J Gynecol Obstet Biol Reprod 2004 ; 33 : 600-606.
Travail original Résection cœlioscopique du colon-rectum pour endométriose : résultats préliminaires O. Marpeau*, I. Thomassin**, E. Barranger*, R. Detchev*, M. Bazot**, É. Daraï* * Service de Gynécologie-Obstétrique, ** Service de Radiologie, Hôpital Tenon, AP-HP, 4, rue de la Chine, 75020, Paris. RÉSUMÉ Objectifs. L’endométriose du colon-rectum est source de douleurs pelviennes chroniques ayant un impact sur la qualité de vie des patientes. La résection colo-rectale est indiquée après échec des thérapeutiques médicales. Peu de données sont disponibles sur les complications et les résultats fonctionnels après résection cœlioscopique du colon-rectum pour endométriose. Les buts de cette étude prospective étaient d’évaluer la faisabilité, les complications et les résultats fonctionnels de la résection cœlioscopique du colon-rectum pour endométriose. Matériels et méthodes. De mars 2001 à mars 2003, 32 patientes présentant une endométriose digestive prouvée par l’examen clinique, une IRM et une écho-endoscopie rectale ont été incluses dans l’étude. Résultats. Quatre des 32 patientes (12,5 %) ont eu une laparoconversion. La durée opératoire moyenne était de six heures (extrêmes : 4-13). Les gestes associés à la résection colo-rectale étaient une adhésiolyse (n = 24), une urétérolyse (n = 19), une kystectomie ovarienne (n = 11), et une hystérectomie (n = 4). La médiane du delta d’hémoglobine était de 2,4 g/dl (extrêmes : 0-8,6). Parmi les six patientes transfusées, deux avaient eu une laparoconversion. Deux patientes (6,3 %) ont présenté une fistule recto-vaginale nécessitant une dérivation digestive. Une rétention d’urine a été observée chez six patientes (15,6 %). Conclusion. La résection cœlioscopique du recto-sigmoïde pour endométriose est réalisable et est associée à une amélioration significative des symptômes. Cependant, les bénéfices de cette chirurgie doivent être discutés en tenant compte de la morbidité. Mots-clés : Endométriose • Résection colo-rectale • Cœlioscopie. SUMMARY: Laparoscopic colorectal resection for endometriosis: preliminary results. Objective. Colorectal endometriosis is source of chronic pelvic pain greatly affecting quality-of-life. Colorectal resection is indicated after failure of medical treatment. Few data are available on complications and functional results after laparoscopic colorectal resection for endometriosis. Therefore, the aims of this prospective study were to evaluate the feasibility, peri-operative complications and functional results of laparoscopic colorectal resection for endometriosis. Materials and Methods. From March 2001 to March 2003, 32 consecutive women with clinically-suspected colorectal endometriosis confirmed by MR imaging and rectal endoscopic sonography were included in this prospective study. Results. Conversion to open surgery was required for four of the 32 women (12.5%). Mean operating time was 6 hours (range 4 to 13). Associated surgical procedures were: adhesiolysis (n=24), ureteral lysis (n=19), ovarian cystectomy (n=11), and hysterectomy (n=4). Mean blood loss was 2.4g/dl (range: 0 to 8.6). Blood transfusion was required in 6 women including two who underwent laparoconversion. Two rectovaginal fistulae (6.3%) occurred requiring a colostomy. Urinary retention was noted in 6 women (15.6%). Conclusion. Laparoscopic colorectal resection for endometriosis is feasible and is associated with a significant improvement of symptoms. However, the benefit of this procedure has to be weighed against the high morbidity. Key words: Endometriosis • Colorectal resection • Laparoscopy.
L’endométriose se définit comme la présence de tissu endométrial en dehors de l’endomètre et du myomètre, tissu comportant à la fois des glandes et du stroma. La prévalence exacte de la maladie dans la population générale reste mal évaluée. Une prévalence de 4,1 % était retrouvée chez les patientes
asymptomatiques opérées pour ligature de trompes, de 20 % chez les femmes infertiles et de 24 % chez les femmes présentant des douleurs pelviennes [1]. Toutes formes confondues, la prévalence de la maladie dans la population générale serait de 5 % à 10 % [2].
Tirés à part : É. Daraï, à l’adresse ci-dessus. E-mail :
[email protected] Reçu le 24 mai 2004. Avis du Comité de Lecture le 5 juillet 2004. Définitivement accepté le 11 août 2004.
© MASSON, Paris, 2004.
Travail original • Résection cœlioscopique du colon-rectum pour endométriose : résultats préliminaires
L’endométriose profonde pelvienne est définie par des lésions endométriosiques pénétrant dans l’espace sous-péritonéal et/ou la paroi des organes pelviens [3]. L’incidence exacte de l’endométriose profonde avec atteinte digestive est peu connue. Chez les femmes endométriosiques, Weed et Ray rapportaient une atteinte digestive dans 5,3 % des cas [4]. Récemment, Chapron et coll. rapportaient un envahissement digestif chez 9 % des femmes ayant une endométriose pelvienne profonde [5, 6]. L’endométriose digestive intéresse dans 70 % à 93 % des cas le rectum et la charnière du recto-sigmoïde [7]. Le diagnostic d’endométriose colo-rectale est difficile du fait de symptômes peu spécifiques. Urbach et coll. soulignaient la fréquence des douleurs pelviennes chroniques, des dysménorrhées et des dyspareunies associées aux lésions digestives [8]. D’autres auteurs notaient des signes digestifs à type de diarrhée ou de constipation dans un quart des cas, alors que les douleurs à la défécation étaient observées chez 60 % des patientes [9]. Fauconnier et coll. ont souligné l’intérêt d’une triade symptomatique associant douleurs pelviennes chroniques non cycliques, troubles fonctionnels intestinaux et dysménorrhée permettant d’évoquer l’atteinte digestive et du cul de sac de Douglas par un processus endométriosique [10]. Le diagnostic requiert des explorations complémentaires comportant une IRM pelvienne ainsi qu’une écho-endoscopie rectale [11-14]. La place de l’échographie trans-vaginale dans le diagnostic des lésions pelviennes profondes et digestives reste à évaluer [12]. Les indications du traitement chirurgical de l’endométriose colo-rectale sont discutées et proposées du fait de l’inefficacité des traitements médicaux. Les techniques sont variables selon l’extension et la profondeur de l’infiltration des lésions incluant des résections superficielles, antérieures ou segmentaires du recto-sigmoïde [15-17]. Peu de données sont actuellement disponibles sur le traitement chirurgical comportant une résection segmentaire pour endométriose ainsi que sur ses limites et ses complications. Par ailleurs, la place de la cœlioscopie dans la chirurgie de l’endométriose du recto-sigmoïde n’est pas clairement établie [15, 16, 18]. De ce fait, l’objectif de cette étude était d’analyser les limites, les complications ainsi que les résultats à court terme de la résection cœlioscopique du recto-sigmoïde pour endométriose.
J Gynecol Obstet Biol Reprod / Volume 33, n° 7, 2004
PATIENTES ET MÉTHODES Patients
De mars 2001 à mars 2003, une étude prospective comportant 34 patientes présentant une endométriose digestive prouvée par une IRM et une écho-endoscopie rectale ont été opérées dans le service de Gynécologie-Obstétrique de l’Hôpital Tenon. Seules les patientes ayant eu une résection segmentaire colo-rectale ont été incluses. Au cours de la période d’étude, seules 2 patientes ont été exclues : l’une pour la réalisation de première intention d’une laparotomie en raison d’une myomectomie associée (fibrome interstitiel de 9 cm) et l’autre du fait de la réalisation d’une cæcectomie. De ce fait, 32 patientes ont été étudiées. Les caractéristiques épidémiologiques de nos 32 patientes sont rapportées dans le tableau I. Les antécédents chirurgicaux de la population sont rapportés dans le tableau II. Toutes les patientes ont eu un traitement pré-opératoire par analogues de la GnRH pour une durée de 3 mois. Technique chirurgicale
Toutes les interventions ont été faites sous anesthésie générale. Un régime sans résidu était demandé pendant la semaine précédent l’intervention. Une préparation par sennosides ainsi qu’un traitement par anti-coagulant par héparine de bas poids moléculaire étaient débutés la veille de l’intervention. La patiente était placée en position de Trendelenburg. Après cathétérisme utérin par un hystéromètre, le premier temps opératoire comportait une cystoscopie permettant une montée de sondes urétérales. Une insufflation de la cavité péritonéale au CO2 à l’aide d’une aiguille de Veress insérée en trans-ombilical était faite. Un cœlioscope de 10 mm était introTableau I
Caractéristiques épidémiologiques des 32 patientes. Epidemiological characteristics of the 32 patients.
Caractéristiques épidémiologiques
Moyenne (extrêmes)
Âge (années)
33 (21-44)
Poids (kg)
58 (40-83)
Index de masse corporelle
23 (18-30)
Gestité Parité
0,5 (0-4) 0,3 (0-3)
Nullipare (%)
21 (65,6 %)
Infertiles (%)
12 (37,5 %)
601
O. Marpeau et collaborateurs
Tableau II
patiente
Antécédents des 32 patientes ayant eu une résection cœlioscopique du colo-rectum pour endométriose. Previous history of surgery for the 32 women with colorectum endometriosis.
âge
antécédents
1
29
hernie ombilicale
2
21
péritonite appendiculaire
3
26
4
23
fracture bassin, appendicectomie
5
38
appendicectomie, cœlioscopie endométriose
6
38
appendicectomie, 3 césariennes, cœlioscopie adhésiolyse
7
33
appendicectomie, 2 cœlioscopies
8
40
9
33
2 kystectomies
10
27
appendicectomie
11
33
3 laparotomies, 1 cœlioscopie
12
39
3 césariennes, cure hernie ombilicale
13
28
14
45
appendicectomie
15
26
Laparotomie : colostomie iliaque gauche, rétablissement secondaire
16
42
1 cœlioscopie kystectomie
17
26
18
27
1 cœlioscopie infertilité, 2 laparotomies, salpingectomie gauche
19
44
4 cœlioscopies: salpingectomie droite
20
27
21
27
22
31
23
46
1 cœlioscopie, 1 laparotomie : kystectomie, polymyomectomie
24
31
appendicectomie
25
29
1 cœlioscopie kystectomie
26
34
1 cœlioscopie kystectomie
27
33
1 cœlioscopie kystectomie
28
36
1 cœlioscopie kystectomie, embolie pulmonaire, déficit prot S
29
34
30
29
31
36
32
37
1 cœlioscopie, 2 laparotomies : salpingectomie, kystectomie
duit par voie trans-ombilicale ainsi que trois trocarts sus-pubiens ; un de 5 mm en fosse iliaque gauche, un de 15 mm médian, et un de 12 mm en fosse iliaque
602
droite. Le matériel utilisé comportait : une colonne de cœlioscopie, un moniteur, une paire de ciseaux monopolaire, une pince bipolaire, des pinces grip et fenêtrées et une canule d’aspiration-lavage. La cœlioscopie commençait par un temps d’exploration de l’ensemble de la cavité abdomino-pelvienne permettant d’évaluer l’extension des lésions et de confirmer l’atteinte digestive. Le péritoine latérorectal et latéro-sigmoïde droit était ouvert du promontoire vers le pelvis après repérage des uretères. Une urétérolyse était effectuée en fonction des constatations anatomiques. La fosse para-rectale ainsi que l’espace rétro-rectal étaient secondairement disséqués permettant une mobilisation de la charnière du rectosigmoïde. La libération du rectum et du sigmoïde de la face postérieure de l’utérus et du vagin était alors effectuée, comportant une résection en monobloc des ligaments utéro-sacrés et du torus uterinus en cas d’infiltration. La résection de vagin était faite exclusivement en cas d’infiltration non clivable du nodule de la paroi vaginale. La dissection de l’espace rectovaginal était facilitée par l’introduction d’un doigt ou d’une bougie dans le vagin. La dissection rectale était poursuivie le plus bas possible jusqu’au plancher pelvien avec coagulation et section des ailerons rectaux. Après mobilisation du recto-sigmoïde, la section du rectum sous la lésion endométriosique était réalisée à l’aide d’une pince automatique endo GIA 45 (Auto Suture, Tyco S.A., Elancourt, France). La partie distale du recto-sigmoïde était extériorisée par l’incision sus-pubienne médiane élargie à 3-4 cm permettant la résection de la lésion et la confection d’une bourse par une Purstring 45 (Auto Suture, Tyco S.A., Elancourt, France) sur l’enclume d’une pince CEEA dont la taille était choisie en fonction du calibre du colon (Auto Suture, Tyco S.A., Elancourt, France). Après réintroduction dans la cavité abdominale du moignon colique, l’incision sus-pubienne médiane était suturée plan par plan et la cavité abdominale à nouveau insufflée. L’anastomose colo-rectale était faite à la pince CEEA (Auto Suture, Tyco S.A., Elancourt, France) après libération du colon gauche, si nécessaire. L’étanchéité de l’anastomose était contrôlée par une épreuve au bleu intra-rectale associée à une épreuve au gaz. Aucune colostomie de protection n’a été effectuée de première intention. Après toilette abdominale, un drainage était assuré par un Redon rétro-anastomotique aspiratif. Après exsufflation, les orifices de trocarts étaient suturés. Les complications per et post-opératoires ont été colligées ainsi que la perte sanguine appréciée par le
© MASSON, Paris, 2004.
Travail original • Résection cœlioscopique du colon-rectum pour endométriose : résultats préliminaires
delta d’hémoglobine pré et post-opératoire à J2. De plus, le jour de la reprise des gaz, la durée d’hospitalisation, les troubles fonctionnels urinaires éventuels à l’ablation de la sonde urinaire et la survenue d’une hyperthermie (température supérieure à 38 degrés Celsius au delà des 48 premières heures) étaient colligés. Toutes les patientes ont été revues en consultation un mois après, puis tous les 6 mois. Lors de ces consultations, elles étaient interrogées sur la persistance ou non de troubles fonctionnels urinaires et digestifs et sur l’évolution des symptômes liés à leur maladie endométriosique (dysménorrhée, douleur pelvienne chronique non cyclique, dyspareunie, douleurs à la défécation, rectorragies). RÉSULTATS
Parmi les 32 patientes ayant eu une cœlioscopie, quatre (12,5 %) ont eu une laparoconversion. Deux patientes présentaient un syndrome adhérentiel majeur en rapport avec des antécédents chirurgicaux par laparotomie (myomectomie pour la première, dérivation intestinale par une colostomie iliaque gauche suivie d’un rétablissement de la continuité pour la seconde). Une troisième laparoconversion a été réalisée en fin d’intervention en raison d’une suture automatique non étanche. Enfin, la quatrième laparoconversion a été faite pour une infiltration endométriosique urétérale non clivable par voie cœlioscopique. Une patiente présentait une lésion isolée du sigmoïde et toutes les autres une lésion du recto-sigmoïde. La médiane de la durée opératoire était de six heures (extrêmes : 4-13 heures). La patiente ayant eu 13 heures d’intervention avait déjà bénéficié d’une résection de la charnière du recto-sigmoïde par voie combinée laparotomique et vaginale et a nécessité une laparoconversion. Chez 4 de ces 32 patientes (12,5 %), une hystérectomie était associée à la résection rectale. Une kystectomie uni ou bilatérale pour endométriome a été nécessaire dans onze cas (34 %), une adhésiolyse dans 24 cas (75 %). L’urétérolyse a été nécessaire chez 19 patientes (59,4 %). Dans quatre cas une urétérolyse bilatérale a été effectuée et dans 15 cas une urétérolyse unilatérale dont 10 à gauche et 5 à droite. La médiane de la durée d’hospitalisation était de 8 jours (extrêmes : 6-24 jours). La médiane de la longueur du segment rectal réséqué était de 10 cm (extrêmes : 5-20 cm). L’examen anatomo-pathologique a confirmé la lésion digestive
J Gynecol Obstet Biol Reprod / Volume 33, n° 7, 2004
dans tous les cas. La médiane de la taille du nodule endométriosique était de 4 cm (extrêmes : 2-10 cm). Complications peropératoires
Parmi les 32 patientes, six (18,7 %) ont été transfusées de deux culots globulaires en moyenne (extrêmes : 1-3). La médiane du delta d’hémoglobine était 2,4 g/dl (extrêmes : 0-8,6). Parmi ces six patientes transfusées, deux concernaient des laparoconversions. Lorsque l’infiltration endométriosique intéressait le torus uterinus et la face postérieure du vagin, une ouverture voire une résection vaginale ont été nécessaires chez 12 patientes (37,5 %). Une plaie de l’intestin grêle a été faite au cours d’une adhésiolyse et suturée en per-cœlioscopique. Il n’a été constaté aucune plaie vasculaire ni urétérale. Trois emphysèmes sous-cutanés ont été observés sans nécessité de recourir à une laparoconversion. Ces trois emphysèmes ont été associés à une hypercapnie transitoire. Complications postopératoires
Deux patientes (6,3 %) ont présenté une fistule recto-vaginale nécessitant une reprise chirurgicale avec dérivation digestive par intervention de Hartmann pour l’une et par colostomie de décharge en fosse iliaque gauche pour l’autre. Cette complication a été diagnostiquée à J7 et J8 par l’émission de gaz et de matières par le vagin et a été précédée d’un syndrome fébrile dans les deux cas. Un rétablissement de continuité a été effectué respectivement à 2 et 3 mois par voie laparotomique. Dans ces deux cas, une anastomose colo-anale a été nécessaire du fait d’une fibrose extensive. Ces deux fistules ont été observées chez des patientes ayant eu une résection importante de la face postérieure du vagin suturée par voie vaginale et sans colostomie de protection. Une patiente a présenté un abcès du Douglas révélé par un syndrome fébrile à J6. Un scanner a confirmé l’existence d’une collection rétro-anastomotique de 4 cm de diamètre avec présence de gaz évoquant une affection par germes anaérobies. Une reprise chirurgicale par voie cœlioscopique a été effectuée confirmant le diagnostic, un drainage cœlioscopique de la collection a permis une évolution secondaire favorable. Outre ces complications, une rétention d’urine a été observée chez six patientes (15,6 %) à l’ablation de la sonde vésicale qui été effectuée entre J2 et J4. Deux des six rétentions étaient associées à une fistule rectovaginale et une à un hématome para-vésical n’ayant
603
O. Marpeau et collaborateurs
pas nécessité de drainage chirurgical ni de transfusion. Ces six patientes ont eu recours à des autosondages pendant une durée moyenne de trois semaines. Huit patientes ont eu une infection urinaire basse. Au total, 17 patientes (53 %) ont présenté au moins une complication post-opératoire précoce, mineure ou majeure. À la consultation post-opératoire à un mois, deux patientes se plaignaient d’une pollakiurie. Les troubles urinaires ont disparu chez toutes les patientes dans les 2 mois post-opératoires. Les troubles digestifs étaient observés chez 15 patientes (46,9 %) consistant en des selles fréquentes chez 12 patientes (plus de 3 selles par jour) et en une constipation chez 3 patientes. Secondairement, 3 des 15 patientes ayant des troubles digestifs avaient des selles fréquentes audelà de 6 mois. Les signes cliniques les plus fréquemment retrouvés chez les patientes présentant une endométriose colo-rectale étaient la dysménorrhée, la dyspareunie et les douleurs à la défécation. L’évolution des symptômes après résection colo-rectale est résumée dans le tableau IV. Il apparaît que la rectorragie est constamment traitée par la résection rectale et que la majorité des patientes présentent une disparition de la dysménorrhée, des douleurs non menstruelles, des crampes intestinales ainsi que des douleurs à la défécation. Une seule patiente s’est plaint d’une dyspareunie survenant au décours de l’intervention. DISCUSSION
L’indication d’une résection segmentaire de la charnière du recto-sigmoïde pour endométriose profonde avec atteinte digestive doit être discutée du fait de l’exposition de ces patientes à des complications
Tableau III
Complications de la résection colo-rectale cœlioscopique pour endométriose. Peri-operative complications of colorectal resection for endometriosis.
Complications
Nombre (%)
Laparoconversion
4/32 (12,8 %)
Complications peropératoires Perte sanguine Transfusion Emphysème sous-cutané
2,4 g/dl 6/32 (18,7 %) 3/32 (9,5 %)
Complications postopératoires Fistule recto-vaginale Abcès du Douglas
2/32 (6,3 %) 1/32 (3,2 %)
604
majeures et du risque de récidive de cette pathologie. Dans cette série, seules des patientes symptomatiques ayant déjà eu une ou plusieurs interventions et après inefficacité de plusieurs thérapeutiques médicales ont eu une chirurgie. À ce jour, peu de séries ont évalué la faisabilité de la chirurgie digestive pour endométriose par voie cœlioscopique [17-19]. La durée de cette intervention, avec une médiane de 6 heures dans notre série (extrêmes : 4-13 heures), est particulièrement longue. Cependant, cette durée reste en accord avec les données des études publiées [15, 16, 18, 19]. Dans notre étude, le taux de laparoconversion était 12,5 % (4 cas). En 1992, Nezhat fut le premier à rapporter une série de 15 résections rectales pour endométriose par voie cœlioscopique [16]. Cet auteur ne rapportait aucune laparoconversion mais seules 10 patientes avaient eu une résection segmentaire et les cinq autres une exérèse en pastille. Notre taux de laparoconversion est en accord avec les données de Jerby rapportant un taux similaire de laparoconversion sur une série de 30 résections digestives dont seules 7 étaient segmentaires [15] (tableau II). Plus récemment, sur une série similaire à la nôtre, Possover ne rapportait aucune laparoconversion sur 34 résections segmentaires de la charnière du recto-sigmoïde [18] (tableau III). Une urétérolyse a été nécessaire dans 59 % de nos cas. La difficulté de cette dissection s’explique par la présence d’une gangue inflammatoire endométriosique au contact de la paroi urétérale. L’infiltration péri-urétérale reste de diagnostic difficile en pré-opératoire malgré l’utilisation systématique de l’IRM [11, 13]. Dans les atteintes s’étendant latéralement, un uroscanner pourrait être préconisé. L’absence de critère préopératoire du diagnostic de l’infiltration péri-urétérale nous a conduit à faire une montée systématique de sondes urétérales en début d’intervention lorsqu’il existait une infiltration latérale extensive de l’endométriose. Ces sondes ont été utilisées chez 62,5 % de nos patientes et ont été retirées en fin d’intervention. Une deuxième option consisterait en une montée de sondes urétérales après exploration cœlioscopique évaluant les difficultés de l’urétérolyse ce qui n’est pas toujours réalisable en début d’intervention. L’anastomose colo-rectale est un temps essentiel de cette intervention. Celle-ci doit être réalisée sans tension. La taille du segment rectal réséqué est significative puisque la médiane de cette longueur dans notre série était de 10 cm. Chez six de nos patientes (19 %), un décollement du colon gauche était indispensable,
© MASSON, Paris, 2004.
Travail original • Résection cœlioscopique du colon-rectum pour endométriose : résultats préliminaires
Tableau IV
Évolution des symptômes après résection colo-rectale cœlioscopique pour endométriose. Change in symptoms after laparoscopic colorectal resection for endometriosis.
Disparition (%)
Diminution (%)
Identique (%)
Augmentation (%)
18/28 (64)
9/28 (31)
1/28 (5)
0
Douleur non menstruelle
8/15 (53)
7/15 (47)
0
0
Dyspareunie
18/26 (69)
2/26 (8)
5/26 (19)
1/26 (4)
Crampes intestinales
8/10 (80)
2/10 (20)
0
0
Constipation et/ou diarrhée
4/7 (57)
1/7 (14)
2/7 (29)
0
Douleur à la défécation
11/18 (61)
6/18 (33)
1/18 (6)
0
Rectorragie
8/8 (100)
0
0
0
Symptômes Dysménorrhée
mais aucune patiente n’a nécessité de libérer l’angle colique gauche. Dans notre série, deux fistules recto-vaginales ont été observées (6,3 %). Jerby et coll. rapportaient une fistule sur sept résections segmentaires rectales (14,3 %) [15]. En revanche, Nezhat et coll. sur 10 résections segmentaires, Redwine et coll. sur six résections segmentaires et Possover et coll. sur 34 résections segmentaires n’ont eu à déplorer aucune complication de ce type [16-18] (tableau IV). Toutefois, aucune notion de résection vaginale n’est précisée dans ces séries à l’exception de celle de Possover qui utilisait systématiquement cette voie pour l’extraction de la pièce opératoire. Deux explications potentielles peuvent expliquer la survenue de cette complication, d’une part l’utilisation de la coagulation monopolaire qui pourrait induire une nécrose et une désunion vaginale, et d’autre part la mauvaise appréciation per-opératoire de la localisation respective des sutures vaginale et rectale. On peut donc s’interroger sur la nécessité d’une stomie de protection ou d’un abaissement de l’épiploon lors de cette intervention, notamment pour les patientes chez lesquelles une effraction ou une résection vaginale sont inévitables. Toutefois, se pose le problème des adhérences secondaires liées à ces deux gestes qui pourraient altérer la fertilité de ces jeunes patientes. Le risque de fistule recto-vaginale doit être expliqué aux patientes ainsi que la nécessité éventuelle d’une colostomie de protection lorsqu’une résection vaginale paraît inévitable. Outre la survenue d’une fistule recto-vaginale, le risque de fuite anastomotique d’évolution secondaire le plus souvent favorable doit être souligné. Dans notre expérience aucune patiente n’a présenté cette complication, par contre Possover et coll. et Duepree et coll. ont rapporté respectivement 2 cas et 1 cas de fuite anastomotique sans préciser les conditions de survenue et les moyens spécifiques utilisés pour le traitement [18, 19]. L’implication du drainage systématique dans la survenue de
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cette complication a été évoquée et l’étude randomisée de Merad et coll. soulignait l’absence d’intérêt du drainage systématique après anastomose colorectale [20]. Outre cette complication majeure, les troubles le plus souvent observés en post-opératoire étaient fonctionnels à type d’anomalies de la miction et du transit. Seize pour cent de nos patientes ont présenté des rétentions aiguës d’urine à l’ablation de la sonde vésicale. Pour la moitié d’entre elle, cette rétention était révélatrice d’une complication directement liée au geste chirurgical (fistule recto-vaginale, collection pelvienne). Six patientes ont nécessité des auto-sondages pendant une période moyenne de 3 semaines. Ces troubles urologiques s’expliquent par le caractère extensif des lésions endométriosiques aux paramètres. Ce taux de dysurie post-opératoire est en accord avec ceux rapportés dans la chirurgie colo-rectale pour cancer [21]. Sur le plan digestif, près d’une patiente sur deux se plaignait de trouble du transit un mois après l’intervention. Le plus souvent ces troubles étaient caractérisés par une augmentation de la fréquence des selles et ont régressé spontanément ou après traitement médical simple. Ceci pose la question de l’indication de la création d’un réservoir lors de l’anastomose colo-rectale dont l’efficacité reste controversée [22, 23]. Enfin, si cette chirurgie présente des risques non négligeables, il faut rappeler les bénéfices que les patientes peuvent en attendre notamment en terme de qualité de vie. Les études prospectives de Garry et coll. en 2000 et Redwine et coll. en 2001 montrent une diminution significative des dysménorrhées, des dyspareunies, des symptômes rectaux et des douleurs pelviennes non menstruelles [19, 24]. De même, dans notre étude préliminaire, nous avions prouvé l’efficacité de la résection rectale pour endométriose tant sur les symptômes mais également sur l’amélioration de
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O. Marpeau et collaborateurs
la qualité de vie [25]. Outre le problème de la qualité de vie, la préservation de la fertilité reste une préoccupation primordiale de la chirurgie de l’endométriose et pose le problème de gestes complémentaires tels que la suspension temporaire des ovaires [26]. À ce jour le recul de notre série reste trop court pour évaluer la fertilité. Peu de séries ont analysé la fertilité après résection colo-rectale cœlioscopique et retrouvaient des taux variant de 12 à 53 % avec un taux moyen de 47 % [15-18]. CONCLUSION
Cette étude montre la faisabilité de la résection rectale par voie cœlioscopique dans le cadre de l’endométriose rectale. Cependant, il est essentiel de la réserver aux patientes symptomatiques et d’informer les patientes des risques de cette chirurgie. Par ailleurs, nos résultats ne permettent pas de juger de l’efficacité à long terme et sur le taux de récidives de cette pathologie. Enfin, soulignons que cette chirurgie extensive requiert une formation à la fois en cœlioscopie et en chirurgie digestive et renforce l’idée de réseaux thérapeutiques et d’équipes pluridisciplinaires. RÉFÉRENCES 1. Eskenazi B, Warner ML. Epidemiology of endometriosis. Obstet Gynecol Clin North Am 1997; 24: 235-58. 2. Olive DL, Schwartz LB. Endometriosis. N Engl J Med 1993; 328: 1759-69. 3. Cornillie FJ, Oosterlynck D, Lauweryns JM, Koninckx PR. Deeply infiltrating pelvic endometriosis: histology and clinical significance. Fertil Steril 1990; 53: 978-83. 4. Weed JC, Ray JE. Endometriosis of the bowel. Obstet Gynecol 1987; 69: 727-30. 5. Chapron C, Fauconnier A, Vieira M, Barakat H, Dousset B, Pansini V et al. Anatomical distribution of deeply infiltrating endometriosis: surgical implications and proposition for a classification. Hum Reprod 2003; 18: 157-61. 6. Chapron C, Fauconnier A, Dubuisson JB, Barakat H, Vieira M, Breart G. Deep infiltrating endometriosis: relation between severity of dysmenorrhoea and extent of disease. Hum Reprod 2003; 18: 760-6. 7. Bailey HR, Ott MT, Hartendorp P. Aggressive surgical management for advanced colorectal endometriosis. Dis Colon Rectum 1994; 37: 747-53. 8. Urbach DR, Reedijk M, Richard CS, Lie KI, Ross TM. Bowel resection for intestinal endometriosis. Dis Colon Rectum 1998; 41: 1158-64. 9. Redwine DB. Laparoscopic en bloc resection for treatment of the obliterated cul-de-sac in endometriosis. J Reprod Med 1992; 37: 695-8.
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© MASSON, Paris, 2004.