Hypertension artérielle pulmonaire
Actualité sur l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) « idiopathique »
E. Weitzenblum
L’HTAP idiopathique (1er chapitre de la nouvelle classification des hypertensions pulmonaires, voir tableau I du texte précédent) a bénéficié de progrès thérapeutiques considérables au cours des dix dernières années et ces progrès se poursuivent heureusement avec l’apparition de nouvelles molécules utilisées isolément ou en association avec les traitements « classiques ». De nombreuses présentations ont été consacrées à l’HTAP idiopathique et en particulier à la thérapeutique de l’HTAP idiopathique et des HTAP apparentées.
Données épidémiologiques
Service de Pneumologie, Hôpital de Hautepierre, 67098 Strasbourg Cedex, France.
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Deux études importantes de cohortes ont indiqué que l’HTAP idiopathique n’est pas réellement une affection orpheline et qu’elle est probablement plus fréquente que ce qu’on estimait il y a quelques années. M Humbert et coll. [1] ont présenté les résultats du tout nouveau Registre prospectif français des patients adultes (> 18 ans) porteurs d’HTAP. 686 patients ont été inclus à partir de 17 Centres, ce qui en fait la plus grande cohorte actuelle d’HTAP. La prévalence de l’HTAP est de 15 cas/million d’adultes. L’HTAP est idiopathique dans environ 40 % des cas, associée à une collagénose dans 15 % des cas, à des antécédents de prise d’anorexigène dans 12 % des cas. La prédominance féminine est nette (1,9 : 1). Au moment du diagnostic l’atteinte est généralement sévère avec 75 % des patients de classe fonctionnelle NYHA III et IV. Langleben et coll. [2] ont enregistré les nouveaux cas d’HTAP dépistés dans 13 centres nord-américains entre janvier 1998 et juin 2001. 1 335 cas ont été colligés dont 346 cas d’HTAP idiopathique. L’incidence de l’HTAP a été relativement stable au cours de cette période et les auteurs en déduisent qu’il n’y a pas eu d’ « épidémie » d’HTAP en relation avec la prise d’anorexigènes. L’association entre la prise de fenfluramine et de ses dérivés et le développement d’une HTAP est en accord avec les facteurs de risque précédemment décrits, notamment dans l’étude d’Abenhaim et coll. [3].
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La fréquence de l’HTAP familiale a été étudiée par le groupe de l’hôpital Antoine-Béclère (Sztrymf et coll. [4]) dans une très grande cohorte de 485 patients vus de 1983 à 2003 : 451 ont une HTAP idiopathique et 34 ont une HTAP familiale. La fréquence de l’HTAP familiale est donc de 7 %, ce qui est comparable aux résultats des statistiques américaines. Si l’on compare ces deux formes d’HTAP pour ce qui est des caractéristiques cliniques, de la survie, des données hémodynamiques pulmonaires et de la génétique, on n’observe guère de différences si ce n’est que le pourcentage de réponses (aiguës) aux vasodilatateurs est plus faible dans l’HTAP familiale et que les mutations BMPR2 sont plus fréquentes dans l’HTAP familiale. La surveillance et le traitement de l’HTAP familiale sont identiques à ceux de l’HTAP idiopathique. Wheeler et coll. [5] ont rapporté les données actuelles du Registre sur l’HTAP familiale, introduit aux États-Unis en 1994. Le Registre a inclus 81 familles et a collecté 324 échantillons à des fins d’analyse génétique. Sur 51 familles évaluées pour les mutations BMPR2, 27 (53 %) ont des mutations documentées. Par contre, les mutations BMPR2 transmissibles dans des cas non-familiaux (sporadiques) d’HTAP idiopathique sont relativement rares, présentes dans moins de 10 % des cas. Les mutations BMPR2 sont donc surtout l’apanage des formes familiales. Les facteurs de risque de l’HTAP varient en fonction du sexe, comme l’ont montré Chin et coll. [6] à partir de l’analyse de 167 cas d’HTAP d’apparence idiopathique recrutés dans un centre spécialisé sur une période d’un an. Le rapport femmes/ hommes est de 3,4 : 1. Un facteur de risque identifiable est retrouvé dans 66 % des cas, ce qui est considérable. Il s’agit le plus souvent de la prise d’anorexigènes (Fen-Phen) ou de « stimulants » (amphétamines, cocaïne), mais les différences entre les sexes sont importantes : 32 % des femmes, au lieu de 2,6 % des hommes ont pris de la Fen-Phen, association de fenfluramine et de phentermine largement consommée aux États-Unis il y a quelques années, alors que 37 % des hommes au lieu de 9 % des femmes ont consommé des ampphétamines et de la cocaïne. Parmi les facteurs de risque, les collagénoses n’arrivent qu’en 2e position chez les femmes (14 %) et en 3e position chez les hommes (8 %). Un facteur de risque identifiable est donc fréquent dans l’HTAP et il n’est pas le même selon le sexe.
Intérêt de la mesure du BNP sanguin dans l’HTAP La mesure du brain natriuretic peptide (BNP) est devenue routinière pour le diagnostic de l’insuffisance cardiaque gauche. Le BNP peut avoir également de l’intérêt pour apprécier la sévérité de la dysfonction ventriculaire droite en cas d’HTAP. Lossnitzer et coll. [7] ont montré chez 32 patients avec HTAP sévère (PAP moyenne = 52 + 15 mmHg) la pré-
sence d’une corrélation significative entre BNP et résistances vasculaires pulmonaires (RVP). La meilleure corrélation était observée entre le BNP et le test de marche de 6 minutes. Le BNP était 3 fois plus élevé chez les patients de classe NYHA III que chez les patients de classe II. Bogossian et coll. [8] ont comparé les niveaux de BNP et de pro BNP avec les données hémodynamiques pulmonaires dans une petite série de 18 HTAP idiopathiques (âge moyen = 35 + 9 ans, PAP moyenne = 65 + 15 mmHg). Il y a de bonnes corrélations entre BNP, pro BNP et données hémodynamiques pulmonaires, les meilleures corrélations étant observées à nouveau entre BNP et RVP. La mesure du BNP a certainement de l’intérêt dans le suivi des patients porteurs d’HTAP.
Actualités thérapeutiques Bosentan oral (Tracleer) Le bosentan oral (Tracleer), antagoniste des récepteurs de l’endothéline, peut être associé à l’époprostenol intraveineux (Flolan) dans les formes sévères d’HTAP (classes III et IV) et doit permettre en principe de réduire la posologie de Flolan et de diminuer les effets secondaires non négligeables de cette molécule, mais aussi dans certains cas, de « sevrer » certains patients du Flolan. C’est ce qu’ont montré Palewsky et coll. [9] qui ont utilisé le Tracleer en association au Flolan chez 61 patients avec HTAP. Au moment de l’introduction du Tracleer, le Flolan était utilisé en moyenne depuis 34 mois. 12 patients ont pu être sevrés totalement de Flolan. 9 patients sont décédés d’insuffisance cardiaque irréversible en dépit de l’introduction du Tracleer. Chez les patients restants, la posologie du Flolan a pu être réduite en moyenne de 45 %, ce qui est important. Sitbon et coll. [10] ont fait des constatations analogues à propos d’une série plus restreinte de 20 patients, recevant du Flolan, et de classe fonctionnelle I-II (donc franchement améliorés) lorsque le Tracleer a été introduit. Il y a eu 13 succès pour 20 patients, le succès étant défini par la possibilité d’interrompre (après une période de transition de 19 + 13 semaines) le Flolan et ne maintenir que le Tracleer. Ces données doivent être confirmées par l’étude de séries plus importantes, mais il est clair que, chez certains malades, le Tracleer permet le sevrage du Flolan. Benza et coll. [11] ont montré que l’adjonction du Tracleer au Trepostinil (prostacycline) sous-cutané dans des cas d’HTAP modérée à sévère permettait d’améliorer significativement les paramètres hémodynamiques pulmonaires, sans modification de la capacité d’exercice, ni de la classe fonctionnelle NYHA, mais l’étude était limitée à 11 patients. Antagonistes des récepteurs de l’endothéline plus sélectifs que le bosentan Des antagonistes des récepteurs de l’endothéline plus sélectifs que le bosentan sont actuellement disponibles, c’est le © 2004 SPLF, tous droits réservés
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cas du Sitaxsentan. Horn et coll. [12] ont présenté les résultats d’une étude multicentrique comparant l’efficacité à long terme de 2 doses (100 mg, 300 mg) de sitaxsentan, la durée médiane de traitement était de 26 semaines. Une majorité de patients (plus de 60 %) dans les deux groupes s’est améliorée au cours des 12 premières semaines de traitement. Le principal effet secondaire est une cytolyse hépatique dose dépendante. La dose de 100 mg/jour est la dose conférant le meilleur rapport efficacité-tolérance. Langleben et coll. [13] ont présenté les résultats d’une étude ayant inclus 11 malades traités pendant un an par sitaxsentan, initialement de classe fonctionnelle II ou III. Un patient décède après 7 mois de traitement. Tous les autres s’améliorent sur le plan clinique (tous les patients sont de classe II après 1 an) et la distance parcourue au test de marche passe de 385 + 116 à 436 + 82 m après un an (p < 0,04). Ces résultats préliminaires sont très encourageants. Sildénafil Le sildénafil, inhibiteur de la phosphodiestérase 5 (PDE5) a des propriétés vasodilatatrices pulmonaires reconnues. Une session sur les nouvelles thérapeutiques de l’HTAP a consacré une large part au sildénafil. – T Lincoln (Mobile, États-Unis) a rappelé le rôle fondamental du cGMP et de la protéine kinase G dépendante du cGMP dans la modulation du tonus vasculaire pulmonaire et dans le remodelage vasculaire pulmonaire. –IR Preston (Boston, États-Unis) a montré comment les inhibiteurs de PDE5, par leurs effets sur le cGMP et la protéine kinase G, peuvent entraîner une vasodilatation pulmonaire et une diminution de la prolifération des cellules musculaires lisses des vaisseaux pulmonaires. Il y a en fait de nombreuses familles de phosphodiestérases. Au niveau pulmonaire la PDE5 est la plus importante. Les inhibiteurs de PDE5 sont le dipyridamole, le sildénafil et le zaprinast. Ces molécules peuvent inhiber d’autres PDE que la PDE5. Il est démontré que l’inhibition de la PDE5, par le sildénafil par exemple, prévient l’apparition de l’HTAP aiguë expérimentale chez l’animal. Le monoxyde d’azote (NO) a des effets additifs et renforce l’action du sildénafil. En cas d’HTAP expérimentale chronique (hypoxique ou induite par la monocrotaline), le sildénafil a également des effets bénéfiques sur les pressions pulmonaires et sur le remodelage vasculaire pulmonaire. Les agents qui augmentent le cGMP, comme la prostacycline renforcent l’action du sildénafil. Sur le plan expérimental, les effets favorables des inhibiteurs de PDE5, et en particulier du sildénafil sur l’HTAP aiguë ou chronique (hypoxique ou induite par la monocrotaline) de l’animal sont donc bien établis. – NS Hill (Boston, États-Unis) a présenté les données actuellement disponibles concernant les inhibiteurs de PDE5 (essentiellement le sildénafil) chez des sujets sains et des malades atteints d’hypertension pulmonaire. Le sildénafil abolit la vaso7S84
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constriction pulmonaire hypoxique chez l’homme sain. Chez le patient porteur d’HTAP, le sildénafil, au même titre que le NO, est un bon vasodilatateur pulmonaire en « aigu ». Les effets vasodilatateurs pulmonaires sont majorés si le sildénafil et le NO sont associés. Les études de longue durée ont montré que le sildénafil a de bons résultats dans l’HTAP et notamment dans l’HTAP idiopathique. L’auteur a observé une amélioration franche de la dyspnée d’effort chez 13/18 patients. Il fait état d’autres études nord-américaines dont les résultats sont similaires. Il rappelle le travail de Ghofrani et coll. [14] qui ont observé que le sildénafil améliorait l’hypertension pulmonaire et faisait chuter de 25 % les RVP en cas d’association fibrose pulmonaire idiopathique-hypertension pulmonaire. – Une étude multicentrique et multinationale ayant inclus plus de 200 patients avec HTAP idiopathique ou associée à une collagénose et recevant 3 doses différentes de sildénafil vient de s’achever, les résultats seront disponibles prochainement, ils seraient bons d’après NS Hill. Dans l’ensemble, les résultats du sildénafil sont donc plutôt prometteurs, mais les indications de cette molécule dans le traitement de l’HTAP ne sont pas encore établies. Faut-il l’utiliser seule ou en association avec un autre traitement, par exemple un dérivé de la prostacycline ? Dans la discussion qui a suivi l’intervention de NS Hill, N. Voelkel (Denver, États-Unis) a fait remarquer vigoureusement que l’augmentation du débit cardiaque est minime sous sildénafil alors qu’elle est importante sous époprostenol (Flolan) et que l’amélioration symptomatique des patients avec HTAP sévère ne peut résulter que d’une élévation franche du débit cardiaque... – Le sildénafil peut être utilisé en association avec d’autres molécules : le monoxyde d’azote (NO) inhalé, le BNP, les dérivés de la prostacycline, etc. Dans la même session, MJ Semigran (Boston, États-Unis) a testé l’hypothèse selon laquelle le sildénafil augmenterait et prolongerait les effets vasodilatateurs pulmonaires sélectifs du NO. Il a investigué 14 patients avec HTAP et 10 patients avec insuffisance cardiaque congestive. Les patients reçoivent successivement de l’oxygène, du NO, et enfin du sildénafil + NO. Les effets hémodynamiques (aigus) de l’association sildénafil + NO sont significatifs : diminution de la PAP, augmentation du débit cardiaque, chute des RVP. En « aigu » le sildénafil a donc des effets additifs : il amplifie et prolonge l’action vasodilatatrice pulmonaire du NO. – J Klinger (Providence, États-Unis) a montré que le BNP, hormone cardiaque vasodilatatrice, associé au sildénafil et donné à des adultes porteurs d’HTAP, de classe NYHA II – III potentialise les effets vasodilatateurs pulmonaires du sildénafil : il s’agit d’une étude sur les effets de courte durée (effets « aigus »). – H Olschewski (Giesen, Allemagne) dont l’équipe a la plus grande expérience mondiale de la prostacycline inhalée (iloprost) a rapporté que l’association d’iloprost et de sildénafil donnait de bons résultats au long cours (18 mois en moyenne) dans l’HTAP sévère. Le traitement est initié avec l’Iloprost, il est poursuivi avec l’association iloprost-sildénafil. Le sildénafil a un effet additif incontestable.
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En résumé, le sildénafil va venir compléter sous peu la palette des traitements médicamenteux de l’HTAP et sous réserve des résultats des études multicentriques contrôlées actuellement en cours, on peut envisager qu’il puisse être prescrit isolément (comme l’est actuellement le bosentan) dans les HTAP de classe II-III et en association à la prostacycline, voire au bosentan dans les HTAP sévères de classe III-IV.
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Monoxyde d’azote Le monoxyde d’azote (NO) est un vasodilatateur pulmonaire utilisé surtout lors des tests de réversibilité en « aigu ». Dans la même session S Abman (Denver, États-Unis) a rappelé que l’utilisation du NO au long cours avait été exceptionnelle, sauf dans la BPCO où le NO pulsé, combiné à l’O2 avait donné de bons résultats hémodynamiques pulmonaires dans l’étude de Vonbank et coll. [15] ayant inclus 40 patients BPCO sévères randomisés en un groupe recevant de l’O2 et un groupe recevant de l’O2 + NO. La durée de l’étude était de 3 mois. L’élément d’appréciation principal a été l’évolution des RVP : elles chutent de façon plus importante dans le groupe O2 + NO que dans le groupe O2. Le NO a également été utilisé avec un certain succès dans l’HTAP liée à la drépanocytose, mais aussi dans la mucoviscidose où ses effets favorables sont surtout de nature... bactériologique (action sur Pseudomonas aeruginosa). Actuellement le NO, en dehors de la cardiopédiatrie, n’est pratiquement utilisé que dans des circonstances aiguës et pour des tests de réversibilité. L’utilisation sur une large échelle du NO pulsé associé à l’oxygène, pour des traitements de longue durée, peut être envisagée dans la BPCO d’autant plus que le NO, en dehors de ses effets vasodilatateurs pulmonaires, améliore les inégalités ventilation-perfusion.
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