ABA en IME

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www.sciencedirect.com Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 61 (2013) 295–301

Cas clinique

ABA en IME ABA in institution for autistic children I. Allard Institut médico-éducatif « Les Petites Victoires », 21, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75010 Paris, France

Résumé Buts de l’étude. – L’abord comportemental est actuellement la méthode de référence pour la prise en charge de l’autisme. Cet article relate les résultats d’un centre comportementaliste pour personnes avec troubles envahissants du développement à Paris. Patients et méthodes. – Nous n’avons retenu que les 26 patients entrés avant l’âge de 18 ans avec au moins deux ans de prise en charge. À l’entrée, ils avaient un âge moyen de 7,4 ans (3 à 15), un CARS moyen à 40,2 (25,5 à 54), et un âge développemental moyen au PEP-R à 24,4 mois (6 à 48). La prise en charge consiste à enseigner les fonctions neurologiques qui ne se sont pas mises en place (la communication, la motricité, les coordinations. . .) ainsi que l’autonomie personnelle et domestique, les apprentissages scolaires. . . Elle se fait selon la théorie de l’apprentissage, avec félicitations et émotion quand la réponse de l’enfant est bonne et son comportement correct. Nous essayons de ne pas renforcer les comportements problématiques. Nous travaillons sur la motivation, et essayons que l’enfant ait les mêmes buts que nous. Autonomie, communication et agression ont été régulièrement évaluées à l’aide d’échelle de Likert. Résultats. – Après deux et cinq ans de prise en charge, nous avons constaté une progression significative en termes d’autonomie et de communication (p = 3,6 10−5 ). Un enfant a progressé de fac¸on spectaculaire. La plupart des autres a progressé à tous les niveaux mais aucun ne peut intégrer le milieu ordinaire en raison de comportements problématiques. Nous n’avons pas constaté d’amélioration significative de l’agression (p = 0,61). Après cinq ans, cinq adolescents présentent toujours des agressions sévères. Les variables à l’entrée prédictrices d’un progrès plus modéré sont l’âge, la sévérité de l’autisme (CARS) et la présence de comorbidité neurologique. Conclusion. – Dans notre expérience, la prise en charge comportementale de l’autisme donne de bons résultats parfois même excellents. Les agressions et le retard mental associés limitent l’enseignement. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Comportement ; Comportementalisme ; Autisme ; Troubles envahissants du développement ; Théorie de l’apprentissage

Abstract Aim of the study. – Today, behavior therapy is the reference method to deal with autism. This study is about the results of a French behaviorist center for people with pervasive developmental disorders (PDD), in Paris “Les Petites Victoires”. Patients and methods. – The center accepts any patient with PDD. All patients had mental retardation, and no other pathology. For the study, we included all 26 patients who enter before the age of 18, and who stay more than two years. The average age was 7.4 years (3–15), the average CARS score was 40.2 (25.5 to 54), and their mean developmental age at PEP-R was 24.4 months (6 to 48). In the center, we teach to recover neurological functions that did not appear in this population like in other children brought up in a normal environment (environmental perception, eye motor function, verbal and nonverbal communication. . .), self-care, housekeeping, and academic learning. We work with the learning theory, and we try to make every task pleasant for the child and we give him enthusiastic congratulations when he answers and behaves properly, and we try not to reinforce incorrect behavior. We also explain the child what he is expected to do and we try to make the child having good goals such as learning or behaving properly instead of making noise or attacking for example. Autonomy, communication and aggression were scored using a Likert scale. Results. – At two and five years assessments, we found a significant improvement in autonomy skills and communication (P = 3.6 10−5 ). One child improved dramatically in some months, she was three when she entered the center, now she is five and she is at school. All the children speak, (except two that have very severe mental retardation), and most of them are able to make sentences. All the children improved in self-care, and most of them in academic learning, but none is able to enter in normal life because of mental retardation, abnormal communication and odd behaviors. Aggression did not show improvement (P = 0.61). After five years, five children still have major aggressive behaviors. Predictors of poorer outcome include age, severity of autism (CARS score) and neurologic comorbidity. Adresse e-mail : [email protected] 0222-9617/$ – see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2013.04.008

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Conclusion. – Behavior therapy gives good results in TED, and sometimes, very good results. If children attack and if they are mentally retarded, teaching will be very complicated and very slow. © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Behavior; Behaviorism; Autism; Autism spectrum troubles; Learning theory

1. Introduction La fréquence de l’autisme et des troubles envahissants du développement (TED) augmente dans tous les pays [1]. En France, leur prise en charge suscite des débats parfois passionnels. La majorité des parents réclament des prises en charge comportementales. L’association au service des autistes et de la pédagogie (ASAP) a ouvert à Paris en septembre 2001 un centre comportementaliste : « Les Petites Victoires » sur le modèle du Kohai Center de Toronto [2] pour accueillir des enfants adolescents et adultes avec TED. Il est situé dans les arrondissements centraux de Paris où il y a une densité de population très importante, avec les risques liés (rues très passantes, absence de cour et d’espace vert, voisins dans le même immeuble). Depuis son ouverture, 26 enfants et adolescents ont été accueillis et sont restés au moins deux ans. La plupart avait des problèmes de comportement à leur arrivée à type d’agressions, et tous un retard de développement. Cet article détaille la prise en charge telle qu’elle est pratiquée à l’institut Les Petites Victoires, et les résultats. 1.1. Présentation de la prise en charge Le but de l’institut Les Petites Victoires est la non-exclusion : la priorité est la réduction des comportements qui vont faire exclure. La diminution de ces comportements va de pair avec l’enseignement de comportements de remplacement ayant la même fonction et avec le développement de compétences. Parmi les compétences à enseigner, la communication est une priorité : pour comprendre les consignes ou pour exprimer ce qu’on désire, ce qu’on ressent, mais aussi pour comprendre ce qui se passe entre plusieurs personnes. Le développement de la communication verbale et non verbale va rendre plus facile les autres apprentissages, notamment la compréhension des situations sociales. Le développement des compétences sociales est également prioritaire, car fondamental pour leur intégration. Cet enseignement doit être commencé le plus tôt possible et se faire en groupe. 1.2. Rôle de la rééducation Un enfant « normal » apprend spontanément dans un milieu normal [3]. Chez certains enfants, dont ceux avec TED, le développement se fait différemment et certaines fonctions ne se mettent pas en place malgré un environnement normal. Étant donné que le cerveau se développe grâce aux interactions avec l’environnement, le but de la prise en charge est de modifier les interactions afin de favoriser le développement de fonctions neurologiques qui ne s’étaient pas mises en place spontanément comme la perception de son corps, la perception des autres, la

communication, la motricité. . . en espérant que le cerveau puisse reprendre le cours normal de son développement [4]. 1.3. Organisation et programmes Le principe de l’établissement est que toute personne peut apprendre. La pratique est basée sur la théorie de l’apprentissage : un comportement suivi de quelque chose de positif pour la personne aura tendance à apparaître de plus en plus souvent [5]. Les programmes sont organisés comme ceux de l’école primaire : un emploi du temps avec des horaires, des lec¸ons. Chaque lec¸on est le support d’apprentissage et de rééducations. La communication et les habiletés sociales sont travaillées à chaque instant. Les programmes comprennent : des maths, du sport, l’apprentissage de l’habillage, un travail sur le recrutement et le maintien de l’attention. . . Les éducateurs mangent avec les jeunes car le repas est un temps d’apprentissage (organisation et préparation, mathématiques appliquées, praxies, diversification et surtout le social). Les programmes sont réalisés par le médecin et la psychologue, discutés ensuite avec l’éducateur et la famille, et revus selon l’évolution. Les locaux sont ouverts (type open space), ce qui permet supervision et évolution des programmes. Les programmes comprennent l’autonomie, avec les concepts en rapport (propre/sale, sec/mouillé, cuit/cru. . .), le vocabulaire (noms et verbes), les praxies. Ils sont faits de fac¸on à ce que l’enfant apprenne à s’organiser et fasse seul, et aussi qu’il regarde ce que font les autres, commente, pose des questions. . . Les enfants doivent être propres à leur entrée. Cependant, certains enfants arrivent avec des couches. Un travail est fait au préalable avec la famille pour qu’elle les enlève et commence à travailler la propreté. Ce travail se poursuit à l’IME. Nous leur enseignons à se laver les mains et à les essuyer, à se moucher, à se laver les dents. . . L’enseignement de l’habillage est inclus dans l’emploi du temps. Les enfants ont aussi un programme d’entretien des locaux. Ils apprennent à suivre une recette, en commenc¸ant par la liste de courses, les courses, puis laver, éplucher, suivre la recette (en images ou écrite selon le niveau). Tous les enfants ont des apprentissages scolaires au départ : le graphisme avec la précision donc un travail sur la motricité fine, les perceptions, la coordination oculo-manuelle. Le vocabulaire est appris en même temps (par exemple : feuille, cahier, stylo, ligne, bâton, rond. . .). Nous leur enseignons à trier selon un ou deux critères. Nous enseignons également l’orientation (haut et bas de la feuille, jusqu’à la ligne, en dessous/au-dessous de la ligne. . .). Les enfants apprennent le son de chaque lettre, puis la combinatoire ([ma] différent de [am]). Le graphisme et la lecture sont travaillés simultanément. Les concepts mathématiques sont enseignés également : notion de quantité, stratégies pour

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dénombrer une grande quantité, concepts « un peu, beaucoup, rien », le calcul avec le vocabulaire (« ajoute », « enlève », « c¸a fait », « il reste ». . .). Nous utilisons des objets du quotidien pour les manipulations, pour éviter par exemple qu’un enfant sache compter des jetons et pas les doigts de sa main. . . Un travail sur l’argent est également fait selon les niveaux. Au niveau moteur, les enfants autistes du fait de leurs intérêts restreints, de leurs anomalies sensorielles, et de leurs bizarreries ont souvent une motricité anormale : un enfant va faire de petits pas et ne sait pas courir, un autre marche en crabe et se frotte le dos sur les angles des murs, très peu ont le balancement des mains à la marche. . . Le programme de motricité a pour but de leur faire prendre conscience de leur corps, apprendre à contracter et décontracter un segment du corps, à prendre conscience de leur posture pour pouvoir la corriger. . . Il se fait à des temps précis et au cours de tous les actes de la vie quotidienne comme se déplacer dans les couloirs. . . 1.4. Travail avec les familles Deux réunions individuelles sont obligatoires : une en début d’année scolaire pour le projet éducatif, et l’autre en fin d’année pour le compte rendu. Nous voyons les familles plus souvent si nécessaire. À chaque fois, nous faisons une description des problèmes, une analyse fonctionnelle et nous réfléchissons ensemble à une organisation ou une stratégie pour diminuer un comportement problématique ou pour augmenter des comportements souhaitables. Si nécessaire, nous allons à domicile. Trois réunions de formations collectives ont lieu chaque année sur un sujet choisi par les familles. 1.5. Méthodes pédagogiques Pour les personnes avec autisme et retard mental, il n’y a pas à distinguer l’éducatif et le pédagogique. La thérapie de l’autisme est actuellement pédagogique [6]. On peut distinguer l’enseignement des compétences scolaires, des compétences pratiques du quotidien, et des fonctions déficitaires. La référence est la théorie de l’apprentissage [5]. L’enseignement par essais distincts et multiples tels que décrits par LOVAAS [7] n’est pas utilisé. Les enfants sont répartis en groupe d’âge et de niveau proche. Les groupes comportent deux, trois, quatre voire cinq jeunes avec un ou deux éducateurs. Le matériel est le plus naturel possible et l’environnement écologique. Il est plus facile d’enseigner « pain » avec un morceau de pain, qu’avec une image de pain. Cela permet également de travailler les perceptions, les praxies, le vocabulaire (arracher un morceau de pain, couper le pain avec un couteau. . .), d’enseigner les différentes parties (mie/croûte), d’apprendre à remarquer les miettes (motricité oculaire, perception), à les rassembler (motricité fine, coordination oculo-manuelle. . .), à les mettre dans la main puis dans la poubelle (motricité fine, motricité générale, coordinations. . .). Dans certains cas, des moments d’enseignement plus intensif en un pour un sont réalisés. Nous travaillons avec l’erreur : nous laissons faire l’enfant sans lui donner d’aide, s’il fait une erreur nous analysons ce qui s’est passé afin de voir ce qu’il n’a pas compris ; et nous

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enseignons alors l’étape qui n’avait pas été comprise. Cela peut être un problème cognitif, un problème neuropsychologique, un problème de vocabulaire. . . Les renforc¸ateurs extrinsèques ne sont utilisés qu’exceptionnellement. Le travail sur la motivation est constant (motivation à être grand, à lire, à faire du vélo. . .), sur le plaisir de faire avec l’éducateur, d’apprendre. Les personnes autistes n’ont souvent aucune idée de ce qu’on attend d’elles, aucune motivation pour des apprentissages ou pour la rééducation de fonctions qu’elles n’ont jamais eues et qu’elles ne savent pas que les autres ont. Certaines ont parfois des mauvais buts comme faire tomber les objets pour qu’ils cassent, ou faire mal par surprise pour qu’il y ait une réaction émotionnelle importante. . . Dans ce cas, il est très important de changer leurs buts. Nous utilisons très peu d’aide. Nous préférons enseigner à l’enfant le sens de ce qu’il fait. Ce travail est extrêmement long. Il implique de décortiquer tous les apprentissages, et d’enseigner par toute petite unité. À long terme, il est bénéfique car il permet une compréhension et donc une utilisation des concepts. Nous essayons de ne pas renforcer les comportements indésirables. Après avoir vérifié qu’il n’y a pas de problème médical, que le contenu de l’enseignement a un sens et est à la portée de l’enfant, nous lui expliquons que ce comportement n’est pas intéressant, qu’il l’empêche d’apprendre. . . et nous lui disons clairement ce que nous attendons de lui. Tous les membres de l’équipe éducative peuvent tout faire. Les éducateurs enseignent aussi bien les matières scolaires que le sport ou l’habillage. 1.6. Formation La formation et la supervision sont constantes par les psychologues et le médecin de l’établissement, ainsi qu’une supervision externe par une psychopédagogue du Kohai Center [2]. Elle est favorisée par l’organisation architecturale de l’établissement. Elle comporte des rappels théoriques et leurs applications, une analyse et une réflexion en commun autour de problèmes de comportement ou de difficulté d’enseignement. 2. Méthodes 2.1. Les patients Depuis son ouverture, l’établissement Les Petites Victoires a accueilli 38 enfants, adolescents et adultes. Nous ne retiendrons dans cette étude que les 26 enfants arrivés avant l’âge de 18 ans et restés au moins deux ans. Dix-sept ont plus de cinq ans de prise en charge. 2.2. Évaluation Les enfants sont évalués à leur arrivée à l’aide de plusieurs instruments : Childhood Autism Rating Scale (CARS) [8], PEP-R (profil psycho-éducatif révisé) [9] ainsi qu’aux moyens de grilles maisons évaluant les différentes fonctions à l’aide d’un score type Likert (motricité fine, générale et coordination, cognition. . .). Pour cette étude nous avons retenu les paramètres communication et agressions qui sont

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cotés selon un score à quatre niveaux : pour la communication : 0 = pas de communication, 1 = quelques mots ou signes, quelques mimiques, 2 = beaucoup de mots, des phrases simples, 3 = communication avec phrases complexes ; pour les agressions : 0 = pas d’agressions, 1 = pincements, griffures, 2 = morsures, coups avec hématomes, 3 = agressions entraînant des arrêts de travail. Les jeunes ont été évalués à deux ans et à cinq ans pour le score d’agression, le score de communication et les acquisitions au niveau de l’autonomie personnelle et domestique et du scolaire. 2.3. Analyses statistiques Les statistiques ont été réalisées à l’aide du logiciel grand R. Outre les statistiques descriptives pour rendre compte de l’échantillon, nous avons testé l’évolution des scores de communication et d’agressivité au cours du temps à l’aide du test de Friedman chi2 du fait des faibles effectifs. En cas de significativité, des analyses secondaires comparant score à l’entrée et score à deux ans, score à deux ans et score à cinq ans, score à l’entrée et score à cinq ans, à l’aide du test de Wilcoxon apparié avec correction Holm ont été réalisées. Par ailleurs, pour évaluer les variables prédictives du devenir, il n’était pas possible d’utiliser de régression du fait de la taille des effectifs. On a donc étudié les corrélations à chaque temps et déduit le modèle sur le score à l’entrée, puisque les scores à deux ans et cinq ans étaient très corrélés au score à l’entrée (voir résultats).

Fig. 1. Évolution du score de communication à deux et cinq ans. La figure présente chacune des évolutions au cours du temps (N = 26). Mis à part quelques exceptions, il existe une tendance nette à l’amélioration de la communication. L’évolution du score est significative (Test de Friedman Chi2 = 20,46, degré de liberté = 2, p = 3,6 10-5 ). Les analyses secondaires montrent que les progrès sont significatifs entre l’entrée et deux ans, entre deux et cinq ans, et entre l’entrée et cinq ans (test de Wilcoxon appariés avec correction de Holm: p = 0,00035; p = 0,0196; p = 0,006).

3. Résultats 3.1. Description de l’échantillon La description des enfants à l’entrée est résumée dans le Tableau 1. Ils avaient entre trois et 15 ans. La CARS était comprise entre 25,5 et 54 et l’âge développemental entre six et 48 mois. Quinze enfants sur 26 (58 %) agressaient dont deux pouvaient causer des blessures graves pluriquotidiennes entraînant des arrêts de travail. L’échantillon ne présentait pas de comorbidité en dehors de signes neurologiques : trois enfants avaient des problèmes neurovisuels et de coordination, un enfant présentait une épilepsie bien contrôlée par le traitement, et un autre des problèmes de coordination avec dysmorphie et obésité. Six enfants avaient une prescription de Rispéridone à leur arrivée en raison des comportements agressifs. 3.2. Évolution à 2 et 5 ans Les Fig. 1 et 2 présentent l’évolution de chaque enfant selon le score de communication et d’agression. Les scores de comportement agressifs n’ont pas évolué de manière significative (Fig. 1). En particulier, les cinq enfants qui agressaient de manière importante à leur entrée, agressent toujours après cinq ans à l’IME. D’un point de vue qualitatif, ces enfants ont fait très peu d’apprentissages sauf un, et ont tous eu des traitements par Rispéridone avec un effet modéré sur les agressions. Pour deux enfants, les agressions sont devenues très difficilement gérables après la poussée de croissance de la puberté. Les

Fig. 2. Évolution des scores d’agression à deux et à cinq ans. La figure présente chacune des évolutions au cours du temps (N = 26). La dispersion des trajectoires individuelles est plate dans l’ensemble avec quelques améliorations mais aussi quelques dégradations. Au total, il n’y a pas d’évolution significative (Test de Friedman Chi2 = 1, degré de liberté = 2, p = 0,61).

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Tableau 1 Principales caractéristiques cliniques des enfants à l’admission dans l’IME (n = 26). Âge Moyenne (écart-type) Valeurs limites

7,42 (3,49) 3–15 ans

Sexe Filles n (%) Garc¸on n (%)

7 (26,9 %) 19 (73,1 %)

Âge développemental

< 1 an : n = 12 (46 %). Entre 1 et 2 ans : n = 14 (54 %)

CARS Moyenne (écart-type) Valeurs limites

40,23 (6,41) 25,5–54

Lieu d’origine avant l’admission

Signes neurologiques associésb Oui n (%) Non n (%) Communicationc Moyenne (écart-type) [valeurs limites]

Agressiond Moyenne (écart-type) [valeurs limites]

Domicile : n = 10 Domicile + CMP : n = 5 HDJ : n = 3 Domicile + SESSAD : n = 2 Intégration scolaire : n = 2 Intégration scolaire + ABA dom. : n = 1 Intégration scolaire + SESSAD : n = 1 École spéciale en Belgique : n = 1 5 (19,3 %) 21 (80,7 %) 0 : n = 15 (58 %) 1 : n = 7 (27 %) 2 : n = 4 (15 %) 3: n=0 0 : n = 11 (42 %) 1 : n = 5 (19 %) 2 : n = 7 (27 %) 3 : n = 3 (12 %)

CMP : centre médico-psychologique ; CLIS : classe d’intégration scolaire ; SESSAD : service éducatif et de soins spécialisé à domicile ; HDJ : hôpital de jour ; ABA dom. : méthode comportementale à domicile. a 0 : moins de un an ; 1 : entre un et deux ans ; 2 : entre deux et cinq ans ; 3 : entre cinq et dix ans. b 0 : pas de signes neurologiques en dehors de l’épilepsie contrôlée ; 1 : anomalies neurologiques. c 0 : pas de communication ; 1 : quelques mots ou signes, quelques mimiques ; 2 : beaucoup de mots, phrases simples ; 3 : communication avec phrases complexes. d 0 : pas d’agressions ; 1 : pincements, griffures ; 2 : morsures, coups avec hématomes ; 3 : agressions entraînant des arrêts de travail.

modifications médicamenteuses n’ont pas apporté d’effets notables sur le comportement. Un a même été hospitalisé pour rechercher une cause organique et adapter le traitement mais sans amélioration. Sur le plan de la communication, la progression est significative (Fig. 2). Tous les enfants ont réussi à communiquer, sauf deux (retard cognitif sévère pour les deux, avec agression et instabilité pour un) pour lesquels les échanges communicatifs restent extrêmement limités. Tous les autres parlent et peuvent faire des demandes verbalement, ils savent tous attirer l’attention. Certains s’aident de signes. Treize (50 %) arrivent à faire des phrases en utilisant les pronoms je et tu sans erreur après deux ou cinq ans. Au niveau de l’autonomie personnelle, trois enfants n’étaient pas propres. La propreté dirigée a été acquise en un an environ. Ils en sont encore à ce stade actuellement (après deux ans pour deux, après cinq ans pour l’autre). Cela concerne des enfants avec retard mental important. Les 23 autres enfants font des demandes pour les toilettes. La moitié environ est autonome, les autres sont en cours d’apprentissage de l’essuyage. Deux enfants savaient

s’habiller à leur arrivée. Les autres ont appris à s’habiller, y compris faire les lacets, attacher sa ceinture, en deux ans environ, sauf quatre enfants dont trois avaient un petit niveau au départ et un de gros problèmes neurovisuels et praxiques. Pour ces quatre enfants, l’apprentissage se poursuit. En ce qui concerne l’autonomie domestiques, tous les enfants sauf cinq (trois qui ont un retard trop important, et deux qui ont quitté l’IME avant qu’on leur ait enseigné) savent faire une recette simple, entretenir les locaux (balayage, aspirateur), faire la vaisselle et ranger. En ce qui concerne l’enseignement scolaire, pour huit enfants qui, après plusieurs années, n’avaient pas d’acquisitions (pas de différence entre « rond » et « bâton » en graphisme par exemple), le scolaire a été arrêté au profit d’activités plus concrètes. Huit enfants sont de niveau primaire, huit enfants de niveau maternel. Deux enfants sont sorties à cinq ans alors qu’elles étaient de niveau maternel. Au plan individuel, on peut retenir qu’une enfant a très bien progressé. À son entrée, elle ne parlait pas, faisait de grosses colères, et ne savait que colorier. Après 18 mois, elle faisait des phrases complètes en utilisant les bons pronoms, parlait au passé et au présent, posait des questions, et avait un

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niveau scolaire supérieur à sa classe d’âge. Elle est sortie après deux ans pour être scolarisée normalement. Les autres enfants qui ont progressé sont encore dépendants de la prise en charge. Deux pourraient aller en établissement ou service d’aide par le travail (ESAT) dans les années qui viennent. Pour les autres, une poursuite du médico-social semble indispensable. 3.3. Variables prédictives de l’évolution pendant la prise en charge Du fait du caractère limité de l’échantillon, il n’était pas possible d’utiliser des méthodes de régression pour apprécier les variables prédictives. Comme expliqué dans la partie méthodes, nous avons donc étudié les corrélations pour les scores de communication et d’agressivité, entre le score à l’entrée et les scores à deux et cinq ans. Tous les scores d’agression étant à des coefficients de corrélation supérieurs à 0,8, on peut considérer qu’il suffit d’étudier les prédictions avec le score à l’entrée. Pour le score de communication, là encore les coefficients de corrélation entre les différents temps (admission, deux et cinq ans) sont tous supérieurs à 0,67. On appliquera donc le même raisonnement. Les variables prédictives pour le score d’agressivité qui ont été étudiées sont le score de communication, le niveau de développement, la présence de signes neurologiques, l’âge, et le score à la CARS. Sont significativement corrélés à un score d’agression plus élevé : les signes neurologiques (rho = 0,76 ; 95 % CI = 0,27–1) et l’âge (rho = 0,90 ; 95 % CI = 0,65–1). En d’autres termes, le score d’agression est plus élevé chez les enfants qui ont un ou plusieurs signes neurologiques et chez les enfants plus âgés. Le sexe étudié avec le test de Fischer n’apparaît pas significatif. Pour le score de communication, les variables prédictives qui ont été étudiées sont le score d’agressivité, le niveau de développement, la présence de signes neurologiques, l’âge, le score à la CARS et le sexe. Une seule variable apparaît significativement corrélée : le score à la CARS (rho = –0,39 ; 95 % CI = –0,75–002). En d’autres termes, plus le score à la CARS est élevé, c’est-à-dire plus la sévérité de l’autisme est élevée, plus le score de communication sera faible. 4. Discussion Nous sommes conscients que cette étude a des limites importantes en termes méthodologiques car elle est rétrospective, les scores de cotation n’ont pas été passés en insu, il n’y a pas de fidélité inter-juge, l’effectif est limité en taille, il n’y a pas de groupe témoin ni même d’appréciation des biais de recrutement. Il est important de garder à l’esprit ces limites. Cependant, et bien que les enfants aient plus de problèmes de comportement, un âge développemental plus bas, et un âge chronologique plus élevé à leur arrivée, les progrès en termes d’apprentissage sont conformes à la littérature en particulier pour ce qui concerne l’autonomie et les capacités de communication (Fig. 2) [10–12]. Nous n’avons pas constaté de progrès significatif sur l’agressivité. En termes de variable prédictive de progrès, nos résultats sont conformes aussi à la littérature,

puisque l’âge, la sévérité de l’autisme et la présence de comorbidité neurologique sont des facteurs limitant des progrès. En ce qui concerne l’âge, la plupart des études commencent avec des enfants plus jeunes, à partir de 18 mois et en général de moins de cinq ans [4,13,14]. Dans notre étude, l’âge moyen à l’entrée était de 7,42 ans. Il est difficile d’interpréter si les progrès modestes de certains enfants sont liés à l’âge tardif du début de la prise en charge comportementale ou si les difficultés de comportement associées à l’âge créent un biais de recrutement. Les études concernant les adolescents retrouvent des apprentissages possibles, ce que nous avons constaté, mais un impact limité sur leur vie [12,15]. Dans notre population, les mauvais résultats des adolescents le sont à cause des agressions. Dans notre population, les agressions majeures ont un impact négatif sur l’évolution, ce qui est retrouvé par d’autres [16], et ne sont que modérément améliorées tant par la prise en charge comportementale proposée (Fig. 1) que par les traitements médicamenteux. Certaines études semblent montrer que les comportements problématiques peuvent être réduits et même disparaître avec les prises en charge comportementales [17,18] mais avec des procédures aversives quand les agressions ne répondent pas à des procédures non aversives, ce que nous n’avons pas fait. Quant à l’utilisation des traitements, certains auteurs ont fait des méta-analyses ou des revues de la littérature [12,19] et ne retrouvent pas de preuve d’efficacité de la Rispéridone dans les comportements agressifs, seulement une tendance, ce qui est en accord avec nos observations. Certains auteurs suggèrent qu’il pourrait être important de diagnostiquer rapidement les enfants qui ont un pronostic plus mauvais, afin de proposer des interventions plus spécifiques [20]. En conclusion, on retiendra de cette étude rétrospective portant sur 26 enfants et adolescents avec TED et RM, et suivis plus de deux ans par prise en charge comportementale, que la plupart des enfants ont progressé, parfois de fac¸on très spectaculaire, dans tous les domaines sauf les agressions. En effet, les enfants et adolescents avec agressions à leur entrée ont un pronostic plus réservé. Déclaration d’intérêts L’auteur n’a pas transmis de déclaration de conflits d’intérêts. Références [1] Delobel M, Van Bakel ME, Klapouszczak D, Vignes C, Maffre T, Raynaud JP, et al. Prévalence de l’autisme et autres troubles envahissants du développement : données des registres franc¸ais de population. Générations 1995-2002. Neuropsychiatr Enfance Adolesc 2013;61:22–30. [2] Kohai Educational Center, 41 Roehampton ave, Toronto M4P 1P9. [3] Lagercrantz H. Le cerveau et l’enfant. Paris: Odile Jacob; 2008. [4] Dawson G, Jones EJ, Merkle K, et al. Early behavioral intervention is associated with normalized brain activity in young children with autism. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 2012:1150–9. [5] Skinner BF. The behavior of organisms: an experimental analysis. Cambridge, Massachusetts: B.F. Skinner Foundation; 1938. [6] Milcent C, Autisme : dépistage, diagnostic et intervention précoce : champs et limites d’action des différents partenaires 2012, communication personnelle (2012).

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