Anorexie mentale à l’adolescence

Anorexie mentale à l’adolescence

Journal de pédiatrie et de puériculture (2010) 23, 30—50 ARTICLE EMC Anorexie mentale à l’adolescence夽 N. Godart a,∗,b, C. Lamas a, I. Nicolas a, M...

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Journal de pédiatrie et de puériculture (2010) 23, 30—50

ARTICLE EMC

Anorexie mentale à l’adolescence夽 N. Godart a,∗,b, C. Lamas a, I. Nicolas a, M. Corcos a a

Département de psychiatrie de l’adolescent et du jeune adulte, institut mutualiste Montsouris, 42, boulevard Jourdan, 75014 Paris, France b Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) U669, Maison des adolescents, hôpital Cochin 97, boulevard de Port-Royal, 75014 Paris, France

1. Introduction L’anorexie mentale (AM) est un trouble débutant le plus souvent à l’adolescence, dont l’expression clinique la plus visible est somatique (amaigrissement et aménorrhée) et alimentaire (restriction alimentaire et trouble des conduites alimentaires [TCA]), mais qui est en fait classé parmi les affections psychiatriques [1]. Cette affection fut décrite dès 1694 par Richard Morton, sous le nom de « phtisie nerveuse » devant un tableau clinique associant : un manque apparent d’appétit, un refus de nourriture, une aménorrhée, une hyperactivité, une constipation et finalement une cachexie. En 1883, Huchard lui donne son nom actuel d’AM [2] (cf. Crémieux, 1942, dans « en savoir plus »). La définition clinique classiquement utilisée de l’AM en France s’appuie sur « un tableau clinique très constant au travers des époques et des pays » [2], fondé principalement sur la triade symptomatique des trois « A » : un Amaigrissement important (ou une absence de prise de poids pendant la croissance), une fausse Anorexie, qui est en fait initialement une restriction volontaire, une Aménorrhée, primaire ou secondaire (précédant l’AM dans 20 % à 30 % des cas et disparaissant sous contraception orale). À ces éléments de définition clinique du trouble s’ajoutent, selon les classifications, des symptômes cliniques variables en fréquence et en intensité tels que : la peur de prendre du poids ou d’être grosse, même lorsque le poids est inférieur à la normale, une influence du poids ou de l’apparence corporelle sur l’estime de soi et l’existence ou non de crises de boulimie associées.

夽 Grâce au partenariat mis en place en 2010 entre la revue Journal de pédiatrie et de puériculture et l’EMC, les articles de cette rubrique sont issus des traités EMC. Celui-ci porte la mention suivante : Godart N., Lamas C., Nicolas I., Corcos M. Anorexie mentale à l’adolescence. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Pédiatrie, 4-002-U-50, 2010. Nous remercions les auteurs qui ont accepté que leurs textes, publiés initialement dans les traités EMC, puissent être repris ici. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (N. Godart).

0987-7983/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jpp.2010.01.002

Anorexie mentale à l’adolescence

Épidémiologie L’épidémiologie se propose d’étudier la fréquence des pathologies et leurs facteurs de risque. Or, pour cela, il faut définir précisément quel est l’objet considéré. Dans un souci d’homogénéiser la description des pathologies observées, se sont développées des classifications à but de recherche, qui définissent des « troubles » et non des maladies (les étiologies en étant inconnues). Ainsi, dans la littérature internationale, derrière le terme d’AM (anorexia nervosa), se cachent des classifications telles que la Classification internationale des maladies mentales version 10 (CIM-10) ou le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux quatrième version (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorder, fourth edition [DSM IV]) — classification la plus utilisée actuellement dans les recherches internationales — (Tableaux 1, 2). L’AM est soit de type restrictif, soit associée à des conduites boulimiques. Dans ces classifications, l’AM est définie presque de la même manière, à des nuances près. Les études épidémiologiques publiées à propos de l’AM ont été réalisées à l’étranger et aucune n’a été réalisée en France, ce qui fait cruellement défaut pour évaluer nos besoins sanitaires dans ce champ. La prévalence de l’AM varie dans les études en fonction des critères de définition utilisés et des populations étudiées. Selon les deux études les plus récentes, elle touche de 0,9 % à 2,2 % de la population générale féminine et de 0,25 % à 0,3 %, des hommes [3—5]. L’incidence et la prévalence de l’AM varient en fonction des études et des populations étudiées. Ainsi, l’incidence, selon la revue de la littérature de Hoek et al. [6], varie de huit cas pour 100 000 personnes par an parmi les consultants en médecine générale, à 270 cas pour 100 000 jeunes filles de 15 à 19 ans et 15,7 cas pour 100 000 jeunes garc ¸ons de 10 à 24 ans dans une population finlandaise de jumeaux [3]. La prédominance féminine est nette dans toutes les études : huit cas sur dix d’anorexie féminine [7].

POINT FORT L’anorexie mentale touche, dans huit cas sur dix, des jeunes filles ou des jeunes femmes et, dans deux cas, des jeunes garc ¸ons ou des hommes. Elle concerne de 2 % à 4 % des jeunes filles, en fonction de la définition des troubles utilisée, et son incidence aurait augmenté après 1945.

Il est difficile de savoir si l’AM est plus fréquente ou non actuellement qu’à d’autres périodes et si son incidence va croissant ou non. En effet, les études sont contradictoires. D’une part, leurs sources sont différentes (populations considérées, époques considérées, critères diagnostiques) et d’autre part l’incidence en population clinique (médecine générale ou soins spécialisés) dépend à la fois de la fréquence de la pathologie dans la population considérée, de la demande de soins, de la capacité des praticiens à faire le diagnostic de la demande, de la saturation ou non de l’offre de soins et des pratiques du lieu considéré. Une augmentation de l’incidence considérée en médecine générale peut refléter des variations à tous ces niveaux.

31 L’anorexie débute le plus souvent après la puberté, en moyenne, l’âge de début est de 17 ans pour l’AM (avec deux pics de fréquence autour de 14 ans et de 18 ans) [4]. Les patients traités dans les centres spécialisés dans l’AM ne sont pas tous strictement anorexiques selon les critères de DSM IV Text Revision. Plus de 20 % des patients anorexiques soignés dans des centres spécialisés dénient une partie des symptômes-clés de l’AM répertoriés dans le DSM IV. Ils nient leur peur de prendre du poids, se reconnaissent maigres et nient se percevoir trop gros. Cette situation est plus fréquente encore parmi les plus jeunes. Ces sujets sont qualifiés d’eating disorders not otherwise specified (EDNOS) ou formes subsyndromiques. Enfin, l’aménorrhée est inconstante dans l’AM et ce, d’autant plus que les prises de contraception orale [7] la masquent parfois. La durée d’évolution est variable en fonction des études, de 1,7 à 3 ans en population générale. Les taux de mortalité observés varient en fonction des populations considérées. Une étude récente fait état de 66 % de sujets guéris à 5 ans [3,4]. Les durées observées en populations cliniques sont plus longues [8]. Les formes subsyndromiques d’AM (qui associent certains des critères diagnostiques, mais pas tous) sont 2 à 3 fois plus fréquentes. Leur fréquence varie avec la définition retenue. Ce sont, soit des formes prodromiques de TCA, soit des formes résolutives, soit des formes évoluant sur un mode mineur ; elles seraient présentes chez 50 % des sujets consultant pour TCA [7]. Si elles n’atteignent pas l’intensité symptomatique des formes avérées, ces formes cliniques n’en ont pas moins des conséquences sévères sur le plan physique et psychologique. Ainsi, Johnson et al. [9] ont montré que l’existence de formes atténuées de TCA à l’adolescence est un facteur de risque important de développement de troubles physiques et psychiques à l’âge adulte (troubles anxieux, symptômes cardiovasculaires, syndrome de fatigue chronique, douleur chronique, troubles dépressifs, limitation de leur activité liée à une mauvaise santé, maladies infectieuses, insomnie, symptômes neurologiques, tentative de suicide). Dépister et traiter ces manifestations précocement est important, d’une part pour lutter contre leurs complications somatiques propres, d’autre part afin de prévenir les problèmes psychiatriques ultérieurs. Plus le délai est court entre le début des soins et le début de la prise en charge, meilleur est le pronostic [8]. Les classifications de recherche individualisent artificiellement l’AM, la boulimie et les troubles subsyndromiques, qui en fait évoluent souvent dans un continuum et en alternance au cours de la vie des sujets [10,11]. Cinquante pour cent des anorexiques développent des épisodes boulimiques et 20 % à 36 % des boulimiques ont des antécédents d’anorexia nervosa [7]. Seule la moitié des sujets souffrant d’AM est traitée pour ces difficultés [3]. Par ailleurs, l’AM est fréquemment associée à la dépression, à des troubles anxieux [12,13], aux troubles de la personnalité et, dans sa forme avec symptômes boulimiques, aux abus de substance [7]. Les antécédents d’abus sexuels [7,14] existent dans 20 % à 50 % des cas. Enfin, les antécédents familiaux de TCA, de dépression et d’anxiété sont fréquents [7,14].

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N. Godart et al.

Diagnostic positif et différentiel

Phase d’état

Le diagnostic d’AM est avant tout un diagnostic clinique. Les examens paracliniques interviennent essentiellement afin de dépister d’éventuelles complications et d’évaluer le retentissement de la dénutrition. À la phase d’état, la présentation clinique, stréreoypée, est évocatrice, regroupant la classique « triade des trois A ». Toutefois, le diagnostic peut être retardé dans les premiers mois d’évolution de la maladie par la mise en avant par le patient et l’entourage d’un symptôme isolé ou de plaintes fonctionnelles autour de la sphère digestive alimentant les rationalisations autour du comportement alimentaire perturbé.

Le diagnostic clinique est alors souvent évident. Les conduites de restriction, sous-tendues par la peur panique de prendre du poids et le désir de maigrir, ont un caractère actif et volontaire avec une lutte contre (pour) la sensation de faim, qui persiste tres longtemps lors de révolution et les différencie d’une anorexie « vraie ». Cette sensation de faim ne peut être reconnue par ces patients que dans un second temps, souvent avec honte et culpabilité, et lorsque les conduites de restriction sont mises à distance. La restriction, constante, présente un degrè variable mais crescendo, avec une éviction progressive et systématique des aliments sélectionnés en fonction de leur valeur calorique (et des modes en matière de diététique). Ces conduites de restriction s’associent à un ensemble de comportements et rituels évocateurs, centres sur l’alimentation et rapportés le plus souvent par l’entourage : tri des aliments, portions fractionnées indéfiniment, séquence des plats inappropriée, emploi de condiments en excès, dissimulation de nourriture, refus de participer aux repas familiaux, de consommer de la nourriture qu’ils n’auraient pas préparée eux-mêmes. Les rituels témoignent du caractère actif et envahissant de la conduite et visent à contenir l’anxiété liée à toute prise alimentaire vécue comme ménac ¸ante par le patient. Ils reflètent également l’intérêt excessif développé autour de la nourriture, illustré par les préoccupations croissantes du patient pour l’alimentation de ses proches : préparation de repas auxquels il ne participe pas, nouvel intérêt pour la diététique. . . Ces rituels et ruminations incéssantes autour de la nourriture vont s’accentuer et s’autorenforcer, en partie du fait de la dénutrition progressive. L’amaigrissement, constant, souvent rapidement supérieur à 10 % du poids idéal théorique, est secondaire et directement lié à la restriction alimentaire. II peut atteindre jusqu’à 30 % à 40 % du poids initial, menac ¸ant parfois le pronostic vital. Dans certaines situations, chez les patients les plus jeunes, il n’y a pas de perte de poids mais une absence de prise de poids qui aboutit à une situation de maigreur. Le diagnostic d’AM peut ainsi être posé quand le poids est inférieur à 15 % du poids attendu, soit un indice de masse corporelle (IMC) inférieur au dixième percentile chez les adolescents, ou à 17,5 kg/m2 chez les adultes [7,15]. La brutalité, autant que l’intensité de l’amaigrissement, constitue un indice de gravité. Plus cette perte de poids est rapide, moins elle est bien tolérée sur le plan somatique, avec un risque accru notamment de bradycardies, hypotensions et hypothermies. L’état de maigreur patent est dénié par le patient, qui ne s’inquiète de la perte de poids que pour la trouver insuffisante. La crainte d’être obèse, de prendre du poids, lors de la moindre prise alimentaire, est rarement exprimée d’emblée mais est omniprésente à l’esprit de l’adolescent, comme en témoignent les rituels fréquents autour de la balance (pesée pluriquotidiennes, postprandiales), la prise regulière des mensurations (tour de cuisse, de hanche, de taille) à la recherche de « rondeurs » éventuelles. Les distorsions de l’image corporelle, se focalisant autour de certaines parties du corps (cuisses, ventre, bras), constituent un élément central du trouble et vont persister souvent bien après la levée des conduites de restriction et la

Premières consultations Chez la jeune fille, l’aménorrhée, la constipation, la frilosité, voire des fractures de fatigue ou autres conséquences de la dénutrition peuvent motiver les premiers rendez-vous auprès du médecin traitant. De fait, l’aspect psychologique des troubles n’est pas toujours évoqué d’emble. Ces premières consultations interviennent fréquemment sur la demande insistante de la famille, dont l’inquiétude contraste avec l’indifférence apparente de l’adolescente.

POINT FORT Un amaigrissement avec un indice de masse corporelle normal ou bas chez un adolescent, associé à un désir de maigrir encore et/ou une absence de perception de sa maigreur, doit faire évoquer le diagnostic d’anorexie mentale.

II s’agit souvent d’une consultation chez le médecin de famille, généraliste ou pédiatre, avec des interrogations autour d’une maladie organique, la demande d’examens complémentaires afin d’expliquer l’amaigrissement récent et souvent déjà important de la jeune fille. Ce délai entre début des manifestations et premières consultations, ainsi que l’importance initiale de la perte de poids, constituent des facteurs pronostiques importants. On retrouve également souvent, lors de l’anamnèse de la patiente et de ses parents, l’allégation d’une surcharge pondérale survenue au moment de la puberté, le plus souvent absente ou minime, « justifiant » le début d’un régime alimentaire parfois initialement valorisé par l’entourage. Ces premières rencontres peuvent s’avérer difficiles dans la mesure où la jeune fille reconnaît rarement d’emblée le caractère pathologique des conduites de restriction, alléguant une perte d’appétit, des troubles digestifs fonctionnels ou un régime alimentaire « normal ». Certains indices peuvent cependant orienter le diagnostic vers un TCA débutant : rigidité des conduites de restriction ne tolérant aucun écart, culpabilité massive et anxiété en cas d’infraction aux règles fixées, systématisation de la conduite et accentuation rapide de la restriction, importance prise par la nourriture et le poids dans la vie de la jeune fille.

Anorexie mentale à l’adolescence reprise de poids. Toutefois, le déni portant sur l’importance du trouble de la perception de l’image du corps est important : 20 % des sujets traités dans un centre spécialisé pour les troubles alimentaires se trouvent maigres et nient un trouble de la perception de l’image du corps [16] et 28 % disent ne pas avoir peur de prendre du poids [17]. L’amaigrissement consécutif à la restriction alimentaire peut également être accentué par l’association, de manière plus ou moins évidente, à un ensemble de stratégies de contrôle du poids et de l’apparence corporelle. Ainsi, en dépit de la perte de poids et de la maigreur, l’adolescent affiche un sentiment de bien-être et de force allant croissant avec l’amaigrissement, et associé à un déni ou à une non-perception de l’état de fatigue. La reconnaissance, en consultation, de la fatigue physique et de l’état d’épuisement constitue d’ailleurs souvent un indice de gravité chez un jeune jusqu’ici dans le déni massif des troubles. L’hyperactivité physique [2,18,19] très fréquente, à des dégrès variables, constitue un élément presque aussi caracteristique que la restriction alimentaire et tout aussi difficile à modifier. Elle peut s’inscrire dans le cadre d’une demarche consciente et contrainte d’augmentation de la dépense énergétique et des calories consommées mais également, dans certaines situations, être vécue comme en dehors du contrôle du patient, notamment à un stade avancé de la maladie. Elle est souvent associée à une restriction volontaire du temps de sommeil et/ou à des troubles du sommeil et à une incapacité à s’accorder le moindre repos. Cette hyperactivité, plus ou moins évidente ou dissimulée à l’entourage, peut prendre diverses formes : trajets à pieds, refus de prendre l’ascenseur, longues marches imposées sans but, se tenir sur une jambe, etc., jusqu’à la pratique intensive et continue d’une activité sportive en dépit de l’état de maigreur. Ces activités, souvent solitaires, contraintes, s’exercent sans plaisir, de manière rigide et automatique. L’interruption de l’activité, ou l’impossibilité de la realiser selon les règles établies par le patient, génère une anxiété et une culpabilité importantes à l’instar de celles liées à l’effraction des règles alimentaires. Les conduites « ascetiques » (exposition au froid, refus de se vêtir, refus de s’asseoir) se rapprochent de l’hyperactivité par le but commun qui les sous-tend : s’alimenter le moins possible et maigrir. Les conduites de purge (vomissements provoqués, prise de laxatifs, de diurétiques. . .) sont à rattacher aux comportements de maîtrise du poids et de l’apparence corporelle. Les formes mixtes sont fréquentes et représentent jusqu’à 50 % des formes actuelles de l’AM. Chez un même sujet, des périodes restrictives ou boulimiques se succèdent classiquement au cours de l’évolution. L’anorexie est souvent restrictive initialement et peut s’associer secondairement à des crises de boulimies (50 % à 64 % des cas) ; parfois, l’anorexie est d’emblée associée à des vomissements ; mais rarement des vomissements précédent l’anorexie [10,20]. Ces conduites de purge constituent un facteur de gravité à ne pas méconnaître du fait de leur dangérosité propre (troubles biologiques et cardiovasculaires notamment). L’aménorrhée [21] demeure un symptôme cardinal de l’AM. Le plus souvent secondaire, elle peut, dans certains cas, être primaire chez des jeunes filles pour lesquelles les troubles débutent avant le début de la ménarche. Elle est consécutive à l’importance de la dénutrition et de l’exercice

33 physique à l’origine de modifications de la fonction gonadotrope avec le retour à un profil hormonal prépubertaire. Toutefois, des facteurs psychologiques pourraient intervenir indépendamment des effets de la dénutrition, comme en témoignent son installation dans près de deux tiers des cas avant un amaigrissement conséquent [22] et sa persistance souvent plusieurs mois après le retour à un poids normal. Le pourcentage d’aménorrhée persistante après le retour à un poids normal, au-delà de six mois à un an, varie selon les études de 13 % à 30 % [23,24]. Les taux d’estrogènes périphériques sont alors négativement corrélés à des symptômes clés de l’AM comme l’insatisfaction corporelle [25]. Le poids de retour des règles est, lui, positivement corrélé à celui de leur disparition, avec un écart de 1 à 2 kg de plus. L’aménorrhée peut être masquée par la prise de contraceptifs oraux ou de tout autre traitement hormonal substitutif présent face à un symptôme cliniquement « inexpliqué » ou inaugural. Cette aménorrhée est rarement perc ¸ue et présentée par la jeune fille comme un problème. Ce n’est que tardivement, et souvent chez des jeunes femmes plus âgées, que sont formulées des inquiétudes concernant cette absence de règles et son retentissement potentiel sur leur fécondité future. À ce tableau évocateur, s’associe une modification radicale de la personnalité de l’adolescent, souvent décrite par l’entourage plus que par le patient lui-même. On retrouve ainsi une restriction progressive des investissements relationnels et extrascolaires conduisant à un rapprochement et à un agrippement aux parents, notamment à la mère, à un âge plutôt marqué en principe par l’autonomisation et la découverte du monde extérieur à la famille[2]. L’hyperinvestissement scolaire est habituel et classique mais non constant. On retrouve dans ce domaine une recherche excessive de perfection, une quête anxieuse et toujours insatisfaite de résultats irreprochables, conduisant à des résultats bien meilleurs pour l’apprentissage que dans les domaines faisant appel à la créativité. La sexualité fait souvent l’objet d’un refoulement massif, tant dans ses composantes physiologiques, comportementales que dans sa dimension de désir. Parfois, la conduite anorexique peut s’installer après un premier émoi amoureux où l’éveil au plaisir et au désir exercent un effet de sidération, débordant les capacités de contenance de l’appareil psychique et conduisant à l’installation de la conduite anorexique comme mode de gestion et de mise à distance de la charge affective ainsi suscitée. L’un des éléments paradoxaux de ce tableau est l’absence de pathologie psychiatrique manifeste dans la plupart des cas. II est ainsi classique d’exclure de l’AM les tableaux cliniques où le refus d’alimentation est sous-tendu par des phénomènes délirants (craintes de la contamination, d’un empoisonnement) ou un épisode mélancolique. Ces comportements de maîtrise et de contrôle du poids, de l’alimentation et de l’apparence corporelle sont à comprendre dans leur ensemble comme des comportements défensifs, venant faire contrepoids et figer l’ensemble de la problématique sous-jacente, « gelée » par le caractère envahissant et, en un sens structurant, des TCA. Ce n’est que dans un second temps, en cours d’évolution et lors du renoncement progressif aux comportements de maîtrise, que vont fréquemment apparaître des manifestations dépressives ou

34 anxieuses. Ces symptômes sont majorés par la dénutrition [12,13] Tableau 1. .

N. Godart et al. Tableau 2 Critères Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorder(4th ed) de la boulimie. F 50,2 [307,51] Boulimie (bulimia nervosa)

Retentissement somatique, bilan clinique et paradinique à réaliser La plupart des anomalies physiques présentes chez ces patients sont secondaires à la perte de poids, aux restrictions (Tableau 2) alimentaires ou aux comportements de contrôle du poids (vomissements, abus de laxatifs, hyperactivité physique). Ces modifications sont pour la plupart réversibles avec la normalisation du poids et des conduites alimentaires. Le Tableau 3 [7] présente une synthèse des principales manifestations somatiques retrouvées chez ces patients. Les situations d’urgence, imposant une prise en charge rapide en milieu somatique, sont principalement liées aux conséquences hémodynamiques de la dénutrition et sont traitées plus loin. Le Tableau 4 [7] donne les recommandations quant aux examens à réaliser. Cette synthèse des données existantes

Tableau 1 Critères Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorder (4th ed) de l’anorexie mentale. F 50,0 [307,1] Anorexie mentale (anorexia nervosa) Refus de maintenir le poids corporel au niveau ou au-dessus d’un poids minimum normal pour l’âge et la taille, par exemple perte de poids conduisant au maintien du poids corporel à moins de 85 % du poids attendu, ou incapacité à prendre du poids pendant la période de croissance, conduisant à un poids inférieur à 85 % du poids attendu Peur intense de prendre du poids ou de devenir gros, alors que le poids est inférieur à la normale Altération de la perception du poids ou de la forme de son propre corps, influence excessive du poids ou de la forme corporelle sur l’estime de soi ou déni de la gravité de la maigreur actuelle Chez les femmes postpubères, aménorrhée, c’est-à-dire absence d’au moins trois cycles menstruels consécutifs. (Une femme est considérée comme aménorrhéique si les règles ne surviennent qu’après l’administration d’hormones, par exemple estrogènes.) Spécifier le type Type restrictif (restricting type) : pendant l’épisode actuel d’anorexie mentale, le sujet n’a pas, de manière régulière, présenté de crises de boulimie, ni recouru aux vomissements provoqués ou à la prise de purgatifs (c’est-à-dire laxatifs, diurétiques, lavements) Type avec crises de boulimie/vomissements ou prise de purgatifs (binge-eating/purging type) : pendant l’épisode actuel d’anorexie mentale, le sujet a, de manière régulière, présenté des crises de boulimie et/ou recouru aux vomissements provoqués ou à la prise de purgatifs (c’est-à-dire laxatifs, diurétiques, lavements)

Survenue récurrente de crises de boulimie (binge eating) Une crise de boulimie répond aux deux caractéristiques suivantes Absorption, en une période de temps limitée (par exemple moins de deux heures), d’une quantité de nourriture largement supérieure à ce que la plupart des gens absorberaient en une période de temps similaire et dans les mêmes circonstances similaires Sentiment de perte de contrôle sur le comportement alimentaire pendant la crise (par exemple sentiment de ne pas pouvoir s’arrêter de manger ou de ne pas pouvoir contrôler ce que l’on mange, ou la quantité que l’on mange) Comportements compensatoires inappropriés et récurrents, visant à prévenir la prise de poids, tels que : vomissements provoqués ; emploi abusif de laxatifs, diurétiques, lavements ou autres médicaments ; jeûne ; exercice physique excessif Les crises de boulimie et les comportements compensatoires inappropriés et récurrents surviennent tous deux en moyenne au moins deux fois par semaine pendant trois mois. L’estime de soi est influencée de manière excessive par le poids et la forme corporelle Le trouble ne survient pas exclusivement pendant des épisodes d’anorexie mentale (anorexia nervosa) Spécifier le type Type avec vomissements ou prise de purgatifs (purging type) : pendant l’épisode actuel de boulimie, le sujet a eu régulièrement recours aux vomissements provoqués ou à l’emploi abusif de laxatifs, diurétiques, lavements Type sans vomissements ou prise de purgatifs (non purging type) : pendant l’épisode actuel de boulimie, le sujet a présenté d’autres comportements compensatoires inappropriés tels que le jeûne ou l’exercice physique excessif, mais n’a pas eu régulièrement recours aux vomissements provoqués ou à l’emploi abusif de laxatifs, diurétiques, lavements

intègre les modifications liées aux pratiques observées sur le terrain en France et appliquées par nos équipes (elles sont signalées dans le tableau par le signe « * », ou justifiées dans le texte ci-dessous). Certains examens, jugés ici non fondamentaux, n’en sont parfois pas moins utiles dans certains services de spécialité habitués à un outil de travail (impédencémétrie) ; certaines investigations, comme l’ostéodensitométrie recherchant une ostéopénie, constituent des outils nécessaires à une amélioration de la prévention des complications. En l’absence d’antécédents personnels, familiaux, ou de signes évocateurs, un bilan lipidique et une évaluation des axes thyréotrope, gonadotrope, somatotrope ou corticotrope, nous semblent facultatifs. Le Tableau 5 rappelle le profil endocrinologique [26], réversible lors de la rénutrition, retrouvé chez ces adolescents(es).

Manifestations somatiques de l’anorexie mentale.

Clinique Présentation générale Faciès émacié, anguleux, ridé, peau sèche, ongles cassants, membres squelettiques, formes féminines effacées, lanugo, hypertrichose

Cas sévères

Impossibilité de passer de la position assise à la position debout sans s’aider des mains (fonte musculaire) Scarifications Pâleur, fatigue, intolérance au froid Acrocyanose, froideur des extrémités, voire troubles trophiques, œdèmes de carence État cardiaque, hémodynamique et pulmonaire Pouls ralenti, tachycardie de renutrition

Tension artérielle basse, hypotension orthostatique

Système nerveux Confusion Rarement convulsions

Examen paraclinique

Mécanismes physiopathologiques/ conséquences somatiques

Radio de thorax, silhouette cardiaque diminuée Échographie : épaisseur diminuée des paroi, parfois épanchement péricardique NFS : Anémie, leuconeutropénie avec hyperlymphocytose relative, thrombopénie et, exceptionnellement, dégénérescence graisseuse de la moelle

Dénutrition : fonte musculaire Hypoplasie de la moelle osseuse Carence martiale, déficit en folates

Électrocardiogramme quasi constant : bradycardie sinusale (plus ou moins arythmie respiratoire) allongement du QT et inversion de l’onde T Lorsque la dénutrition s’accentue peuvent apparaître : des bradycardies jonctionnelles, des troubles de la conduction auriculoventriculaire, des arythmies auriculaires et ventriculaires, tachycardie ventriculaire et fibrillation ventriculaire. Signes d’hypokaliémie Signes de péricardite Échographie cardiaque : prolapsus de la valve mitrale et plus rarement, de la valve tricuspide ; diminution de la masse ventriculaire gauche ; épanchement péricardique Anomalies pulmonaires : pneumomédiastin

Dysaul’onomie par augmentation de l’activité parasympathique

Idem aggravé par l’hypovolémie

Vomissements, laxatifs, diurétiques

Dénutrition majeure Potomanie 35

Hyponatrémie, hypoglycémie, troubles ioniques Imagerie par résonance magnétique : atrophie du tissu cérébral réversible (substance blanche et grise)

Anorexie mentale à l’adolescence

Tableau 3

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Tableau 3 (Suite ) Clinique

Examen paraclinique

Neuropathie sensitivomotrice par compression (rare) Troubles digestifs : constants Constipation, diarrhée

Digestion difficile, ballonnements Pancréatite (rare) Troubles hormonaux Aménorrhée, perte de la libido Hypothermie Arrêt de la croissance

Os et dents Ostéopénie, ostéoporose et fractures osseuses Retard de croissance et retard pubertaire (si début précoce)

Mécanismes physiopathologiques/ conséquences somatiques Hypercortisolémie

Transaminases et bilirubine conjuguée augmentées en cas de dénutrition majeure, insuffisance hépatocellulaire

Diminution de la motricité gastrique et intestinale et diminution des sécrétions acides de l’estomac ; prise de laxatifs

Hyperamylasémie

Fonction thyroïdienne : T3, T4 et TSH normale Fonction gonadotrope : hypoestrogénie, baisse de la LH et de la FSH Cortisolémie augmentée Hypertransaminasémie et stéatose hépatique Hypoglycémie, hyponatrémie

Dénutrition

Absorptiométrie : diminution de la densité minérale osseuse Élévation des phosphatases alcalines

Facteurs favorisant l’ostéopénie dans l’anoxerie Carence estrogénique, diminution de l’IGF-1, carence d’apport en calcium et en vitamine D, hypercorticisme, activité physique excessive Dénutrition

Augmentation de l’urée baisse de la créatinine Insuffisance rénale fonctionnelle

Déshydratation

État dentaire précaire (caries, déchaussements dentaires) Complications urologiques et néphrologiques Diabète insipide infraclinique Exceptionnellement : néphrolithiase, pollakiurie, incontinence urinaire

N. Godart et al.

Anomalies gynéco-obstétricales

Anomalies dans la régulation de l’hormone antidiurétique ou insensibilité à son action Potomanie, perte des muscle du plancher pelvien

Hypophosphorémie Hypomagnésémie, Cholestérol total et LDL-cholestérol négativement liés à l’indice de masse corporelle Carences en zinc et cuivre Autres troubles ioniques et métaboliques

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TSH : thyrostimulating hormone ; LH : luteinizing hormone ; FSH : follicle stimulating hormone ; LDL : low density lipoproteins ; NFS : numération formule sanguine.

Dénutrition

Troubles endocriniens Ovaires polykystiques

Fertilité diminuée

Dysfonctionnement hypo-thalamo-hypophysaire, régression à un stade prépubertaire avec hypoestrogénie, perte du rétrocontrôle positif, disparition des pics spontanés de LH, diminution de LH et FSH sériques, Échographie : pas de développement folliculaire

Dénutrition

Anorexie mentale à l’adolescence

Les examens complementaires sont présents afin d’apprécier le retentissement de la dénutrition et de mettre en évidence les signes de gravité éventuels mettant en jeu le pronostic vital. Il convient de rappeler que la mortalité est, dans 50 % des cas, liée à une complication somatique du TCA. Parfois, paradoxalement, l’absence de complications et le bilan biologique quasi normal contrastent avec l’ampleur de la dénutrition, donc un bilan clinique et biologique normal ne doit pas faussement rassurer. A contrario, nous souhaitons insister sur un point majeur : si un suivi somatique et un bilan médical sont indispensables, l’excès de prescriptions paracliniques, de surveillance rapprochée et/ou la déclinaison, sous forme de catalogue, à la patiente et à sa famille, de toutes les complications potentielles, ont des effets contreproductifs et délétères (fascination, accentuation du déni, décompensation anxiodépressive, installation d’un rapport sadomasochiste) (Fig. 1).

Formes cliniques L’AM prépubère fait l’objet d’un article distinct du traité de pédopsychiatrie de l’EMC [27]. L’individualisation de TCA chez le jeune garc¸on [28,29] est relativement récente et la prévalence sans doute sousestimée. Ceci s’explique en partie par l’importance de l’aménorrhée dans l’établissement du diagnostic (la diminution de la libido en constituant l’équivalent chez le garc ¸on), ainsi que par l’évolution longtemps supposée des formes masculines vers des troubles psychotiques. L’anorexie masculine est souvent décrite comme une copie de l’AM feminine, avec des caractéristiques psychiatriques, psychosociales, une évolution et un devenir similaires. Toutefois, certaines études soulignent des spécificités propres à ces formes masculines comme la fréquence de l’hyperactivité physique, les préoccupations marquées pour l’image corporelle et la moindre importance accordée au poids. Sur le plan des antécédents, des attitudes de restriction alimentaire seraient davantage susceptibles d’apparaître chez de jeunes garc ¸ons en cas de pratique sportive intensive, d’obésité (dans l’enfance et au début de l’adolescence) et de troubles de l’identité sexuelle. Orientation homosexuelle et obésité dans l’enfance constituent des facteurs de risque établis dans la littérature. La pauvreté de la vie sexuelle, les conduites homosexuelles sont à rapprocher d’un trouble de l’identité sexuée qui pourrait constituer un élément central de la problématique de ces adolescents. Sur le plan comportemental, il existe peu de différences avec les formes féminines. Toutefois, on peut souligner la moindre fréquence des formes restrictives pures, les conduites de restriction étant souvent associées à des épisodes boulimiques (50 % des cas) et à des conduites de purge (vomissements, prises de laxatifs). L’hyperinvestissement intellectuel serait également moins marqué, alors que l’hyperactivité physique est au contraire très fréquente. Les préoccupations concernant le poids et l’apparence corporelle seraient également assez différentes. Les hommes exprimeraient davantage le désir de perdre « leur graisse », afin de parvenir à l’idéal d’un corps musclé, que celui de perdre du poids. L’évolution serait assez proche des formes féminines. Le fait d’être un garc ¸on ne constituerait pas en soi un facteur de pronostic péjoratif. Ces jeunes garcons seraient également

38 Tableau 4

N. Godart et al. Bilan clinique et paraclinique à réaliser.

Chez tous les patients présentant des troubles alimentaires Examen clinique complet incluant la force musculaire (test assis, debout, sans les bras), examen cutané, fréquence cardiaque, tension artérielle, température, poids et taille (évaluation de l’IMC et du percentile pour les plus jeunes Évaluation du stade pubertaire de Tanner chez l’adolescent (recherche d’un retard pubertaire) Numération formule sanguine C réactivea protéine ou vitesse de sédimentation Ionogramme sanguin avec natrémie, kaliémie, chlorémie et réserve alcaline Glycémie Urée et créatinine (interprétation en fonction du poids) plasmatique Transaminases (ASAT, ALAT), Électrocardiogrammea Ostéodensitométrie « initiale », à répéter une fois par an (évolutivité parfois rapide)a En cas de dénutrition sévère (IMC < 13 kg/m2 ) réaliser en plus La température doit être surveillée et une hypotension orthostatique recherchée Évaluation métabolique : phosphorémie, magnésémie, glycémie Recherche d’une souffrance multiviscérale : taux de prothrombine, CPK Si anémie en fonction du type, doser ferritine, folatea Échographie cardiaque Bandelette urinaire avec recherche de protéines, leucocytes, hémoglobine, nitrites, acél’one et contrôle de la densité urinaire et du pH* Éventuellement : clairance de la créatinine sur urine des 24 heures Au cours d’une renutrition orale (ou entérale par sonde) Surveillance clinique Pesée au moins deux fois par semaine pour éviter une prise de poids trop rapide (> 1,5 kg/semaine en dehors de la correction d’une déshydration) Recherche d’œdèmes Test de l’acidité gastrique par bandelette réactive ou radiographie pulmonaire après pose d’une sonde gastrique Repère bien visualisable sur la sonde pour contrôler à vue un éventuel déplacement, et pour remise en place Surveillance biologique Ionogramme sanguin, phosphorémie, magnésémie et transaminases une fois par semaine Examens perturbés lors de l’évaluation initiale à répéter à un rythme fonction de l’importance des perturbations Cas particuliers Amylasémie Discutable si volonté du référent psychiatre ou somaticien de surveiller l’évolution des vomissements Indispensable devant un syndrome douloureux abdominal aigu, une amylasémie élevée conduisant à demander les isoamylases pancréatiques et une lipasémie Potomanie Surveillance de la diurèse, de l’ionogramme urinaire, de la densité urinaire Vomissements connus : examen stomatologique, surveillance du ionogramme En cas d’aménorrhée persistante après normalisation du poids : estrogène, LH, FSH, prolactine, échographie ovarienne pour les plus jeunes, à la recherche d’une maturation folliculaire IMC : indice de masse corporelle ; CPK : créatine phosphokinase ; ASAT : aspartate aminotransférase ; ALAT : alanine aminotransférase. LH : luteinizing hormone ; FSH : follicle stimulating hormone. a Choix de notre équipe, qui diffèrent des guidelines internationales.

davantage susceptibles d’être affectés par les complications osseuses de la dénutrition (ostéoporose et ostéopénie). En revanche, d’après les études internationales, les troubles psychotiques ne seraient pas plus fréquents au sein de cette population, contrairement à ce que l’on pensait jusqu’alors.

Diagnostic différentiel [7] En cas de signes d’appel somatique, on recherche toutes les causes possibles d’amaigrissement à cet âge, avec une

attention particulière sur deux diagnostics : une pathologie infectieuse (tuberculose) ou une affection digestive (maladie de Crohn). Mais il faut, en fonction de la clinique, penser à une tumeur intracérébrale, à un processus malin, à une pathologie inflammatoire ou endocrinienne (maladie d’Addison, panhypopituitarisme. . .). II faut éliminer des affections psychiatriques associées possiblement à des TCA et/ou un amaigrissement tels un état délirant associé à une anorexie ou un état dépressif avec amaigrissement. Le bilan paraclinique élimine ces diagnostics.

Anorexie mentale à l’adolescence Tableau 5

39

Profil endocrinologique de l’anorexie mentale (réversible à la renutrition).

Fonction thyréotrope

Fonction corticotrope

Fonction gonadotrope

Fonction somatotrope

Autres

Euthyroïdie clinique, avec LT4 et TSH normales et abaissement de LT3

Pas d’anomalies cliniques

Dysfonctionnement hypothalamohypophysaire, régression à un stade prépubertaire avec hypo-estrogénie

Baisse de l’hormone antidiurétique, de la leptine

Cortisolémie et cortisol libre urinaire augmentés

Perte du rétrocontrôle positif

Taux basal d’hormone de croissance souvent augmenté, mais réponse aux tests de provocation insuffisante Diminution de l’IGF-1 et des protéines de liaisons GHBP-IGF BP3

Disparition du rythme circadien du cortisol ACTH normale

Disparition des pics spontanés de LH

Ghréline et neuropeptide Y élevés

Diminution de LH et FSH sériques Prolactinémie normale ou légèrement élevée Réceptivité ovarienne normale

LT : lutéotrophine ; TSH : thyroid stimulating hormone ; LH : luteinizing hormone ; FSH : follicle stimulating hormone ; IGF : insulin-like growth factor ; GHBP : growth hormone binding protein ; ACTH : adrenocorticotrophic hormone.

Étiopathogénie L’AM est une entité psychiatrique dont l’étiopathogénie reste mal connue. II n’a pas été identifié, à ce jour, de causes directes de ce trouble. De nombreux modèles étiopathogéniques ont été développés. Certains s’intéressent principalement à une hypothèse étiopathogénique unique (par exemple : les troubles comportementaux et cognitifs ou la dimension génétique), alors que d’autres envisagent la question sur un plan développemental et intégrent de multiples modèles (ils considèrent alors des éléments aussi divers que les histoires familiale et individuelle du sujet qui comportent des éléments psychologiques, biologiques, génétiques et sociaux). Les deux abords de la question ont leurs limites. Le premier considère la question selon un angle de vue très réduit, qui ne permet que l’abord partiel (unidimensionnel) mais précis, d’un phénomène complexe. Ces hypothèses sont explorées au travers de recherches quantitatives empiriques. Cet abord a donné lieu à des modèles étiopathogéniques multiples et partiels (chaque courant théorique créant son modèle). Le second tente d’aborder la question en construisant des modèles multidimensionnels dit « intégratifs ». Ils intègrent les précédents et sont appelés « modèle bio-psycho-sociaux » (exemple : Garner[30]) qui, s’ils permettent une vue d’ensemble, ne sont pas, à ce jour, totalement satisfaisants. Ils prennent en compte des dimensions multiples, sans réellement connaître le poids et la place de chacune ; de plus, ils n’ont jamais été testés par des études prospectives quant à leur pertinence. En fait, ces deux approches, focalisées sur un axe ou globalisantes, sont complémentaires et permettent de construire

des modèles étiopathogéniques évolutifs que l’on espère de plus en plus pertinents [31]. Selon ces modèles intégratifs, l’AM se déclarerait chez des sujets prédisposés, à la faveur de facteurs déclenchants (insatisfaction du sujet sur lui-même, régime, puberté, deuil, séparation) et serait maintenu par des facteurs pérennisants (dénutrition, réaction des autres, nouvel équilibre psychique), réalisant un véritable cercle vicieux. Les facteurs prédisposants [31] sont, pour partie, individuels, familiaux et culturels. Ils sont nombreux et le plus souvent non spécifiques de l’AM : ils sont bien souvent des facteurs de vulnérabilité communs à d’autres troubles psychiatriques. Sur le plan individuel, il y aurait des anomalies biologiques potentiellement préexistantes au développement de POINT FORT L’hypothèse la plus consensuelle actuellement developpée est que les troubles des conduites alimentaires sont d’origine multifactorielle. l’AM (anomalies sérotoninergiques et/ou de l’axe corticotrope), qui seraient soit le résultat de particularisme génétique (l’héritabilité génétique serait plus importante pour l’AM que pour la boulimie), soit la résultante biologique d’évènements de vie périnataux ou de la petite enfance perturbant le développement psychologique (via des perturbations relationnelles et/ou des perturbations biologiques de l’axe corticotrope). Certains ont aussi fait l’hypothèse que des stress précoces ou des relations de mauvaise qualité avec les parents causeraient, comme cela a pu être démon-

40

Figure 1.

N. Godart et al.

Arbre décisionnel. Conduite à tenir face à un amaigrissement chez un adolescent.

tré chez le rat, des modifications du fonctionnement de l’axe corticotrope hypo-thalamo-hypophysaire responsable d’une réponse majorée aux stress, sur le plan psychologique et biologique. Ce terrain « généticobiologique » favoriserait l’apparition de l’AM en association, ou du fait de caractéristiques psychologiques associées. Parmi les caractéristiques psychologiques plus spécifiquement impliquées dans le développement de l’anorexie, sont clairement identifiés une estime de soi faible, un niveau de perfectionnisme élevé, des difficultés d’autonomisation et de gestion de la colère [19,20]. L’environnement familial a aussi un impact important au travers des échanges relationnels décrits dans les facteurs individuels, mais aussi par l’intérêt prononcé du milieu familial pour les régimes alimentaires et leur pratique, l’alimentation, la silhouette, et le poids qui est propice au développement de l’AM chez de jeunes sujets. Néanmoins, le facteur pronostique essentiel est la nature des difficultés psychopathologiques sous-jacentes à la conduite anorexique. Celles-ci peuvent être appré-

ciées indirectement par la qualité, la souplesse, la richesse du fonctionnement prémorbide et l’histoire du développement affectif et relationnel du sujet. Indirectement, la persistance ou non de relations satisfaisantes avec l’environnement familial, amical, sentimental, témoigne de la plus ou moins bonne capacité d’aménagement des relations interpersonnelles : autrement dit, de la mise en place préalable et de la préservation de possibilités d’étayage plus ou moins diversifiées sur l’extérieur, reflétant le fonctionnement psychique antérieur du sujet. De nombreux symptômes psychiatriques sont observés au cours de révolution, qui peuvent se comprendre à la lumière des données psychopathologiques sous-tendant ces conduites : la problématique de dépendance y est centrale, ce qui rend compte de l’apparition de ces troubles à l’adolescence, période de la puberté, lorsqu’il s’agit d’accéder à la sexualité génitale, d’achever ses identifications, de se séparer des parents et de s’insérer au monde des adultes. La qualité des intériorisations préalables et, correlativement, de l’estime de soi, qui s’est établie au

Anorexie mentale à l’adolescence cours de l’enfance, grâce aux liens noués avec les proches et aux composantes généticobiologiques de l’individu, se trouvent donc mises à l’épreuve par le stress majeur de la puberté, combiné ou non, selon les cas, à des évènements de vie, eux aussi, stressants (séparation, deuil. . .), ou la survenue d’éléments anxieux ou dépressifs. La restriction alimentaire alors rencontrée, soit par hasard (maladie aphagiante, vraie anorexie de la dépression), ou volontairement (régime), va rapidement, chez des individus prédisposés, prendre une fonction particulière. Dans un premier temps, la dénutrition apaise les tensions psychologiques (anxiété, dépression, troubles divers de la personnalité), en donnant au sujet un sentiment de maîtrise ; puis, dans un second temps, elle contribue à développer symptômes anxieux et dépressifs, que le sujet va tenter de colmater par un renforcement et une aggravation de sa restriction alimentaire, créant un véritable cercle vicieux. Croyant s’être affranchie de sa dépendance à autrui et de sa fragilité grâce à son symptôme, le patient se retrouve en fait doublement contrainte, toujours seul et désormais enfermé dans sa conduite [19].

Évolution et facteurs pronostiques L’évolution de l’AM à l’adolescence est variable. S’il n’est pas exceptionnel que l’évolution naturelle se fasse vers une guerison spontanée, le plus souvent, les patients ont besoin d’une prise en charge spécifique. Cette prise en charge est d’autant plus efficace qu’elle est démarrée précocement. L’enjeu est de taille : il s’agit en effet d’éviter les complications aiguës liées à la dénutrition, ainsi que de limiter les risques liés à la chronicisation de ces troubles qui s’accompagnent d’un taux de mortalité préoccupant. Cette évolution est nettement plus sévère chez les patients souffrant d’anorexie restrictive pure que chez les patients souffrant de syndrome boulimique ou hyperphagique [32,33,42]. L’évolution de ces troubles n’est connue que dans des populations traitées ; l’évolution de cohortes en population générale, avec ou sans soins, souffrant parfois de formes partielles d’AM n’est que tres mal connue.

Évolution à court terme L’AM chez les adolescents étant une pathologie qui s’installe souvent sur plusieurs mois, l’évolution des troubles à court terme se fait sur un à deux ans. Les complications à court terme sont largement dominées par les conséquences somatiques de la dénutrition et/ou des conduites de purge éventuellement associées : le pronostic vital peut alors être engagé, nécessitant une hospitalisation en urgence. Cependant, la comorbidité fréquente avec les troubles anxiodépressifs ne doit pas être négligée et, dans des situations d’urgence, le risque suicidaire doit être evalué. Si beaucoup d’études se sont intéressées au suivi au long cours de patients anorexiques, moins d’études se sont penchées sur l’évolution à court terme de ces adolescents. II en ressort néanmoins que l’évolution des patients anorexiques suivis est meilleure à long terme qu’à court ou moyen terme, et que les patients anorexiques restrictifs purs changent fréquemment de catégorie diagnostique de leur TCA au cours de l’histoire de leur maladie [10].

41 Parmi les facteurs pronostiques prédictifs de l’évolution à court terme, le fonctionnement familial sain et l’existence d’évènements de vie comme facteur déclenchant d’un épisode anorexique à l’adolescence sont des facteurs de bon pronostic pour l’évolution à un ou deux ans : les sujets perc ¸oivent une détérioration du fonctionnement familial à un an, mais une amélioration à deux ans [34]. Enfin, parmi les adolescents hospitalisés pour AM, une équipe s’est intéressée aux facteurs predictifs lies aux caractéristiques de la prise de poids pendant l’hospitalisation [35], il en ressort que la vitesse de prise de poids, supérieure ou égale a 0,8 kg par semaine pendant l’hospitalisation, est le seul élément prédictif retrouvé. Ces patients, qui ont pris du poids rapidement pendant l’hospitalisation, ont significativement moins souvent rechuté dans l’année qui a suivi la sortie de l’hopital que les autres patients. II n’est pas precisé s’il s’agit d’un lien de causalité ou d’un marqueur d’une bonne tolérance à la prise de poids chez des patients qui acceptent pendant l’hospitalisation de retrouver un poids normal.

Évolution à long terme Dans une revue des études de devenir portant sur des sujets adultes et/ou adolescents soignés en ambulatoire ou en hospitalisation et suivis au minimum quatre ans, les auteurs [8] concluent qu’à l’issue du suivi, en moyenne 44 % des sujets traités reprennent un poids proche de la normale et ont leurs règles, 24 % sont toujours en sous-poids, avec des règles absentes ou sporadiques. Les préoccupations concernant le poids et l’alimentation sont présentes dans deux cas sur trois et 40 % sont boulimiques. Cinq pour cent des sujets sont décédés. Nombreux sont les sujets, guéris ou non, à souffrir de troubles psychiatriques (dysthymie, troubles obsessionnels compulsifs, phobie sociale et abus de substances) [36]. Le pronostic est meilleur chez les sujets adolescents, avec 50 % à 70 % de guérison, 20 % de symptômes residuels et 20 % de chronicisation [16]. D’après une revue de la littérature réalisée par Katzman [37], les facteurs de mauvais pronostic chez les patients souffrant d’AM à l’adolescence sont donc le retard à la prise en charge, mais aussi les relations familiales difficiles, un IMC inférieur à 13 en début de prise en charge, l’association à un trouble de personnalité ou à une dépression, un nombre et une durée élevés des hospitalisations (l’hospitalisation sélectionné du fait des critères de sévérité et de résistance aux soins ambulatoires des sujets plus sévèrement atteints [38]). D’autres éléments cliniques tels que l’existence de vomissements provoqués et l’âge précoce de début des troubles constituent des facteurs de mauvais pronostic plus discutés, avec des résultats contradictoires selon les études [39].

POINT FORT Les troubles des conduites alimentaires évoluent toujours sur une durée longue de plusieurs mois à plusieurs années. Leurs complications somatiques et psychiatriques doivent etre recherchées avec attention, car elles grèvent le pronostic.

42

Évolution de la symptomatologie alimentaire Sur le plan clinique, l’évolution se fait souvent vers des formes mixtes associant des symptômes anorexiques, boulimiques et hyperphagiques. Ainsi, en ce qui concerne les patients anorexiques, des symptômes boulimiques ou hyperphagiques sont associés, dans près de la moitié des cas, soit d’emblée, soit secondairement. II est beaucoup plus rare que des patients souffrant d’anorexie-boulimie évoluent vers une symptomatologie restrictive pure [37]. L’évolution de l’AM est marquée dans près de la moitié des cas par des rechutes. Celles-ci ne constituent pas forcément un facteur de mauvais pronostic puisqu’il ne s’agit pas d’une répétition à l’identique : entre temps, le patient aura fait l’experience de sensations corporelles et des relations aux autres avec un poids normal, ce qui pourra l’aider petit à petit à dépasser ses angoisses de changement (Tableau 3) [2].

Mortalité L’AM est l’une des pathologies psychiatriques ayant le taux de mortalité le plus élevé. La mortalité semble moins importante chez les sujets soignés avant 20 ans [8]. Cinq pour cent à dix pour cent des adolescents souffrant d’AM décèdent des complications de leur pathologie, environ la moitié du fait des complications somatiques aboutissant à un arrêt cardiaque, et l’autre moitié par suicide. La mortalité par suicide est plus fréquente chez les patients ayant des conduites boulimiques. La mortalité des anorexiques chroniques est plus elevée encore [40] : mortalité prématurée de 15 % à 20 % avec plus de 20 ans de recul de suivi, ce qui répresente une mortalité de 0,5 % par année l’évolution, soit 12 fois plus que la mortalité attendue à cette période de la vie [41]. La plus grosse étude realisée à ce jour en population générale concernant la mortalité de l’AM (sur 6009 sujets hospitalisés en Suède pour AM entre 1973 et 2003) estime que la mortalité est 6,2 fois plus importante chez ces sujets qu’en population générale. Un âge de début précoce et une hospitalisation plus longue sont associés à un devenir meilleur, alors que les comorbidités physiques et psychiatriques assombrissent le pronostic. Les principales causes de mortalités observées dans cette étude étaient l’AM, l’abus de substances (principalement l’alcoolisme) et le suicide. La mortalité est maximale l’année qui suit la sortie de l’hospitalisation. Cependant, une étude centrée sur 748 adolescents, hospitalisés pour AM en Suède entre 10 et 26 ans [38], a montré une surmortalité de ces adolescents, en comparaison avec la population générale (4,5 % contre 0,9 %). Linblad [42] a montré qu’elle a diminué au cours du temps chez des sujets hospitalisés en Suède, ce qu’il attribue au développement de centres de soins spécialisés dans ce pays.

Évolution vers la chronicité En population générale, 66 % des sujets sont guéris à cinq ans [3,4]. De 15 % à 25 % des anorexiques évoluent vers la chronicité, dont il est licite de parler au-delà de cinq ans

N. Godart et al. d’évolution, même si à tout moment la guérison reste possible [43,44]. Le risque de chronicité est très important chez les jeunes anorexiques dont l’état n’est pas trop alarmant sur le plan pondéral, qui ne se mettent pas en danger de fac ¸on aiguë sur le plan somatique, mais qui stagnent pendant plusieurs années à un poids bas, avec une insertion sociale qui s’appauvrit et se restreint au fil du temps. Ainsi, sur le plan psychosocial, la persistance de symptômes anorexiques s’accompagne dans deux tiers des cas d’une dépendance familiale majeure, contre un tiers chez ceux qui n’ont plus de symptôme alimentaire. En revanche, l’insertion professionnelle et les relations interpersonnelles restent globalement plutôt bonnes malgré des difficultés d’adaptation sociale [8]. Une étude centrée sur 748 adolescents hospitalisés pour AM en Suède entre 10 et 26 ans [38], a montré un risque plus élevé de problème de sante (5,8 fois plus important) de dépendance financière (2,6) et moins de sujets ayant des enfants (0,6). L’évolution des patients boulimiques est souvent plus chaotique que celle des patients ayant un profil restrictif pur, avec des répercussions psychosociales plus lourdes [19].

Pathologies psychiatriques associées à l’AM Les pathologies associées les plus fréquentes sont l’anxiété et la dépression [12,13]. Les comorbidités de l’AM sont nombreuses [43,45]. Les plus fréquentes sont : • les troubles dépressifs, cette comorbidité est à la fois individuelle et familiale [13,14] ; • les troubles anxieux particulièrement l’anxiété généralisée, la phobie sociale[46] et les troubles obsessionnels compulsifs [12] ; • les abus de substances (alcoolisme, psychotropes, toxicomanie) : surtout quand il y a des symptômes boulimiques associés ; • les troubles de la personnalité : cluster C (évitantes, dépendantes, obsessives compulsives, passives agressives) ; • le syndrome d’Asperger ou troubles appartenant au spectre de l’autisme ; • plus rarement les troubles psychotiques : il s’agit souvent d’anorexies atypiques, marquées par exemple par un tri alimentaire étrange, pas nécessairement hypocalorique, parfois sous-tendues par des idées délirantes (angoisse d’être empoisonné).

Pathologies somatiques associées à l’AM Les principales complications somatiques à long terme de l’AM sont d’une part, dans le cadre de l’anorexie pré- et perpubertaire, les troubles de la croissance et d’autre part, les conséquences du déficit hormonal estroprogestatif d’origine hypothalamique (à savoir l’ostéoporose et l’infertilité). Les complications plus spécifiques des conduites boulimiques potentiellement associées sont constituées par les conséquences des vomissements répétés : troubles ioniques et leurs conséquences, pathologies dentaires (érosion de l’email, caries) et de l’appareil digestif haut (césophagites, gastrites).

Anorexie mentale à l’adolescence

Conséquences sur la croissance staturale à l’adolescence Le retard de croissance staturopondéral est une complication non négligeable de l’AM à l’adolescence. En cas d’anorexie prépubère, cette complication est plus fréquente encore, et bien souvent les courbes de croissance staturales et pondérales sont ralenties depuis plusieurs années quand le diagnostic est posé, ce qui témoigne d’une restriction alimentaire ancienne. Le retour à un poids normal s’accompagne d’une reprise de la croissance, si ce n’est pas trop tard et que les cartilages de croissance ne sont pas soudés, il n’y a pas toujours de récupération totale de la croissance staturale. Les retards de croissance sont consécutifs à des perturbations hormonales : baisse des T3 et T4, élévation des taux de cortisol, mise au repos de l’axe gonadotrope (insuffisance ovarienne d’origine hypothalamique) [37]. Enfin, les TCA chez les adolescents induisent des altérations importantes de l’axe somatotrope, avec une « résistance » à l’hormone de croissance, growth factor (GH) : taux normaux ou élevés de GH, taux effondrés d’insulin like growth factor (IGF-1) et de growth hormon binding protein (GHBP). La dénutrition inhibe la production d’IGF-1, augmentant par un rétrocontrôle négatif le taux de GH, qui ne suffit pas à relancer la production d’IGF-1. Le fonctionnement de cet axe se normalise avec la renutrition [45]. Le retentissement de la dénutrition chronique sur la croissance se perc ¸oit également sur le plan cérébral. En effet, les effets de la dénutrition objectivés à l’imagerie peuvent avoir, à long terme, un impact négatif sur le développement cognitif des plus jeunes adolescents [47,48].

Ostéoporose et aménorrhée Lorsque l’aménorrhée est installée depuis plus de six mois, on observe un tableau clinique proche tant de la période prépubertaire que de la ménopause, associant l’aménorrhée, la régression des caractères sexuels secondaires et l’ostéopénie pouvant évoluer vers une ostéoporose, à l’origine de fractures spontanées, de fractures de fatigue et plus tard, de tassements vertébraux (les sujets ayant un antécédent d’AM ont un risque fracturaire plus élevé qu’en population générale). Sur le plan physiopathologique, la dénutrition a une double conséquence sur la croissance osseuse : diminution de l’action des ostéoblastes et augmentation de l’action des ostéoclastes. La densité minérale osseuse de ces adolescentes est correlée à 1’IMC, à l’âge au début de la maladie et à la durée de la maladie. Les mécanismes impliqués dans la perte de densité osseuse dans l’AM sont l’hypoestrogénie, le taux de IGF-1 bas, l’augmentation du taux de cortisol ; l’hyperactivité physique (qui en temps normal augmente l’action des ostéoblastes, mais qui associée à une dénutrition à l’effet inverse), la dénutrition et la carence en calcium et vitamine [37]. La prise de poids permet d’améliorer la déminéralisation osseuse, même en l’absence de reprise de cycles menstruels (c’est-à-dire malgré un déficit d’impregnation estrogénique). Malgré cela, la déminéralisation osseuse n’est pas complètement réversible après la disparition de TCA, puisque environ un tiers des patientes ayant souf-

43 fert d’AM à l’adolescence ont une ostéopénie persistante au niveau du rachis lombaire.

Traitement de l’ostéopénie Le traitement de l’ostéoporose chez les patientes anorexiques passe avant tout par la prise de poids et la reprise des cycles menstruels[49], les deux étant évidemment liés. II est donc recommandé de surveiller de fac ¸on annuelle dévolution du bilan hormonal et de la densité osseuse. Chez la grande majorité des patientes (85 %), on observe un retour des règles après six mois de stabilisation à un poids suffisant (environ 2 kg de plus que le poids à l’arrêt des règles) [50,51]. On sait aussi que des facteurs psychologiques sont impliqués dans l’aménorrhée chez les patientes souffrant de TCA : chez un tiers des patientes l’aménorrhée précède la perte de poids, et des aménorrhées ou dysménorrhées peuvent persister malgré le retour à un poids normal. Les raisons avancées sont alors soit la poursuite de problèmes alimentaires à bas bruit, soit la persistance de difficultés psychologiques [23,24]. Par ailleurs, sur le plan thérapeutique, on conseille souvent la prescription de calcium et vitamine D chez les patientes anorexiques, bien que la minéralisation osseuse ne soit pas corrélée à la supplémentation calcique, mais leurs carences d’apport sont majeures. Aucun traitement médicamenteux n’a fait la preuve de son efficacité dans le traitement curatif de la déminéralisation osseuse des patientes anorexiques. Les traitements par pilule estroprogestative sont néanmoins bien trop souvent présents chez les adolescentes et les adultes, ce qui est discutable [19]. En effet, ils permettent d’induire des saignements mensuels qui s’apparentent à une reprise de cycles menstruels et peuvent ainsi faussement rassurer les patientes en donnant l’apparence d’une résolution des complications de l’anorexie. II faut alors être vigilant à ce que ces prescriptions ne favorisent pas un déni ou une banalisation des troubles par les patientes.

Infertilité Les patientes anorexiques, très dénutries, n’ont pas d’ovulation et ne peuvent donc pas être enceintes. Cependant, ces troubles de la fertilité ne sont pas majeurs chez les femmes suivies : plus la durée du suivi est longue, plus le taux de fertilité est proche de la population générale, du moins si l’on tient compte des femmes vivant en couple et désireuses d’avoir des enfants [52]. En revanche, on retrouve un nombre non négligeable de femmes souffrant de TCA en consultation de procréation médicalement assistée (environ 16 %) ; il s’agit le plus souvent de TCA non pris en charge [53].

Complications à long terme des vomissements provoqués Elles sont nombreuses (Tableau 6). Les complications cardiovasculaires sont les plus dangereuses à court terme avec, en cas d’hypokaliémie majeure, un risque vital non négligeable. Les vomissements provoquent également une altération des muqueuses buccopharyngées et digestives (œsophagite, ulcérations œsogastriques, reflux gatro-œsophagien,

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N. Godart et al.

Tableau 6

Complications spécifiques des vomissements.

Clinique Présentation générale Callosité sur le dos des doigts et hypertrophie des parotides

Déshydratation

Faiblesse musculaire État dentaire précaire (caries, déchaussements dentaires) Pétéchies sur le visage, hémorragie conjonctivale État cardiaque et hémodynamique Palpitations Bradycardie Troubles digestifs Hypertrophie parotidienne Douleurs pharyngées, érythème ou ulcérations du pharynx, œsophagite, gastrite, douleurs abdominales, reflux gastro-œsophagien, ulcère œsophagien Exceptionnellement, syndrome de Mallory-Weiss, achalasie, rupture œsophagienne avec médiastinite (syndrome de Boerhaave), syndrome de l’artère mésentérique supérieure, dilatation aiguë de l’estomac voire rupture gastrique, diarrhée, constipation Complications urologiques et néphrologiques

Examen paraclinique

Mécanismes physiopathologiques / conséquences somatiques

Ionogramme sanguin : hypokaliémie, alcalose hypochlorémique (vomissements)/acidose (laxatifs) hyperchlorhémique, hyperamylasémie Augmentation de créatinine et de l’urée sanguine, voire insuffisance rénale fonctionnelle

Vomissements

Électrocardiogramme :

Vomissements, laxatifs, diurétiques

Vomissements et/ou arrêt de boissons

signes d’hypokaliémie signe de péricardite Hyperamylasémie

Vomissements

Insuffisance rénale fonctionnelle Néphropathie tubulo-interstitielle avec acidose tubulaire de type 1 en cas d’hypokaliémie prolongée Insuffisance rénale terminale

Déshydratation,

Complications dentaires Caries dentaires, érosion de l’émail

syndrome Mallory-Weiss, dilatation aiguë, rupture gastrointestinale). Les patients souffrant de symptômes boulimiques avec vomissements provoqués peuvent avoir des complications dentaires graves et irréversibles, allant de l’érosion dentaire et des caries, aux gingivites et stomatites jusqu’aux chutes de dents par déchaussement.

Hypokaliémie chronique Vomissements, hypokaliémie, diurétiques

Vomissements

Synthèse L’évolution de l’AM est très variable d’une personne à l’autre, allant d’une modalité particulière d’expression du processus adolescent rapidement favorable en quelques mois, à la chronicisation avec les multiples risques somatiques qu’elle engendre, au risque d’engager le pronostic

Anorexie mentale à l’adolescence vital. L’AM ne préjuge pas de la psychopathologie sousjacente. II nous est actuellement impossible de prédire le devenir d’un patient qui se présente pour débuter une prise en charge ; dans tous les cas il s’agit de ne pas banaliser ces troubles et la souffrance qu’ils accompagnent et de proposer un traitement adapté au plus vite, afin d’aider au mieux le patient à développer des capacités d’étayage sur l’entourage familial, amical et soignant.

Traitement Principes généraux Les guides thérapeutiques actuels de l’AM insistent tous sur un élément crucial sans lequel la guérison somatique et psychique ne peut être obtenue : la restauration du poids [7,54,55]. La prise en charge de la restriction alimentaire et des TCA constitue une priorité dans la mesure ou ils vont avoir tendance à s’autoentretenir, s’autorenforcer et se bloquer au fil du temps. Toutefois, cette prise en compte du poids et du comportement alimentaire doit s’associer à une évaluation et à la prise en charge des difficultés psychopathologiques et relationnelles concomitantes si l’on veut espérer avoir une action durable sur la conduite symptomatique [2,18,19]. Dans l’AM, seules les approches psychothérapiques, relationnelles et institutionnelles ont fait la preuve de leur efficacité, les médicaments psychotropes occupent une place marginale. Le niveau de preuve existant qui justifie de l’utilisation de ces traitements dans ces indications est cependant assez faible, la plupart des traitements n’ont pas été évalués ni comparés les uns aux autres ; les indications de ceux-ci reposent sur un consensus d’experts le plus souvent, à l’exception de certaines formes de psychothérapie ayant fait la preuve de leur efficacité dans des études randomisées, pour des indications précises. Le traitement proposé compose avec les ressources locales, la gravité de la situation clinique rencontrée et son retentissement somatique et psychique, ainsi que l’acceptabilité par le patient et sa famille des mesures proposées. La réponse thérapeutique dans tous les cas doit etre graduée et adaptée à chaque cas et à chaque étape de l’évolution ; elle associe, dans un travail de partenariat pluridisciplinaire des professionnels des champs concernés une prise en charge somatique, psychique, sociale et familiale.

Prise en charge ambulatoire Initialement, dans la majorité des situations en dehors de l’urgence vitale, des soins ambulatoires plus ou moins intensifs sont suffisants. Ils s’appuient sur l’élaboration d’une alliance thérapeutique avec le patient et ses parents, limitant ainsi le risque de ruptures et de discontinuité de la prise en charge. Les premiers entretiens ont pour objectif une évaluation minutieuse de la problématique de l’adolescent, de la dynamique familiale, du retentissement des manifestations symptomatiques, mais également une appréciation des capacités de mobilisation et de changement de l’adolescent et de son entourage autour du cadre thérapeutique proposé. Elle vise notamment à resituer l’épisode actuel dans l’histoire développementale infantile et récente de

45 l’adolescent et dans l’histoire familiale, permettant la mise en perspective de ces éléments. II est important que ces premières rencontres ne s’engagent pas sur le mode d’un rapport de force venant répéter les relations et attitudes familiales actuelles autour de l’alimentation. Une approche centrée de manière exclusive sur le symptôme alimentaire fait courir le risque de cette répétition et de l’accentuation du déni des troubles. Sans ignorer la gravité et le retentissement somatique des manifestations, il semble fondamental d’engager la relation selon des modalités qui permettent au patient de trouver une écoute attentive de ses difficultés, sans vouloir à tout prix « lever » le déni portant sur la conduite. La mise en place d’un suivi au minimum bifocal, associant un psychiatre à un pédiatre, un généraliste ou un nutritionniste se coordonnant, permet de différencier les plans et que chaque interlocuteur travaille avec le sujet et sa famille tous les axes des soins de manière complémentaire.

Collaboration somaticien et psychiatre : un axe central II est souvent utile de dissocier prise en charge psychiatrique et somatique par la collaboration entre un psychiatre et un somaticien (médecin généraliste, pédiatre. . .). Toutefois, il est important que l’un des intervenants soit désigné comme coordonnateur des soins afin de garantir la cohérence du projet thérapeutique. Des contacts réguliers entre les intervenants permettent l’ajustement de ce projet de soins de manière individualisée, en fonction de l’évolution du patient. Le suivi des paramètres physiques (courbe de poids, de croissance, retentissement somatique et biologique) est fondamental afin de détecter les complications éventuelles de l’anorexie et d’en suivre l’évolution. Des consultations avec un nutritionniste ou un diététicien peuvent constituer un élément complémentaire du projet thérapeutique, ainsi que la proposition de consultations spécialisées auprès d’un gynécologue ou d’un endocrinologue. Un suivi dentaire régulier est également important afin de dépister certaines complications et de prodiguer des conseils d’hygiene buccodentaire relatifs aux troubles du patient.

Prise en compte des parents La nécessité de l’implication des parents à tous les moments de la prise en charge doit également être soulignée. Le comportement s’inscrit dans un contexte familial et relationnel et induit également en lui-même des modifications des équilibres intrafamiliaux et une souffrance, qu’il est important de prendre en considération aux différents temps de l’évolution du trouble. Cette collaboration prend au minimum la forme d’entretiens conjoints avec l’adolescent et ses parents [19,56,57]. Ce travail doit, quand cela est possible, être poursuivi et complété par une thérapie familiale d’inspiration systémique ou psychanalytique. Cette approche familiale a pour objectifs de permettre au patient et à la famille de ne plus se polariser sur le symptôme anorexique, d’assouplir des modalités de communication rigides et répétitives, de faciliter la restauration d’une identité propre et de limites plus différenciées et satisfaisantes entre les différents membres de la famille, permettre à la fratrie de s’exprimer sur les difficultés partagées. Ces thérapies

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N. Godart et al.

familiales sont particulièrement indiquées chez les patients adolescents. II s’agit du traitement le plus évalué en termes d’efficacité dans l’AM [55]. Les groupes de parents trouvent également une indication particulière dans la prise en charge de patients anorexiques. La mise en perspective et en commun des expériences et des difficultés rencontrées par les parents avec l’adolescent autorise la verbalisation des inquiétudes suscitées par la conduite, l’élaboration de la culpabilité et leur reprise dans le groupe sous le regard d’un tiers (psychologue, psychiatre) qui n’est pas directement impliqué dans la prise en charge de leur enfant [18].

Place des psychothérapies À l’adolescence, la thérapie familiale s’avère plus performante que la thérapie individuelle [56]. Cette dernière ne doit être proposée qu’en seconde intention derrière la thérapie familiale, dans des cas précis, quand la thérapie familiale n’est pas possible ou quand on l’adjoint à cette dernière si le sujet est demandeur, et en capacité de s’y impliquer. Elle n’est jamais une priorité chez les sujets très dénutris. Les thérapies individuelles, très souvent employées, sont variables dans leurs modalités, reposant sur des prérequis théoriques extrêmement variés, rendant toute comparaison de leur efficacité difficile. Leur choix et leurs indications reposent rarement sur des bases rationnelles mais davantage sur la motivation et les attentes du patient et de la famille, la formation initiale du thérapeute et les ressources locales. Les médiations artistiques de type ergothérapie, les activités sociales, de jeux, de relaxation au sein de groupes de paris peuvent être intéressantes, afin de faciliter les échanges avec autrui, d’échanger autour d’un thème commun, de retrouver le plaisir de relations interpersonnelles et d’entrer en contact avec ses éprouvés corporels en se décentrant des préoccupations obsédantes concernant la nourriture.

Tableau 7

Place des psychotropes Les psychotropes occupent une place marginale dans la prise en charge de ces patients et constituent un traitement symptomatique de certaines manifestations psychiatriques associées. Aucun type de psychotrope n’a fait la preuve de son efficacité pour traiter l’AM elle-même, d’autant que peu d’études ont été conduites sur des populations adolescentes [58]. Les médicaments psychotropes n’ont d’intérêt qu’en traitement d’appoint [59] lors de troubles anxieux, de trouble obsessionnel compulsif, ou de trouble dépressif caracterisé et persistant après renutrition. De fait, la majorité des symptômes dépressifs et anxieux disparaissent lors de la renutrition, et la prescription d’une chimiothérapie n’est pas sans comporter le risque d’effets secondaires et est d’une inefficacité relative chez des patients très dénutris, dans un état somatique précaire. Les antidépresseurs tricycliques notamment sont à proscrire du fait de la gravité des effets secondaires éventuels en cas de dénutrition ou d’hypokaliémie et en raison de la létalité potentielle en cas d’ingestion médicamenteuse volontaire. Un traitement par benzodiazépines ou neuroleptiques anxiolytiques à très faibles doses peut être proposé sur de courtes durées en cas d’anxiété importante. Les troubles du sommeil, souvent observés, cèdent également le plus souvent lors de la renutrition et nécessitent rarement la prescription d’hypnotiques. L’intérêt croissant pour les neuroleptiques atypiques, les opioïdes, et les antivomitifs dans le traitement de l’AM, ne se conc ¸oit actuellement que dans un cadre de recherche, ou dans des cas exceptionnels par des équipes spécialisées.

Hospitalisations dans l’AM L’hospitalisation tient une place limitée dans le panel des soins proposés aux patients atteints d’anorexie mentale et elle se décide en coordonnant les avis des différents intervenants de la prise en charge ambulatoire. Elle signe souvent la gravité du tableau clinique.

Critères de gravité somatique faisant poser l’indication d’une hospitalisation en urgence.

Signes cliniques

Signes paracliniques

Perte de poids rapide, supérieure à 30 % du poids total IMC inférieur à 13 Fréquence cardiaque inférieure à 40/min ou supérieure à 100/min Douleurs rétrosternales, palpitations, troubles du rythme ou de la conduction cardiaque Hypothermie inférieure à 36 ◦ C Aphagie totale Pathologie œsophagienne Syndrome d’occlusion haute Épuisement physique Ralentissement du débit verbal et idéique Convulsions (possible œdème cérébral par hyponatrémie de dilution)

K < 2,5 mmol/l lié aux conduites de purge Na < 125 mmol/l Mg < 0,5 mmol/l P < 0,5 mmol/l Glycémie < 2,5 mmol/l Leucopénie < 2000/mm3 Thrombopénie < 10 0000/mm3 Insuffisance rénale fonctionnelle Bilan hépatique perturbé

IMC : indice de masse corporelle ; K : potassium ; Na : sodium ; Mg : magnésium ; P : phosphore.

Anorexie mentale à l’adolescence Tableau 8

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Syndrome de renutrition dans le traitement de l’anorexie mentale (d’après Melchior JC, 2008[61]).

Manifestations cliniques

Manifestations biologiques

Traitement préventif en cas de dénutrition sévère

Œdème des membres inférieurs

Surcharge hydrosodée et perturbations hydroélectrolytiques

Renutrition par voie entérale préférable si IMC < 13

Insuffisance cardiaque, arythmie, altération de la fonction myocardique Confusion, coma, paralysie des nerfs crâniens, pseudosyndrome de Guillain et Barré, paresthésies, rhabdomyolyse, convulsions Insuffisance respiratoire aiguë

Hypophosphorémie aiguë

Apport énergétique progressif : 10 à 15 kcal/kg/j, max. : 500 kcal/j Apport de protéine < 2 à 2,5 g/kg/j, adapté à la fonction rénale

Ostéomalacie

Anémie hémolytique, altérations de la lignée blanche Au maximum : défaillance multiviscérale Atteintes neurologiques

Apports en sodium minimum Supplémentation en phosphore : par voie parentérale Si P < 0,6 mmol/l, interrompre la nutrition entérale le temps de normaliser la phosphorémie

Carence en thiamine

Atteintes cardiaques

Apport de glucose<1,5 à 2 g/kg/j les 3 premiers jours Supplémentation en thiamine par voie intraveineuse

IMC : indice de masse corporelle ; P : phosphore.

Elle ne doit pas être brandie comme une menace, au risque d’être ensuite vécue comme un échec par le patient et sa famille, mais comme une étape parfois nécessaire. II est en effet important de travailler l’alliance thérapeutique avec les sujets, ce qui passe souvent dans un premier temps par une alliance avec les parents, les anorexiques étant fréquemment dans la banalisation, voire le déni, de leur trouble. Ils peuvent cependant être sensibles à certains symptômes liés à la dénutrition tels que les difficultés de concentration, l’irritabilité et la dégradation des relations familiales et amicales qui en résulte, la baisse de densité osseuse, la perte des cheveux ou la sensation persistante de froid [54,60].

Hospitalisation en urgence Pour ce qui est des hospitalisations en urgence, les indications sont largement dominées par les urgences somatiques nécessitant une prise en charge dans un service de soins somatiques, voire de réanimation (Tableau 7). Ces situations d’urgence somatique peuvent être traitées en quelques heures dans un service d’urgence (rééquilibration des perturbations hydroélectrolytiques). Si l’état somatique est trop sévère, ou si les consultations aux urgences se répètent (par exemple devant une aphagie totale), une hospitalisation est necessaire. Si une renutrition doit être mise en place, elle doit être progressive, afin d’éviter le syndrome de renutrition inapproprié (Tableau 8), par voie entérale à l’aide d’une sonde nasogastrique.

Les patients peuvent également présenter une détresse psychologique nécessitant une hospitalisation en urgence dans un service de psychiatrie du fait des troubles psychiatriques associés à l’AM. II est notamment important d’évaluer le risque suicidaire chez ces adolescents, le risque suicidaire étant nettement plus élevé qu’en population générale, surtout lorsqu’il existe des symptômes boulimiques ou des conduites de purge associées aux symptômes boulimiques. Dans ces derniers cas, un tableau clinique avec une multiplication des conduites impulsives peut se développer (scarifications, alcoolisations, état de mal boulimique. . .) : une hospitalisation courte peut alors permettre un apaisement. POINT FORT Les soins doivent être précoces, afin d’améliorer le pronostic. Ils doivent être multidisciplinaires, associant une prise en charge somatique, psychique, sociale et familiale sur le long terme.

L’hospitalisation programmée L’hospitalisation peut être mise en place de manière programmée lorsqu’il y a eu une perte de poids importante (IMC inférieur à 14) et que le patient n’arrive pas à reprendre du poids en ambulatoire, ou lorsque le poids, sans être extrêmement bas, stagne et maintient le sujet

48 à un stade pathologique, provoquant une chronicisation des troubles. L’hospitalisation est alors plus longue (de plusieurs semaines à plusieurs mois), et elle a pour but d’aider le patient à retrouver un poids normal et à sortir d’un état de « gel psychique » provoqué par l’état de dénutrition chronique. L’hospitalisation peut se faire dans un service de soins somatiques ou dans un service psychiatrique : idéalement, le choix se fait en fonction de la gravité du tableau somatique ou de la gravité des troubles psychiatriques associés, mais en pratique il dépend principalement de l’offre de soins proposée au niveau locorégional [56]. Nous plaidons, dans les cas graves et si cela est possible dans tous les cas, pour une prise en charge en milieu psychiatrique specialisé dans les TCA [14]. Quoi qu’il en soit, les deux approches doivent être présentés simultanement et en lien, du fait de l’intrication somatopsychique de l’AM. En effet, le retour à un poids normal a souvent un impact sur la souffrance psychologique, notamment les symptômes dépressifs et anxieux : ces symptômes peuvent s’améliorer avec la reprise de poids, ou à l’inverse apparaître avec l’abandon des symptômes alimentaires lorsque ceux-ci assurent une fonction de lutte contre l’effondrement dépressif. Par ailleurs, l’amélioration psychologique, qui ne s’accompagne pas de changement dans les habitudes alimentaires et le poids, est souvent précaire [54]. L’hospitalisation programmée des patients anorexiques permet la mise en place d’un contrat de soins variable d’une équipe à l’autre, très souvent avec un contrat de poids ou un contrat comportemental centré sur les difficultés alimentaires. La nature du contrat diffère selon les équipes. II inclut ou non une période de séparation d’avec le milieu de vie habituel, permettant au sujet de se retrouver lui-même, puis de retrouver les autres autrement, sans que les symptômes anorexiques soient au centre de la relation et finalement empêchent tout échange en amenant un appauvrissement considérable de la vie relationnelle [2]. Pour ce faire, la période de séparation ne doit en aucun cas etre un isolement (adolescent isolé dans sa chambre, sans échange avec les autres patients ni avec les soignants), qui s’avérerait être toxique ou traumatique. Les soins sont axés sur les médiations thérapeutiques, corporelles ou culturelles, (ergothérapie, arthérapie, approches corporelles diverses telles que les massages, la balneothérapie, la relaxation, la psychomotricité). Enfin, le travail avec les adolescents anorexiques hospitalisés doit impliquer largement les parents (entretiens familiaux réguliers, participation des parents à des groupes de parole, voire thérapie familiale). De nombreuses études montrent que le travail avec les families, dans la prise en charge des anorexiques, est efficace chez les adolescents [60]. II permet d’aborder la violence liée au TCA, le sentiment de culpabilité des parents, toujours présent mais parfois dénie, l’incomprehension et parfois le rejet de la fratrie vis-à-vis d’une pathologie complexe et difficile à comprendre.

Conclusion L’AM à l’adolescence témoigne d’une souffrance psychique de gravité variable. Elle peut gravement hypothéquer la

N. Godart et al. santé physique et psychique des sujets à l’âge adulte, ainsi que leur insertion sociale. Leur croissance peut être compromise, mais peuvent aussi perdurer, au-delà de la guérison, des conséquences sur le squelette à type d’ostéoporose et des conséquences dentaires. Des troubles psychiatriques y sont fréquemment associés. C’est pourquoi elle impose des soins multidisciplinaires. Par ailleurs, l’AM, même si elle guérit dans la majorité des cas en moins de cinq ans, peut se chroniciser et perdurer à l’âge adulte et se compliquer alors de divers troubles, dont l’infertilité. Le traitement des anorexiques en ambulatoire, comme dans le cadre de l’hospitalisation, doit donc privilégier une approche pluridisciplinaire somatique, psychologique et sociale, afin d’accompagner au mieux les patients vers la guerison, dont on sait qu’elle peut nécessiter plusieurs années de suivi. Le suivi doit durer pendant la maladie et perdurer une année au-delà au minimum [7].

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