Troubles somatoformes et intrications médicopsychiatriques
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Chapitre
Coordonné par P. Hardy
15.1. Introduction P. Hardy
Dès ses origines, la médecine s'est trouvée confrontée à la question des interactions entre la vie mentale (la psyché) et la vie somatique (le soma). La reconnaissance des facteurs organiques à l'origine de certains troubles psychiques, la mise en évidence de l'impact des facteurs psychoenvironnementaux dans la survenue et l'évolution des maladies somatiques ont, dès l'Antiquité, permis d'établir un lien très étroit entre ces deux domaines conceptuellement divisés. Soumises au dualisme cartésien et longtemps tiraillées entre des modèles théoriques antagonistes (qu'ils soient purement psychologiques ou exclusivement organicistes) la médecine occidentale, et en son sein la psychiatrie, ont su tout au long du XXe siècle développer des approches sans cesse plus intégratives de ce phénomène. Dans le domaine de la médecine somatique, ce mouvement s'est traduit par le développement de la médecine psychosomatique et plus récemment par celui de la psychologie de la santé qui se donnent pour objectifs l'identification et le traitement des facteurs psychologiques intervenant dans la survenue et l'évolution des maladies organiques. Dans le champ de la psychiatrie, la reconnaissance des interactions entre phénomènes psychiques et somatiques est ancienne. Elle repose sur deux constats :
• sur le plan clinique, la majorité des troubles mentaux s'expriment par des symptômes à la fois psychiques et somatiques ; • sur le plan étiopathogénique, la plupart des théories explicatives actuelles ont recours à des modèles intégrant, dans des proportions variables, des facteurs à la fois organiques et psychologiques. Engagée depuis la seconde partie du XIXe siècle, l'élaboration des nosographies psychiatriques s'est appuyée sur ces constatations, ce qui l'a notamment conduit à individualiser, sous l'intitulé de troubles somatoformes, un ensemble de troubles caractérisés par la présence de préoccupations et/ou de manifestations somatiques dépourvues de substrat organique et supposés d'origine psychique. L'hypocondrie, que caractérise la conviction (ou la crainte) erronée de présenter une pathologie somatique, et la dysmorphophobie, qui se définit par des préoccupations portant sur un défaut imaginaire de l'apparence physique, appartiennent à cette catégorie diagnostique, au même titre que le trouble somatisation (anciennement identifié sous le terme de névrose hystérique ou de syndrome de Briquet), le trouble de conversion et le trouble somatoforme douloureux (DSM-IV). À l'interface de la médecine somatique et de la psychiatrie se situe la question des intrications
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édicopsychiatriques. L'épidémiologie moderne m a pu révéler l'importance des comorbidités entre troubles mentaux et maladies organiques. Elle a également confirmé le fait que les troubles comorbides sont fréquemment méconnus, alors même qu'ils justifient par eux-mêmes des soins appropriés et que leur impact délétère sur la pathologie index est particulièrement significatif. La reconnaissance de ces phénomènes comorbides a suscité de nombreuses interrogations sur les mécanismes étiopathogéniques susceptibles de les expliquer. Au plan nosographique, elle se traduit par une double conséquence : • par l'individualisation, au sein du DSM-IV, d'un axe classificatoire destiné au codage des affections somatiques « susceptibles d'avoir une importance pour la compréhension ou le traitement du cas (psychiatrique) », d'une part,
• par la constitution de la catégorie des « troubles mentaux dus à une affection médicale générale » (DSM-IV) ou des « troubles mentaux organiques » (CIM-10), d'autre part (cette catégorie est réservée aux troubles mentaux considérés comme étant une conséquence physiologique directe de l'affection médicale). La prise en charge de ces pathologies complexes a conduit au développement de compétences spécifiques, telles que celles apportées par la psychiatrie de liaison et la psychologie clinique. Elle a également conduit à développer une approche pluridisciplinaire, fondée sur le partenariat entre médecins somaticiens et spécialistes de la santé mentale (psychiatres, psychologues) et considérée aujourd'hui comme un élément essentiel du traitement des patients comorbides.
15.2. Troubles somatoformes S.M. Consoli
Problèmes de définition :
troubles somatoformes, symptômes fonctionnels ou médicalement inexpliqués Le champ des troubles dits « somatoformes » représente à la fois l'un des champs sinon le champ le plus discuté et discutable des classifications nosographiques psychiatriques, un contexte extrêmement fréquent de demande de soins en médecine, et sans doute aussi l'une des modalités les plus protéiformes de l'expression de la souffrance psychique, liée aux époques, cultures, phénomènes de mode, mais surtout aux progrès des connaissances et des techniques médicales. Le qualificatif de « somatoforme » a été choisi pour désigner un ensemble de symptômes, syndromes ou plaintes de type physique ou concernant la santé physique et pour lesquels aucune anomalie organique identifiable de type lésionnel ne peut être incriminée. En psychiatrie, une telle catégorie diagnostique implique, quelle que soit la classe plus précise du trouble :
• un niveau significatif de retentissement du trouble (souffrance psychique, altération du fonctionnement socioprofessionnel) ; • la non-imputabilité du trouble à un autre trouble mental caractérisé (tel qu'un trouble anxieux, un trouble de l'humeur, un trouble délirant) ; • une participation psychologique à l'étiopathogénie du trouble (troubles sous-jacents de la personnalité, facteurs de stress ou situation conflictuelle repérables, précédant la survenue du trouble). Pour la psychiatrie, les troubles somatoformes, bien que leur présentation ou leur expression soit avant tout somatique, restent par conséquent des troubles mentaux, à déterminisme au moins en partie psychogène, d'où parfois le recours au terme de « somatisation », pour désigner ce passage du psychique au somatique ; ce terme peut cependant prêter à confusion, car il est diversement utilisé selon les auteurs, alors que, comme nous le verrons, il a fini par acquérir depuis le DSM-III une acception très restrictive. L'absence d'anomalies organiques sous-jacentes identifiables permet de distinguer les troubles « somatoformes » des troubles dits « psychosomatiques » ou
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des pathologies médicales à « composante psychosomatique », sous-tendus par des lésions organiques identifiables et dont le développement infraclinique, le déclenchement et/ou l'évolution peuvent être influencés, eux aussi, par des facteurs psychologiques. Si en psychiatrie on parle ainsi de « troubles somatoformes », en médecine on préfère encore recourir aux termes de « symptômes fonctionnels » ou de « symptômes médicalement inexpliqués », termes dont les définitions sont proches, sans toutefois se superposer [3]. Ces dénominations se réfèrent en effet à des symptômes somatiques présentés par un patient, non explicables par une organicité sous-jacente, du moins dans l'état actuel des connaissances médicales. Cette précaution oratoire laisse une part variable de doute sur l'origine des symptômes, doute dont le rôle est loin d'être neutre dans l'interprétation que les malades font de leurs symptômes et la demande qu'ils adressent à la médecine : la plupart, sinon la totalité des patients souffrant de symptômes somatiques fonctionnels, consultent en effet en première ligne des généralistes ou des spécialistes non psychiatres, et nombre d'entre eux se montrent sceptiques, voire réticents à l'idée d'une possible nature psychologique et encore plus d'une origine psychologique de leur trouble. La « mauvaise conscience » médicale qui peut faire écho à une telle réticence du côté des patients peut ainsi conduire à multiplier les investigations au-delà du raisonnable et contribuer, chez certains patients, à la pérennité voire à l'aggravation de leurs symptômes. La définition ainsi élargie des symptômes médicalement inexpliqués englobe divers syndromes psychiatriques plus spécifiques que les troubles somatoformes, tels notamment que le trouble panique, les épisodes dépressifs majeurs avec symptomatologie somatique au premier plan, etc. On aura également remarqué que la participation psychogène dans le déterminisme du trouble ne fait pas partie des critères de définition des symptômes médicalement inexpliqués. Il n'est par conséquent pas étonnant que l'on retrouve, dans les nosographies médicales plus que dans les nosographies psychiatriques, des entités (dont la validité reste sujette à caution) marquées du sceau d'une certaine modernité, telles que le syndrome de fatigue chronique ou la fibromyalgie, ou encore
le syndrome du côlon irritable, dont on peut parfaitement argumenter, à plusieurs égards, l'appartenance à la catégorie des troubles somatoformes. Une tendance se dégage d'ailleurs pour distinguer ces derniers « syndromes médicaux (ou somatiques) fonctionnels » de la catégorie des « symptômes médicalement inexpliqués », expression qui reste ouverte à débat et qui est en cours de révision dans le prochain DSM [4, 8, 13, 23]. Il n'est pas étonnant non plus, quand on connaît les malentendus et la connotation péjorative véhiculés par les termes de névrose et d'hystérie, que ces derniers aient disparu des classifications psychiatriques américaines, dès le DSM-III, sous prétexte d'un parti pris a-théorique, alors que de nombreux troubles actuellement rangés parmi les troubles somatoformes avaient tendance, jadis, à être considérés comme des manifestations polymorphes de la « névrose hystérique ». La confrontation d'une approche psychiatrique et d'une approche médicale d'un objet d'étude commun a également l'intérêt d'attirer l'attention sur l'extrême difficulté à comparer les données épidémiologiques en la matière, si l'on ne prend pas soin de distinguer les mesures effectuées en population générale, ou bien auprès de consultants de médecine générale, ou encore auprès de consultants de spécialité voire de consultants ou de sujets hospitalisés en centres spécialisés, de type hôpital universitaire. Les différences flagrantes de prévalence ainsi notées, encore plus nettes que pour les autres troubles mentaux caractérisés, confirment le fait que les troubles somatoformes nécessitent, pour être compris, de passer par une réflexion sur les « conduites de maladie ». Ce terme, introduit par David Mechanic dans les années 1960, vise à « décrire la façon dont les personnes répondent aux modifications corporelles et viennent à les considérer comme anormales. Les conduites de maladie relèvent donc de la manière dont les individus perçoivent leur corps, définissent et interprètent leurs symptômes, agissent pour y remédier et utilisent l'aide de leur entourage ou du système de soin formel » [14]. Une longue chaîne sépare ainsi la simple perception de sensations corporelles de la demande, le cas échéant itérative, épuisante et coûteuse, d'investigations médicales, d'explications et de soins, qui caractérise les formes les plus pathologiques des symptômes médicalement inexpliqués. Si
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tout individu sans exception est amené à ressentir, au cours de sa vie quotidienne, un certain nombre de sensations corporelles qui retiennent son attention, seuls certains individus vont s'engager ou seule une conjonction d'un certain nombre de facteurs favorisants va être déterminante dans une « conduite de maladie anormale », source de dysfonctionnement social et/ou d'une mise à l'épreuve du savoir et du savoir-faire médicaux.
Trouble de conversion, trouble
somatisation, trouble somatoforme indifférencié, syndrome de fatigue chronique Trouble de conversion Il s'agit de la catégorie du DSM-IV qui garde les liens de filiation les plus étroits avec les descriptions classiques de la « névrose hystérique », sorte de concession psychodynamique faite par un système classificatoire se voulant a-théorique. Toutefois, de la « conversion hystérique », en tant que mécanisme de défense hypothétique dans un contexte de vécu traumatique ou de conflit affectif voire sexuel (voir plus loin à propos des modèles explicatifs), le DSM-IV n'a retenu que le premier terme, en éliminant le second, car moins politiquement correct ou perçu comme plus offensant par les patients [20]. Le trouble de conversion se manifeste par un ou plusieurs symptômes ou déficits touchant la motricité volontaire ou les fonctions sensitives ou sensorielles (parfois aussi désignées comme des systèmes de la vie de relation), suggérant une affection neurologique ou une affection médicale générale. Ces symptômes sont souvent appelés pseudo-neurologiques, car mimant une atteinte neurologique alors que le système nerveux est intact (ce que peuvent confirmer, en cas de doute, par exemple, l'étude de la vitesse de conduction ou la recherche de potentiels évoqués cérébraux). Toutefois, la présence d'une affection neurologique dans les antécédents ou concomitante, mais n'expliquant pas la symptomatologie, n'est pas exceptionnelle (jusqu'à un tiers des cas).
Les critères diagnostiques du trouble impliquent que la survenue ou l'aggravation des symptômes ait été précédée par des conflits ou d'autres facteurs de stress. Il importe également que les symptômes ne soient pas explicables par une affection médicale générale ou les effets d'une substance, ne soient pas produits intentionnellement ou feints (ce qui les distingue des maladies factices et de la simulation), ne puissent être assimilés à un comportement culturellement déterminé, engendrent une souffrance significative ou une altération du fonctionnement social et ne puissent être mieux expliqués par un autre trouble mental, y compris le trouble somatisation, au sein duquel les symptômes pseudo-neurologiques, comme nous le verrons, ne constituent qu'un des critères diagnostiques. Par convention, les syndromes douloureux et les dysfonctions sexuelles sont exclus du cadre diagnostique du trouble de conversion. Les symptômes moteurs consistent essentiellement en des troubles de la coordination et de l'équilibre, avec difficultés de la marche (abasie) et/ou de la station debout (astasie), une faiblesse localisée voire une parésie d'un membre ou de plusieurs membres, des contractures musculaires, des phénomènes dystoniques, des tremblements, des myoclonies, une aphonie, une diplopie (qui peut également être rangée parmi les symptômes sensoriels), ainsi que des difficultés de déglutition, une sensation de boule dans la gorge (globus) ou une rétention d'urine, ces derniers phénomènes impliquant au moins en partie l'innervation autonome. Des convulsions ou des crises épileptoïdes, avec symptômes moteurs et/ou sensitifs, semblent de nos jours plus rares, sauf chez les patients jeunes (enfants, adolescents et adultes jeunes). Les symptômes sensitifs et sensoriels consistent en une diminution ou une perte de la sensibilité tactile ou douloureuse, une cécité, une surdité, voire des pseudo-hallucinations : le rangement de ces dernières parmi les manifestations du trouble de conversion plutôt que parmi les troubles dissociatifs est arbitraire ; de même, le DSM-IV range parmi les troubles dissociatifs les troubles de la vigilance (accès de sommeil), accès de stupeur, pertes de connaissance, comas et état(s) crépusculaires avec vécu oniroïde (alors que de tels tableaux, plus psychiques et comportementaux que somatiques, se retrouvent dans la liste des « symptômes
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pseudo-neurologiques », parmi les critères du trouble somatisation). La possibilité même d'hallucinations, parmi les symptômes de conversion, est controversée : ces dernières sont censées être reconnues comme pathologiques par le patient, être souvent polysensorielles (visuelles, auditives, tactiles), avoir un contenu fantasmatique, puéril ou naïf, et ne pas s'inscrire dans un cortège d'autres symptômes de type psychotique. Il est classique de souligner que les anomalies fonctionnelles constituant la plainte des malades ou observables à l'examen ne respectent pas les lois de l'anatomie ni les découpages physiologiques qui sont ceux des atteintes neurologiques tronculaires, radiculaires, médullaires ou hautes (classiques anesthésies en gant ou en chaussette, par exemple, ou perte uniforme de tous les types de sensibilité, tactile, thermique, douloureuse et proprioceptive). D'autres bizarreries ou discordances peuvent être observées : parésie d'un membre cédant lorsque l'attention du patient est détournée ou lorsqu'il s'habille ; normalité des réflexes ostéotendineux ou du tonus. On ne saurait cependant être suffisamment prudent dans l'utilisation de tels critères, quand on connaît les difficultés diagnostiques que peuvent parfois poser une sclérose en plaques, une myasthénie ou des dystonies idiopathiques. Une affection médicale générale ou une affection neurologique sera par conséquent recherchée avec d'autant plus de rigueur qu'un symptôme ou une plainte évoquant un trouble de conversion sera apparu chez un individu d'âge mûr, sans antécédents de troubles similaires ou d'autres troubles somatoformes. Il est également classique de rechercher, chez les patients présentant des symptômes de conversion, une attitude de détachement paradoxal à l'égard du handicap expérimenté et de l'incertitude quant aux causes et à l'évolution du trouble, contrairement à ce qu'il serait légitime d'observer devant la suspicion d'une maladie neurologique. Cette attitude, appelée « belle indifférence », est d'ailleurs un argument de la théorie psychanalytique quant au « bénéfice primaire » que représente le symptôme (permettre à une représentation traumatique ou trop conflictuelle d'être évacuée, « refoulée », au prix de sa transposition ou conversion en symptôme). Elle est cependant loin d'être constante, le clinicien ayant plutôt intérêt à repérer :
• la présence de symptômes semblables chez un ou des membres de l'entourage du patient (il existe d'authentiques cas de conversion « épidémique »), voire chez le patient lui-même, et dans ce cas possiblement d'origine organique (cas mixtes d'hystéro-épilepsie, par exemple, ou reproduction d'un déficit survenu jadis à la suite d'un traumatisme physique, d'une maladie générale ou d'une intervention chirurgicale) ; • la quête de l'attention de l'entourage, ou surtout de l'attention médicale, par l'intermédiaire du symptôme exposé et de l'énigme que ce dernier peut représenter ; • le rôle de la suggestion sur l'aggravation ou l'atténuation du symptôme (présence de spectateurs, affolement, rassurement, décentrage de l'intérêt ou de la communication sur d'autres thématiques que le symptôme et son origine) ; • la succession chronologique entre un contexte traumatique ou une situation de conflit et la survenue du symptôme (repérage par définition bien plus facile s'il s'agit d'un événement grave, comme ceux qui peuvent présider à l'installation d'un état de stress post-traumatique, que si l'on a affaire à un conflit relationnel plus subtil, ou si l'événement récent rapporté par le patient n'a de réelle fonction traumatique qu'en réactivant des expériences éprouvantes antérieures tombées dans l'oubli, absentes de l'esprit du patient lors de l'entretien psychiatrique ou encore tues, pour des raisons de pudeur ou du fait de la charge émotionnelle qui s'y rattache) ; • l'association entre symptômes de conversion et symptômes dits dissociatifs (notons d'ailleurs que dans la CIM-10, la section F44 englobe tous les symptômes [psychiques ou somatiques] dits « dissociatifs » ou « de conversion », ces deux termes étant interchangeables pour la CIM-10 et désignant l'ensemble des symptômes pseudo-neurologiques, alors que la section F45 « troubles somatoformes » est plus restrictive que la section homonyme du DSM-IV ; d'autre part, la CIM-10 tient à ranger parmi les troubles somatoformes, en les distinguant des troubles de conversion, les symptômes impliquant le système nerveux autonome…) ; • mais aussi l'association à un trouble dépressif majeur et à des troubles de la personnalité, de
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type histrionique ou dépendant, ou encore de type borderline ou antisocial. Les symptômes de conversion sont plus fréquents chez la femme (sex ratio de 2 : 1). L'estimation de leur prévalence est très variable en population générale (de 1/10 000 à 0,5 %) et plus importante en service de médecine, en particulier de neurologie, qu'en psychiatrie. Il est traditionnel de citer le rôle favorisant d'un niveau socio-économique modeste, contrairement aux données concernant les autres troubles somatoformes. La prédominance des troubles moteurs et sensitifs de conversion au niveau de l'hémicorps gauche est à l'origine d'hypothèses intéressantes quant à la valeur symbolique des latéralités droite et gauche dans de nombreuses cultures, mais aussi au rôle particulier de l'hémisphère mineur dans le traitement des émotions. En réalité, la latéralisation gauche est plus nette pour les troubles sensitifs que pour les troubles moteurs ; il y aurait même une prédominance droite des mouvements anormaux de conversion [21]. Un début aigu des troubles, la présence de facteurs de stress identifiables et une prise en charge précoce font partie des facteurs de bon pronostic du trouble de conversion. Dans certains cas cependant, notamment dans certaines formes de parésie ou de troubles de la marche, les déficits se chronicisent, l'alitement ou l'adoption d'un fauteuil roulant peuvent devenir une nouvelle « habitude de vie », des rétractions tendineuses, une amyotrophie, des complications de décubitus peuvent alors apparaître.
Trouble somatisation Cette dénomination commune à la CIM-10 et au DSM-IV désigne l'existence de plaintes somatiques de type fonctionnel, nombreuses et diversifiées, s'étalant sur de nombreuses années et débutant avant l'âge de 30 ans. Les critères diagnostiques précis diffèrent cependant entre les deux classifications et ont évolué d'une version à l'autre de chaque classification. Si la CIM-10 exige la présence de six symptômes dans une liste de 14, répartis entre six symptômes gastro-intestinaux, deux cardiovasculaires, trois génito-urinaires et trois cutanés et douloureux (mais pas obligatoirement des symptômes pseudo-neurologiques), ainsi qu'une attitude de refus de la part des patients de l'explication donnée
quant à l'absence d'organicité de leurs troubles, le DSM-IV exige, lui, la présence d'au moins huit symptômes douloureux (incluant les douleurs au cours de la menstruation ou des rapports sexuels), deux symptômes gastro-intestinaux autres que des douleurs (nausées, vomissements, diarrhées, ballonnements, etc.), un symptôme « sexuel » autre qu'une douleur (désintérêt sexuel, anomalies de l'érection et de l'éjaculation, mais aussi règles irrégulières et excessives et vomissements gravidiques), enfin un symptôme pseudo-neurologique (incluant, en réalité, aussi bien la liste des symptômes du trouble de conversion que des symptômes classés par le DSM-IV parmi les troubles dissociatifs, tels qu'une amnésie ou une perte de conscience). Malgré le caractère arbitraire de telles listes et des seuils quantitatifs choisis, cette catégorie diagnostique a pour ambition d'identifier une propension durable et polymorphe à des plaintes fonctionnelles sans fondement organique ou disproportionnées par rapport à des affections médicales générales concomitantes (ou à un état physiologique particulier comme une grossesse), avec induction d'investigations médicales répétées et parfois même de gestes chirurgicaux, dont l'impact iatrogène peut être important. L'école américaine de Saint-Louis avait proposé d'appeler également un tel trouble « syndrome de Briquet », du nom de l'auteur qui, dès 1859, avait fait une description minutieuse de ces formes d'hystérie polysymptomatique. Décrit de cette façon, la prévalence « vie entière » de ce trouble est faible en population générale : entre 0,2 et 2 % chez la femme et nettement moins fréquente chez l'homme, même si l'on peut incriminer, pour expliquer des taux si faibles, une difficulté à valider certains critères, comme le caractère « non organique » des plaintes des patients, chez des enquêteurs non médecins. Le risque d'association à des troubles de l'humeur ou à une pathologie de la personnalité, ainsi que les coûts sanitaires engendrés et le handicap socioprofessionnel sont loin d'être négligeables [17, 19].
Trouble somatoforme indifférencié Cette catégorie requiert la présence d'une ou plusieurs plaintes somatiques de type fonctionnel, persistant pendant au moins 6 mois et engendrant
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une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement socioprofessionnel, ne pouvant être mieux expliquée par un autre trouble mental (y compris un autre trouble somatoforme). Il s'agit par conséquent d'une catégorie résiduelle qui représente en réalité, avec ce que le DSM-IV dénomme le trouble douloureux, la grande majorité des troubles somatoformes, si l'on excepte les catégories particulières de l'hypocondrie et de la peur d'une dysmorphie corporelle. Certes, le critère de durée (persistance d'une plainte pendant au moins 6 mois), conduit à déplacer vers une deuxième catégorie résiduelle, celle du « trouble somatoforme non spécifié », prévue par le DSM-IV, des manifestations plus labiles, mais dont l'étiopathogénie et les règles de prise en charge sont similaires.
dre que le processus de somatisation ne doit pas être compris, en dehors de quelques exceptions, comme une alternative à une expression psy chique de la détresse psychosociale, mais comme l'une des manifestations possibles de cette dernière.
Syndrome de fatigue chronique (SFC) Ce terme, apparu aux États-Unis dans les années 1980 pour désigner un syndrome médicalement inexpliqué perçu initialement comme épidémique et semblant plutôt toucher les milieux urbains et les classes sociales favorisées (« syndrome des yuppies »), a fait couler, depuis lors, énormément d'encre, et reste un objet de polémiques idéologiques, aussi bien parmi les médecins et les chercheurs que dans le grand public. Plusieurs arguments plaident en faveur d'un rapprochement entre ce syndrome et la catégorie des troubles somatoformes. Il existe par ailleurs de nombreuses analogies entre le SFC et la classique « neurasthénie » décrite par G.M. Beard à la fin du XIXe siècle. Le SFC est défini comme un état de fatigue persistant depuis au moins 6 mois et réduisant les activités de l'individu d'au moins 50 %, sans cause identifiée ni médicale, ni psychiatrique. Toutefois, si l'existence d'une infection chronique non traitée, telle qu'une hépatite B ou C, une infection au virus VIH, une brucellose ou la maladie de Lyme (due à la bactérie Borrelia bugdorferi), ainsi qu'un abus de substances ou les psychoses, constituent des critères d'exclusion, il n'en est pas de même pour les mêmes pathologies infectieuses, si elles ont été correctement traitées, ni pour la découverte d'anticorps anti-EBV (le virus de la mononucléose infectieuse) ou dirigés contre des virus du type herpès, ni non plus pour la coexistence de troubles anxieux ou dépressifs ou encore d'une fibromyalgie (voir plus bas). Les descriptions médicales incluent un certain nombre de critères « mineurs » contribuant au diagnostic, où l'on trouve pêle-mêle un état subfébrile, une pharyngite, des adénopathies cervicales ou axillaires, des myalgies et des arthralgies, mais aussi des troubles du sommeil, des difficultés de la concentration et des troubles de mémoire, ou des « troubles de l'humeur ». Rappelons que de tels catalogues sont issus de « consensus d'experts » et
D'autres catégories diagnostiques ont été proposées dans une visée de recherche, pour tenter de rendre compte du continuum entre les formes graves que constitue le trouble somatisation, dans sa définition restrictive, et les formes cliniques les plus légères, le cas échéant monosymptomatiques, qui font partie du trouble somatoforme indifférencié ou du trouble somatoforme non spécifié. Il en est ainsi de : • l'index de symptômes somatiques (ou « somatisation abrégée ») proposé par J.I. Escobar (Somatic Symptom Index : SSI), qui requiert la présence d'au moins quatre symptômes médicalement inexpliqués, chez l'homme, et d'au moins six chez la femme, parmi la liste des 37 symptômes qui étaient proposés dans le DSM-III pour le diagnostic de Trouble somatisation [5] ; • la définition du trouble multisomatoforme, par K. Kroenke et al. [11, 12], en tant que présence au cours des 3 derniers mois d'au moins trois symptômes physiques médicalement inexpliqués, parmi une liste de 15 symptômes représentant la quasi-totalité des symptômes motivant une consultation en médecine générale. Environ 8 % des consultants de médecine générale pourraient ainsi répondre aux critères du trouble multisomatoforme. Il faut également noter qu'à l'échelle d'une population générale, les individus qui rapportent le plus de symptômes somatiques sont aussi ceux qui signalent le plus de troubles émotionnels [18], ce qui laisse enten-
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non pas d'une démarche diagnostique et d'une argumentation étiopathogénique. On considère plutôt de nos jours que si une pathologie infectieuse peut, mais de façon non constante, être retrouvée dans les antécédents récents de patients souffrant d'un SFC, c'est surtout la croyance, voire la conviction en une origine infectieuse et en tout cas somatique, la méfiance à l'égard d'une explication psychologique, ainsi que l'installation d'une inactivité physique avec déconditionnement musculaire, qui semblent le plus entretenir la pérennité du trouble et son impact socioprofessionnel. Un risque relatif de 9 a été retrouvé dans des études ayant recherché systématiquement chez des patients souffrant d'un SFC, comparés à une population témoin, la survenue au cours des 3 derniers mois d'événements de vie stressants, avec une prévalence significative de situations dites « de dilemme », confrontant l'individu à des alternatives ayant toutes les deux des conséquences négatives [10].
Notons que, contrairement à la CIM-10, qui exige la notion de chronicité (au moins 6 mois de durée), le DSM-IV ne donne pas d'indication sur la temporalité de la douleur, mais prévoit les spécifications « aiguë » (moins de 6 mois) et « chronique » (6 mois ou plus) ; en revanche le DSM-IV propose deux sous-catégories du trouble : l'une où des facteurs psychologiques jouent à eux seuls un rôle majeur dans la plainte douloureuse, et l'autre où à la fois des facteurs psychologiques et une affection médicale générale jouent un tel rôle majeur. Sont, bien entendu, exclues les situations extrêmement banales sinon universelles où des facteurs psychologiques peuvent jouer un rôle mineur dans la modulation d'une plainte douloureuse liée à une affection médicale générale. Les facteurs psychologiques jouant un rôle dans la plainte douloureuse peuvent être : • des troubles anxieux ou dépressifs, ces derniers ayant précédé l'installation de la douleur ou lui faisant suite, et dans ce cas contribuant à son intensité, son aggravation ou sa persistance ; • des facteurs de stress précédant l'installation de la douleur ou des conséquences socioprofessionnelles (perte d'emploi, déqualification) ou familiales (conflits conjuga ux) de la douleur, qui à leur tour vont alimenter la plainte douloureuse ; • des troubles de la personnalité sous-jacents ; • des conduites addictives antérieures ou consécutives à l'installation de la douleur, y compris un abus voire une dépendance à des antalgiques de type morphinique.
Trouble douloureux,
fibromyalgie, plaintes douloureuses focalisées médicalement inexpliquées Trouble douloureux Cette dénomination du DSM-IV, ainsi que la dénomination proche de la CIM-10 « syndrome douloureux somatoforme persistant », désignent la présence de douleurs dans une ou plusieurs localisations anatomiques, à l'origine d'une souffrance cliniquement significative ou d'un retentissement socioprofessionnel net, dans le déclenchement, l'intensité, l'aggravation ou la persistance desquels des facteurs psychologiques jouent un rôle important. Cette catégorie exclut les douleurs mieux expliquées par d'autres troubles mentaux comme des troubles de l'humeur, les douleurs faisant partie d'un trouble somatoforme polysymptomatique tel que le trouble somatisation, les douleurs feintes ou provoquées par les manipulations volontaires du sujet sur son corps, comme dans les patholo gies factices et les simulations, ou encore les douleurs spécifiquement liées à la vie sexuelle comme la dyspareunie.
Le trouble (somatoforme) douloureux est en train de supplanter progressivement les formes d'expression plus classiques et plus grossières du trouble de conversion et du trouble somatoforme polysymptomatique. Sa prévalence est difficile à apprécier, car elle varie considérablement selon les populations étudiées, représentant un pourcentage important des patients vus dans les consultations de la douleur des établissements hospitaliers. Elle serait plus importante chez les femmes, sans prépondérance nette pour certaines tranches d'âge. La coexistence fréquente d'une affection médicale générale concomitante ou antérieure (hernie discale, arthrose, mais aussi polyarthrite rhumatoïde, arthrite
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Chapitre 15. Troubles somatoformes et intrications médicopsychiatriques
temporomandibulaire, chirurgie digestive, etc.), et surtout la dimension éminemment subjective de la douleur, associées aux progrès effectués en matière de thérapeutiques antalgiques constituent autant de facteurs propices à ce mode privilégié d'expression d'une détresse psychique et de défi adressé au savoir et au pouvoir médicaux. La propension à la chronicité qui caractérise de nombreux troubles (somatoformes) douloureux, le préjudice subi en cas de perte d'emploi ou de désinsertion sociale, le rôle déclencheur éventuel d'un traumatisme physique (accident du travail, accident de la voie publique) et la situation de contentieux qui s'installe dans certains cas (mise en doute de la sincérité du patient, évaluation du taux d'incapacité) font de la plainte douloureuse un des symptômes somatiques (avec le SFC), sinon le symptôme le moins mobilisable sur le plan thérapeutique, quand bien même les facteurs psychologiques qui auraient pu présider à son installation auraient disparu ou ne seraient plus opérants : il n'est pas facile pour n'importe quel patient de « renoncer » à un symptôme douloureux devenu partie intégrante de son identité, sans perdre la face et sans craindre de mettre en péril les liens médicaux, mais aussi sociaux et affectifs, que la plainte douloureuse a contribué à nouer ou à maintenir [1].
taux et notamment pour la dépression (20 % de comorbidité dépressive actuelle et deux tiers de patients ayant présenté des antécédents de dépression). Toutefois ce seraient davantage les troubles anxieux, plus que l'humeur dépressive, ainsi que l'intensité des préoccupations hypocondriaques, qui contribueraient au risque d'invalidité chez les patients fibromyalgiques [6]. Des facteurs de stress quotidien, plutôt que des événements de vie majeurs à impact traumatique, semblent jouer un rôle dans l'installation de la plainte douloureuse. Des antécédents de maltraitance ou d'abus sexuels ont été incriminés. Les fibromyalgiques se décrivent souvent, par ailleurs, comme des individus jadis hyperactifs, consciencieux et dévoués, profil battu en brèche par la limitation fonctionnelle consécutive au syndrome douloureux chronique, d'où le cercle vicieux créé par la revendication de reconnaissance de légitimité, les tentatives désordonnées de retrouver l'autonomie antérieure, les réactions catastrophistes et fatalistes, les conflits avec l'employeur et les organismes sociaux.
Plaintes douloureuses focalisées, médicalement inexpliquées Les descriptions médicales individualisent de nombreux syndromes qui peuvent légitimement être rangés dans le trouble (somatoforme) douloureux : glossodynies et stomatodynies, syndrome algodysfonctionnel de l'appareil manducateur (SADAM), céphalées de tension, vulvodynies, anodynies, algies pelviennes, syndrome douloureux prémenstruel (et syndrome dysphorique prémenstruel, lorsque dominent en période prémenstruelle des troubles de l'humeur), précordialgies non angineuses, etc. On pourrait également ranger dans cet ensemble les douleurs abdominales du syndrome du côlon irritable, bien qu'il soit plus classique de classer ces dernières parmi les syndromes neurovégétatifs somatoformes (ou encore le trouble somatoforme « non spécifié » du DSM-IV). Tous ces troubles partagent plusieurs caractéristiques des troubles somatoformes. Ils sont à nette prédominance féminine et il existe une comorbidité non négligeable avec les troubles dépressifs.
Fibromyalgie ou SPID (syndrome polyalgique idiopathique diffus) Entité médicale, plus que psychiatrique, à la fois à la mode et très controversée, elle est définie comme un syndrome douloureux musculosquelettique d'évolution chronique, sans explication lésionnelle et survenant essentiellement chez la femme d'âge moyen. Ses critères diagnostiques sont, pour l'American College of Rheumatology, la présence à l'examen clinique de points douloureux bilatéraux et axiaux (thorax, rachis), multiples, provocables par une pression modérée sur divers sites musculaires ou tendineux [24], ou bien, selon la définition dite « de Manchester », de douleurs diffuses chroniques repérables sur un croquis, d'après les dires du patient. Fatigue, sommeil non réparateur et divers autres symptômes fonctionnels non douloureux, mais aussi un syndrome du côlon irritable sont souvent associés. Il en est de même pour divers troubles men-
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Trouble somatoforme
non spécifié (DSM-IV), dysfonctionnements neurovégétatifs somatoformes (CIM-10) Bien que les catégories du DSM-IV et de la CIM-10 ne se superposent pas, c'est à ce cadre qu'appartiennent de nombreux symptômes médicalement inexpliqués : syndrome du côlon irritable et autres troubles fonctionnels intestinaux, syndrome d'hyperventilation (synonyme, pour certains, de la classique et très française « spasmophilie » ou tétanie normocalcémique), symptômes fonctionnels ORL tels qu'acouphènes et vertiges, tendances lipothymiques, vomissements gravidiques intenses et répétés, cystalgies à urines claires, prurits sine materia, etc. Chacun des symptômes ainsi listés peut, bien entendu, renvoyer à de nombreuses causes organiques. Certaines de ces causes ou bien des anomalies physiologiques liées en bonne partie au vieillissement peuvent jouer un rôle majeur dans l'installation des symptômes somatiques, comme cela est également le cas dans le trouble (somatoforme) douloureux. Cependant des facteurs psychologiques jouent, ici aussi, un rôle important dans la plainte somatique ou son intensité ou encore sa persistance.
Hypocondrie L'individualisation de l'hypocondrie remonte aux premiers âges de l'histoire de la médecine. Le terme a été créé par Hippocrate ; on en trouve les premières descriptions précises dans les travaux de C. Galien pour qui elle est définie comme une forme de mélancolie dans laquelle symptômes abdominaux et symptômes psychiques coexistent, ces derniers étant censés être produits par l'action néfaste des humeurs viscérales sur le cerveau… On appelle préoccupation hypocondriaque un souci exagéré concernant l'état de santé personnelle et la préservation d'une ou plusieurs fonctions physiologiques, somatiques ou psychiques. Le trouble est sous-tendu par une interprétation erronée de certaines sensations, signes physiques ou com-
portements personnels, que le patient juge anormaux et dont il tire le sentiment d'être atteint d'une maladie plus ou moins grave, quelles que soient les mesures prises pour le rassurer ou le convaincre du contraire. L'hypocondriaque est donc avant tout un malade « imaginaire », qui « invente » le mal dont il se sent atteint. Il prend appui pour cela sur le modèle offert par un proche ou divulgué par les médias ou les ouvrages médicaux, soit qu'il se laisse abuser par une perturbation de ses perceptions proprioceptives et intéroceptives (cénesthésie), soit qu'il interprète de manière pessimiste, en raison de troubles du jugement, des anomalies liées à une maladie en cours. Des antécédents personnels de maladies graves, notamment dans l'enfance, ou la connaissance de situations médicales ayant donné lieu à des hésitations ou à un retard diagnostique, peuvent aussi jouer un rôle favorisant. Certains contextes de vie, source d'insécurité ou témoins du temps qui passe (départ des enfants devenus grands, départ à la retraite, décès du conjoint) peuvent également jouer un rôle déclencheur. D'une manière générale, ce sont plutôt les perceptions corporelles issues de la profondeur viscérale qui font l'objet d'une scrutation vigilante, tout particulièrement le fonctionnement digestif (crainte d'avoir un cancer), mais il peut tout aussi bien s'agir du fonctionnement cardiaque, de l'état cutané ou de diverses fonctions « neurologiques » comme le sommeil, la motricité ou la mémoire (crainte de présenter une maladie de Parkinson ou une maladie d'Alzheimer). Une telle inquiétude durable et excessive sur sa propre santé conduit généralement l'hypocondriaque à multiplier les consultations médicales, à se faire prescrire des examens complémentaires ou les médications les plus diverses et à tyranniser, voire à lasser son entourage, par sa quête insatiable de rassurement et de soutien. La plainte hypocondriaque revêt fréquemment une allure atemporelle : le passé et le futur sont absorbés dans un présent immobile pouvant désespérer les initiatives thérapeutiques les plus dynamiques. La relation avec le médecin se fait en général sur un mode spéculaire, le malade se vivant en fait comme un médecin imaginaire, en position constante de rivalité avec le savoir et le pouvoir médicaux. Dans certains cas, le défi lancé à la médecine et l'insatisfaction amère de ne pas être
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Trouble peur d'une dysmorphie
soulagé de ses maux peuvent conférer au comportement de l'hypocondriaque un aspect revendicateur, la demande d'un diagnostic définitif et d'un soulagement radical se transformant alors en sentiment d'être la victime de l'incompétence médicale et en exigence d'une réparation du préjudice subi. Bien qu'en pratique les préoccupations hypocondriaques puissent aussi bien concerner la santé physique que la santé mentale, la catégorie diagnostique de l'hypocondrie est définie, dans le DSM-IV, comme « une préoccupation centrée sur la crainte ou l'idée d'être atteint d'une maladie grave, fondée sur l'intégration erronée par le sujet de symptômes physiques », d'où son rangement parmi les troubles somatoformes. Les autres critères diagnostiques sont le fait qu'une telle préoccupation persiste malgré un bilan médical approprié et rassurant, engendre une souffrance cliniquement significative et un dysfonctionnement socioprofessionnel, ne revête pas de caractère délirant, ne se limite pas à une préoccupation centrée sur l'apparence corporelle, s'inscrive dans la chronicité (au moins 6 mois) et ne soit pas mieux explicable par un autre trouble mental caractérisé, comme un trouble panique, un épisode dépressif majeur ou un autre trouble somatoforme : des préoccupations hypocondriaques sont en effet fréquentes dans les suites d'une attaque de panique, en particulier lorsque les manifestations cardiovasculaires de cette dernière ont été au premier plan ; elles peuvent également constituer les premières manifestations d'une dépression, notamment chez la personne âgée. En réalité, il existe une comorbidité importante entre l'hypocondrie et divers autres troubles psychiatriques, surtout anxieux et dépressifs, dès lors que l'on s'intéresse à la prévalence « vie entière » de ces derniers. Des préoccupations hypocondriaques sont souvent présentes au sein du trouble anxiété généralisée et peuvent focaliser les inquiétudes de l'anxieux. Ces constatations et la place quelque peu « à part » de l'hypocondrie parmi l'ensemble des autres troubles dits « somatoformes » conduisent certains auteurs à proposer plutôt son rangement parmi les troubles anxieux, voire parmi les troubles de la personnalité décrits dans l'axe II du DSM-IV, du moins en ce qui concerne les formes chroniques (et non délirantes) d'hypocondrie.
corporelle
Cette catégorie, qui n'est individualisée que par le DSM-IV, tient également une place à part parmi les troubles somatoformes. Elle concerne en effet des patients qui se plaignent de leur « physique », c'est-à-dire de leur apparence corporelle, sans forcément présenter de plaintes somatiques à proprement parler. La préoccupation concernant un défaut imaginaire de l'apparence physique ou bien la préoccupation « excessive » par rapport à un défaut existant est à l'origine d'une souffrance cliniquement significative et d'une altération du fonctionnement social ou professionnel. Le diagnostic de ce trouble implique par ailleurs qu'une telle préoccupation ne fasse pas partie intégrante d'un autre trouble mental caractérisé, comme par exemple l'anorexie mentale, les troubles de l'identité sexuelle ou les idées délirantes ayant l'apparence corporelle pour objet. Notons cependant que le DSM-IV propose de porter un diagnostic « additionnel » de trouble délirant, type somatique, dans ce dernier cas, ce qui n'est pas sans poser problème dans ce chapitre de la classification (les troubles « somatoformes ») qui exclut par convention toute symptomatologie de nature psychotique. Si des préoccupations « normales » concernant l'apparence corporelle existent chez tout individu, notamment à l'adolescence, lors de l'apparition des caractères sexuels secondaires ou de l'efflorescence des poussées d'acné, mais aussi chez l'homme, en cas de perte précoce des cheveux, ou dans les deux sexes, lors de l'apparition des marques du vieillissement, les patients présentant ce trouble peuvent passer des heures à s'observer dans le miroir ou à tenter de « masquer » leur défaut aux yeux des autres et mettre en place un certain nombre de conduites d'évitement, plus ou moins contraignantes, comme dans les phobies sociales. Une comorbidité avec des troubles dépressifs, des phobies sociales ou un trouble obsessionnel compulsif n'est pas rare. Ces patients consultent préférentiellement dermatologues ou chirurgiens esthéticiens, plus que les psychiatres, et au même titre que l'ensemble des autres patients présentant des troubles somatoformes, ils peuvent avoir du mal à reconnaître
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la part de leur anxiété ou d'une altération de leur estime de soi ou encore de difficultés relationnelles à l'origine de leur préoccupation dysmorphophobique, affirmant plus volontiers que la détresse psychosociale qu'ils ressentent n'est qu'une conséquence de leur défaut physique. Les plaintes concernent généralement la forme et la symétrie du visage, la forme du nez, la dentition, les oreilles, les cheveux, les seins, les fesses, l'abdomen, la taille du pénis, ainsi que l'existence de rides ou de varicosités, la taille du corps, la musculature. Le rôle des médias, des images publicitaires et des pratiques culturelles valorisées et érigées en idéal est évident parmi les facteurs contribuant à ce trouble. Bien des patients restent insatisfaits voire se sentent encore plus mal dans leur peau après l'intervention esthétique qu'ils ont souvent réclamée avec persévérance. Ailleurs, le pronostic peut être plus favorable, notamment grâce au traitement des troubles anxieux ou dépressifs associés ou à la survenue de contextes de vie plus gratifiants (parfois précipités par les effets positifs d'une intervention esthétique ou d'un traitement symptomatique).
Modèles explicatifs La « somatisation » , en tant que propension à se plaindre de symptômes physiques médicalement inexpliqués, peut relever de mécanismes multiples, parfois d'ailleurs présents en même temps [17]. Le modèle le plus classique est celui de la somatisation comme « défense» : ce modèle fait l'hypothèse que la détresse psychologique induite par des conflits ou d'autres facteurs de stress est au moins en partie « déplacée » sur un symptôme somatique, venant atténuer la détresse psychologique attendue et distraire l'attention des conflits ou autres facteurs de stress déclencheurs. Dans la théorie psychanalytique élaborée par S. Freud, un tel mécanisme de défense psychique, de nature inconsciente, est appelé « conversion hystérique », en référence à une métaphore inspirée de la thermodynamique, selon laquelle l'énergie psychique liée à une représentation désorganisatrice ou anxiogène pourrait être convertie en énergie
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d'innervation ou en énergie somatique, permettant ainsi à la représentation redoutée d'être « refoulée », chassée de la conscience, « oubliée », ou du moins désinvestie. Dans la théorie freudienne, le symptôme somatique constituerait une sorte de « mise en scène » du fantasme inconscient lié à la situation conflictuelle et la fonction ou l'organe atteint, notamment en cas de troubles pseudo-neurologiques, correspondrait à un véritable « choix » inconscient, en raison de son pouvoir représentatif symbolique et/ ou de mécanismes d'identification à un trait caractéristique d'une personne aimée ou haïe, liée au conflit inconscient [7]. Plus généralement, qu'il y ait eu ou non traumatisme sexuel, comme Freud l'avait cru à ses débuts, la conversion hystérique mettrait en scène un fantasme à contenu sexuel, qu'il s'agisse d'une représentation de la castration ou d'une représentation de la bisexualité psychique. Rappelons à ce sujet l'étymologie du mot hystérie, venant du mot grec qui signifie utérus, la maladie hystérique étant attribuée par Hippocrate à la migration d'un utérus en manque de satisfaction sexuelle. Si la nature « sexuelle » du conflit causal, à l'origine d'un symptôme de conversion pseudo- neurologique, et a fortiori à l'origine de l'ensemble des symptômes somatiques du trouble somatoforme, est loin de faire l'objet d'un consensus et si la signification symbolique du symptôme peut dans un certain nombre de cas paraître discutable ou n'être qu'une reconstruction a posteriori, nombre d'auteurs, d'orientations théoriques diverses, y compris de référence cognitiviste, sont prêts à adhérer au modèle de la somatisation comme défense. L'effet cathartique des émotions liées à un événement traumatique et revécues sous hypnose est à l'appui d'un tel modèle. Par ailleurs, les études en imagerie cérébrale de patients présentant des symptômes de conversion pseudo-neurologiques (et les similitudes trouvées avec les symptômes induits sous hypnose) plaident en faveur de mécanismes centraux d'inhibition active de la fonction atteinte, proches, à certains égards, des phénomènes constatés en cas de « négligence » neurologique d'un membre [9]. Une variante plus triviale de ce même modèle veut que le ou les symptômes qui vont être le support d'un mécanisme de somatisation soient la simple expression somatique des émotions suscitées par
Chapitre 15. Troubles somatoformes et intrications médicopsychiatriques
Traitement
les facteurs de stress causaux, leur survenue servant ainsi de prétexte pour dériver l'attention sur d'autres sources de préoccupation que la source originelle. Enfin la saisie d'un symptôme somatique comme « prétexte » pour exprimer une détresse psychique n'exclut pas une éventuelle origine organique du trouble : dans ce cas de figure, un symptôme anodin qui aurait pu être transitoire (la cause initiale étant guérie ou contrôlée) se pérennise, car venant se mettre « au service » d'une autre cause (cf. le syndrome de fatigue chronique). Le deuxième modèle explicatif de la somatisation fait jouer un rôle majeur à un phénomène d'amplification des sensations somatiques suscitées par un contexte de détresse. Ce « style perceptif » décrit par A.J. Barsky [2] pour rendre compte des troubles somatoformes et des préoccupations hypocondriaques implique une attention particulière portée aux sensations corporelles, mais aussi une anxiété relative à la santé et une tendance à rapporter les symptômes somatiques à des causes somatiques plutôt que psychologiques. Le troisième modèle explicatif met l'accent sur l'utilisation par un patient de ses symptômes corporels éventuellement très banals, dans un contexte de détresse psychique, pour rechercher une aide auprès du système de soins. Les symptômes corporels peuvent ainsi donner une raison (ou un alibi) pour être écouté, réconforté, pris en charge, dans un contexte éprouvant. Enfin, le quatrième modèle rappelle que c'est également l'offre qui peut créer la demande. En situation de détresse, les patients peuvent avoir l'impression que leurs symptômes somatiques seront plus facilement entendus et pris en charge que des symptômes se rapportant davantage à la sphère psychologique. L'absence de liens déjà établis avec un professionnel de santé est un facteur déterminant du « choix » d'une telle « présentation somatique », comme cela a été parfaitement montré dans une étude multinationale coordonnée par l'OMS sur la prévalence de la dépression et le pourcentage de présentations somatiques de la dépression en centres de soins primaires [18], le type d'organisation de ces différents centres jouant un rôle nettement plus important que la classique et discutable opposition entre pays développés et pays en voie de développement.
Mesures générales Une faible proportion de patients présentant des troubles somatiques consulte en psychiatrie : cette démarche est favorisée par l'association à d'autres troubles mentaux, en particulier anxieux ou dépressifs, ou par les encouragements des généralistes ou spécialistes non psychiatres consultés en première ligne ; elle est par conséquent le fait à la fois des patients les plus ouverts à leur propre univers psychique et des cas les plus rebelles ou les plus polysymptomatiques, au pronostic le plus incertain. Plusieurs mesures non spécifiques peuvent jouer un rôle favorable sur l'évolution des troubles somatoformes et méritent en tout cas d'être déployées pour au moins éviter de les aggraver ou de les pérenniser : • ne pas contester la légitimité d'une plainte somatique, notamment en cas de douleurs, même si le caractère fonctionnel est fortement suspecté ; • mener de front une démarche diagnostique négative (rechercher et éliminer les causes organiques plausibles) et positive (rechercher des facteurs psychologiques déclencheurs ou d'entretien), en évitant que la contribution psychogène soit évoquée « en dernier recours », ce qui la discrédite aux yeux du patient et suggère parallèlement une hiérarchie de valeurs aux yeux du praticien ; • savoir doser les examens complémentaires, recours aux spécialistes et hospitalisations, en connaissant leur pouvoir iatrogène ; • éviter de dire à un patient qu'il n'a « rien » ou que les examens ne montrent « rien », même si c'est pour le rassurer ; • préférer des explications positives, même si elles sont schématiques, en termes par exemple de mécanismes physiologiques à l'origine des symptômes, en pointant les cercles vicieux jouant un rôle de renforcement (par exemple l'enchaînement inactivité — déconditionnement musculaire — douleur et fatigue au moindre effort, dans la fibromyalgie), à un aveu d'ignorance de la cause des symptômes dans l'état actuel des connaissances ;
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Partie III. Psychopathologie
Les thérapies comportementales et cognitives ont été évaluées, souvent dans des essais contrôlés, dans diverses catégories de troubles somatoformes [20]. Elles ont l'avantage de pouvoir être plus facilement acceptées par certains patients, car elles font abstraction de l'origine possiblement psychogène des symptômes et se concentrent sur les facteurs d'entretien ou d'aggravation des troubles. Les thérapies systémiques, de couple ou familiales, peuvent également désamorcer les facteurs de renforcement liés aux interactions familiales, notamment dans certains symptômes de conversion ou certains troubles somatiques fonctionnels invalidants chez l'enfant. L'hypnose, « voie royale » historique de traitement de la « conversion hystérique », avant l'avénement de la psychanalyse, continue à être indiquée dans quelques cas de symptômes pseudo-neurologiques pour lesquels une origine traumatique refoulée ou difficilement verbalisable est suspectée [15]. Les psychothérapies d'inspiration psychanalytique ont donné lieu à quelques essais contrôlés chez des patients souffrant de douleurs chroniques ou d'un syndrome du côlon irritable [22]. Elles ont d'autant plus de chance de s'avérer efficaces que les patients sont disposés à faire des liens entre leur vie affective, leur univers psychique et leurs symptômes somatiques. Leur indication repose moins sur une typologie de troubles somatoformes précise que sur la présence de difficultés relationnelles et existentielles plus générales, au sein desquelles les plaintes somatiques pourraient correspondre à une forme de vulnérabilité et de relation aux autres particulière.
• repérer systématiquement les troubles anxieux ou dépressifs associés, même si le patient prétend qu'ils sont purement « secondaires » à ses symptômes ; • faire un usage positif et pondéré des médications à visée symptomatique, même si l'on pense que leur efficacité relève en bonne partie d'un effet placebo ; • éviter les consultations en urgence, maintenir un lien avec le malade, même en période d'amélioration ; • savoir être modeste dans ses ambitions thérapeutiques (atténuation des symptômes et de leur retentissement psychosocial plutôt que guérison) ; • lorsque le patient est vu par un généraliste ou un spécialiste non psychiatre, présenter le recours au psychiatre comme un moyen d'évaluation et d'approfondissement de la démarche diagnostique et pas comme un passage définitif de relais.
Thérapeutiques spécifiques Les antidépresseurs peuvent être indiqués pour traiter les troubles de l'humeur associés aux troubles somatoformes, mais aussi la composante douloureuse des syndromes, voire la fatigue, indépendamment d'une symptomatologie dépressive. Ils se sont avérés également intéressants dans le syndrome du côlon irritable et plus généralement face à des symptômes médicalement inexpliqués [16]. Il faut cependant tenir compte de la propension accrue aux effets indésirables (et donc du risque de non-observance, voire de rupture du lien thérapeutique) chez les patients souffrant de troubles somatoformes. L'exercice physique semble être un moyen thérapeutique efficace dans les tableaux dominés par la fatigue et/ou la douleur, malgré une motivation souvent médiocre des patients. Le biofeedback s'est avéré utile dans toutes les pathologies impliquant des tensions musculaires (céphalées de tension, SADAM, douleurs pelviennes, fibromyalgie). La relaxation, associée ou non à l'apprentissage d'exercices respiratoires, a des indications proches, qui s'étendent à divers symptômes de déterminisme neurovégétatif. Elle est souvent intégrée aux techniques comportementales et cognitives.
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15.3. Intrications médicopsychiatriques C. Buhl, P. Hardy • La première de ces questions concerne la reconnaissance et le diagnostic des troubles comorbides. De très nombreuses pathologies associées demeurent en effet méconnues par les praticiens en charge de l'affection initiale, que ce soit en raison d'une trop faible attention portée aux maladies n'entrant pas dans le champ de leur spécialité
Les associations entre troubles mentaux et pathologies somatiques sont très fréquentes et s'observent bien plus souvent que ne le voudrait le simple hasard. Ces comorbidités peuvent se manifester sur un mode diachronique ou synchronique (on peut alors parler de co-occurrence) et soulèvent de nombreuses questions.
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ou en raison des difficultés diagnostiques liées aux chevauchements symptomatiques. • Une deuxième question porte sur les conséquences pronostiques de ces comorbidités et de leur éventuelle méconnaissance. L'existence d'une pathologie associée péjore en effet très sensiblement l'évolution de l'affection initiale et cela d'autant plus qu'elle demeure méconnue et donc non traitée. • Une troisième question a trait aux modalités associatives entre les pathologies comorbides, c'est-à-dire non seulement à la chronologie de survenue des troubles mais également aux mécanismes étiopathogéniques susceptibles d'expliquer leur survenue chez un même individu. Si certaines comorbidités apparaissent liées au simple hasard ou à l'existence de facteurs de risque communs aux deux pathologies (facteurs génétiques, environnementaux, etc.), nombre d'entre elles tiennent au fait que les maladies somatiques représentent un facteur de risque important pour la survenue de troubles mentaux et inversement. Les mécanismes en cause sont multiples : il peut s'agir d'un effet biologique direct de la pathologie initiale, d'une réaction psychologique à celle-ci, mais aussi d'une conséquence des traitements mis en œuvre. L'analyse de ces mécanismes n'est pas sans conséquence pour la classification des troubles mentaux, dès lors que la maladie somatique ( « affection médicale générale » selon le DSM-IV-TR) ou son traitement paraît avoir causé ou favorisé le trouble psychiatrique, ou contribué à son maintien. Lorsque l'affection organique apparaît « susceptible d'avoir une importance pour la compréhension ou le traitement du cas (psychiatrique) », son diagnostic doit figurer sur l'axe III du DSMIV-TR. Ce manuel propose en outre, comme la CIM-10, de distinguer différentes situations : • le trouble psychiatrique est une conséquence physiologique directe de l'affection médicale : il doit, dans ce cas, être classé parmi les « troubles mentaux dus à une affection médicale générale » (DSM-IV-TR) ou les « troubles mentaux organiques » (CIM-10). Cette catégorie diagnostique inclut certaines modifications (ou troubles) de la personnalité. Sont le plus souvent en cause un dysfonctionnement cérébral (lié à un accident vasculaire cérébral, une sclérose en plaques, une
tumeur cérébrale, une maladie de Parkinson, etc.) ou un trouble endocrinien/métabolique (hyper ou hypothyroïdie, hypercorticisme, etc.) ; • le trouble psychiatrique est lié à l'impact psychologique de la maladie somatique : il s'agit alors, le plus souvent, de maladies mettant en jeu le pronostic vital ou ayant une évolution chronique, douloureuses et invalidantes, ou comportant un risque d'accidents ou de complications intercurrentes. Ces troubles réactionnels peuvent être diagnostiqués comme « troubles de l'adaptation » lorsqu'ils sont de faible intensité et réversibles au décours de la période de stress. Ils reçoivent, dans les autres cas, un diagnostic psychiatrique spécifique (épisode dépressif, anxiété généralisée, etc.) ; • le trouble mental est la conséquence du traitement de la maladie somatique. Une action physiologique directe du traitement peut être en jeu : elle se traduit alors le plus souvent par un état confusionnel, un syndrome délirant et/ou hallucinatoire, ou un trouble de l'humeur. Lorsqu'un médicament est en cause, le trouble mental doit être classé dans la catégorie des « troubles liés une substance » (DSM-IV-TR) ou des « troubles liés à l'utilisation de substances psychoactives » (CIM-10). L'analyse de ces mécanismes est en pratique souvent complexe, dans la mesure où plusieurs d'entre eux peuvent se trouver intriqués et où il n'existe aucun critère objectif simple permettant au clinicien d'établir avec certitude leur nature et leur impact. Quoi qu'il en soit, l'approche clinique de ces intrications médicopsychiatriques se présente de façon très différente selon leur contexte de survenue.
Troubles psychiques observés
dans le cadre des maladies et des traitements somatiques L'association d'un trouble psychique à une affection organique est très fréquente [13, 17, 19]. En population générale, les sujets souffrant de maladie somatique ont deux à trois fois plus de risques que les autres de présenter également un trouble
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Chapitre 15. Troubles somatoformes et intrications médicopsychiatriques
psychiatrique. On estime par ailleurs que 40 à 50 % des patients hospitalisés en médecine ou en chirurgie présentent un trouble mental associé à leur maladie somatique ; dans la moitié des cas, la maladie organique paraît avoir causé ou favorisé le trouble psychiatrique, ou contribué à son maintien. Ces chiffres concernent uniquement les troubles mentaux caractérisés, à l'exclusion des « symptômes » psychiatriques (notamment anxieux et dépressifs). Beaucoup plus fréquents que les précédents, ces troubles « subsyndromiques » aggravent l'impact psychosocial et le pronostic des maladies somatiques. L'identification des troubles psychiatriques peut poser de difficiles problèmes diagnostiques, notamment en raison du chevauchement symptomatique entre certaines affections organiques et certaines pathologies psychiatriques. Les symptômes dépressifs sont à cet égard exemplaires : une anorexie avec perte de poids, une insomnie, une asthénie ou une perte d'énergie peuvent ainsi être rapportées à une maladie somatique aussi bien qu'à la dépression. L'intensité fréquemment peu marquée des troubles psychiatriques observés dans le champ médical, le caractère peu spécifique de certains symptômes, mais aussi le faible intérêt (et parfois même le rejet) manifestés par certains somaticiens à l'égard de la pathologie mentale, sont autant d'éléments susceptibles d'expliquer leur fréquente méconnaissance (50 % des cas environ). Lors d'une pathologie somatique lourde, au pronostic sévère, la banalisation de la souffrance psychique peut aussi amener à considérer que la présence d'affects dépressifs ou d'anxiété est légitime, n'est pas du domaine pathologique et ne nécessite donc pas de traitement spécifique. De nombreux éléments justifient une grande vigilance du clinicien à l'égard du dépistage et de la prise en charge des troubles psychiatriques liés aux affections organiques, ceci dans un cadre idéalement pluridisciplinaire. Ces troubles nécessitent en effet un traitement spécifique au regard de leur propre retentissement sur le sujet. Ils viennent en outre péjorer le pronostic des maladies somatiques en termes de durée d'évolution et d'hospitalisation, de consommation de soins, de handicap et de qualité de vie, en termes de mortalité pour les pathologies somatiques les plus sévères, notamment s'il s'agit de troubles dépressifs
[2, 9, 16]. Ces derniers s'accompagnent également d'une plus grande insatisfaction vis-à-vis des soins médicaux et d'une plus grande divergence entre médecin et patient au sujet de l'efficacité des soins. Quel que soit le mécanisme en cause (réduction de l'observance des traitements et des règles hygiénodiététiques, impact biologique direct des troubles psychiatriques), ces constatations rendent d'autant plus nécessaires un diagnostic précoce et un traitement adapté des troubles mentaux comorbides. Les troubles comorbides le plus souvent observés sont les troubles psycho-organiques (troubles confusionnels, troubles cognitifs, syndromes « psychotiques »), particulièrement fréquents chez les sujets âgés, et les troubles anxieux et/ou dépressifs, qui représentent trois quarts des cas. Ceci étant, on rappelle que l'apparition de troubles cognitifs ou d'un syndrome confusionnel impose, dans tous les cas, la réalisation d'un examen clinique complet et d'examens complémentaires à la recherche d'une cause organique. Certaines pathologies somatiques représentent un facteur de risque suicidaire non négligeable. Il s'agit surtout de certaines affections cérébrales organiques (épilepsies en particulier) et des maladies somatiques « graves », qui engagent le pronostic vital (cancers, infection par le VIH). Une aggravation de la maladie somatique par défaut de compliance pourra faire suspecter le diagnostic de dépression. En effet, certaines interruptions de traitement somatiques constituent d'authentiques équivalents suicidaires. Enfin, chez le sujet âgé, certaines affections somatiques sont associées à un risque suicidaire accru : accident vasculaire, cancer, maladies hépatiques, utilisation de diurétiques et d'antalgiques [25]. Certaines pathologies organiques d'évolution chronique peuvent par ailleurs induire à long terme des remaniements de la personnalité, que le DSM-IV-TR décrit selon différents types : labile, désinhibé, agressif, apathique et paranoïaque. Souvent liés à la maladie somatique elle-même, ces troubles psychiques peuvent également être d'origine iatrogène. Si les traitements médicamenteux sont le plus souvent en cause, les interventions chirurgicales, voire les traitements physiques (radiothérapie), peuvent également être à l'origine de troubles mentaux, soit par leur action directe (circulation extracorporelle dans le cadre d'une
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Partie III. Psychopathologie
chirurgie cardiaque), soit en raison de leur répercussion psychique (mammectomie). Les troubles psychiques iatrogènes sont principalement constitués d'états confusionnels, de syndromes délirants et/ou hallucinatoires et de troubles de l'humeur. Les médicaments incriminés sont très divers et leur imputabilité est souvent difficile à établir avec certitude. Celle-ci repose sur : l'existence d'un lien chronologique entre la prise du produit et la survenue de l'effet observé, les données issues de pharmacovigilance, l'absence d'autres étiologies, la disparition ou la régression de l'effet observé à l'arrêt du médicament ou leur réapparition lors de la reprise du traitement (qui peut être considérée comme un « test diagnostique »). Il est toutefois parfois difficile de trancher entre un mode d'entrée dans une maladie psychiatrique favorisée par le produit et une étiologie purement iatrogène (lors de la survenue d'un accès maniaque sous corticoïdes, par exemple). Un trouble psychiatrique peut émailler l'histoire de tout malade somatique.
les sautes d'humeur, l'anxiété, la « nervosité », de même que les tremblements, les palpitations, la tachycardie, la dyspnée, la transpiration, l'asthénie ou les difficultés de mémoire et de concentration peuvent faire suspecter un état anxieux. Plus rarement peuvent s'observer, dans les hyperthyroïdies sévères, des états confusionnels ou des tableaux d'allure maniaque avec logorrhée, agitation psychomotrice, voire idées délirantes persécutives ou mégalomaniaques. De nombreuses manifestations psychiques mineures font partie du tableau habituel de l'hypothyroïdie. Celle-ci se complique en outre souvent de troubles psychiatriques. La présence d'un ralentissement psychomoteur avec apathie, bradypsychie, asthénie intellectuelle et motrice doit faire évoquer le diagnostic. Lorsque ces symptômes s'accompagnent d'un sentiment de morosité et de tristesse, ils peuvent constituer un syndrome dépressif. L'anxiété, l'irritabilité, le retrait social peuvent faire partie du tableau et passer pour un état anxieux, un trouble de la personnalité ou un début de démence chez le sujet âgé. Les psychoses myxœdémateuses sont rares aujourd'hui et ne s'observent que dans les formes sévères et/ou évoluées de la maladie. Il s'agit essentiellement d'états confusionnels ou confusooniriques, d'états mélancoliques, voire de syndromes d'expression maniaque, hallucinatoire ou persécutive. La plupart des manifestations psychiques observées dans les dysthyroïdies sont symptomatiques de la maladie, le retour à la normale de la fonction thyroïdienne s'accompagnant généralement d'une amélioration de l'anxiété, de la dépression et des déficits cognitifs. Dans les myxœdèmes trop tardivement traités, la récupération intellectuelle peut être incomplète. Le syndrome de Cushing et l'insuffisance surrénalienne s'accompagnent chez 80 % des patients de symptômes psychiatriques, qui constituent un syndrome psychiatrique dans 50 % des cas. Ces symptômes sont d'apparition précoce et précèdent habituellement les signes physiques de la maladie. Il s'agit surtout de syndromes dépressifs d'intensité variable, pouvant constituer des tableaux de mélancolie délirante. Ces dépressions s'associent assez souvent à des fluctuations rapides de l'humeur et à des crises d'anxiété paroxystique. Plus rarement, s'observent des épisodes maniaques ou
Affections endocriniennes et métaboliques [8] Les affections endocriniennes s'accompagnent fréquemment de symptômes d'allure psychiatrique, voire de modifications de la personnalité, ce qui conduit à de nombreuses erreurs diagnostiques par excès ou par défaut, notamment chez le sujet âgé. L'évolution de certaines endocrinopathies peut, à l'inverse, être influencée par des facteurs psychologiques tels que le stress, tandis que certaines pathologies psychiatriques peuvent s'accompagner de perturbations endocriniennes subcliniques (hypercortisolémie chez le déprimé, par exemple). L'hyperthyroïdie, ou thyrotoxicose, est un syndrome clinique lié à une augmentation des taux sanguins d'hormones thyroïdiennes. La maladie de Basedow, qui est une affection auto-immune, en est la variété la plus fréquente. Le principal diagnostic différentiel psychiatrique est celui de thyrotoxicose factice. Il s'agit de l'absorption clandestine de hautes doses d'hormones thyroïdiennes par certaines personnalités pathologiques en vue de simuler une maladie. Certains symptômes habituels de la thyrotoxicose, tels que l'irritabilité,
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Chapitre 15. Troubles somatoformes et intrications médicopsychiatriques
hypomaniaques qui peuvent secondairement évoluer vers un trouble dépressif. Ont également été décrits des syndromes confusionnels et des états psychotiques à type d'épisodes paranoïaques ou schizophréniformes. Des symptômes du registre anxieux et/ou dépressif peuvent accompagner des anomalies du métabolisme phosphocalcique des dysparathyroïdies. Des crises de tétanie sont fréquemment associées aux hypoparathyroïdies. Le diabète est une maladie chronique caractérisée par l'hyperglycémie et les risques de complications sévères dans le domaine vasculaire (rétinopathie, néphropathie, athérosclérose), neurologique, infectieux et génital (im puissance). Plus marquées que celles du diabète non insulinodépendant (DNID), les conséquences psychopathologiques du diabète insulinodépendant (DID) rendent sou vent nécessaire une intervention psychiatrique ou psychothérapique. De nombreux troubles psychiques sont liés aux désordres métaboliques du diabète : des troubles de la conscience caractérisent les comas acidocétosiques, hyperosmolaires ou hypoglycémiques ; une fatigue, des troubles de la vision et des paresthésies accompagnent la polyuropolydypsie lors des épisodes d'hyperglycémie. Comme dans d'autres affections chroniques, des syndromes anxieux et dépressifs sont fréquemment observés, mais aussi des troubles des conduites alimentaires. Ces perturbations sont généralement associées à un mauvais contrôle glycémique (mécanisme biologique ou défaut d'observance) et compliquent la prise en charge de la maladie. L'utilisation des psychotropes devra tenir compte de la sensibilité des diabétiques aux effets anti cholinergiques et alphabloquants de certaines molécules. L'hypoglycémie est caractérisée par un taux de glucose inférieur à 0,5 g/L. Elle se traduit par des symptômes riches en manifestations psychiques. Le caractère polymorphe, paroxystique, réversible et récurrent des manifestations neuropsychiques peut orienter à tort vers un trouble panique, une hystérie, une intoxication alcoolique aiguë ou une épilepsie essentielle. L'hypoglycémie est une urgence thérapeutique. Elle comporte un risque de lésions cérébrales irréversibles en cas de coma prolongé.
Les troubles de la fonction hypophysaire (hyperfonctionnement et insuffisance) s'accompagnent fréquemment de troubles psychiques liés soit aux désordres endocriniens, soit à la pathologie tumorale (adénome hypophysaire, tumeur suprasellaire) qui est une des causes les plus fréquentes de ces affections. Ainsi, l'hyperprolactinémie et l'acromégalie peuvent s'accompagner d'anxiété et de dépression, de même que les insuffisances de sécrétion des hormones sexuelles. Des conduites potomaniaques peuvent se greffer sur un diabète insipide organique. La porphyrie aiguë intermittente se manifeste par des crises douloureuses abdominales « pseudochirurgicales », des paralysies périphériques parfois discrètes éventuellement très étendues (mettant en jeu le pronostic vital lors d'atteinte respiratoire) et des troubles psychiques souvent au premier plan : grande agitation anxieuse, confusion mentale, crises d'allure névropathique. Elle est due à un déficit enzymatique portant sur l'uroporphyrinogène I synthétase. L'émission d'urines rouges noircissant à la lumière est très évocatrice du diagnostic que confirment les examens biologiques. Les crises sont souvent déclenchées par des prises médicamenteuses (barbituriques, œstroprogestatifs, rifampicine, chloramphénicol, phénytoïne, sulfamides, valpromide).
Affections neurologiques [24] La plupart des affections neurologiques du système nerveux central s'accompagnent de troubles mentaux d'expressions cliniques variées, qui sont souvent une conséquence physiopathologique directe de la maladie somatique. Dans les suites d'accidents vasculaires cérébraux, des épisodes dépressifs caractérisés sont fréquemment rencontrés. Ces dépressions sont d'autant plus fréquentes que les lésions sont antérieures et siègent dans l'hémisphère gauche, indépendamment du degré de handicap physique. La maladie de Parkinson s'accompagne de symptômes dépressifs dans près de la moitié des cas et d'un syndrome dépressif caractérisé dans 5 à 10 % des cas. Le déterminisme de ces états dépressifs est probablement multifactoriel, impliquant tout à la fois un mode de réaction psychologique face au handicap de la maladie et une dysrégulation sérotoninergique, noradrénergique,
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Partie III. Psychopathologie
et surtout dopaminergique au niveau mésocortical/ préfrontal. Il s'agit de syndromes dépressifs majeurs dont la prise en charge est souvent difficile. L'exemple de la sclérose en plaques (SEP) et de son association éventuelle à des troubles psychia triques est développé ici car particulièrement i llustratif de la complexité de la compréhension et de la prise en charge des intrications neuropsychiatriques. La SEP est une pathologie chronique qui touche 60 000 personnes en France. Son évolution est émaillée de dépression chez 25 à 50 % des patients et comporte un risque suicidaire estimé sept fois supérieur à celui de la population générale. Les poussées de SEP peuvent en outre se révéler par une symptomatologie exclusivement psychique (troubles émotionnels et/ou cognitifs, plaintes subjectives à type d'asthénie, de ralentissement psychomoteur). L'impact psychologique de la maladie, connue pour être particulièrement éprouvante du fait de son caractère invalidant et de son évolution imprévisible, ne suffit pas à expliquer la prévalence des troubles dépressifs : celle-ci apparaît en effet supérieure à celle observée dans d'autres affections somatiques tout aussi chroniques et handicapantes. Qu'elles soient séquellaires ou inflammatoires, les lésions de la substance blanche spécifiques de la maladie pourraient ainsi jouer un rôle étiopathogénique majeur dans la survenue des troubles dépressifs. D'après plusieurs études d'imagerie cérébrale, la survenue de symptômes dépressifs pourrait être en relation avec l'atteinte du faisceau arqué et l'existence d'asymétries de perfusion du système limbique. Une corrélation entre dépression et certains marqueurs de l'inflammation a également été rapportée. Certains troubles psychiques peuvent aussi être d'origine iatrogène. Les traitements ici incriminés sont les corticoïdes (pouvant être responsables de troubles de l'humeur, de confusion et de psychose), ainsi que les interférons (dépression, suicide). Enfin, les démences organiques sont des troubles psycho-organiques dont l'évolution peut être compliquée de syndrome dépressif majorant le tableau démentiel. Ces syndromes dépressifs sont particulièrement fréquents en début d'évolution de la maladie et dans les démences vasculaires.
Maladies de système (collagénose et connectivites) Les troubles psychiatriques y sont très variés et d'origine diverse. Fréquents dans le lupus érythémateux systémique (LES) et le syndrome de Gougerot-Sjögren, ils s'observent moins souvent dans les autres collagénoses : périartérite noueuse (PAN), sclérodermie généralisée, dermatomyosite, polyarthrite rhumatoïde, polychondrites atrophiantes et syndrome de Wegener. Le lupus érythémateux systémique s'accompagne, dans près de la moitié des cas, d'une atteinte du système nerveux central (épilepsie, signes focaux). Les troubles psychiques sont extrêmement fréquents : épisodes confusionnels ou confusodé lirants, accès dépressifs ou plus rarement maniaques, syndromes psycho-organiques, troubles cognitifs mineurs. Le traitement doit composer avec la nécessité de maintenir les traitements corticoïdes et immunosuppresseurs et éviter les molécules susceptibles d'induire un lupus (chlorpromazine, lithium, carbamazépine). Il y a parfois dans le syndrome de Gougerot-Sjögren une atteinte du système nerveux central avec signes focaux ou méningés. Outre des manifestations anxieuses ou dépressives souvent contemporaines des fluctuations de la maladie, on observe à titre exceptionnel des épisodes psychotiques ou une évolution déficitaire. Les manifestations dépressives sont fréquentes au cours de la polyarthrite rhumatoïde, surtout lorsque le handicap moteur a de sérieuses répercussions sociales et professionnelles.
Cancers En dépit de l'augmentation constante de l'espérance de vie des patients atteints de pathologie néoplasique, le cancer demeure intimement associé aux notions de dépendance, de dégradation physique, de handicap fonctionnel, d'isolement social, de souffrance physique, et finalement de mort. Le retentissement de la maladie explique la place croissante de la psychothérapie (individuelle ou de groupe) dans les programmes de soins, ce d'autant qu'elle pourrait améliorer l'espérance de vie aussi bien que la qualité de vie des patients, et que les traitements à visée somatique exigent de ces derniers un niveau de participation et de responsabilité sans cesse accru.
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Chapitre 15. Troubles somatoformes et intrications médicopsychiatriques
Près de la moitié des patients cancéreux présentent des troubles psychiatriques. Il s'agit, dans deux tiers des cas, de troubles de l'adaptation avec humeur anxieuse, dépressive ou mixte, les autres pathologies étant représentées par des épisodes dépressifs, des syndromes cérébro-organiques, des troubles anxieux et des remaniements de la personnalité. La plupart de ces perturbations sont liées au cancer ou à ses traitements. Les dépressions sont le plus souvent réactionnelles à la maladie et apparaissent d'autant plus fréquentes que le cancer est physiquement invalidant. Il est cependant des états dépressifs au déterminisme organique ; c'est le cas de certaines dépressions observées dans le cancer du pancréas, plus fréquentes que dans d'autres néoplasies et pouvant précéder les premiers signes de la maladie. C'est aussi le cas des dépressions liées aux traitements (stéroïdes, interféron, autres agents anticancéreux), voire à une métastase cérébrale ou à un syndrome endocrinien paranéoplasique. Les syndromes cérébroorganiques prennent la forme d'états confusionnels ou déficitaires. Les états confusionnels peuvent être liés à une localisation cérébrale de la tumeur, à une complication de la maladie (infection, troubles vasculaires, troubles métaboliques), aux traitements (en particulier méthotrexate, qui peut être à l'origine d'une leucoencéphalopathie irréversible, mais aussi 5-fluoro-uracile, vincristine, bléomycine, L-asparaginase, ifosfamide, interféron, interleukine, corticoïdes, etc.), ou à un syndrome paranéoplasique. Un âge élevé, un état général altéré, une détérioration mentale préexistante aggravent le risque confusionnel. Les états déficitaires (apathie, dysmnésie, bradypsychie) peuvent être liés à une métastase cérébrale. Il existe chez les cancéreux une surmortalité par suicide, dont le risque est aggravé en présence de certains facteurs : cancer de mauvais pronostic, stade avancé de la maladie, isolement social, douleur non contrôlée, troubles ou antécédents psychiatriques facilitant le passage à l'acte (dépression surtout, mais aussi confusion, troubles de la personnalité, alcoolisme).
Infection par le VIH Au cours de l'évolution naturelle de la maladie, les troubles psychiatriques sont d'une très grande fréquence. Les facteurs étiologiques sont multiples,
les tableaux cliniques polymorphes. Certains troubles sont dus à l'atteinte du SNC (système nerveux central), qu'il s'agisse d'infections opportunistes ou d'une pathologie directement liée au neurotropisme du virus (encéphalopathie VIH). D'autres troubles sont réactionnels, à tonalité anxieuse et/ou dépressive, proches de ceux observés dans d'autres maladies de même sévérité pronostique. La découverte de la séropositivité, la révélation de celle-ci à l'entourage, l'entrée dans la phase symptomatique sont des moments de fragilité psychologique. Les épisodes dépressifs majeurs sont fréquents, de pathogénie discutée. Certains patients infectés par le VIH appartiennent à des groupes à risque de troubles affectifs (homosexuels, toxicomanes IV, prostituées). La prévalence de la dépression augmente avec la progression de la maladie mais une enquête multicentrique de l'OMS a montré qu'elle était plus élevée dans les pays où l'épidémie était d'apparition récente et où la stigmatisation sociale et le rejet étaient marqués. La mortalité suicidaire très élevée dans les premières années de l'épidémie semble avoir régressé avec l'amélioration du système de soins, le changement de l'image sociale de la maladie et les avancées thérapeutiques. Le repérage de la pathologie dépressive est parfois malaisé. Des idées de culpabilité ou de dévalorisation, des moments de désespoir, un sentiment de mal-être peuvent s'observer sans pour autant s'inscrire dans un état dépressif caractérisé. Le diagnostic différentiel peut également se poser soit avec une aggravation de la maladie VIH lorsque prédominent l'asthénie, l'anorexie et les troubles du sommeil, soit avec une encéphalopathie VIH débutante lorsque surviennent des plaintes mnésiques, une inhibition intellectuelle, un repli sur soi. Des épisodes maniaques s'observent parfois. Les atteintes du système nerveux central, parfois révélatrices de l'infection à VIH, entraînent des tableaux neuropsychiatriques variables selon l'étiologie en cause. Lors d'atteintes encéphaliques dues à des affections opportunistes (toxoplasmose, cytomégalovirus, cryptococcose, polyomavirus, tuberculose, lymphome), la symptomatologie est souvent neurologiquement bruyante mais il y a des formes torpides à suspecter lorsqu'apparaissent des céphalées, une dysmnésie, des troubles du comportement. L'encéphalopathie liée au VIH
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Partie III. Psychopathologie
se traduit par des troubles cognitifs (bradypsychie, déficit de la mémoire et de l'attention), une apathie avec désintérêt et un syndrome moteur (akinésie, troubles de la statique et de la coordination fine). Elle évolue assez rapidement vers une démence de type sous-cortico-fontal. Le diagnostic peut se poser avec une forme démentielle de leucoencéphalopathie multifocale progressive, infection opportuniste due à un polyomavirus. La prévalence de l'encéphalopathie VIH (et peut-être celle des troubles psychiques réactionnels) pourrait avoir diminué avec les multithérapies (elle était de 15 % avant leur introduction), mais cet effet demeure incertain.
Affections cardiovasculaires Des manifestations psychiatriques sont retrouvées chez 20 à 45 % des patients souffrant de pathologies cardiovasculaires. Les troubles anxieux sont fréquents, particulièrement en cas d'arythmie ou de coronaropathie dont le diagnostic suscite la crainte de la crise cardiaque, de l'invalidité et de la mort subite. Une autre association préférentielle est celle liant le prolapsus de la valve mitrale (PVM) et le trouble panique. Son origine demeure discutée. Les troubles dépressifs sont également fréquents. Une dépression majeure survient ainsi chez 15 à 20 % des patients victimes d'infarctus du myocarde. En l'absence de rémission, la dépression peut compromettre l'observance thérapeutique et la réinsertion du patient. Elle représente en outre, pour les patients, un facteur de surmortalité cardiaque à moyen terme indépendant des autres facteurs [21], sachant que le risque de mortalité lié aux troubles dépressifs subsyndromiques semble équivalent à celui des dépressions caractérisées [10]. La capacité des traitements antidépresseurs à réduire cette surmortalité reste encore à évaluer [4]. Il est également des troubles cognitifs liés à l'insuffisance cardiaque et à l'hypoperfusion cérébrale, auxquels sont plus particulièrement exposés les sujets âgés. Ces troubles, réversibles avec le rétablissement de la fonction cardiaque, peuvent en imposer faussement pour une détérioration mentale organique ou une dépression. Lorsque la défaillance cardiaque est marquée, peuvent s'observer des tableaux confusionnels et/ ou délirants.
Les traitements cardiologiques peuvent être à l'origine de nombreux troubles psychiques. Sont ainsi reconnus comme potentiellement dépressogènes les antihypertenseurs centraux, les bêtabloquants et les digitaliques. Ces derniers peuvent en outre être à l'origine d'états confusionnels et parfois de convulsions, principalement en cas de surdosage.
Pathologies somatiques
observées dans le cadre des troubles mentaux et de leurs traitements Les troubles mentaux représentent un important facteur de risque d'affection organique. Les études de mortalité montrent en effet que la surmortalité observée chez les malades mentaux n'est pas simplement liée aux décès de cause « non naturelle » (suicides principalement), mais aussi aux décès de cause « naturelle », c'est-à-dire imputables, pour l'essentiel, à des pathologies somatiques. On estime ainsi que le ratio standardisé de mortalité (RSM) « naturelle » des malades mentaux est de l'ordre de 2,0 à 2,5. Les études de morbidité montrent, pour leur part, que près de 40 % des patients consultant ou hospitalisés en psychiatrie présentent une affection organique associée, la comorbidité étant d'autant plus fréquente que l'âge est avancé. Deux fois sur trois, l'affection organique représente un facteur causal ou aggravant pour le trouble mental. Fait important, elle demeure méconnue dans près de 50 % des cas, et cela en raison de plusieurs facteurs : les problèmes d'accès aux soins des malades mentaux, les difficultés présentées par nombre d'entre eux à percevoir leurs symptômes somatiques, à exprimer leurs plaintes, à rapporter leur histoire clinique et/ou à collaborer avec les soignants, représentent les premiers motifs de méconnaissance ; la réticence des psychiatres traitants mais aussi celle de nombreux somaticiens à examiner les malades mentaux et à les prendre en charge somatiquement représentent un second facteur, tout aussi important, de méconnaissance. L'identification et le traitement des pathologies organiques associées sont pourtant de la plus haute importance, non seulement pour leur propre évolution, mais aussi en raison
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Chapitre 15. Troubles somatoformes et intrications médicopsychiatriques
de leur impact sur les troubles mentaux avec lesquels elles interfèrent fréquemment. Ces comorbidités peuvent être liées au hasard, à l'impact psychique des maladies somatiques, mais aussi, dans certains cas, au fait que certains troubles mentaux peuvent favoriser la survenue ou le maintien de pathologies somatiques. L'idée selon laquelle l'activité mentale est susceptible de modifier l'activité somatique, voire d'induire las survenue de maladies, est à l'origine de la psychosomatique qui a pu décrire un certain nombre de facteurs de vulnérabilité, essentiellement en termes de traits de personnalité. L'effet pathogène des troubles mentaux repose toutefois sur des mécanismes très divers : • il peut, tout d'abord, être lié aux troubles comportementaux de la maladie : parmi ceux-ci, les déséquilibres alimentaires, les abus de produits toxiques (alcool, tabac, produits illicites, etc.), l'exposition à des situations à risque (sexualité non protégée) et les tentatives de suicide peuvent en effet entraîner des dommages somatiques durables ; • mais il peut également être lié aux désordres biologiques et physiologiques associés à certaines maladies mentales, dont la persistance au long cours peut entraîner des effets pathogènes, ainsi qu'à leurs traitements.
Troubles anxieux [22] Les troubles anxieux (trouble de l'adaptation avec humeur anxieuse, attaques de panique ou trouble panique, trouble anxieux généralisé) s'accompagnent d'une surconsommation de soins médicaux. Les troubles anxieux paraissent majorer le handicap fonctionnel et le manque de bien-être ressentis par les patients, ainsi que le nombre de symptômes somatiques exprimés, aussi bien expliqués que non expliqués. La composante anxieuse apparaît donc comme étant à l'origine d'une part importante de l'altération ou des limitations de la qualité de vie ressenties par les sujets anxieux lorsqu'ils présentent une affection somatique. Elle pèse également sur le handicap fonctionnel perçu comme étant lié aux troubles physiques, au-delà de la sévérité objective de ce dernier. La responsabilité de l'anxiété en la matière
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est supérieure à celle d'une éventuelle composante dépressive associée. La comorbidité entre maladies cardiovasculaires et troubles anxieux est connue de longue date. La symptomatologie cardiaque comprend de nombreux symptômes physiques existant également dans le registre anxieux et elle s'avère volontiers pourvoyeuse d'anxiété du fait de l'importance vitale bien connue de cet organe et du ressenti permanent des modifications de la fréquence cardiaque selon le statut émotionnel. Mais, à l'inverse, la littérature suggère également que l'anxiété, plus que les affects dépressifs ou la colère, pourrait jouer un rôle significatif dans la genèse de la pathologie coronarienne. À l'appui de cette hypothèse, des études récentes ont mis en évidence une augmentation de la média de la paroi artérielle chez des patients anxieux [12].
Troubles de l'humeur Les troubles de l'humeur (trouble dépressif récurrent et troubles bipolaires) représentent un facteur de risque significatif pour le développement de pathologies somatiques. En atteste le fait que les formes les plus sévères de ces troubles s'accompagnent d'une mortalité « naturelle » double de celle de la population générale. Particulièrement marquée pour les décès liés aux maladies cardiovasculaires [3, 13, 19], cette surmortalité pourrait être liée aux perturbations biologiques induites par les troubles thymiques [9]. Ce constat n'est toutefois pas généralisable à toutes les pathologies somatiques. Ainsi, bien que très ancienne, l'hypothèse faisant de la dépression un facteur de risque pour le cancer, indépendant des autres facteurs (tabagisme, etc.), n'a pas pu être confirmée, malgré les nombreuses études longitudinales consacrées au sujet et quelques résultats parcellaires [11, 13]. Les troubles dépressifs s'accompagnent par ailleurs d'un risque de migraine important (ils concernent près d'un migraineux sur quatre), et plus encore s'il s'agit de femmes présentant par ailleurs au moins un épisode dépressif majeur au cours de leur existence. Les premiers troubles à se manifester seraient de type anxieux, avant que n'apparaissent les migraines, puis, éventuellement, le trouble de l'humeur. Les travaux portant sur les troubles bipolaires ont montré l'existence d'un risque élevé de pathologies
Partie III. Psychopathologie
cardiovasculaires (hypertension artérielle) [14], mais aussi de troubles endocriniens et métaboliques (diabète, notamment) [15]. Cette surmorbidité pourrait être liée à la mauvaise hygiène de vie de cette population (tabagisme, suralimentation avec surpoids et obésité abdominale). Le développement de la prescription des antipsychotiques dans ce trouble pourrait accentuer ce risque et l 'incidence de pathologies en lien avec l'obésité (hypertension, diabète, maladies cardiovasculaires, dyslipidémies, certains cancers).
Schizophrénies De nombreuses études attestent de l'existence d'une surmortalité naturelle chez les schizophrènes. Bien que ce phénomène concerne tous les types de schizophrénie, la surmortalité serait plus marquée pour le groupe des catatonies. Les pathologies responsables des ratios standardisés de surmortalité) (rapport entre mortalité observée et mortalité attendue selon l'âge et le sexe) les plus élevés ont varié au fil du temps. Au début du XXe siècle et jusqu'aux années 1940, la tuberculose, les pneumonies et les maladies infectieuses aiguës occasionnaient les plus forts taux de surmortalité chez les schizophrènes comme pour l'ensemble des malades mentaux. De nos jours, les maladies cardiovasculaires, les maladies respiratoires, les affections cérébrovasculaires sont les principales affections responsables de surmortalité dans la schizophrénie [5]. Certaines de ces pathologies peuvent être rattachées aux troubles métaboliques fréquemment observés chez les patients schizophrènes. Ces derniers présentent ainsi un risque élevé de syndrome métabolique [20]. Ce syndrome est caractérisé par la présence d'au moins trois des facteurs de risque suivants : • intolérance au glucose (glycémie à jeun ≥ 1,1 g/L) ou un diabète ; • hypertriglycéridémie (> 1,50 g/L) ; • HDL-cholestérol (High Density Lipoproteins) diminué (hommes < 0,40 g/L ; femmes < 0,50 g/L) ; • obésité abdominale (périmètre abdominal > 102 cm pour les hommes ; > 88 cm pour les femmes) ; • pression artérielle systolique > 130 mmHg, ou diastolique > 85 mmHg ou traitement antihypertenseur [1].
Quarante à 60 % des patients atteints de schizophrénie ont une obésité, le risque relatif de développer un diabète de type 2 est chez eux le double de celui observé en population générale. Ceci est en partie imputable à l'hygiène de vie et à l'alimentation souvent perturbées de ces patients, mais aussi à l'utilisation croissante de certains antipsychotiques de nouvelle génération (clozapine, olanzapine), dont le profil pharmacologique particulier peut être vecteur de résistance à l'insuline [6]. Quoi qu'il en soit, ces troubles métaboliques se révèlent sensibles aux mesures éducatives nutritionnelles et aux thérapies comportementales développées en vue de leur prévention. Ils constituent à l'heure actuelle un enjeu majeur dans le suivi de ces patients. Les recommandations actuelles préconisent la surveillance régulière des paramètres cliniques et biologiques du syndrome métabolique afin d'en dépister précocement l'émergence et d'en faciliter la prise en charge [20]. Certains troubles cardiaques, notamment des troubles du rythme, sont favorisés par l'allongement de l'intervalle QT induit par la plupart des neuroleptiques. Les neuroleptiques classiques peuvent également être responsables de syndrome extrapyramidal, dyskinésies, cataracte, ostéoporose, myocardites. À l'inverse, certaines affections somatiques telles que la polyarthrite rhumatoïde semblent moins fréquemment toucher les patients atteints de schizophrénie [23]. De nombreux travaux épidémiologiques ont étudié les liens entre cancers et schizophrénies. L'hypothèse selon laquelle celle-ci constitue un facteur de protection contre le cancer n'a pas été confirmée. Plusieurs études ont toutefois observé une réduction ou une augmentation de risque pour certains cancers, variables selon le sexe ou l'origine ethnique. La nécessaire prise en compte de variables confondantes associées à la schizophrénie (tabagisme, alimentation, traitements antipsychotiques, niveau d'exposition solaire, etc.) rend toutefois difficile l'interprétation de ce résultat [7].
Conclusion Les comorbidités entre troubles mentaux et maladies somatiques demeurent encore très largement méconnues, en dépit d'un impact négatif et marqué sur le pronostic des pathologies associées.
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Chapitre 15. Troubles somatoformes et intrications médicopsychiatriques
Une meilleure reconnaissance des troubles comorbides repose sur une plus grande sensibilisation des psychiatres et des somaticiens au domaine des soins somatiques d'une part, et de la santé mentale, d'autre part [26]. Une fois diagnostiquées, les pathologies comorbides seront au mieux prises en charge dans un cadre pluridisciplinaire, sachant que de telles associations ne sont pas sans conséquences sur la thérapeutique, en termes d'adhésion aux soins, de relation médecin – malade et d'interférences négatives entre traitements et pathologies, notamment.
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