Traitement des onychomycoses

Traitement des onychomycoses

+ Models MYCMED-509; No. of Pages 7 Journal de Mycologie Médicale (2014) xxx, xxx—xxx Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com ...

1MB Sizes 7 Downloads 83 Views

+ Models

MYCMED-509; No. of Pages 7 Journal de Mycologie Médicale (2014) xxx, xxx—xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

DOSSIER ONYCHOMYCOSES/ONYCHOMYCOSIS

Traitement des onychomycoses§ Treatment of onychomycosis M. Feuilhade de Chauvin ˆ pital Saint-Louis Paris, Laboratoire de mycologie et polyclinique de dermatologie, ho 1, avenue Claude-Vellefaux, 75475 Paris cedex 10, France

MOTS CLÉS Traitement ; Onychomycose ; Dermatophyte ; Candida ; Moisissure

KEYWORDS Treatment;

Résumé Le traitement d’une onychomycose ne se discute qu’après confirmation par un examen mycologique. Les onychomycoses à dermatophytes les plus fréquentes relèvent d’une contagion, compliquant une dermatophytose cutanée du pied ou de la main. L’onychomycose à Candida, plus rares, est une pathologie opportuniste, et l’onychomycose à moisissure un « accident de parcours ». Le traitement d’une onychomycose à dermatophyte prend en compte les différentes parties infectées de l’appareil unguéal. Un traitement topique en monothérapie est réservé aux atteintes mineures ou modérées. Pour les atteintes sévères, un antifongique systémique doit être associé. Il est toujours utile de diminuer la zone infectée pour faciliter la pénétration des antifongiques, de traiter les sources de recontamination et de prévenir les récidives. Dans les candidoses unguéales, il est indispensable de distinguer une onychomycose primaire de la surinfection d’une paronychie chronique. Dans la candidose primaire, un antifongique topique est parfois suffisant mais en cas d’échec, un antifongique systémique est associé. La correction des facteurs favorisants est toujours nécessaire. Le traitement d’une onychomycose à moisissure demeure un vrai challenge. Mis à part Neoscytalidium spp., se comportant comme un dermatophyte, il est souvent difficile d’affirmer qu’une moisissure est un pathogène primaire ou un simple agent de colonisation. Les traitements antifongiques disponibles, topiques ou systémiques, sont pratiquement toujours inefficaces, sauf l’itraconazole efficace en cas d’aspergillose. La photothérapie dynamique et le Nd Yag laser sont de nouvelles propositions thérapeutiques mais leur place dans le traitement des onychomycoses n’est pas établie et nécessite d’autres études. # 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary A positive mycological examination is required before discussion of treatment of onychomycosis. Onychomycosis is most commonly due to dermatophytes in association with tinea pedis and/or tinea manuum. It is a catched infection. Candida onychomycosis is a rare

DOIs des articles originaux : http://dx.doi.org/10.1016/j.mycmed.2014.10.007, http://dx.doi.org/10.1016/j.mycmed.2014.10.005, http://dx.doi.org/10.1016/j.mycmed.2014.10.006, http://dx.doi.org/10.1016/j.mycmed.2014.10.008, http://dx.doi.org/10.1016/j.mycmed.2014.10.003, http://dx.doi.org/10.1016/j.mycmed.2014.10.004. § Cette revue générale fait suite au Symposium sur les onychomycoses (conférences) dans le cadre des journées scientifiques d’hiver de la Société française de mycologie médicale les 29 et 30 novembre 2013 à Paris (CHU Cochin-Port Royal). Adresse e-mail : [email protected]. http://dx.doi.org/10.1016/j.mycmed.2014.10.009 1156-5233/# 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Feuilhade M. Traitement des onychomycoses. Journal De Mycologie Médicale (2014), http://dx.doi.org/10.1016/ j.mycmed.2014.10.009

+ Models

MYCMED-509; No. of Pages 7

2

M. Feuilhade de Chauvin Onychomycosis; Dermatophyte; Candida; Non-dermatophytic moulds

opportunistic infection and onychomycosis due to non-dermatophytic moulds is very rare as a ‘‘chance mishap’’. The treatment of dermatophyte onychomycosis takes each infected part of the nail into account. Topical antifungal agents should be reserved for mild to moderate onychomycosis. Systemic antifungal agents are required to severe onychomycosis. In all cases, removal of infected nail parts is useful to facilitate the penetration of antifungal drugs and eradication of reinfection sites may be done to prevent recurrences and relapses. In primary, Candida onychomycosis treatment with topical antifungal drugs may be effective but in case of treatment failure, a systemic therapy is required. Suppression predisposing factors is useful. The treatment of non-dermatophytic moulds onychomycosis is still a challenge. Except Neoscytalidium spp., which mimic a dermatophytosis, non-dermatophytic moulds may be isolated from dystrophic nails and it is always difficult to specify their role as a primary pathogen or as a colonizer of nails. The available topical and systemic antifungal drugs are not effective against these non-dermatophytic moulds except itraconazole for onychomycosis due to Aspergillus spp. New therapy such as light and laser therapy are in evaluation. # 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Le traitement d’une onychomycose ne se conçoit qu’après un examen mycologique réalisé dans de bonnes conditions et dans un laboratoire expérimenté. Il confirme que l’onychopathie est une onychomycose et il en identifie le champignon responsable. Différents médicaments et antifongiques sont disponibles pour traiter une onychomycose : produits permettant une « lyse chimique », antifongiques locaux, vernis et solutions filmogènes, et antifongiques systémiques (Tableau 1). Mais une bonne prise en charge de l’onychomycose nécessite de distinguer une onychomycose à dermatophyte d’une onychomycose à Candida spp. ou d’une onychomycose à moisissure parce que l’utilisation des médicaments antifongiques et les modalités thérapeutiques sont différentes.

Traitement des onychomycoses à dermatophyte Les onychomycoses à dermatophyte sont les plus fréquentes et siègent principalement au niveau des ongles des orteils dans 90 % des cas et plus rarement aux ongles des doigts. Elles s’intègrent dans une dermatophytose du pied ou de la main qui relèvent d’une infection contagieuse. Dans une étude rétrospective menée au laboratoire de l’hôpital Saint-Louis sur trois mois et demi en 2012, 99,5 % des onychomycoses des orteils confirmées (examen direct et culture) étaient associées à une atteinte du pied au même champignon chez 221 patients (donnée personnelle). Le traitement d’une onychomycose à dermatophyte prend en compte les différentes parties infectées de l’appareil unguéal : région matricielle, lit de l’ongle et tablette unguéale [14].

Traitement d’une onychomycose à dermatophyte mineure ou modérée Un traitement antifongique local est envisageable : après grattage, meulage ou kératolyse chimique de la zone infectée, une solution filmogène ou un vernis peuvent être appliqués (Tableau 2, Fig. 1 et 2).

Mais comme le souligne M. Ghannoum [6], la sélection des patients doit parfaitement répondre aux critères d’atteinte « mineure ou modérée » et l’antifongique doit être appliqué pendant 12 à 18 mois. L’évolution clinique sert de guide à l’efficacité du traitement antifongique et un examen mycologique de contrôle est inutile à la fin du traitement mais peut être fait après une fenêtre thérapeutique de 6 mois qui permet l’élimination du médicament antifongique ainsi que les éléments fongiques morts.

Traitement d’une onychomycose à dermatophyte sévère Une triple association thérapeutique est nécessaire : réduction de la zone infectée de l’ongle mécaniquement (découpage, meulage) ou par onycholyse chimique, antifongique systémique et antifongique topique surtout dans les zones latérales où l’antifongique systémique pénètre insuffisamment pour une raison anatomique de vascularisation [5,10] (Fig. 3). L’antifongique systémique qui demeure le plus efficace est la terbinafine considérée comme fongicide. La dose recommandée est de 250 mg/jour pour un adulte de poids moyen (60—70 kg). Ce médicament n’est pas hépatotoxique et a très peu d’interactions médicamenteuses mais peut avoir une très rare toxicité allergique dermatologique ou gustative dont les patients doivent être avertis (de nombreux génériques existent dont la tolérance n’est pas identique). Deux autres médicaments sont utilisables : l’itraconazole (dose 200 mg/j) mais il nécessite une première prescription hospitalière et le fluconazole (150—400 mg/j). Ces deux triazolés présentent des interactions médicamenteuses dont il faut tenir compte. La griséofulvine, peu efficace, n’a plus d’indication dans les onychomycoses. Le kétoconazole per os Nizoral1 a été supprimé. Dans tous les cas d’onychomycose à dermatophyte, il est indispensable de traiter toutes les localisations associées, de désinfecter les sources de recontamination (chaussures ou chausson mis pieds-nus, tapis de bain, serviettes et autres objets servant à nettoyer les pieds) [4]. Une information de prévention doit être faite au patient pour éviter les récidives : expliquer comment « on attrape » une dermatophytose des pieds, ne pas marcher pieds-nus

Pour citer cet article : Feuilhade M. Traitement des onychomycoses. Journal De Mycologie Médicale (2014), http://dx.doi.org/10.1016/ j.mycmed.2014.10.009

+ Models

MYCMED-509; No. of Pages 7

Traitement des onychomycoses

3

Tableau 1 Thérapies utiles dans la prise en charge d’une onychomycose. Useful antifungals in the management of onychomycosis. Re´duction me´canique ou chimique de la zone infecte´e par le champignon Grattage, meulage, découpage Lyse chimique Application quotidienne sous occlusion  2—3 semaines Bifonazole-urée à 40 % Amycor Onychoset1 (pommade) Onyster1 (crème) Urée 40 % De nombreux vernis, contenant des pourcentages variables d’urée sont proposés « en grand public : pour le traitement des « ongles abimés et épaissis » mais malheureusement certains de ces produits revendiquent l’indication « traitement des mycoses des ongles » alors qu’ils ne contiennent aucun médicament antifongique. Leur efficacité reste à prouver Antifongiques locaux Mycoster1 solution filmogène 8 % Onytec1 vernis (biofilm hydrosoluble) Locéryl1 solution filmogène 5 % Curanail1 vernis Non commercialisés en France : Éficonazole1 spray

Ciclopirox acide 1 application/jour Ciclopirox acide 1 application/jour Amorolfine 1 application/semaine Amorolfine 1 application/semaine Bonne tolérance (< 1 % d’effets secondaires mineurs) solution 10 %, terbinafine solution, terbinafine « in transfersome » TDT 067 1,5 %

Antifongiques syste´miques Terbinafine lamisil1 et génériques Allylamine 250 mg 1 prise quotidienne Triazolé 400 mg 1 prise/j  une semaine par mois Itraconazole sporanox1 Triazolé 150—300 mg 1 prise/j  un jour par semaine Fluconazole triflucan1 et génériques Cependant les doses, la prescription quotidienne ou la prescription sous forme de « pulses » ainsi que la durée du traitement doivent prendre en compte le cas du patient : sévérité de l’atteinte, identification du champignon, tolérance, interactions médicamenteuses, poids du patient et terrain du patient

dans les lieux de contamination, bien sécher ses pieds. . . (Tableau 3).

Traitement des onychomycoses à Candida spp. Le diagnostic de candidose unguéale, infection opportuniste, doit être porté avec beaucoup de soin pour distinguer une onychomycose primaire d’une onychomycose secondaire car la prise en charge thérapeutique est différente (Tableau 4).

Dans le cas d’une onychomycose primaire, l’atteinte débute le plus souvent par une paronychie de quelques doigts (1—3 doigts) (Fig. 4) rarement par une simple onycholyse. Le Candida spp., presque toujours C. albicans, est le seul responsable de l’onychopathie et le traitement antifongique amène la guérison du patient. Dans une onychomycose secondaire, le Candida spp. est un colonisateur et non l’agent infectieux responsable qu’il s’agisse d’une onycholyse traumatique, psoriasique ou autre ou d’une paronychie chronique allergique ou traumatique. Dans ce dernier cas, les doigts (souvent 8—10) sont atteints de façon symétrique sur les 2 mains. L’interrogatoire

Tableau 2 Traitement d’une onychomycose à dermatophyte : schéma thérapeutique [14]. Treatment of onychomycosis due to dermatophytes [14]. Leuconychies superficielles Grattage de toute la zone infectée Traitement antifongique local  1—3 mois Onychomycose sous-ungue ´ale latero-distale mineure ou mode´re ´e Diminution de la zone infectée Traitement antifongique local  12 à 18 mois Quelle que soit la se´ve´rite´ de l’onychomycose Traiter les localisations associées (pieds, main, autres) Prévention des rechutes par traitement des sources de recontamination (chaussures, objets de toilette. . .) Prévention des récidives par information au patient « comment se contamine-t-on et où »

Figure 1 Leuconychie superficielle à dermatophyte (Trichophyton mentagrophytes var interdigitale). White superficial dermatophyte onychomycosis (Trichophyton mentagrophytes var interdigitale). Pour citer cet article : Feuilhade M. Traitement des onychomycoses. Journal De Mycologie Médicale (2014), http://dx.doi.org/10.1016/

j.mycmed.2014.10.009

+ Models

MYCMED-509; No. of Pages 7

4

M. Feuilhade de Chauvin Tableau 3 Traitement d’une onychomycose à dermatophyte : schéma thérapeutique. Onychomycose à dermatophyte sévère : > 50 % d’atteinte et/ou hyperkératose sous-unguéale majeure ; atteinte de la zone matricielle [6]. Treatment of onychomycosis due to dermatophytes [6]. Re ´duction de la zone infecte´e Antifongique syste´mique Terbinafine (chaque jour  3—4 mois) Itraconazole (1 semaine/mois  6 mois) Fluconazole (1 jour/semaine jusqu’à guérison)

Figure 2 Onychomycose à dermatophyte sous-unguéale distale d’atteinte modérée (Trichophyton rubrum). Moderate distal subungueal dermatophyte onychomycosis (Trichophyton rubrum).

retrouve la notion de traumatismes unguéaux chimiques ou physiques répétés tels que frotter du linge à la main. Le traitement d’une onychomycose primaire à Candida spp. peut être local si l’atteinte est mono-dactylique ou s’il s’agit d’une simple onycholyse (découpage de la tablette, séchage et antifongique topique). Mais en cas d’échec ou d’atteinte pluri-dactylique avec paronychie, un traitement systémique doit être associé au traitement local. Les antifongiques locaux efficaces sont les dérivés azolés, la ciclopiroxolamine, et éventuellement la terbinafine topique. Une application 4 à 6 fois par jour est recommandée jusqu’à guérison. Les traitements antifongiques systémiques sont le fluconazole (150—300 mg/j un jour par semaine) et l’itraconazole (400 mg/j une semaine par mois) pendant 4 à 6 semaines. Ces médicaments n’ont pas d’AMM dans cette indication et l’itraconazole nécessite une première prescription hospitalière. Le kétoconazole a été retiré du marché européen, et la terbinafine

Antifongique local Il complète l’action de l’antifongique systémique dans les zones latérales mal vascularisées Prescription jusqu’à guérison de l’ongle (12 mois pour un gros orteil, 6 mois pour un ongle du pouce) Quelle que soit la se´ve´rite´ de l’onychomycose Traiter les localisations associées (pieds, main, autres) Prévention des rechutes par traitement des sources de recontamination (chaussures, objets de toilette. . .) des récidives par information au Prévention patient « comment se contamine-t-on et où »

orale a une mauvaise activité dans cette indication. Dans tous les cas, des mesures associées sont nécessaires : séchage consciencieux des mains (serviette ou kleenex) ou port de gants (caoutchouc et coton) lors des contacts

Tableau 4 Traitement d’une onychomycose primaire à Candida albicans. Treatment of primary onychomycosis due to Candida albicans. Onycholyse sans paronychie Découpage de la zone d’onycholyse Antifongique locala (lotion, gel, crème) 4—6 fois/j  2—4 semaines Un seul doigt atteint avec paronychie Antifongique locala (lotion, gel, crème) 4—6 fois/j jusqu’à guérison Plusieurs doigts atteints avec paronychie ou e´chec du cas pre´ce´dent Antifongique locala (lotion, gel, crème) 4—6 applications/ jour jusqu’à guérison Antifongique systémique Fluconazoleb 150—400 mg/j  1 jour/semaine  3—4 mois Itraconazolec 400 mg/j  1 semaine/mois  3—4 mois Dans tous les cas Séchage des mains ++, port de gants coton et caoutchouc Correction des facteurs favorisants a

Figure 3 Onychomycose à dermatophyte sous-unguéale distale d’atteinte sévère (Trichophyton rubrum). Severe distal subungueal dermatophyte onychomycosis (Trichophyton rubrum).

Antifongique local actif sur Candida : imidazolés, ciclopiroxolamine, terbinafine topique. b Le fluconazole n’a pas d’AMM dans cette indication. c L’itraconazole n’a pas d’AMM dans cette indication et première prescription hospitalière. Terbinafine : peu efficace dans cette indication.

Pour citer cet article : Feuilhade M. Traitement des onychomycoses. Journal De Mycologie Médicale (2014), http://dx.doi.org/10.1016/ j.mycmed.2014.10.009

+ Models

MYCMED-509; No. of Pages 7

Traitement des onychomycoses

5

Figure 4 Onychomycose primaire à Candida albicans. Primary Candida onychomycosis.

avec l’eau et suppression d’autres facteurs favorisants (dermo-corticoïdes, équilibre d’un diabète. . .) [14,7].

Traitement des onychomycoses à moisissure Il est indispensable avant toute décision thérapeutique de confirmer le diagnostic d’une onychomycose à moisissure mais il est souvent difficile de préciser si la moisissure est un pathogène primaire ou si elle n’est que le colonisateur d’une onychopathie d’autres étiologies. Si l’on isole à l’examen mycologique un Neoscytalidium dimidiatum ou Neoscytalidium hyalinum, on sait que cette moisissure phytopathogène des zones tropicales et subtropicales est toujours pathogène car son comportement infectieux est identique à celui d’un dermatophyte comme

Figure 6 a et b : onychomycose à Fusarium spp. avant traitement et sa guérison 24 mois plus tard. Onychomycosis due to Fusarium spp. and its cure 24 months later.

Figure 5 a—c : onychopathie traumatique : colonisation de la tablette unguéale par des moisissures sans infection des autres parties de l’appareil unguéal ; ce n’est pas une onychomycose. Traumatic subungueal nail disorder: colonization of nail plate without involvement of other parts on nail; it is not an onychomycosis. Pour citer cet article : Feuilhade M. Traitement des onychomycoses. Journal De Mycologie Médicale (2014), http://dx.doi.org/10.1016/ j.mycmed.2014.10.009

+ Models

MYCMED-509; No. of Pages 7

6

M. Feuilhade de Chauvin Tableau 5 Traitement d’une onychomycose à moisissure. Treatment of onychomycosis due to molds. Leuconychie superficielle Grattage de toute la zone infectée et séchage Onychomycose a ` Aspergillus Diminution de la zone infectée Itraconazole 200 mg/j ou pulse de 400 mg/j  1 semaine/mois jusqu’à guérison Onychomycose a ` autre moisissure y compris Neoscytalidium spp. Excision de la zone infectée mécaniquement ou chimiquement Séchage Inondation avec amphotéricine B locale 24 h/24 h Si échec (surtout si panaris) : chirurgie Ne pas laisser la tablette ungue´ale sans gue´rison du lit de l’ongle ou de la zone matricielle (« fausse gue´rison ») Tous les antifongiques disponibles locaux ou syste´miques sont inefficaces dans cette indication

Trichophyton rubrum. L’atteinte unguéale est associée à une atteinte plantaire et/ou palmaire. Si l’on isole à l’examen mycologique une autre moisissure, c’est une moisissure opportuniste pouvant infecter une kératine unguéale altérée et c’est « un accident de parcours ». Il n’y a pas d’atteinte cutanée associée. Ce diagnostic reste très difficile à établir car ces moisissures omniprésentes dans l’environnement peuvent être présentes sur le pourtour de l’ongle et même venir infecter la tablette unguéale sans atteindre d’autres parties de l’appareil unguéal. Un simple découpage de la tablette unguéale et un bon séchage du lit unguéal sont alors suffisants pour faire disparaître la moisissure (Fig. 5a—c). Personnellement je ne considère pas qu’il s’agisse d’une onychomycose à moisissure dans ce cas. Si le diagnostic d’onychomycose à moisissure est confirmé d’après des critères stricts reposant sur au moins deux examens mycologiques réalisés dans un laboratoire expérimenté, son traitement demeure souvent un vrai challenge. Si la moisissure responsable est un Aspergillus spp., l’itraconazole per os est habituellement très efficace (200 mg/jour chaque jour ou 400 mg/j en pulse hebdomadaire une fois par mois). S’il s’agit d’une leuconychie superficielle sans atteinte du lit de l’ongle ou de la région matricielle, un grattage énergique de la tablette supprimant toute la zone infectée est suffisant. Dans tous les autres cas, quelle que soit la moisissure y compris les Néoscytalidium, les antifongiques disponibles par voie orale, griséofulvine, terbinafine, itraconazole, fluconazole sont inefficaces. Les antifongiques topiques disponibles sont également inefficaces. Seule l’amphotéricine B, qui n’existe plus en France que sous forme de suspension buvable, a une certaine efficacité in vitro et in vivo sur les moisissures. Une étude brésilienne [2] n’observe aucune guérison sur des onychomycoses à Neoscytalidium spp. chez 25 patients (sauf 1 cas) recevant pendant 12 mois soit terbinafine et ciclopiroxolamine deux fois par semaine, soit ciclopiroxolamine deux fois par semaine, soit ciclopiroxolamine cinq jours par semaine. Il faut noter que tous ces traitements étaient pourtant associés

à une avulsion de l’ongle atteint. Le suivi des patients était de six mois après arrêt du traitement. Les auteurs ne notaient pas de différence statistique clinique ou mycologique entre les 3 groupes Cette étude confirme l’expérience française. Chez des patients ayant une scytalidiose en échec de tous les traitements cités, quelques auteurs ont tenté sans plus de succès le voriconazole [13] et le posaconazole [3], médicaments réservés en France à l’usage hospitalier et fort onéreux. Dans ma propre expérience et celle des auteurs suisses [9], des guérisons peuvent être obtenues dans des onychomycoses à Fusarium spp. ou à Acremonium spp., même s’il existe une paronychie, en associant une excision de toute la partie parasitée par des avulsions chimiques répétées, un bon séchage de l’ongle et l’application d’amphotéricine B topique quotidienne (Fig. 6a et b). Il ne faut pas laisser la tablette unguéale repousser (car elle repousse !) sans une totale guérison sous-jacente de l’appareil unguéal aboutissant à une fausse guérison clinique ! Ce traitement (Tableau 5) peut nécessiter 12 mois pour un doigt et 2 ans pour un gros orteil et parfois plus. En cas d’échec, lorsqu’il existe une paronychie récalcitrante, véritable panaris fongique, une chirurgie de l’ongle s’inspirant du traitement d’un panaris bactérien peut être tentée mais il ne faut pas laisser le moindre filament dans la matrice unguéale qui représenterait un risque de rechute !

Les nouveaux traitements proposés dans le traitement des onychomycoses La photothérapie dynamique (PDT) et l’utilisation du 1064nm ND Yag Laser sont en cours d’évaluation [8]. La plupart des publications utilisant ces techniques rapporte des cas isolés et les photos publiées montrent des atteintes unguéales limitées, de plus des traitements antifongiques locaux voire systémiques ont pu être associés. L’utilisation de la photothérapie dynamique repose sur la possibilité de T. rubrum, dermatophyte responsable dans plus de 90 % des cas d’onychomycose des orteils, de métaboliser les 5 acides amino-lévulinique (ALA) en protophorphyrine IX. Une équipe grecque [12] a publié les résultats observés chez 30 patients atteints d’onychomycose disto-latérales des orteils à T. rubrum. Le traitement des patients débutait par l’application d’une crème à l’urée à 20 % pendant 10 jours permettant une avulsion chimique de l’ongle. Puis une application de 5 ALA crème était faite sous occlusion pendant 3 heures et une émission de lumière rouge (570— 670 nm) effectuée sur un ongle choisi (73,3 % ongle d’un gros orteil). Ce traitement était répété 3 fois à 2 semaines d’intervalle. Un traitement antifongique local était appliqué sur les autres ongles. L’évaluation a été faite 12 et 18 mois après la fin du traitement. À un an, une guérison clinique était constatée chez 5 patients (16,6 %) et moins de 10 % de surface infectée avec un examen mycologique direct négatif chez 8 patients (26,6 %). À 18 mois, le taux de guérison n’était plus que de 36,6 %. Pour chaque patient, les auteurs signalent des effets secondaires : sensation de brûlure, douleur (non sédative sous antalgique) et érythème chez tous les patients (30/30 p), œdème (28/30 p) ainsi que des phlyctènes (14/30 p). Ces effets secondaires sont habituels dans les autres indications de la PTD. Les auteurs concluent

Pour citer cet article : Feuilhade M. Traitement des onychomycoses. Journal De Mycologie Médicale (2014), http://dx.doi.org/10.1016/ j.mycmed.2014.10.009

+ Models

MYCMED-509; No. of Pages 7

Traitement des onychomycoses que la PTD ne peut être qu’une méthode thérapeutique alternative dans les onychomycoses. L’utilisation du Laser 1064-nm ND Yag pour traiter une onychomycose a été approuvée par la FDA aux États-Unis en 2012, bien que les premiers essais in vitro et in vivo soient souvent contradictoires. Il semblait que l’effet thermique du laser pouvait avoir un effet létal sur le champignon. L’article publié par l’équipe de Birmingham en Alabama (États-Unis) [1] dément cette hypothèse. La température obtenue avec ce type de laser (40 8C) n’inhibe pas le développement des cultures des dermatophytes, T. rubrum, et Epidermophyton floccosum et encore moins celle de Neoscytalidium dimidiatum. L’équipe a traité 10 patients selon les bonnes pratiques d’utilisation du laser dans l’onychomycose. C’est une des études les plus importantes publiée à ce jour et reposant sur des critères stricts d’évaluation par un score, « One Severity Index Score », et un suivi de 6 mois après traitement. Aucun des 8 patients qui ont fini l’étude n’étaient guéris cliniquement et mycologiquement. Une discrète amélioration clinique était vue. La plupart des patients se sont plaints de douleur et de brûlure. Le seuil de 43 8C in vivo correspond au seuil de tolérance des fibres nerveuses véhiculant la douleur et à celui des complications tissulaires [11]. Il semble cependant au vu des différents articles publiés que le laser ait peut être un rôle bénéfique mais lequel et comment ? L’avulsion chimique presque toujours utilisée avant l’application de ces nouveaux traitements, mais rarement pratiquée lors des traitements traditionnels, expliquet-elle seule les améliorations observées ? Il faut attendre d’autres études comparatives aux propositions thérapeutiques actuelles et impliquant un plus grand nombre de patients pour évaluer la place de ce traitement onéreux et non remboursé mais sans aucun danger dans des mains expérimentées.

En conclusion À ce jour, la prise en charge d’une onychomycose à dermatophyte ou à Candida n’est pas un vrai problème car les antifongiques topiques et systémiques disponibles dans ces indications sont bien tolérés mais le renouvellement de l’appareil unguéal naturel demeure de 4 à 6 mois pour un doigt et de 12 à 18 mois pour un gros orteil. Les recommandations thérapeutiques et préventives associées restent capitales. Le traitement des onychomycoses à moisissures demeure difficile et source d’échec. Les nouvelles thérapeutiques, en particulier l’utilisation d’un laser justifient de nouvelles études pour une meilleure évaluation.

7

Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références [1] Carney C, Cantrell W, Warner J, Elewski B. Treatment of onychomycosis using a submillisecond 1064-nm neodymium:yttrium-aluminium-garnet laser. J Am Acad Dermatol 2013;69: 578—82. [2] Cursi IB, Silva RT, Succi IB, Bernardes-Engemann AR, OrofinoCosta R. Onychomycosis due to Neoscytalidium treated with oral terbinafine, ciclopirox nail lacquer and nail abrasion: a pilot study of 25 patients. Mycopathologica 2013;175:75—82. [3] Dunand J, Viguié C, Paugam A. Intermittent posaconazole regimen to treat superficial Scytalidium dimidiatum infection. Eur J Dermatol 2010;20:650—949. [4] Feuilhade de Chauvin M. A study on the decontamination of insoles colonized by Trichophyton rubrum: effect of terbinafine spray powder 1 % and terbinafine spray solution 1 %. JEADV 2012;26:875—8. [5] Feuilhade de Chauvin M, Baran R, Chabasse D. Les onychomycoses III. Traitement. J Mycol Med 2001;11:205—15. [6] Ghannoum M, Isham N, Catalano V. A second Look at efficacy criteria for onychomycosis: clinical and mycological cure. Br J Dermatol 2014;170:182—7. [7] Lacroix C. Feuilhade de Chauvin M. In: Dubertret L, editor. Thérapeutique Dermatologique Médecine Sciences. Flammarion; 2001. p. 105—9. [8] Ledon J, Savas J, Franca K, Chacon A, Nouri K. Laser and light therapy for onychomycosis: a systemic review. Springer-Verlag; 2012 [Lasers Med Sci]. [9] Lurati M, Baudraz-Rosselet F, Vernez M, Spring P, Bontems O, Fratti M, et al. Efficacious treatment of non dermatophyte mould onychomycosis with topical Amphotericin. Dermatology 2011;223:289—92. [10] Moriarty B, Hay R, Morris Jones R. The diagnosis and management of tinea. BMJ 2012;345:e4380. [11] Naouri M, Mazer JM. Traitement d’une onychomycose digitale à Candida tropicalis par laser Nd: Yag short pulse. Ann Dermatol Venereol 2013;140:610—3. [12] Sotiriou E, Koussidou-Ermonti T, Chaidemenos G, Apalla Z, Ioannides D. Photodynamyc therapy for distal and lateral subungual toenail onychomycosis caused by Trichophyton rubrum: preliminary results of a single-centre open trial. Acta Dermatol Venereol 2010;90:216—7. [13] Spriet I, Lambrecht C, Lagrou K, Verhamme B. Successful eradication of Scytalidium dimidiatum-induced ungueal and cutaneous infection with voriconazole. Eur J dermatol 2012; 22:197—9. [14] Onychomycoses : modalités de diagnostic et prise en charge. Ann Dermatol Venereol 2007;134:S57—16.

Pour citer cet article : Feuilhade M. Traitement des onychomycoses. Journal De Mycologie Médicale (2014), http://dx.doi.org/10.1016/ j.mycmed.2014.10.009