Théorie de Bogoliubov hors-équilibre

Théorie de Bogoliubov hors-équilibre

C. R. Aead. Sei. Paris, t. 1, Série IV, p. 91-98, 2000 Physique statistique, thermodynamique/Slalislicat physics, Ihermodynamics (Gaz, plasmas/Gaz, p...

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C. R. Aead. Sei. Paris, t. 1, Série IV, p. 91-98, 2000

Physique statistique, thermodynamique/Slalislicat physics, Ihermodynamics (Gaz, plasmas/Gaz, plasmas)

Théorie de Bogoliubov hors-équilibre Yves POMEAU Laburatoil'C dc Vhysillue statistiquc de l'Écule nunllale SUpél'icure, associé au CNRS, 24, "ue Lhomond, 7523] Par'is cedex 05, FI-ance

(Reçu le 10 juin 1999, accepté après révision le 4 octobre 1999)

Résumé.

Bogoliubov a montré comment la présence du condensat influent sur les propriétés d'un gaz de Bose dilué, ce qui conduit à l'équation de Gross-Pitaevkii pour la dynamique du condensaI à température nulle. Nous montrons comment ceci s'étend au cas d'une température finie, lorsque le condensat persiste. Les équations obtenues impliquent deux types de fonctions de corrélations, de dynamique couplée à une équation de type Gross-Pitaevskii, le tout ne pouvant pas se réduire à une seule équation dynamique pour les quasi-particules par exemple. Si ce système décrit bien la possibilité d'un écoulement superfluide uniforme avec un gaz normal fixe, il n'est pas certain pour autant qu'existe la possibilité d'un écoulement superfluide stationnaire non uniforme avec un gaz normal au repos, en raison du couplage de type Bogoliubov entre gaz normal el condensal. Les échelles spatiales des fluctuations peuvent être du même ordre de grandeur que celle de l'écoulement superfluide, ce qui interdit de tenir compte de la non-uniformité de l'écoulement sur le gaz normal par une hypothèse de type adiabatique. © 2000 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

Bogoliubov theory out of equilibrium Abstract.

Bogoliuhov has SIIOIV/l how the condellJate changes the properties of a dilute Bose gas. leading ta the Gross-Piraevskii equatioll at zero temperature for the dynamics of the condel/sa te. We show how to extend this to a non zero temperature, when there is still a condensate. The dynamical equations imply two types of correlation fimctiolls, with a coupled dY/lamics that cal/Ilot he redllced ta a single dynamical equatioll for the quasi particles. Although this system is consistent with a IIniform stlperflow and a steady cOlldensate at resr, it is Ilot certain thal IJOII l/Iliform superfiOlv exist for Ihis mode! witl1Otl1110rmal jfOIV, because the space scales of the jfOIV can couple with large scale fluctuations of the normal gos, making invalid an adiabatic approximation beyond the lowest arder ta aCCOUlit for the 1I01luniformity of the ftow. © 2000 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

Abridged English Version A recent Note [2] has shown how collisions couple the condensate and the normal gas in a dilute Bose gas, the final result being a pair of coupled equations of the Gross-Pitaevsii and BoltzmannNordheim type. This left aside the partieles with a small momentum, concerned by the Bogoliubov renormalization. The present work is about the mean field effect at this Bogoliubov order, that would

Note présentée par Yves POMEA U. S 1287-2147 (00) 000100191 © 2000 Académie des scienceslÉditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés

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Y. Pomeau

yield the Gross-Pitaevskii equation at zero temperature. The starting point is the energy operator written in second quantization (1), from which one derives the equation of motion for the density matrix (2). In the weak coupling limit, the relevant observables are the amplitude of the condensate, 'Po( r, t) = Tr(p'P( r)) and the three functions of rand r' R( l,l'; t) = Tr (pljll (rI) 1jI( rI'))' S( l, l'; t) = Tr (PIjI t (rd IjIl (rI')) and U( l, 1'; t) = Tr (PIjI( rI) 1jI( rI')) where 1jI( r) = 'P( r) - 'Po( r, t) (l1jI( r) = 'Pt (r) - 'Po( r, t )). In this weak coupling limit, the energy operator can be reduced to a quadratic form in ljI and IjIl, with a part already known from Bogoliubov theory plus another one that represents the self interaction of the particles in the excited state, as given in equation (7). This energy functional allows to derive both the equation of motion for the c-number field 'Po and for the quantum correlations of ljI and IjIl. For instance, the equation of motion for R( l, 1') reads (equation (9)): i

aR(~; 1') =

-1

(Vy - Vy,) R( l, 1') + 16nf( 'P6( 1) S( l, 1') - 'P6( 1') U( l, 1')) + 16njR( l,l') (ni 1) - nT( 1'))

where f is the two body scattering length and where 'Po is the complex conjugate of the amplitude of the condensate. Similar equations hoId for U and S. Those equations are valid at the lowest order in the density, and irreversibility would show up at the next order only. Moreover they show that including at this lowest order there is exchange of mass, energy and momentum between the condensate and the normaVthermal gas. This exchange is such that, in the long wave limit, the transport equation for the density of the condensate, n, and of the normal gas, nn read:

ann

at + V·in + tns = 0 and

ans

.

at + V·Js -

tns = 0

where is and in are the superftuid and normal mass currents. The term tns represents the possibility of mass exchange between the normal and superftuid component. It can be estimated from the kinetic equations, and the result is (15) tns = 16injKV ( 'P6 V'P6 - 'P6 V'P6 )

This is exactly equal to zero for an uniform velocity difference between the two components, but it does not vanish in general when this velocity difference is not uniform, because of the Bernoulli effect in the superftuid component. This might explain why the normal component has to be blocked in a porous medium or in narrow capillaries to observe macroscopic superftow without practically any dissipation.

Une Note récente [2] a montré comment les collisions couplent condensat et gaz normal (ou thermique) dans un gaz de Bose-Einstein dilué, le résultat final consistant en un système couplé d'équations de type Boltzmann-Nordheim (B-N) et Gross-Pitaevskii (G-P) [6]. Cette théorie ne s'appliquait pas à la petite partie de la distribution en énergie affectée par la renormalisation de Bogoliubov, concernant les particules dont l'énergie d'intéraction avec le condensat et/ou les autres particules thermiques est du même ordre de grandeur que leur énergie cinétique. La prise en compte de ces effets est une question assez compliquée, qui a suscité déjà un certain nombre de travaux proposant divers types de modification à la théorie cinétique de B-N pour tenir compte de la renormalisation de Bogoliubov (voir références in [2]). Ceci a laissé toutefois dans l'ombre ce que l'on pourrait appeler les

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Théorie de Bogoliubov hors-équilibre

effets de champ moyen de cette transformation de Bogoliubov, dominants à basse densité. La présente Note est consacrée à la déduction des effets de champ moyen dynamique à l'approximation de Bogoliubov [4], effets qui conduisent à l'équation de G-P à température nulle, soit en l'absence de gaz normal. Le point de départ est l'opérateur d'énergie écrit dans l'approximation du pseudo-potentiel, correcte lorsque la portée des intéractions est bien inférieure à la longueur d'onde des particules :

H=

J

d3 r( ~ VrP' 1 ( r) V r'P'( r) 1r = r' + 4nfP' 1 (r) P' 1( r) P'( r) P'( r) )

Cette équation a été écrite en prenant fI

J

(1)

= m = l, m masse des particules toutes identiques, l'intégrale

3

d r... étant étendue au volume total du système, supposé très grand. Dans (1), on a fait apparaître

1, longueur de diffusion supposée positive et déduite de la solution du problème à deux corps dans la limite des impulsions nulles, d'autre part p'1 (r) (lP'( r) est l'opérateur d'annihilation (Ide création) d'une particule au point r de l'espace ordinaire. Ces opérateurs commutent pour des arguments r différents, la seule relation de commutation non nulle étant:

[P'(r), P'1(r)] = P'(r) P"(r') - P'(r) P'1(r') =<5 3(r- r') 3

fonction de Dirac à trois dimensions. L'opérateur H intervient dans la dynamique en déterminant l'évolution de la matrice densité p. En termes de coordonnées, cette matrice est une fonction du temps t et d'une infinité de paires de positions. Son évolution est donnée par:

1:5

i ~ = [H, p]

(2)

Les grandeurs physiques mesurables se déduisent de P par l'opération de trace (opérateur de trace noté Tr). L'existence du condensat se manifeste par ce que les fonctions P'o( r, t) = Tr (pP'( r) et P'o( r, t) = Tr (p p" ( r)) ne sont pas nulles (P'o complexe conjugué de P'o). On sera amené à considérer les fonctions suivantes de r et r' (l'argument temps t sera omis ensuite) : R( l, l'; t) = Tr (pljIl ( rI ) 1jI( rI'))

S( 1, l'; t) = Tr (pljll (rd IjIl (rI') )

et U( l, l'; t) = Tr (PIjI( rI) 1jI( rI')) Dans ces définitions, l'opérateur 1jI( r) (/ljIl) tel que ljI( r) = P'( r) - P'o( r, t) (l1jI( r) = P' 1 (r) - P'o( r, t) satisfait les mêmes règles de commutation que P'( r). L'existence du terme quartique dans H empêche d'écrire un systeme d'équations fermé pour R, Set U. Ceci devient possible si H est quadratique en ljI et 1jI1. Suivant la méthode de Bogoliubov, on déduit de H un tel opérateur quadratique en substituant dans l'équation originale P'o + ljI( r)/ P'o + ljI 1 ( r) pour P'( r )/P" (r). Ceci fait apparaître un assez grand nombre de termes. Si la densité du gaz normal est assez faible, i.e. si la température est assez basse (bien inférieure à la température de transition), on ne retient dans H (et dans les calculs ultérieurs) que les termes indépendants de P'o, quadratiques ou quartiques en P'o, soit une énergie d'interaction: Hint

=

J

d3r( 4nfl P'o( r) 14 + l6nfl P'o( r) 12lj1 1(r) 1jI( r)

+ 8nf( P'o( r )21j11 ( r) IjIl ( r) + P'o( r )21j1( r) 1jI( r) )

(3)

l'énergie cinétique s'écrivant:

(4)

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Y. Pomeau Hein devrait c;omporter aussi des termes croIses, proportionnels à V r lJfo( r) V r' !fI( r') 1 r = r' par exemple. Ces termes ne contribuant pas aux équations d'évolution cherchées, on les omettra. On reconnaît dans Hein + Hint l'opérateur d'énergie retenu par Bogoliubov. Néanmoins, ceci n'est pas suffisant pour le cas présent pour deux raisons. D'une part, Bogoliubov ne déduit pas de cet opérateur une équation d'évolution pour le champ classique lJfo, équation qui est nécessaire si l'on veut pouvoir décrire un écoulement superfluide couplé au gaz normal. D'autre part, si les densités du gaz normal et du condensat sont comparables, certaines des approximations nécessaires pour déduire (3) de (1) ne sont plus valables. La première question (équation du champ classique lJfo) ne paraît pas avoir de réponse canonique, malgré son intérêt conceptuel (on pourrait imaginer, par exemple que les équations du champ de gravitation restent classiques, tout en étant couplées aux équations quantiques des particules élémentaires, du champ électromagnétique, etc.). Un formalisme lagrangien permet, en principe de coupler sans trop de difficulté dynamique classique et quantique. Pour le cas présent, on se contentera de déduire l'équation d'evolution pour lJfo par différentiation fonctionelle de l'opérateur d'énergie:

. alJfo 6H = ---=at 6lJfo

(5)

1-

Cette expression n'a de sens que si on la suppose prise en moyenne sur des domaines spatiaux assez grands pour que les fluctuations quantiques du nombre de particules y deviennent negligeables. Pour decrire des situations où les densités du condensat et du gaz normal sont du même ordre de grandeur il faut tenir compte de l' intéraction entre particules thermiques au même ordre que l' intéraction avec le condensat. La partie de l'énergie d'interaction qui reste à considérer s'ecrit 3 Hint, norm ::::: 4nf d r!fll (r) !fit (r) !fI( r) !fI( r). En fait ce terme peut être vu comme résultant d'une

l

double integration

l l

d 3r dVu( r - r') !fit (r') !fI( r') !fit (r) !fI( r) avec u( r - r') pratiquement égal

a 4nf6 3( r - r') pour les fluctuations de grande longueur d'onde representées par les opérateurs !fI( r) et !fit (r'). On peut donc ecrire aussi Hint, norm comme 4nf d 3r n( r) n( r) où n( r) est

l

l'opérateur !fit ( r) !fI( r). Comme déjà dit, on est interessé par les fluctuations de grandes longueur d'ondes, affectées par la renormalisation de Bogoliubov. Ces fluctuations sont telles qu'aux échelles concernées les nombres d'occupation sont grands, et la densité moyenne, sur ces échelles, proche d'une constante. Ceci permet de se limiter, dans l'expression de Hint, norm aux termes d'ordre zéro et un dans la fluctuation 6n( r) = n( r) - (n( r)), la moyenne étant prise sur les fluctuations quantiques. À cet ordre : Hint, norm ""

8nf

l

d

3 r( n( r) ) (2!f11 ( r) !fI( r) - (n( r) ) )

Une fois l'opérateur d'intéraction réduit à une forme quadratique dans les !fi et !fit, on peut trouver l'équation du mouvement pour les fonctions R, S et U. Pour cela on déduit de i ~ = [H, p] l'équation du mouvement pour la valeur moyenne (Q) = tr (pQ) d'une observable Q:t

a(Q)

iii(

= Tr ( [H, p] Q) = - Tr (p

[H, Q] )

Si H et Q sont quadratiques en !fi et !fit, on ramène [H, Q] à des c-nombre ou à des combinaisons quadratiques en !fi et !fi', d'où un systeme fermé d'équations pour R, S et U. Esquissons le calcul pour R( l, 1'). Par définition,

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Théorie de Bogoliubov hors-équilibre

On déduit des considérations précédentes que:

i

aR(1 : l') 1 at =-Tr(p[H,lfI(rdlfl(rl')])

(6)

Dans cette équation, par les arguments déjà présentés, on doit insérer la partie dominante de H : H""

f

3

d r(

~ Vrlfl

+ 16nfi'Po( r)

2

lfI

1

t

(r ).Vr'lfI( r')

t(

Ir = r+~ V/poe r ).V/Po( r') Ir = r' + 4nfl'Po( r)

r) lfI( r) + 8nf( 'PO( r)2 lfI

t(

r) lfI

t(

r) + ijJO( r

)2

4 1

lfI( r) lfI( r) )

+ 8nf( n( r) ) ( 2lf11 ( r) lfI( r) - (n( r) ) ) )

(7)

Il reste à calculer les commutateurs de H avec lfI t (ri) lfI( rI') pour trouver l'équation d'évolution de R. On a par exemple:

f

d 3r[V rlfll (r) Vr'lfI( r'), lfI t (rI) lfI( rl')] = (Vt' - Vt) lfIl (rI) lfI( rI')

(8)

[lfIl (1) lfI( l'), lfI t (r) lfI( r)] = lfI t (1) lfI(1') (<5 3 ( l' - r) -<5 3 (1 - r))

ce qui conduit à l'équation suivante pour R : .aR(I,1')=_1(V2 _V 2,)R(11') at 2 1 l ,

1

+ 16nf( 'P6( 1) S( 1,1') - 'P6( 1') U( 1, l')) + 16njR( 1, l') (ni 1) - ni l'))

(9)

2

nT( rI ) = R( ri' rI ) + l'Po( rI ) 1 , densité totale en rI' Les équations d'évolution de Set U sont trouvées de la même façon. Y figure un nouvel effet, lié à l'existence de fluctuations quantiques dans le fondamental. Pour trouver ces équations, on doit utiliser des valeurs de commutateurs telles que [lfI(1') lfI(1 ), lfI t (r) lfI t (r)] = 2lf1(1) lfIl (1') <5 3 ( r - 1) + 2lf1(1') lfIl (1') <5 3 (1' - r)

dont il faut ensuite trouver la moyenne, soit calculer par exemple Tr (Plfl( 1) lfI t( l')), qui vaut R( l', 1) + <5 3 ( 1 - l'), la fonction <5 3 ( 1 - 1') = <5 3 ( ri - rI') provenant de ce qu'il faut commuter lfI et lfI t pour ramener Tr (PlfI( 1 ) lfI t ( l') ) à l'expression originale de R( l', 1 ). Le résultat final pour U( l, l') s'écrit:

i

aU( 1 l') a; = -

~ (Vt + Vt,)

U( 1, l') + 16nf( 'P6(1) (R(1', 1) + <5 3 (1- 1'))

+ 'P6(1') (R(1, 1') + <5 3 ( 1 - 1'))) + l6nfU( 1,1') (nT( 1) + nT( l'))

L'équation pour S( 1, l') est obtenue en remarquant que

S( l,

(10) l') = U( 1',1) :

. aS( l,l') _ +1 (V 2 + V2) S( 1 l') at - 2 1 l' '

1

-16nf( 'P6( 1) (R( l, l') + <5 3 ( 1 - l')) + 'P6( l') (R( 1',1) + <5 3 ( 1 - l'))) -16njS(1,1')(nT(1)+nT(1'))

(1l)

À ce système s'ajoute l'équation d'évolution du condensat, obtenue par dérivation fonctionelle de l'énergie par rapport à 'Po :

i

a'Po( 1 ) at

1 2 =-lVt'Po(1)+8n!lJfo(1) (2R(1, 1)+ l'Po(1)1 )+16nf'Po(1)U(1,1) (12)

ce qui complète le système des équations du champ moyen à l'ordre de Bogoliubov (de Vlasov du point de vue de la théorie cinétique). Un système proche de celui-ci a été donné sans details de calcul par Proukakis et Burnett [3]. Leur résultat diffère néanmoins de celui donné ici par deux aspects importants. Tout

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Y. Pomeau

d'abord, le résultat final n'est pas donné sous forme d'équations reliant des fonctions explicites de variables de position, comme ici. D'autre part ces auteurs incluent d'autres termes que ceux retenus ici, termes qui proviennent de ce qu'on pourrait appeler les ordres suivant de la hiérarchie BBGKY quantique. Le présent développement néglige ce type de terme, aboutissant ainsi à un systeme fermé, ce qui est justifié par l'hypothèse de faible densité. La théorie de Bogoliubov suit des équations (9, 10, Il et 12) lorsque l'on peut remplacer nT par l 'Po 12 , les équations pour R, Set U se réduisant alors à un système linéaire dont la solution s'effectue par une transformation de type Bogoliubov. Examinons les équations trouvées du point de vue de la théorie cinétique. Elles présentent l'intéret de fournir un modèle cinétique précis pouvant décrire la superfluidité à température finie. Ces équations sont formellement réversibles, étant invariantes par conjuguaison hermitique et inversion du temps. Les propriétés hydrodynamiques d'un modèle cinétique sont reliées à l'existence de grandeurs conservées. Dans le cas présent, ceci concerne l'impulsion, la masse et l'énergie. La masse totale s'écrit:

M=

Jdrl nT( ri) = Jdr] (R( l, 1 ) +

l

'Po( 1 ) 1

2

)

De

al 'Pol

2

J

-

-

dr, -a-t- = 16inf drJC 'P6U( 1,1) - 'P6 U( l, 1))

J

et de l'équation pour R( 1,1') écrite pour ri = rI" on déduit que la masse est conservée, avec un échange possible entre gaz normal et composante condensée représenté par le terme en 'Po de (12) et les termes en S( l, 1') et U( l, l') de (9). De la même façon on montre la conservation de l'impulsion J=

~J dr

'Po( 1) V]'Po( 1) - 'Po( 1) VI'PO( 1) - [V]'R( 1,1') - V]R(l, l')]] =]')

l(

ainsi que celle de l'énergie totale E=

Jdrl(~ IVI'PO( 1 )1 2 + ~ [VI VIR(l, 1')]1

=

4

1'+ 8nf(n}-I'PoI /2 + 'P6 U(l, 1) + 'P6S(l, 1)))

La conservation de chacune de ces grandeurs implique a priori un échange entre condensat et gaz normal, c'est-à-dire qu'il n'y a pas conservation de la masse du condensat seul. La superfluidité éventuelle de ce modèle dépend d'abord de la possibilité de faire une transformation galiléenne de vitesse u constante sur une des deux phases (normale ou superfluide) indépendamment de l'autre. Cette propriété se montre ainsi: soit une solution stationnaire du système couplé pour 'Po, R( 1, 1'), Set U, R fonction réelle de ri - rI' (ce qui assure l'absence de contribution du gaz normal à l'impulsion), et 'Po constant. Alors une nouvelle solution stationnaire existe telle que 'Po, g = 'Po e{ ur - ~ t), Ug ( 1,1') = 'P6e-iU2'(e2iUrl + e 2iur l') ver] - rI') et Si 1,1') = 'P6eiu2t(e-2iUrl + e-2iurl') ver] - rl')' La fonction réelle v( ri - ri') est solution du problème auxiliaire (avec la condition v( r) --7 r --. =) : (- V; + 3u 2 + 32nfnT) v( r) + l6nf( R( r) + 6\ r» = 0

01

où R( r) est la fonction R( 1, 1') ecrite avec l'argument r = ri - rI" Ce problème auxiliaire linéaire se résoud facilement, la fonction de Green étant une fonction de Yukawa. La transformation galiléenne de l'ensemble condensat-gaz normal transformerait R( l, l') en R( 1,1') eiu(r l - ri'). En revanche, dans le cas présent la fonction R( 1, 1') n'est pas modifiée, puisque le terme inhomogène de l'équation pour R, soit 16nf( 'P6S( 1,1') - ï.p6( 1') U( 1,1'», reste nul après la transformation galiléenne du condensat. Ce terme vaut alors: l 'P 14 0

96

v( rI - ri') (e2iurl( e-2iurl + e-2iurl') - e2iurl'( e2iurl + e2iurl'»

= 0

Théorie de Bogoliubov hors-équilibre

Ce résultat ne prouve pas qu'il y ait superfluidité dans ce modèle: la limite d'une vitesse superfluide uniforme est singulière par rapport au cas général d'un écoulement superfluide légèrement non uniforme, comme nous allons le voir. Considérons donc le cas d'un écoulement superfluide faiblement non uniforme, ceci sur des échelles de longueur grandes devant toute longueur microscopique. On va montrer que ceci fait apparaître un terme de source pour le courant normal, ce qui devrait conduire à de la dissipation, dissipation qui apparaît dans le gaz normal à l'ordre supérieur enf(enl, celui des termes de collisions [2]) de celui retenu ici. On supposera (ce qui n'est pas une restriction véritable) que la densité nT reste uniforme, et l'on va montrer que le terme inhomogène de l'équation pour R peut agir vaut comme un terme de source pour le courant normal. Ce courant normal, soit ill( r i( V; - VI ) R( l, l') Il = J'. Si nT est constant, on déduit de (9) que ce courant normal satisfait l'équation: J

VJjn(rJ) = 2iW( 1,1)

),

(13)

où W( 1,1') = -16nf( 'PÔ( 1) S( 1,1') - 'PÔ( 1') U( 1,1')) est le terme inhomogène de (9). Pour calculer S et U, on procède comme pour le cas précédent, où 'PÔ n'avait qu'une seule composante de Fourier, mais en supposant maintenant que la décomposition de Fourier de cette fonction a la forme la plus générale: 'PÔ( rI ) =

2:

(q

2iqr

e

]

q

On en déduit W( 1, 1) = 32nf2: (q (qo[ vq( r = 0) - vi r = 0)] e 2i (q - q'h

(14)

q. q'

Dans cette équation, vq ( r), qui généralise la fonction v( r) introduite précédemment, est solution du problème auxiliaire (avec condition de decroissance à l'infini) : ( - V2 +

4l- 2e + 32nfnT) vq ( r) + l6nf( R( r) + t5 3 ( r)) = 0 2

la quantité e, égale à ~ dans le cas précédent est l'énergie par unité de masse associée à l'écoulement superfluide, toujours stationnaire mais non uniforme maintenant (dans la limite incompressible e est la constante de la loi de Bernoulli). Puisque figure dans (14) la différence vi r = 0) - vi r = 0), et que q et q' sont supposés petits, on peut développer vq( r = 0) - vi r = 0) au voisinage de q et q' nuls, ce qui donne

vq ( r = 0) - vi r = 0) "" K( l- ql2) K étant une constante qui dépend de R( r). Insérant l'expression correspondante de W( 1, 1) dans (13), on obtient: V Un( rI) = l6inf K[ 'PÔV 2( 'PÔ) - 'PÔV 2( 'PÔ)] Le second membre de cette équation s'annule pour une fonction 'Po proportionelle, avec un facteur constant à eirp(r), rp(r) potentiel des vitesses harmonique, le cas d'un écoulement superfluide à bas nombre de Mach. Ceci ne paraît pas suffisant pour faire disparaître en général ce type de terme. Si l'on retient les variations de l'amplitude de 'Po par effet Bernoulli [1], cette amplitude dépend du carré de la vitesse superfluide, et la combinaison [ 'PÔV 2( 'PÔ) - 'PÔV 2( 'PÔ)] ne s'annule plus, même pour un potentiel des vitesses harmonique. Elle est proportionelle à

V(Vrp)2.Vrp = 2

2: 2!P-2!P-~ a, li aXa axp axaaxp 97

Y. Pomeau

Ce type de terme, s'il est petit, ne l'est pas astronomiquement (lexponentiellement) contrairement à ceux decrivant des effets de nucléation de vortex thermique ou quantique, souvent invoqués pour expliquer la disparition de la superfluidité à des vitesses bien inférieures à celles du critère de Landau. Ce type de terme apparaît aussi dans les équations de transport de masse déduites des équations cinétiques. La conservation de la masse totale s'ecrit onT

7it + V·(jn + i,)

= 0

où in est le courant normal et is le courant du condensat. L'échange possible de masse entre composante normale et condensat entraîne que les équations de transport separées pour nn = R( 1,1) et n, = l 'Po12 s'écrivent:

et

ans

.

7ft + V J., - ln, = 0

Les calculs précédents conduisent à l'expression suivante de nécessaire pour résoudre les équations pour U et S) :

ln,'

en régime stationnaire (hypothèse

lns = 16infKV'( 'PÔV'PÔ - 'PÔV 'PÔ)

(15)

expression qui, encore une fois n'est pas nulle en général pour l!n écoulement du condensat en raison de la compressibilité, même si Vi, = ~ V( 'Po V 'Po - 'Po V 'Po) = O. Un écoulement où lns différerait de zéro doit donc être accompagné d un écoulement de gaz normal. On a vu que le terme d'échange est nul pour un écoulement uniforme du condensat si l'amplitude de celui-ci est constante. L'extrapolation de ces considérations au cas de l'Helium 4 superfluide (avec bien sûr une expression plus générale pour ln,,) n'est pas en contradiction avec les équations proposées par Landau [5] pour l'hydrodynamique à deux fluides, équations qui ne considèrent pas le transport séparé de nn et n, (assimilés maintenant au fluide normal et au superfluide). Il se pourrait donc que dans ce cas l'on ne puisse observer d'écoulement superfluide permanent non dissipatif que si le fluide normal est en quelque sorte bloqué, par exemple dans les capillaires ou les canaux d'un poreux où le superfluide est souvent contraint, depuis les premières expériences de Kapitza. Il va de soi que ces considérations doivent etre precisées dans le cadre d'une théorie cinétique incluant l'effet irréversible des collisions, et l'hydrodynamique correspondante déduite par la méthode d'Hilbert-Enskog. Remerciements. Stéphane Métens m'a signalé la référence [3], et j'ai eu des discussions intéressantes avec lui.

Références bibliographiques [1] Josserand c., Pomeau Y, Rica S., Vortex shedding in a mode! of superf1ow, Physica 0 134 (1999) 111-125. [21 Pomeau Y, Brachet M.E., Métens S., Rica S., Théorie cinétique d'un gaz de Bose~Einstein avec condensat, note aux Comptes rendus de l'Académie des sciences, C. R. Acad. Sei. Paris 327 Série II b (1999) 791-798. [31 Proukakis N.P., Burnett K., Generic mean fields for trapped atomic Bose~Einstein condensates, J. of Research of the NIST 101,457 (1996). [4] Bogoliubov N.N., J. Physics 23 (11) (1947). [5] Landau L.O., J. Phys. USSR 71 (5) (1941). [6] Ginzburg Y.L., Pitaevskii L.P., Sov. Phys. JETP 858 (7) (1958); Pitaevskii L.P., Sov. Phys. JETP 13 451 (1961); Gross E.P., J. Math. Phys. 4 195 (1963).

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