un pneumothorax artiÀciel, premier temps d’une thoracoscopie, n’est pas réalisable.

Liens d’intérêts P. Astoul : au cours des 5 dernières années, Philippe Astoul a perçu des honoraires en tant que conseiller scientiÀque (développement) de la compagnie Sequena Médical. C. Hussenet : intérêts en lien avec le manuscrit : aucun.

Références [1]

[2]

[3]

[4]

[5]

[6]

[7]

Pinelli V, Laroumagne S, Sakr L, Marchetti GP, Tassi GF, Astoul P. Pleural Áuidcytologicalyield and visceral pleural invasion in patients withepithelioidmalignant pleural mesothelioma. J Thorac Oncol 2012;7:595-8. Astoul P, Boutin C. An experimental model of pleural cancer. Value of orthotopic implantation of humantu+mor tissue in nudemice. Rev Mal Respir 1997;14:355-62. Sakr L, Maldonado F, Greillier L, Dutau H, Loundou A, Astoul P. Thoracoscopicassessment of pleural tumorburden in patients withmalignant pleural effusion: prognostic and therapeutic implications. J Thorac Oncol 2011;6:592-7. Blanc F-X, Atassi K, Bignon J, Housset B. Diagnostic value of medicalthoracoscopy in pleural disease: a 6-year retrospectivestudy. Chest 2002;121:1677-83. Maskell NA, Gleeson FV, Davies RJO. Standard pleural biopsy versus CT-guidedcutting-needlebiopsy for diagnosis of malignantdisease in pleural effusions: a randomisedcontrolled trial. Lancet 2003;361:1326-30. Diacon AH, Schuurmans MM, Theron J, Schubert PT, Wright CA, Bolliger CT. Safety and yield of ultrasound-assistedtransthoracicbiopsyperformed by pulmonologists. Respiration 2004;71:519-22. Diacon AH, Van de Wal BW, Wyser C, Smedema JP, Bezuidenhout J, Bolliger CT, et al. Diagnostic tools in tuberculouspleurisy: a direct comparative study. Eur Respir J