BRAIN RESEARCH
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ABSENCE D ' E F F E T S MARQUI~S DE L ' H O R M O N E H Y P O P H Y S A I R E DE C R O I S S A N C E SUR LA M A T U R A T I O N H I S T O L O G I Q U E D U C O R T E X CI~RI~BELLEUX C H E Z LE J E U N E R A T N O R M A L OU H Y P O T H Y R O I D I E N
A. REBI]~RE I~T J. LEGRAND*
Laboratoire de Physiologic Comparde, Facultd des Sciences, 34 Montpellier (France) (Accept6 le 24 mars, 1970)
INTRODUCTION
Chez le Rat, l'hypothyroidisme n60natal affecte le d6veloppement structural du cortex c6r6belleux15,16. Les modifications les plus nettes et les plus persistantes concement la croissance et la ramification de l'arborisation dendritique des cellules de Purkinje. Le d6veloppement des prolongements cellulaires est 6galement affect6 dans le cortex c6r6bral s ainsi que darts la moelle 6pini~re et le neff sciatique 3. La r6duction de l'allongement des axones et des dendrites pourrait bien ~tre la cons6quence de troubles de la biosynth~se des prot6ines, mis en 6vidence dans le systSme nerveux central immaturO,4,9,17. Mais la d6ficience thyroidienne est accompagn6e d'une d6granulation des cellules acidophiles de l'ad6nohypophyse 9°. Ces cellules synth6tisent ou emmagasinent l'hormone hypophysaire de croissance (STH)tg, z2, et on peut soupqonner les animaux hypothyro~diens de souffrir d'une d6ficience en STH. Or cette hormone, comme les hormones thyroidiennes, stimule la biosynth6se des prot6ines 13. Son administration ~t une rate gestante provoque des modifications de l'histogenbse c6r6brale chez les nouveau-n6s%Z4, 25. Donn6e au jeune rat normal ou rendu hypothyroidien, elle entraine une augmentation de la longueur moyenne des dendrites sans toutefois augmenter chez l'animal hypothyroidien leur capacit6 de ramification et permettre le retour ~t une organisation normaleL Enfin, lorsqu'elle est donn6e /t l'animal radiothyroidectomis6/t la naissance, la STH ram6ne la consommation d'oxyg6ne et de glucose, ainsi que la production d'acide lactique de tranches de cortex c6r6bral/t un niveau normal10; administr6e ~t partir de l'~ge de 10 jours, elle corrige aussi, selon Krawiec et al. 14, la diminution de la teneur en A D N du cortex c6r6bral ainsi que celles du rapport A R N / A D N * * et des activit6s de plusieurs enzymes ramen6es au mg d ' A D N , /t la fois dans le cortex c6r6bral et le cervelet. Ainsi, certaines des modifications de la maturation biochimique et structurale du syst~me nerveux observ6es dans la d6ficience thyroidienne pourraient ~tre corrig6es ou am61ior6es par la STH et en ce sens n'~tre pas sp6cifiques de l'hypothyroidisme. * Avec la collaboration technique de F. Caruso. ** ADN acide d6soxyribonucl6ique; ARN -- acide ribonucl6ique. Brain Research, 22 (1970) 299-312
300
A. REBI[iRE 1:1 ~. LEGRANI)
I1 6tait d o n c int6ressant d'6tudier, b. la lois chez l ' a n i m a l normal et chez I'animal r e n d u h y p o t h y r o i d i e n , Faction de la STH sur la m a t u r a t i o n histologique du cortex c6r6belleux et en particulier des cellules de Purkinje. Ces structures, tr/~s sensibles i~ l ' h y p o t h y r o i d i s m e , c o n s t i t u e n t un mat6riel favorable pour ce genre d'etudc. MATI~RIEL ET METHODES T r a i t e m e n t des a n i m a u x . Les a n i m a u x utilis6s sont des rats Wistar de la souche
C F du C.N.R.S. 61ev6s au laboratoire. La dur6e de la gestation ainsi que le m o m e n t de la mise-bas o n t 6t6 soigneusement contr616s. Le j o u r de la naissance, toutes les port6es o n t 6t6 r a m e n 6 e s / t 8 jeunes au m a x i m u m . TABLEAU I I~TUDE DE L'ACT1ON DE LA S T H
/[ge
Traitement
SUR LE CERVELET DES JEUNES RATS NORMAUX OU HYPOTHYROIDIENS
Nombre total Poids moyen Poids d' animaux (g) extrdrnes dtudi~s (g)
Nombre de cervelets dtudids selon Fune des techniques suirantes Crdsylviolet
8 jours
10jours
14jours
Normaux
6
18.5
15.9-23.0
Normaux dSTH (20/zg/j) 4
16.1
15.4-16.5
Normaux
3
23.5
22.3-24.8
Normaux STH(20#g/j) 4
22.4
21.6 24.0
Normaux
31.2
28.9 -34.7
18
GolgiCox
t2
Normaux ! STH 100 #g/j
21 jours
4
29.2
24.3-33.6
20 pg/j 10-15 ¢tg/j
14 6
28.7 30.2
26.6-31.3 21.1.-34.3
Hypothyroidiens
15
20.2
19.1-21.7
Hypothyroidiens + STH 100 ktg/j 3 20 ltg/J 16 10-15/~g/j 6
25.2 19.8 19.6
23.2-26.6 16.7-23.1 19.O--20.2
Normaux
6
39.3
34.7-48.6
Hypothyroidiens
6
24.8
21.2-26.8
Hypothyro'idiens d- STH 5 20/~g/j
23.0
19.3-25.7
Brain Research, 22 (1970) 299-312
5
1o
3 10
6
5
STH ET DI~VELOPPEMENTDU CERVELET
301
L'hypothyroidisme des jeunes a 6t6 obtenu par administration quotidienne de propylthiouracile (PTU) & la mbre, en gavage 5- l'aide d'une sonde stomacale, 5raison de 50 mg en suspension fine dans 2 ml d'eau. Le P T U a 6t6 donn6 d6s la fin de la gestation (en g6n6ral 5- partir du 18brae jour) jusqu'& la veille du sacrifice des animaux. Dans certaines port6es d'animaux normaux ou hypothyroidiens, les jeunes rats ont requ 20 #g/jour de STH sous un volume de 25 #1 (solution de Tyrode de pH 7.5-7.8). La majorit6 de ces animaux ont 6t6 sacrifi6s 5- 14 jours, 5-ge auquel s'observent les diff6rences les plus importantes dans le cervelet des rats hypothyroidiens 15. Quelques jeunes ayant regu l'hormone mais par ailleurs normaux ont 6t6 tu6s 58 et 10 jours, c'est 5- dire au moment off normalement se fait la diff6renciation histologique des p6ricaryons des cellules de Purkinje 15. Enfin, quelques animaux hypothyroidiens trait6s par l'hormone ont 6t6 sacrifi6s & 21 jours, afin de savoir si la STH est capable d'acc616rer la disparition de la couche granulaire externe du cervelet, dont on sait qu'elle persiste au-dels- de cet 5_ge chez les rats hypothyroidiens 15. Dans quelques port6es, les animaux normaux ou hypothyroidiens ont requ 100 #g/jour de STH sous un volume de 50/A ou encore 10 #g/jour pendant la premitre semaine post-natale et 15 #g/jour ensuite, sous un volume de 25/zl (eau sal6e acidifi6e, pH 5 5.5). Ces animaux ont tous 6t6 sacrifi6s 5- 14 jours. Pour chaque groupe exp6rimental, le nombre d'animaux finalement 6tudi6s, leur poids moyen ainsi que les poids extremes sont report6s dans le Tableau I. La STH employ6e est l'hormone d'origine bovine pr6par6e par les laboratoires Byla; 1 mg correspond 5- environ 1 U.I. Elle a 6t6 administr6e en injections sous-cutan6es. Les trois rats hypothyroidiens ayant requ I00 #g/jour mis 5- part, le poids des animaux trait6s par la STH n'6tait pas sup6rieur 5- celui de leurs t6moins (Tableau I).
Techniques histologiques Les animaux sont pes6s puis saign6s au coeur. Leur cervelet, rapidement pr61ev6 en entier en m~me temps que la protub6rance annulaire, est plong6 darts le m61ange fixateur.
Etude de la stratification du cortex cdrdbelleux et du degrd de diffdrenciation des pdricaryons des cellules de Purkinje Les pi6ces sont fix6es darts un m61ange d'alcool 80°C (90 vol.), de formol 30 ~/o en poids (5 vol.) et d'acide ac6tique (5 vol.), puis incluses 5- la paraffine apr6s avoir 6t6 sectionn6es selon le plan m6dio-sagittal. Les coupes m6dio-sagittales du vermis, faites 5. 4 ou 8 #m, sont color6es par le cr6syl-violet (solution 5. 1~o 16g~rement ac6tifi6e) et mont6es au baume du Canada. La coloration permet la mise en 6vidence des noyaux et de toutes les autres structures basophiles; elle fournit en particulier de bonnes images des corps cellulaires de Purkinje e t a permis l'6tude de leur diff6renciation histologique chez les animaux de 8 et 10 jours. Le nombre d'assises cellulaires de la couche granulaire externe a fourni une estimation de l'6paisseur de cette couche t8 chez les animaux de 14 et 21 jours. Six comptages ont 6t6 faits par animal, toujours dans la marne rdgion du cortex c6r6Brain Research, 22 (1970) 299 312
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a. REBll~RE ET J, LEGRAND
belleux, le long du sillon E, indiff6remment dans le culmen et le ddclive. La largeur de la zone mol6culaire a 6t6 mesur6e en # m au moyen d'un microm6tre oculaire chez les mSmes animaux. Six mesures par animal ont dtd l:aites eH diff6rents points du culrnen et du d6clive, le long du sillon E 6galement.
Etude du degrd de ddveloppement de l"arborisation dendritique des cellules de Purkhzje Le fixateur est le m61ange de Golgi-Cox. Le cervelet est plong6 dans un grand volume de ce m61ange pendant deux mois '2 l'obscurit6 et '2 la temp6rature de 16* '2 18°C. I1 est ensuite sectionn6 en deux moiti6s selon le plan m6dio-sagittal, d6shydrat6 et inclus '2 la celloidine. Des coupes m6dio-sagittales du vermis, de 100 ou 150 #m, sont trait6es par une solution d'ammoniaque puis par une solution de chlorure d'or; elles sont enfin fix6es par une solution d'hyposulfite de sodium. Cette technique permet une bonne impr6gnation d'un certain nombre de cetlules de Purkinje. A l'aide d'une chambre claire et scion une m6thode d6j'2 d6crite L-', les cellules de Purkinje dont le panache dendritique n'est pas sectionn6 par le plan de coupe sont projet6es sur une cible form6e de cercles concentriques. La distance entre deux cercles successifs, compte tenu du grandissement du systbme, repr6sente 20 #m. La base de la dendrite primaire est plac6e sur le centre de la cible et les intersections des projections des dendrites avec chacun des cercles sont d6nombr6es. Toutes les cellules appartenant au culmen et au d6clive ont ainsi 6t6 6tudides chez les animaux "~gds de 14 jours. Pour les animaux d'un m6me groupe exp6rimental, les moyennes obtenues pour chaque distance de la base de la dendrite primaire permettent la construction d'un tract fournissant des indications sur la croissance et la morphologie de l'arborisation des cellules de Purkinje. Le rapprochement des trac6s facilite la comparaison du degr6 de d6veloppement de cette arborisation entre les diff6rents groupes (Fig. 17). En outre, chez les animaux de 14 jours, la longueur de la dendrite primaire de toutes les cellules de Purkinje convenablement impr6gn6es a 6t6 mesur6e au /~m pros sur une seule coupe m6dio-sagittale du vermis. La longueur mesurde est celle qui sdpare la base de la dendrite primaire de la premi6re bifurcation importante. Chez les animaux hypothyroidiens, elle est double de la normale. Cette anomalie est persistante et devient irr6versible quand aucun traitement par les hormones thyroidiennes n'est administr6 avant la fin de la deuxi6me semaine post-natale 21. La longueur de la dendrite primaire constitue done un crit6re de choix pour caract6riser la morphologie de l'arborisation dendritique des cellules de Purkinje. RESULTATS
Stratification du cortex c&dbelleux (Tableau II) Chez les animaux hypothyroidiens de 14 jours, l'6paisseur de la couche des grains externes est plus grande et la largeur de la zone mol6culaire deux lois plus petite que chez les animaux normaux du mSme ~.ge. L'6paisseur de ces couches n'est pas modifi6e par l'administration quotidienne de 20/zg de STH, ni chez les animaux normaux ni chez les animaux hypothyroidiens (Figs. 1-4). A 21 jours, la couche des
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STH ET DI~VELOPPEMENTDU CERVELET
303
TABLEAU II I~PAISSEURDES COUCHESSUPERFICIELLESDU CORTEXCI~RI~BELLELrX Valeurs moyennes i: erreur standard. Age
Traitement des animaux
Nombre d' animaux dtudi~s
Couche granulaire externe (nombre d'assises cellulaires)
Couchemol&'ulaire (dpaisseur en #m)
14jours
Normaux
6
4.02 ± 0.15
107.22 ± 4.48
Normaux j- STH (20/zg/j)
6
4.21 3z 0.79
107.77 ± 2.55
Hypothyroidiens
5
5.23 ± 0.11"
55.71 ± 3.90*
Hypothyroidiens + STH (20/~g/j)
6
5.55 ± 0.06*
54.55 ~_ 1.01 *
Normaux
6
0.35 ~z 0.09
Hypothyroidiens
6
3.17 ± 0.16"
82.12 ~- 5.72*
Hypothyroidiens + STH (20 #g/j)
5
2.93 ± 0.19"
79.02 ± 4.39*
21 jours
i30.65 ± 4.86
* Difference significative avec les animaux normaux P < 0.001 (test 't' de Student). grains externes n'a pas disparu et pr6sente la m&ne 6paisseur chez t o u s l e s animaux hypothyroidiens, qu'ils aient regu ou non l ' h o r m o n e somatotrope. Le traitement par la STH n'acc616re donc pas la disparition de la couche granulaire externe chez l'animal par ailleurs normal, au moins jusqu'~t l'~tge de 14 j ours; il ne permet pas non plus sa disparition dans des d61ais n o r m a u x chez les animaux par aiUeurs hypothyroidiens; enfin, dans les deux cat6gories d'animaux, il ne provoque pas un accroissement plus rapide de l'6paisseur de la zone mol6culaire. Situation et diffdrenciation des pdricaryons des cellules de Purkinje
Chez les animaux n o r m a u x de 8 jours ayant requ 20 /zg/jour de STH, les p6ricaryons des cellules de Purkinje pr6sentent dans leur ensemble les m~mes caract6res d'immaturit6 que ceux des cellules d ' a n i m a u x t6moins de m~me ~,ge. Le traitement par la STH n'acc616re donc pas la diff6renciation histologique des corps cellulaires chez les animaux par ailleurs normaux. Chez les animaux hypothyroi'diens de 14 jours ayant regu 20 #g/jour de STH, la plupart des p6ricaryons des cellules de Purkinje pr6sentent, ~ l'inverse de ce que l'on observe chez les animaux n o r m a u x (Figs. 1 et 2), l'aspect immature caract6risant les animaux hypothyroidiens non trait& 5. l ' h o r m o n e somatotrope (Figs. 3 et 4). C o m m e chez ces derniers, ils ne s'alignent pas parfaitement selon une seule assise mais restent plus ou moins enfonc6s dans la couche granulaire interne. Bien que l'6tude des corps cellulaires n'ait pas 6t6 faite chez les animaux hypothyroidiens de 14 jours qui avaient requ 100 #g/jour de STH, le degr6 de d6veloppement de l'arborisation dendritique des cellules (Fig. Brain Research, 22 (1970) 299-312
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.,x. REBIi'RI:~ [:iI ,1, I~EGR.AN[)
Figs. 1-4. t2volution de l'6paisseur de la couche granulaire externe et de ta zone moldculairc chez les animaux de 14 jours (cr6syl-violet, 270). Fig. 1 : animal normal: Fig. 2: animal r]ormal : STH (20/~g/jour); Fig. 3: animal hypothyroYdien; Fig. 4: animal hypothyro~dien : STH (20 !~g/ jour). Noter la couche granulaire externe plus importante et la zone mol6culaire bcaucoul9 plus mince, les caract~res d'immaturit6 des cellules de Purkinje ainsi que leur disposition anormale chez les animaux hypothyroYdiens.
S T H ET DI~VELOPPEMENTDU CERVELET
305
Figs. 5 10. D6veloppement de l'arborisation dendritique des cellules de Purkinje chez les animaux ~tg6s de 14 jours (pr6parations Golgi-Cox, × 240). Figs. 5, 6, 7: animaux normaux; Figs. 8, 9: animaux normaux -I- STH (20/zg/jour); Fig. 10: animal normal + STH (100 ,ug/jour).
16) permet de penser que m6me avec ces doses le retard de diff6renciation du p6ricaryon n'est pas rattrap& Le traitement par la STH ne permet done pas chez les a n i m a u x h y p o t h y r o i d i e n s la diff6renciation histologique des corps cellulaires de Purkinje dans des d61ais n o r m a u x . Brain Research, 22 (1970) 299-312
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,~. REBIERE El' i [,EGRANt')
Figs. 11 16. D6veloppement de l'arborisation dendritique des cellules de Purkinje chez les animaux gtg6s de 14 jours (pr6paration Golgi-Cox, ;~ 240). Figs. 11, 12, 13: animaux hypothyroidiens; Figs. 14, 15: animaux hypothyroidiens ! STH (20 /,g/jour); Fig. 16: animal hypothyroJ'dien i STH
(lO01*g/jour).
D~veloppement de l'arborisation dendritique des cellules de Purkinje Croissance et ramification des dendrites. Chez les a n i m a u x de 14 j o u r s pal" ailleurs n o r m a u x , l ' a d m i n i s t r a t i o n de 2 0 / , g / j o u r de S T H n'entra]ne pas de modific a t i o n nette darts l'allure de l ' a r b o r i s a t i o n (Figs. 8 et 9 ~. c o m p a r e r aux Figs. 5 ~. 7). Brain Research, 22 (1970) 299.-312
STH ET DI~VELOPPEMENT DU CERVELET
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LRamihcations
o
60
12o
TEMOINS
111o
60
120
NORMAUX+STH
1110
0
60
120
HYPOTHYROIDIENS
0
60
120
[1
HYPOI HYROIDIENS*S1H
Fig. 17. Degr6 de d6veloppement de l'arborisation dendritique des cellules de Purkinje chez les animaux de 14 jours. En ordonn6es, les nombres de ramifications dendritiques rencontrdes aux distances de la base de la dendrite primaire port6es en abscisses. Lorsque la dose quotidienne de STH est de 100/zg, l'image histologique n'est pas diff6rente (Fig. 10). Toutefois, l'examen de la Fig. 17 montre que la STH provoque un discret allongement des terminaisons dendritiques, traduit par la 16g~re augmentation du nombre des intersections rencontr6es ~t des distances de la base de la dendrite primaire sup6rieure ~ 80/~m. Chez les animaux hypothyroidiens de 14 jours l'aspect de l'arborisation n'est pas am61ior6 par l'injection de STH, que ce soit ~t la dose de 20/zg ou ~ celle de 100 ~g/ jour (Figs. 14-16 ~t comparer aux Figs. 11-13). N6anmoins, on note encore sur la Fig. 17 une augmentation du nombre des intersections mais pour des distances de la base de la dendrite primaire inf6rieures h 80 #m. On pourrait donc penser que la STH a corrig6 au moins partiellement les troubles de l'organisation de la base de l'arborisation dendritique observ6s chez l'animal hypothyroidien 15. Un examen attentif des pr6parations montre qu'il n'en est rien: l'augmentation du hombre des intersections n'est pas dt~ ~t une 616vation du hombre des ramifications, mais au fait que l'allongement des terminaisons dendritiques qui reviennent vers le corps cellulaire entratne une 616vation du nombre des intersections avec les cercles de petit diam~tre. Ce trajet particulier des terminaisons dendritiques faisant retour vers la base de la dendrite primaire est caract6ristique des cellules de Purkinje des animaux hypothyroidiens 21. Ainsi l'organisation de la base de l'arborisation dendritique ne tend pas vers la normale aprbs traitement de l'animal hypothyroidien par la STH. Brain Research, 22 (1970) 299-312
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A. REBIERE ET ,!. 1.ISGRANI)
T A B L E A U III LONGUEUR DE LA DENDRITE PRIMAIRE DES CELLULES DE PURKINJE DES ANIMAUX DE [ 4 J(}I.IRS
Valeurs moyennes 3: erreur standard.
Traitement des animaux
Nombre d' animaux dtudids
Nombre de mensurations
Longueur de la dendrite prirnaire ( l~m)
Normaux N o r m a u x ÷ STH (20 #g/j) Hypothyroidiens HypothyroIdiens-~ STH (20/~g/j)
12 8 10
85 81 127
14.54 :L 0.84 14.09 -!: 0.72 33.11 ~= 1.12*
10
268
35.60 k 0.91"
* Diff6rence hautement significative avec les animaux n o r m a u x (test de cornparaison de 2 moyennes
fond6 sur l'6cart r6duit). Longueur de la dendrite primaire (Tableau I!1). La longueur de la dendrite primaire n'est pas modifi6e chez les animaux de 14 jours ayant requ 20 #g/jour de STH mais par ailleurs normaux. Chez les animaux hypothyroidiens du m~me ~tge, la longueur de la dendrite primaire est double de la normale 21 et cette anomalie persiste apr~s le traitement par la STH, ce qui montre encore que les troubles de l'organisation de la base de l'arborisation dendritique chez l'animal hypothyroidien ne sont pas corrig6s par l'hormone hypophysaire de croissance. DISCUSSION
L'hypophyse ne semble exercer un contr61e strict sur la croissance du Rat qu'apr~s la fin de la quatri~me semaine post-natale (voir Simpson et al.~Z). Selon Eayrs 7, l'administration quotidienne de 300/zg de STH 5- de jeunes rats par ailleurs normaux ou rendus hypothyroidiens 5- la naissance provoque une 16g6re augmentation de leur poids 5- 24 jours. Cette augmentation n'est significative que chez les animaux hypothyroidiens. Selon Diamond et al. 6, l'administration 5. des animaux par ailleurs normaux d'une quantit6 totale de STH 6gale soit 5. 21/zg, soit 5. 300/~g, en plusieurs injections entre 7 el 28 jours, n'entraine pas 5. 28 jours de modification de leur poids corporel. La quantit6 la plus faible (21 /tg) suffit par contre pour provoquer une augmentation du poids chez des animaux hypophysectomis6s 5. l'5.ge de 6 jours ~. I1 n'est pas possible sur une base purement pond6rale de comparer les doses employ6es ici 5. celles qui ont 6t6 utilis6es par ces auteurs. Cependant l'6tude histologique du tibia ('test tibia'), faite par ailleurs, a montr6 que des doses tr/~s inf6rieures de la m~me pr6paration hormonale 6talent actives sur la prolif6ration des cartilages de conjugaison. Quoique fortes, les doses qui ont 6t6 administr6es ne paraissent pas provoquer, pendant la p6riode 6tudi6e, d'augmentation du poids ni chez les animaux par ailleurs normaux, ni chez les animaux rendus hypothyroidiens par le PTU. Zamenhof et al. 25 ont observ6 que la STH administr6e 5. des rates gestantes provoque chez les nouveau-n6s une augmentation du poids du cerveau ainsi que de son Brain Research, 22 (1970) 299-312
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contenu en A D N sans 616vation du poids du corps. I1 6tait donc int6ressant d'6tudier l'action 6ventuelle sur la maturation structurale du cortex c6rdbelleux de cette hormone donnde apr~s la naissance ~t des doses ne stimulant pas la croissance pond6rale. Chez les animaux par ailleurs normaux recevant de la STH, l'6paisseur des couches p6riphdriques du cortex c6rdbelleux n'est pas augmentde (ceci permet de supposer que la croissance pond6rale de l'organe n'est pas sensiblement modifi6e, ce qui est en accord avec les rdsultats de Diamond et al.6); la raise en place d6finitive des cellules et, en particulier, la migration des grains externes, ne sont pas acc616r6es; enfin le d6veloppement des cellules de Purkinje (aussi bien la diff6renciation histologique de leur p6ricaryon que l'6dification de leur arborisation dendritique) reste enti6rement normal. Toutefois, l'hormone stimule tr~s 16g~rement l'aUongement des dendrites des cellules de Purkinje, de la m~me faqon qu'elle augmente 16g6rement la croissance des prolongements cellulaires dans le cortex c6r6bral de jeunes rats de 24 jours ayant requ des doses d'hormone entrainant un faible accroissement du poids corporel 7. Chez les animaux hypothyroidiens, la STH peut augmenter la taille des neurones du cortex c6r6bral ainsi que la longueur de leurs prolongements sans modifier leur mode de ramification 7. Elle demeure 6galement sans action sur les grands processus de maturation structurale du cortex c6r6belleux: elle n'acc61bre pas l'accroissement en 6paisseur de la zone mol6culaire, elle ne permet pas la disparition de la couche granulaire externe dans des d61ais normaux ni ne corrige les troubles du d6veloppement des cellules de Purkinje, particulibrement les anomalies de l'organisation du panache dendritique. Si elle est capable de provoquer ici encore un 16get allongement des dendrites, elle ne permet pas que leur mode de ramification redevienne normal. L'absence d'action morphog6n6tique de la STH dans le d6veloppement du cortex cdr6belleux chez le jeune rat normal ou rendu hypothyroidien/t la naissance est en accord avec l'absence d'effets de l'hypophysectomie pr6coce (~t 4, 5 ou 6 jours) sur le poids ou la morphologie du cerveau, sur l'6paisseur des couches du cortex c6rdbral, sur l'organisation des dendrites des cellules pyramidales 11 et sur le contenu en prot6ines du cortex c6r6bra112. Dans ce cas, la thyro~'de secrete probablement encore suffisamment d'hormone, ou l'animal regoit suffisamment d'hormone thyroidienne par le lait maternel, pour que la croissance et la maturation structurale de son syst~me nerveux soient sensiblement normales. II apparait ainsi nettement que la STH agit 6ventuellement de faqon discrete sur la croissance mais n'agit pas sur la maturation histologique des structures nerveuses. Par suite, les anomalies du syst~me nerveux observ6es dans l'hypothyroidisme cong6nital ne peuvent en aucun cas atre consid6r6es comme uniquement secondaires ~t une d6ficience en hormone hypophysaire de croissance. En ce sens, l'action morphog6n6tique des hormones thyroidiennes dans la maturation du syst~me nerveux est sp6cifique. On peut en d6duire que les troubles d'ordre biochimique provoquds dans le syst~me nerveux par la d6ficience thyroidienne et corrig6s par l'administration de STH, qu'ont 6tudi6s Krawiec et al. 14, ne sont pas ceux qui sont h l'origine des perturbalions d'ordre structural caract6ristiques de l'hypothyroidisrne.
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A. REBII~RE ET J. I.EGRAND
RI~SUMI~
L'action de l'hormone hypophysaire de croissance (STH) sur te d6veloppement du cortex c6r6belleux a 6t6 6tudi6e chez le jeune rat normal et rendu hypothyroi'dien dbs la naissance par le propylthiouracile. Chez les animaux normaux, la STH ne provoque pas d'acc616ration de la diff6renciation histologique des p6ricaryons des cellules de Purkinje. Elle n'entra]ne pas non plus d'acc616ration de la migration des grains externes, ni de la croissance en 6paisseur de la zone mol6culaire. Chez les rats hypothyroidiens, la STH ne corrige pas les troubles de l'etablissement de la stratification d6finitive du cortex c6r6belleux et du d6veloppement des cellules de Purkinje: la couche granulaire externe demeure importante/t 21 jours, et le retard el les anomalies de l'6dification de l'arborisation dendritique des cellules de Purkinje restent pr6sent6s. Dans les deux groupes d'animaux, Faction de la STH se manifeste toutetbis par un 16ger allongement des terminaisons dendritiques des cellules de Purkinje. La STH n'agit pas sur la maturation structurale post-natale du cortex c6rdbelleux. Les r6percussions de l'hypothyroidisme dans le d6veloppement du syst~me nerveux ne peuvent s'expliquer par une d6ficience hypophysaire en STH. SUMMARY
Lack of marked effects of pituitary growth hormone on the histological maturation of the cerebellar cortex in normal and hypothyroid young rats The action of pituitary growth hormone (STH) on the development of the cerebellar cortex was studied in the normal young rat and in rats that were made hypothyroid at birth by propylthiouracil. In normal animals, STH does not accelerate the histological differentiation of the Purkinje cell bodies. It accelerates neither the migration of the external granules nor the growth of the molecular layer. In hypothyroid rats that received STH, the establishment of the adult stratification of the cerebellar cortex is still disturbed; the external granular layer remains important at 21 days, and the delay and the abnormalities of the development of the dendritic arborization of Purkinje cells are still present. However, STH gives rise to a slight lengthening of the dendritic endings of Purkinje cells in normal and hypothyroid animals. STH does not act on the structural'maturation of the cerebetlar cortex after birth. The effects of hypothyroidism on the development of the nervous system are not due to a pituitary deficiency in STH.
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STH ET DI~VELOPPEMENT DU CERVELET
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REMERCIEMENT NOUS r e m e r c i o n s v i v e m e n t M . le P r o f e s s e u r D a u z i e r de s ' & r e int6ress6 / t c e travail et M . C h a r r i e r de l'lf:.cole N a t i o n a l e S u p 6 r i e u r e
Agronomique
de M o n t -
pellier d ' a v o i r 6tudi6 l ' a c t i v i t 6 b i o l o g i q u e de la S T H ernploy6e p a r le test ' t i b i a ' .
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