APAP et relation médecin-malade : quelques éléments de réflexion

APAP et relation médecin-malade : quelques éléments de réflexion

Annales Médico Psychologiques 165 (2007) 536–544 FORMATION CONTINUE APAP et relation médecin-malade : quelques éléments de réflexion Reflexions on A...

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Annales Médico Psychologiques 165 (2007) 536–544

FORMATION CONTINUE

APAP et relation médecin-malade : quelques éléments de réflexion Reflexions on APAP and the doctor-patient relationship J. Palazzolo * Psychiatre libéral, Professeur de socioanthropologie de la santé, Université Internationale Senghor, Alexandrie, Égypte Chargé de cours à l’Université de Nice–Sophia-Antipolis, Chercheur associé au Laboratoire d’Anthropologie et de Sociologie « Mémoire, Identité et Cognition sociale » (LASMIC), Nice, France Disponible sur internet le 03 août 2007

Résumé L’information, indispensable fondement du consentement qui constitue l’articulation de la relation médecin-malade, concerne en psychiatrie le sujet dans sa globalité, puisque le psychisme est à la fois l’objet du soin et le support du consentement à ce dernier. La clinique psychiatrique peut donc apparaître, dans le contexte actuel d’information de l’usager, comme une pratique délicate, du fait des pathologies qui perturbent gravement le système relationnel des patients, notamment ceux souffrant de schizophrénie. Parallèlement, la relation médecin-malade s’éloigne d’un modèle plus ou moins paternaliste pour se rapprocher d’un modèle de partenariat influencé par une dynamique consumériste. Cette translation s’accompagne d’un bouleversement de la logique de soin : le respect des libertés de l’individu devient prioritaire face à la nécessité d’assistance du malade. L’arrivée récente des APAP (antipsychotiques atypiques à libération prolongée) au sein de l’arsenal thérapeutique du psychiatre a eu un impact sur la qualité de la relation médecin-malade. De nombreux travaux ont pu mettre en évidence que l’utilisation de ces molécules permettait d’optimiser l’adhésion des patients aux soins, mais également de diminuer dans bon nombre de cas la fréquence d’apparition de certains effets secondaires, ces bénéfices concourant à l’obtention d’une meilleure efficacité thérapeutique sur le long terme. Notre article se donne pour objectif de faire un point sur une problématique encore objet de nombreux débats : la qualité de la relation médecin-malade et l’impact des APAP dans ce contexte. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract In recent years, the goals of treatment in schizophrenia have evolved from objective improvements in psychotic symptoms to encompass patient-related factors such as subjective response and quality of life. Patient satisfaction with antipsychotic therapy is influenced by multiple factors. The most frequently reported reasons for dissatisfaction include drug side effects, lack of involvement in treatment planning or decision-making and lack of involvement of family members in the care plan. The majority of studies have demonstrated that the APAP (long-Acting atyPical AntiPsychotics) are associated with significant improvements in quality of life, functional status and patient satisfaction compared with conventional agents. The therapeutic alliance is the key to achieving optimal outcomes, by providing information and education to meet patients’ needs, while facilitating compliance with drug therapy to ensure better clinical outcomes. A APAP that can ensure medication delivery will provide a platform for psychosocial interventions, and thus may further increase patient satisfaction and, ultimately, improve long-term outcomes in schizophrenia. Attitudes towards APAP play an important part in the treatment for schizophrenia and related disorders. The effectiveness of APAP is evident in acute and maintenance treatment of these disorders, and most mental health professionals recognize APAP as a cornerstone in treating affected people. The doctor-patient relationship is one of the most important therapeutic tools in the treatment of disabling mental disorder. Today’s * Auteur correspondant. 5, Quai des Deux-Emmanuel, 06300 Nice, France. Adresse e-mail : [email protected] (J. Palazzolo). 0003-4487/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/S0003-4487(07)00191-6

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focus on drugs tends to make that relationship oppositional. Effective treatment requires the continuation throughout the patient’s illness of the same trusted therapeutic relationships wherever the patient is located; of reliance on activities which are truly mind-building (useful and satisfying) rather than basket-weaving or its equivalent; And, as much as possible, on the continuation of medication. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Adhésion ; APAP ; Observance ; Relation médecin-malade Keywords: APAP; Compliance; Doctor-patient relationship

1. RELATION MÉDECIN-MALADE : QUELQUES DONNÉES PRÉLIMINAIRES DANS LE CONTEXTE DE LA PSYCHOSE La médecine a depuis toujours disposé d’une large reconnaissance sur le plan social. Dès la première consultation, l’entrée en relation du malade et du médecin se trouve marquée par les attentes et les comportements spécifiques des deux protagonistes, dynamique déterminée par leurs statuts respectifs. Parsons [39] décrit le couple soignantsoigné comme se reconnaissant réciproquement des droits et des obligations, « selon des rôles socialement définis ». Ainsi, le socius véhicule une représentation précise de la relation type qui doit s’instaurer entre un patient et son thérapeute. Le sujet souffrant vient consulter le praticien en lui offrant ses symptômes, ses maux. Il attend en contrepartie que ce dernier procède à une pratique médicale obéissant au schéma thérapeutique décrit par Israël [21], à savoir une énumération des symptômes qui permet l’établissement d’un diagnostic, avec pour objectif la mise en place d’une intervention thérapeutique, d’une prescription se voulant efficace. Le malade est un sujet passif, dépendant du corps médical. Il bénéficie d’un droit inconditionnel à l’aide, ce sur quoi il s’appuie pour demander implicitement à son médecin de le guérir. Cette demande véhicule en fait une image idéalisée du praticien, image que le malade porte en lui. Le patient, en position de sujet ignorant face au discours médical, se soumet implicitement à son thérapeute, en qui il place toutes ses espérances. Le médecin dispose donc d’un statut omnipotent et omniscient, le distinguant des autres individus, comme l’illustre son titre de « Docteur ». Il jouit d’une compétence technique et d’un savoir incontestables, en tant que représentant de la Médecine. Dans sa relation avec le malade, le praticien est, selon Parsons [39], autonome et dominateur, arborant une neutralité affective. Il incarne le Maître, tel Hippocrate qui était le Maître de l’école de Cos. Il apparaît donc qu’ « aux antipodes de la position de faiblesse du malade s’imposeront en contrepoint le savoir et la compétence du médecin » [43]. Par ce professionnalisme, le thérapeute cherche à maintenir le pouvoir – imaginaire et/ou réel –, qui lui, est offert, et fait bénéficier le patient de son intervention thérapeutique

(à condition que ce dernier lui renvoie toujours cette image idéale, source de valorisation narcissique). Mais cette représentation idéaliste du soignant que véhicule le socius dépasse largement le domaine du prestige social et du savoir universitaire ; selon Laplantine [26], l’homme arbore une véritable foi en cet être à part qu’est le médecin. Aussi, est-il établi que dans les sociétés actuelles « la Médecine est notre religion », religion dont Asclépios est le Dieu. Le praticien lui-même a foi en sa mère-Médecine et, tel un missionnaire, il se doit de remplir sa fonction « apostolique », c’est-à-dire attendre un comportement précis du malade et, si besoin, l’obtenir en convertissant ce dernier [3]. Cette fonction illustre le pouvoir quasi religieux dont dispose le médecin à l’égard du malade – individu habité par le mal, donc impur et devant se soumettre. Le soignant bénéficie de l’admiration quasi mystique du soigné, comme l’illustre Zola [53] à propos d’un certain Dr Pascal : « Ces pauvres gens lui serraient les mains, lui auraient baisé les pieds, le regardaient avec des yeux luisants de gratitude. Il pouvait donc tout, il était donc le bon Dieu, il ressuscitait les morts ! » Mais cette image de médecin doté de pouvoirs miraculeux suscite une certaine crainte chez les malades en raison de l’omniprésence d’un flirt quotidien avec la Mort, comme l’illustrent divers personnages de romans tels le Dr Frankenstein de Shelley, le Dr Moreau de Wells, ou encore le Dr Jekyll de Stevenson. Cet aspect mortifère – donc effrayant – du thérapeute participe au maintien de la toutepuissance de ce dernier. Ces romans révèlent également le fantasme de tout soignant : jouir d’un plein pouvoir sur la vie comme sur la mort, et percer à jour le secret de l’immortalité. Ce lien entre la Médecine et la Mort est toujours d’actualité ; en effet, la Médecine ne rêve-t-elle pas encore d’un prolongement infini de la vie ? Ne vivons-nous pas dans une société au sein de laquelle des thérapeutiques telles que lifting ou pilules antivieillissement nous poussent à croire à une jeunesse éternelle ? Cependant, la survenue de la pathologie psychotique ébranle brusquement cette relation « classique » médecinmalade. En effet, cette affection psychique, de par sa complexité, remet fortement en question les compétences médicales en confrontant le soignant à une évolution parfois

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problématique de son patient, marquée par les rechutes, les arrêts de traitement, voire les passages à l’acte auto- ou hétéroagressifs. Ainsi, il n’est pas rare que le praticien se retrouve en difficulté, face à l’évolution fluctuante d’une maladie dont le sujet qui en est atteint présente un insight défectueux. Au vu de cette problématique, il paraît intéressant de porter notre intérêt sur l’impact des antipsychotiques atypiques à libération prolongée (APAP) sur la relation soignantsoigné. Longtemps considéré comme accessoire face à la nécessité d’agir le plus rapidement possible sur la symptomatologie positive de la pathologie psychotique, le maintien d’une bonne observance médicamenteuse sur le long cours a été l’une des principales préoccupations des cliniciens, des pouvoirs publics et de l’industrie pharmaceutique ces dernières années. Une meilleure compréhension des concepts et des processus psychologiques mis en jeu dans la relation médecinmalade, mais également dans la relation liant le patient à son traitement, permet d’optimiser la prise en charge des sujets atteints de pathologie psychotique.

2. ÉVOLUTIONS DE LA RELATION MÉDECIN-MALADE Les ouvrages de Parsons [39], Balint [3], ou encore Israël [21] témoignent d’une époque où, au travers d’une toutepuissance médicale instituée et irrévocable, s’illustrait le plein essor d’une relation soignant-soigné que l’on pourrait qualifier de « classique ». Cette relation classique révélait l’attribution d’un statut particulier aux deux protagonistes, et mettait alors en scène un médecin-maître, supposé savoir et guérir, réclamant la reconnaissance de sa toute-puissance, et un maladeassujetti-ignorant, contraint de se plier aux règles du discours médical pour obtenir, en retour, une assistance thérapeutique et des privilèges liés à sa pathologie. Mais la pathologie psychotique, de par son caractère chronique, anosognosique, vient remettre en cause les pouvoirs médicaux. Cette mise en doute de la toute-puissance médicale ébranle par conséquent profondément la relation classique soignant-soigné, de type domination-soumission. La question se pose alors de déterminer l’évolution des mentalités suscitée d’une part par la pathologie psychotique, et d’autre part par l’arrivée récente sur le marché des APAP. Ces nouvelles molécules représentent en effet des alternatives thérapeutiques intéressantes, et sont à l’origine d’une modification de la relation médecin-malade. Sources d’un nouvel espoir mais également d’un changement radical des modalités de prise en charge ambulatoire (contraintes moins lourdes que celles des neuroleptiques retards, effets secondaires émoussés...), les APAP sont selon certains auteurs à l’origine d’un nouveau concept : le concept de rémission dans la pathologie psychotique [4].

2.1. Notion de contrat Historiquement, la relation médecin-malade a hérité en France de l’apport du courant humaniste et de celui des Lumières, ce qui a contribué au développement d’un fonctionnement où le principe moral de bienfaisance est prioritaire [40]. Il faut attendre le XXe siècle pour que la loi définisse cette relation précisément : elle est en effet fondée sur le plan juridique, depuis un arrêt de la Cour de cassation du 26 mai 1936, sur la notion de contrat. L’article 1-101 du code civil définit le contrat comme une « convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent vers une ou plusieurs autres à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ». Le contrat apparaît donc comme une convention génératrice d’obligations. La jurisprudence en a défini les caractères : pour ce qui concerne la relation médecin-malade, il s’agit d’un contrat civil, informel, verbal, tacite, résiliable, contrat de moyens et non de résultats. Comme le notent Petitjean et al. [40], bien que bilatéral et créant des obligations réciproques, la non-exécution par le patient de ses obligations (suivre les prescriptions) n’autorise pas le médecin à refuser de remplir les siennes. Comme dans tout contrat, le libre consentement des deux parties est nécessaire. Cette notion de consentement articule l’article 16-3 du Code civil1, qui définit la relation médecin-malade par l’exception suivante : « Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité thérapeutique pour la personne. Le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir. » La relation médecin-malade a été marquée par une profonde évolution au cours de ces dernières années. Elle est actuellement au centre des préoccupations politiques et sociales, comme en témoigne le chapitre qui lui est consacré dans la Revue Française des Affaires Sociales de juin 2000 [31]. La révolution des techniques de communication facilite l’accès à l’information médicale. C’est sans doute ce passage du « patient passif » au « consommateur de soin » qui bouleverse la relation médecin-malade, dont nous allons à présent détailler les modèles (la relation paternaliste, le modèle consumériste nord-américain, et le nouveau modèle intermédiaire) [12]. 2.2. Modèles de la relation médecin-malade 2.2.1. Relation paternaliste ou l’ancien modèle français Le modèle français est classiquement réputé paternaliste par bon nombre d’auteurs [51]. Selon Charles et al. [11] ce modèle – « the paternalistic model » – est caractérisé par une communication essentiellement unilatérale et asymétrique, 1

Code civil, art. 16-3, issu de la loi no 94-653 du 29 juillet 1994 (JO du 30 juillet 1994).

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allant du médecin vers le patient. L’information est « descendante », autoritaire, transmise par une personne supposée savoir à une personne demandeuse. Le médecin doit fournir au malade l’information légalement requise sur les options de traitement pour obtenir un consentement éclairé. Ce modèle suppose que le médecin prenne la meilleure décision pour le patient. En conséquence, il n’y a pas de délibération entre les deux intervenants, et le praticien reste seul décideur. La médecine française fonctionne sur ce mode durant des décennies, particulièrement en psychiatrie où les patients peuvent présenter des facultés altérées par leurs troubles psychiques. Les principes de morale et de bienfaisance humanistes sont prioritaires, comme le souligne Ramex [42]. Ces principes légitiment une protection du patient affaibli et s’inscrivent dans une tradition de solidarité. Mais il s’agit d’une médecine pouvant être perçue comme quelque peu infantilisante : « Faites-moi confiance, je sais ce qui est bon pour vous ! » est une phrase qui a été adressée à des générations de malades... Ce mode de relation évolue cependant du fait de la pression du patient-consommateur de soin, des associations de familles, et de la demande accrue de participation des usagers au processus thérapeutique. Le patient ne veut plus être traité en objet, en incapable majeur. C’est le principe du libre arbitre qui devient prédominant et qui fonde les bases de la relation médecin-malade. La légitimité de la protection du sujet affaibli fait place au principe du respect de l’autonomie des personnes et de la liberté individuelle. L’évolution extrême d’une telle dynamique conduit au modèle qui prévaut en Amérique du Nord. 2.2.2. Modèle consumériste nord-américain de la relation médecin-malade Dans ce modèle, médecin et malade interagissent sur un pied d’égalité, la recherche du consentement et le respect absolu des libertés individuelles constituant le fondement de leur relation. Le malade n’est plus un patient, mais un client. C’est ainsi, par exemple, que l’hospitalisation sans consentement ne peut être imposée que si le patient est dangereux pour autrui [23]. La législation de certains États impose le recueil écrit du consentement du sujet dans le cadre de l’administration éventuelle d’un traitement antipsychotique [29]. Dans un pays où les plaintes judiciaires et les poursuites à l’encontre des médecins sont banalisées et fréquentes, la relation thérapeutique est avant tout une relation de consommation. Le médecin est un prestataire de service, qui adopte plutôt une position défensive face à un patientconsommateur de soin potentiellement plaignant et accusateur. L’information et la communication s’inscrivent dans un processus d’évitement, avec la crainte d’un éventuel procès. Nous devons rappeler que la prescription d’un traitement est réalisée ici avec l’énoncé des effets secondaires, à court et moyen termes. Pour les psychiatres américains, les dyskinésies tardives dues aux neuroleptiques classiques ont en-

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traîné de multiples actions en justice, avec pourtant une prescription bien moindre qu’en Europe. Cette réduction au risque thérapeutique de l’information médicale constitue donc une protection du médecin. De plus, les psychiatres américains sont tenus d’informer leurs patients des diverses solutions alternatives possibles (dans le domaine de la spécialité), et il est vivement conseillé d’énoncer le diagnostic en s’appuyant sur les critères du DSM-IV (Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux) [25]. Weil [51] rappelle par ailleurs que le patient américain conserve un droit de propriété sur l’information contenue dans son dossier, qu’il peut y avoir accès et obtenir une photocopie de celui-ci. En France, l’article L. 1111-7 du code de la Santé Publique pose le principe de l’accès au dossier médical, qui doit comprendre des informations « formalisées et qui ont contribué à l’élaboration et au suivi du diagnostic et du traitement ou d’une action de prévention, ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels de santé ». Deux conditions cumulatives sont exigées : • il doit s’agir d’une information formalisée, exigence qui tend à limiter le dossier aux véritables bases de travail des professionnels de santé ; • les informations qui figurent dans le dossier médical doivent : C soit être des informations utiles au traitement et à son évolution ; C soit avoir fait l’objet d’un échange écrit entre professionnels. Il s’agira donc de faire figurer au dossier tout ce qui présente une certaine formalisation et une utilité certaine au traitement. 2.2.3. Nouveau modèle de relation médecin-malade En France, la relation paternaliste évolue depuis ces 20 dernières années, sous l’impulsion des évolutions sociales, déontologiques, des obligations juridiques et législatives d’information. Il s’agit là d’une dynamique française, mais également européenne, influencée par les pays d’Europe du Nord au sein desquels prime la liberté de l’individu et de son libre arbitre, alors que l’incapacité à être informé et à donner un consentement est l’exception. Un modèle intermédiaire entre la relation paternaliste et la relation consumériste américaine correspond au modèle de la décision partagée – le shared decision-making model, décrit par Charles et al. en 1999 [11]. Il ne s’agit plus d’une relation asymétrique de domination ou de pouvoir. Ce modèle est caractérisé par trois points [31] : • l’échange de l’information : il est bilatéral ; le médecin apporte sa connaissance au patient, et celui-ci informe le médecin de ses préférences ; • le processus de délibération : il s’agit d’une discussion concernant les options de traitement, discussion caractérisée par l’interaction. Les deux parties s’efforcent d’arriver à un accord ;

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• la décision de traitement : elle implique au moins deux décideurs, le médecin et le patient. Le malade n’est plus un patient : c’est un usager du système de soin [35]. Dans cette optique, Bergot [6] a réalisé en 1999 une étude au Centre Hospitalier Régional d’Orléans sur l’information médicale du sujet hospitalisé. L’échantillon de 127 malades regroupe des patients pris en charge en cardiologie, en rhumatologie, en oncologie médicale et radiothérapique, en chirurgie traumato-orthopédique. Comme dans la plupart des travaux prospectifs similaires, on ne retrouve aucune donnée concernant les sujets hospitalisés en psychiatrie. Cette étude montre que pour la majorité des personnes interrogées, le médecin doit prendre les décisions concernant le traitement à mettre en œuvre d’un commun accord avec son patient (39 % des cas), ou au moins en tenant compte de l’avis de ce dernier (34 % des cas). Vingt-deux pour cent des participants estiment que le médecin doit prendre seul les décisions, et 10 % considèrent que la décision finale leur appartient. Les médecins interrogés sous-estiment quant à eux l’importance de l’attente des patients, puisque, selon leurs dires, seulement 26 % des malades souhaiteraient une prise de décision en commun. Dans le cas d’une pathologie grave, les patients interrogés désirent participer activement aux choix thérapeutiques : pour 56 % d’entre eux la décision doit être prise en commun avec le médecin, et pour 27 % d’entre eux l’opinion du malade doit au moins être prise en compte. Seize pour cent estiment que la décision finale leur appartient. Aucun ne laisse au médecin la liberté de prendre seul la décision thérapeutique. Pour ce qui concerne les effets de la participation du patient à la décision médicale, la littérature a mis en évidence certains bénéfices pour ce dernier, comme la diminution de son anxiété [13] et l’amélioration de sa satisfaction, résultat d’une meilleure communication avec le praticien. Stewart [45] a ainsi montré qu’un partenariat médecin-malade efficace améliorait les résultats thérapeutiques obtenus. Ce modèle de la décision partagée semble répondre aux attentes des patients en matière d’information médicale. La littérature est unanime en ce qui concerne ce point : les patients désirent être informés [36] ! 3. DEMANDE D’INFORMATION DES PATIENTS ET DE LEURS FAMILLES Comme l’a rappelé le président du conseil de l’ordre des médecins [17], « à la suite des états généraux de la santé, les patients ont manifesté la volonté d’être plus participatifs et respectés comme des personnes, ce qui paraît tout à fait normal. Ils ont également exprimé le souhait d’être mieux informés ». 3.1. Désir d’information des patients Ce désir d’information concerne aussi bien la nature, la cause, la sévérité de la maladie, que les programmes théra-

peutiques, les résultats des tests diagnostiques, l’évolution et le pronostic [27]. La quasi-totalité des études disponibles sur ce sujet intéressent la médecine somatique, essentiellement la cancérologie. Ainsi, Blanchard et al. [8] montrent que 92 % des patients préfèrent que l’ensemble des données concernant leur état leur soit transmis, que celles-ci soient bonnes ou mauvaises. Sutherland et al. [46] montrent, quant à eux, à l’aide d’un questionnaire spécifique, que les patients préfèrent avoir autant d’informations détaillées que possible sur leur maladie et leur traitement (score moyen de 88,9 concernant cet item, sur un intervalle de 0 à 100). L’enquête réalisée au Centre Hospitalier d’Orléans [6] montre que les sujets interrogés estiment « avoir absolument besoin d’information », à raison de 61 % pour la maladie et 67 % pour le traitement, et que 30 % d’entre eux « préfèrent être informés » sur la maladie et le traitement. En cas de maladie grave, les proportions sont identiques. Dans le domaine de l’information du conjoint et des enfants – autrement dit les proches – 76 % des patients souhaitent que ces derniers aient accès à la totalité des renseignements qui leur ont été délivrés, tandis que 11 % préfèrent qu’une information plus évasive soit transmise à leur famille. Dans le cas d’une pathologie grave, 53 % des malades souhaitent que leurs proches disposent des mêmes données qu’eux, 30 % préfèrent être plus informés que leur famille, et 11 % refusent que l’entourage soit informé. Selon un sondage réalisé par la Fondation des Hôpitaux de Paris [41], le défaut d’information concernant les soins dont les patients ont pu bénéficier au cours de leur hospitalisation fait partie des principaux sujets de mécontentement. Cinquante pour cent des sujets interrogés réclament une amélioration de l’information et de la qualité de l’écoute. Une enquête canadienne [47] évalue à 38 % le taux d’insatisfaction concernant les renseignements donnés aux patients d’un hôpital psychiatrique de Montréal pour ce qui concerne les psychotropes et leurs effets thérapeutiques. 3.2. Rôle croissant des associations d’usagers en France Il est également important de signaler le rôle croissant que jouent les associations d’usagers en France. Des associations de malades et familles de malades atteints du Sida, comme AIDeS ou Act-up, ont été les premières – aidées par une large médiatisation –, à la fin des années 1980, à largement influencer les représentants politiques et sociaux, à initier un changement dans la dynamique d’information du patient et à souligner la place active que celui-ci pouvait tenir dans le processus de soin [32]. Les associations d’usagers et de familles se sont également développées en psychiatrie. Ainsi, la Fnap-psy (Fédération NAtionale de (ex) Patients de PSYchiatrie) regroupe d’anciens patients psychiatriques désireux de faire bénéficier les personnes souffrant de troubles psychiques de leur expérience. À la suite des États Généraux de la Santé [7], les associations d’usagers demandent à ce que « toute personne soit

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associée en continu à tous les processus concernant sa santé, et notamment aux décisions de prévention, de diagnostic et de soin qui les concernent ». L’une des associations les plus actives à ce propos est sans doute l’UNAFAM (Union Nationale des FAMilles et Amis de Malades mentaux). Son vice-président précise les attentes des familles à propos des données inhérentes à la maladie et aux médicaments en psychiatrie lors du huitième colloque de l’ANHPP (Association Nationale des Hospitaliers Psychiatres et Pharmaciens). Il réclame une information médicale précise, démystificatrice, à laquelle pourraient avoir accès le patient mais également les familles, qui auraient par ce moyen la possibilité de mieux comprendre le sujet malade et de développer un rôle de partenariat avec les soignants. La fonction des associations d’usagers va plus loin que le simple rôle consultatif, puisqu’elles ont des représentants dans les Commissions Départementales des Hospitalisations en Psychiatrie (CDHP) – créées par la loi du 27 juin 1990 – qui examinent les contestations des patients séjournant librement ou sous contrainte en hôpital psychiatrique. La création des CDHP résulte du respect et de la protection des droits des individus, en dépit des limites imposées par la maladie [20]. Il s’agit donc d’une sorte de contre-pouvoir des usagers face au système médical. 3.3. Comportements de recherche d’information des patients Au vu du désir affirmé des patients d’obtenir autant de renseignements que possible, on peut se demander quel est le comportement généralement adopté dans ce but par ceux-ci dans le cadre de la relation médecin-malade. En effet, comme le soulignent Ong et al. [33], la communication soignant-soigné a plusieurs objectifs, dont l’échange d’informations, au sein duquel on peut distinguer l’information donnée par le médecin de l’information recherchée par le malade. La littérature montre que le désir intense d’information, exprimé par les patients lorsqu’ils sont interrogés, ne se traduit pas toujours par une recherche active de renseignements au moment de la rencontre avec le praticien. Beisecker et Beisecker [5] ont tenté d’identifier les facteurs susceptibles d’influencer la communication médecin-malade. À partir d’un échantillon de sujets en rééducation, ces auteurs montrent que la demande des patients concernant un nombre élevé de données médicales est très forte, mais que « cela ne se traduit pas uniformément par des comportements de recherche d’information lors de l’interaction soignant-soigné ». Ils soulignent que « les facteurs contextuels qui entourent l’interaction soignant–soigné expliquent mieux les comportements de recherche d’information que les caractéristiques sociodémographiques des patients, [...], voire le médecin consulté ». En effet, « la durée de l’interaction, le diagnostic, la raison spécifique de la visite ont un impact important sur la teneur des commentaires faits par le patient au médecin, commentaires relatifs à sa recherche d’information ». Les auteurs ajoutent que l’attitude des

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malades – plus ou moins active – n’influe de manière significative sur la teneur de l’échange que si l’interaction soignantsoigné dure suffisamment longtemps (19 minutes ou plus). Si d’un côté les patients déclarent qu’ils désirent être informés, et que de l’autre ils ne recherchent pas l’information auprès des médecins, c’est, selon Ryan [44], parce qu’ils se trouvent dans une position de vulnérabilité. Celle-ci résulte notamment de la maladie dont ils souffrent, d’autant plus s’il s’agit d’une maladie psychiatrique qui altère leurs fonctions cognitives ou leur détresse psychique (ce qui est le cas de la pathologie psychotique). Cette vulnérabilité peut être majorée par l’attitude des médecins, qui parfois sousestiment un tel besoin d’information [48]. L’étude du Centre Hospitalier d’Orléans [6] montre, comme nous l’avons vu, que pour les praticiens interrogés, seulement 26 % des malades considèrent comme indispensable l’information sur la pathologie dont ils souffrent, et pour ce qui concerne le traitement, le taux avoisine à peine les 36 % (alors que lorsque ce sont les patients qui sont interrogés à ce propos, on retrouve respectivement 61 et 67 %). Cette même étude montre par ailleurs que la perception des médecins concernant les attentes des familles correspond quant à elle globalement à la réalité (respectivement 67 et 16 %). Il semble donc important de savoir rester accessible au malade, voire de l’aider à entrer en contact avec le soignant et à formuler sa demande d’information. C’est ce que proposent par exemple les techniques de réhabilitation psychosociale utilisées en thérapie cognitivocomportementale pour les patients souffrant de psychose chronique, dans le cadre des modules d’entraînement aux habiletés sociales (social skills training) [28,34]. Enfin, il apparaît intéressant de souligner une réalité pointée par l’enquête de Ferreri et al. [14] : 65 % des patients sont informés vis-à-vis de leur maladie par un biais différent de celui de leur psychiatre référent. Le psychiatre, et plus largement le médecin, n’est donc plus l’unique détenteur d’un savoir absolu concernant la maladie. Les sources d’information se multiplient. Que ce soit dans les bibliothèques, où l’on peut trouver des ouvrages de vulgarisation sur la schizophrénie destinés au patient, ou encore plus largement sur Internet, les malades peuvent désormais accéder de plus en plus facilement aux informations les concernant. Il suffit par exemple de taper le terme « schizophrénie » dans un moteur de recherche sur Internet pour obtenir des milliers d’articles de vulgarisation, les adresses des sites des hôpitaux et des associations de malades, celles des sites de diverses associations de familles et d’usagers, voire de laboratoires pharmaceutiques. 4. IMPACT DES APAP DANS CE CONTEXTE Les progrès réalisés dans le traitement de la pathologie psychotique n’ont jusqu’ici pas modifié de manière radicale l’importance de l’adhésion des patients à leur médication, et ce malgré l’évolution de la relation médecin-malade vers une

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dynamique collaborative [52]. Cependant, une meilleure compréhension des mécanismes biologiques impliqués a permis de mieux définir les risques liés à une mauvaise observance médicamenteuse, et de souligner l’impact délétère qu’un arrêt intempestif du traitement peut avoir sur le cours de la maladie. L’arrivée récente des APAP au sein de l’arsenal thérapeutique du psychiatre a eu un impact indéniable sur la qualité de la relation médecin-malade : il s’agit là de molécules mieux tolérées que les classiques « neuroleptiquesretards », dont l’efficacité est notable sur la symptomatologie positive et négative, et dont les modalités de prescription sont connues et adaptées en fonction de chaque sujet. De nombreux travaux ont pu mettre en évidence que l’utilisation des APAP permettait d’optimiser l’observance médicamenteuse des patients, mais également de diminuer dans bon nombre de cas la fréquence d’apparition de certains effets secondaires, ces bénéfices concourant à l’obtention d’une meilleure efficacité thérapeutique sur le long terme. Néanmoins, cette forme galénique reste encore peu utilisée, et dans cette optique Heres et al. [19] soulignent la présence d’un certain désintérêt de l’industrie pharmaceutique concernant le développement de molécules à libération prolongée, cette constatation ayant toutefois tendance à s’étioler actuellement (diverses formes d’antipsychotiques à libération prolongée doivent être mises sur le marché très prochainement en France). Les APAP restent à ce jour un très bon moyen d’optimiser la qualité de l’alliance thérapeutique, tout arrêt intempestif du traitement étant immédiatement connu du médecin. Une grande attention doit être accordée au protocole d’instauration de ce type de médication, la demi-vie longue de ces molécules impliquant l’attente de plusieurs semaines avant d’obtenir une concentration plasmatique stable dans le temps [49]. Ainsi, si une « équivalence de dose orale » est préconisée lors de la mise en place de la médication à libération prolongée, les modifications ultérieures de posologie devront se faire de manière très progressive [30]. La recherche d’une dose minimale efficace doit être une priorité. Certains effets indésirables secondaires aux injections ont été décrits, tels que la survenue de douleurs, d’indurations, voire d’abcès ; ces effets peuvent aisément être évités en utilisant des quantités de produit plus faibles lorsque cela est possible, et en respectant les règles d’hygiène inhérentes à toute pratique d’injection intramusculaire profonde [22]. Mais il est important de garder à l’esprit que la seule utilisation d’un APAP n’est pas suffisante pour maintenir une observance médicamenteuse de qualité au long cours ; l’obtention d’une bonne relation thérapeutique, associée à des évaluations cliniques régulières, sont des éléments à privilégier dans le but de réduire le risque de survenue d’une éventuelle nouvelle décompensation psychotique [37,50]. La quasi-totalité des travaux s’intéressant à la perception des patients psychotiques pour ce qui concerne leur maladie et les APAP indiquent que la conviction propre du médecin

influence de manière non négligeable la qualité de l’observance médicamenteuse et de l’alliance thérapeutique [2,24,38]. Plus particulièrement, il semble que le fait de s’assurer que le malade a bien compris les bénéfices de la prescription représente un élément essentiel de la consultation [1,10]. Dans le même ordre d’idée, un clinicien qui porte une attention particulière à la façon dont le patient fait faire ses injections favorise l’obtention et le respect d’une bonne observance [16]. Blaska [9] souligne la nécessité de respecter ces quelques principes, en insistant sur la prise en compte des dires du malade ; pour cet auteur, les psychiatres oublient parfois l’intérêt qu’il y a à ne prescrire qu’un ou deux médicaments pour une pathologie donnée : « Plus l’ordonnance est épurée et plus simple elle sera à respecter. » Les APAP peuvent également présenter un intérêt chez certains sujets dont les troubles cognitifs rendent difficile la gestion d’un traitement antipsychotique au quotidien [15]. Par ailleurs, bien que la fréquence de survenue d’effets indésirables soit moins élevée avec les APAP, molécules mieux tolérées que les neuroleptiques classiques, le dépistage et le traitement de ces effets doivent rester les priorités des cliniciens ayant en charge la gestion de ce type de médication. Une telle démarche est importante dans le cadre de l’optimisation de la qualité de la relation médecinmalade [18]. 5. CONCLUSION Les troubles psychotiques nécessitent la poursuite d’un traitement antipsychotique à long terme. La qualité de la relation médecin-malade est donc un aspect crucial pour le pronostic et l’évolution de ces patients. L’arrivée des APAP, aux effets secondaires moindres, a permis aux patients de s’inscrire de manière plus volontaire et plus efficace dans une dynamique de prise en charge et de traitement, et par-là même de voir leur risque de rechute diminuer. Les APAP, qui représentent aujourd’hui une nouvelle option thérapeutique, offrent plusieurs avantages : meilleure adhésion, prise facilitée de la médication pour les patients qui présentent des troubles cognitifs ou un déni partiel de leur maladie et qui seraient tentés par moments de mettre un terme à leur suivi, distinction possible entre manque d’efficacité et mauvaise observance, moindre fluctuation des concentrations plasmatiques (y compris en cas d’arrêt brutal du traitement). Des études sur le long terme concernant le lien existant entre APAP et qualité de la relation médecin-malade sont actuellement en cours, et nous espérons que leur aboutissement permettra d’améliorer le pronostic de nombreux malades souffrant de pathologie psychotique, par le biais d’une optimisation de l’alliance thérapeutique. 6. RECOMMANDATIONS EXISTANTES Une déclaration sur la promotion des droits en Europe, adoptée le 30 mars 1994 dans le cadre des travaux du

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Bureau Régional Europe de l’OMS, fixe un cadre commun d’actions susceptibles « d’affirmer le droit des citoyens et des patients afin d’améliorer leurs relations avec les soignants et les gestionnaires de services de santé lors de la dispensation des soins ». Cette déclaration affirme le droit pour les patients « d’être pleinement informés de leur état de santé, y compris des données médicales qui s’y rapportent, des actes médicaux envisagés, avec les risques et avantages qu’ils comportent, des possibilités thérapeutiques alternatives, du diagnostic, du pronostic et des progrès du traitement ». Elle précise en outre que « l’information ne peut qu’exceptionnellement être soustraite au patient, lorsque l’on a de bonnes raisons de penser qu’elle lui causerait un dommage grave », et que « l’information doit être communiquée au patient sous une forme adaptée à sa faculté de compréhension ». Il subsiste cependant, dans ce texte, un flou quant à la nature précise de l’information, ce qui laisse un certain champ d’action et de décision au praticien.

La Convention pour la Protection des Droits de l’Homme et de la Dignité de l’Être Humain à l’Égard des Applications de la Biologie et de la Médecine (12), adoptée par le Conseil de l’Europe le 4 avril 1997, prévoit les points suivants : • « Une intervention dans le domaine de la santé ne peut être effectuée qu’après que la personne concernée a donné son consentement libre et éclairé » ; • « Cette personne doit recevoir préalablement une information adéquate quant au but et à la nature de l’intervention, et quant à ses conséquences et ses risques » ; • « Toute personne a droit au respect de sa vie privée, s’agissant des informations relatives à sa santé » ; • « Toute personne a le droit de connaître toute information recueillie sur sa santé. Cependant, la volonté d’une personne de ne pas être informée doit être respectée ». Encore faut-il ne pas sous-estimer le désir d’information du malade...

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principal (hallucinations, croyances non partagées par les autres, trouble de la concentration, apragmatisme), qui va alors justifier le traitement. Il s’agit sans équivoque d’un symptôme, c’est-à-dire d’une manifestation anormale, pathologique, clairement située dans le champ de la maladie et qui a pour le sujet des conséquences néfastes. Il faut aider le patient à l’identifier, à prendre conscience de son caractère pathologique, de son retentissement dans la vie de tous les jours et à prendre du recul vis-à-vis de ce symptôme, c’est-à-dire de la distance vis-à-vis de la maladie. Plus le déni est important et plus il faut persévérer, expliciter, répéter inlassablement les mêmes arguments, insister sur les changements bénéfiques induits par le traitement, sans agressivité, avec humour, même si possible. La prise de conscience se fait en général progressivement, plus ou moins vite selon les patients, parfois très lentement sur des années. Il arrive qu’elle ne se fasse jamais complètement ; l’important est d’avoir maintenu la relation thérapeutique et, tant bien que mal, la continuité du traitement. C’est d’ailleurs dans ce cadre que les APAP apparaissent comme une thérapeutique innovante. La deuxième phase consiste à proposer au patient le modèle médical comme représentation de ses troubles : autant finalement relier les sensations négatives à une maladie qu’à des persécuteurs terrifiants. C’est toute la question de l’attribution des symptômes. Les programmes psychoéducatifs sont aujourd’hui recommandés en première intention dans tous les guide-lines internationaux, car ils ont montré leur efficacité en matière de prévention des rechutes, d’amélioration de la conscience des troubles et donc d’adhésion aux soins. L’information est devenue une obligation thérapeutique parce qu’elle optimise cette adhésion, facteur déterminant du pronostic, et peut s’inscrire dans une démarche psychothérapique en permettant une distanciation du sujet vis-à-vis de ses manifestations pathologiques. En accédant au contrôle de sa maladie, le patient cesse d’être seulement un schizophrène pour devenir une personne souffrant d’une maladie que l’on nomme schizophrénie.

RÉFÉRENCES 7. CONSEILS PRATIQUES L’information, indispensable fondement du consentement qui constitue l’articulation de la relation médecin-malade, concerne en psychiatrie le sujet dans sa globalité, puisque le psychisme est à la fois l’objet du soin et le support du consentement à ce dernier. Plus qu’une contrainte juridique, il s’agit là d’une véritable obligation thérapeutique, sorte de nouvelle forme de psychothérapie. Elle peut donc être considérée comme un processus éducatif, actif et progressif, comportant différentes étapes et s’adaptant bien évidemment à la situation propre de chaque patient. Dans un premier temps, en phase aiguë et dès le premier épisode, on propose de prendre pour cible le symptôme

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