Journal français d’ophtalmologie (2016) 39, 744—749
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ARTICLE ORIGINAL
Aspects épidémiologiques et cliniques de la limbo-conjonctivite endémique des tropiques en milieu scolaire à Yaoundé夽 Epidemiological and clinical aspects of tropical endemic limbo-conjunctivitis in students in Yaoundé E. Epée ∗, G. Koki , V.A. Dohvoma , C. Kenne , N.P. Biangoup , O. Tocke , C. Mvilongo , A.L. Bella , C. Ebana Mvogo Faculté de medecine et des sciences biomedicales de l’université de Yaoundé I, BP 11216, 11216 Yaoundé, Cameroun ecembre 2015 ; rec ¸u sous la forme révisée le 6 juillet 2016 ; accepté le 7 juillet Rec ¸u le 31 d´ 2016 Disponible sur Internet le 17 octobre 2016
MOTS CLÉS LCET ; Milieu scolaire ; Enfants ; Yaoundé
夽 ∗
Résumé Introduction. — La limbo-conjunctivite endémique des tropiques (LCET) est une kératoconjonctivite plus fréquente en milieu intertropical sec qu’humide. Nous nous proposons de déterminer le profil épidémiologique et clinique communautaire de cette affection dans une ville à climat équatorial humide. Patients et méthodes. — Au cours du premier trimestre de l’année 2014, nous avons mené une étude transversale et descriptive en milieu scolaire. Étaient inclus des enfants âgés de 3—15 ans dont les parents ont consenti à l’étude et chez qui la sélection s’est faite en deux temps. Après un examen sommaire initial réalisé dans les écoles, le diagnostic était ensuite confirmé par un examen ophtalmologique complet réalisé en milieu hospitalier. Sur le plan éthique, l’étude a rec ¸u toutes les autorisations nécessaires. L’analyse des données a été faite à l’aide du logiciel CSPro version 4.0 en franc ¸ais et le test de comparaison utilisé était celui de 2 avec une limite de confiance à 95 %.
Communication orale au Congrès de la Société franc ¸aise d’ophtalmologie—Paris 2015. Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (E. Epée).
http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2016.07.009 0181-5512/© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.
Limbo-conjonctivite endémique des tropiques en milieu scolaire
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Résultats. — Sur 353 élèves examinés, 129 étaient référés à l’hôpital central de Yaoundé et 82 (23,2 %) parmi eux présentaient la LCET. L’âge moyen des enfants atteints de LCET était de 8,24 ± 0,6 ans. Les garc ¸ons (57,3 %) étaient les plus touchés. La tranche d’âge de 6—12 ans (64,6 %) était la plus représentée. Une recrudescence des crises était observée en saison sèche (93 %). La poussière (49 %) et l’exposition au soleil (43 %) constituaient des facteurs aggravants. Conclusion. — La prévalence de la LCET observée en milieu scolaire dans cette étude est importante. © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.
KEYWORDS TELC; School; Children; Yaoundé
Summary Introduction. — TELC, tropical endemic limbo-conjunctivitis, is a keratoconjunctivitis seen more frequently in dry intertropical settings than humid ones. We aim to determine the epidemiologic and clinical profile of this condition in a city with a humid equatorial climate. Patients and methods. — During first third of 2014, we conducted a cross-sectional descriptive study in schools. Included were children aged 3—15 years who received parental consent. The selection was conducted in two steps. After an initial examination of children within the schools, the diagnosis was then confirmed by a complete ophthalmologic examination carried out in the hospital. For ethical clearance, the study received all necessary authorizations. The data were analyzed using the CSPro version 4.0 software in French and the comparison test used was 2 with a confidence limit of 95 %. Results. — Out of 353 students examined, 129 were referred to the Yaoundé central hospital, among which 82 (23.2 %) were confirmed with TELC. The median age of the children diagnosed with TELC was 8.24 + 0.6 years. Boys (57.3 %) were affected more than girls. The age range of 6—12 years (64.6 %) was the most represented. A recrudescence of the attacks was observed during the dry season (93 %) of cases. Dust (49 %) and sun exposure (43 %) were aggravating factors. Conclusion. — The prevalence of TELC observed in school in this study is significant. © 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction La limbo-conjunctivite endémique des tropiques (LCET), est une inflammation bilatérale de la conjonctive caractérisée par sa localisation au niveau du limbe, sa chronicité, sa fréquence, l’altération de la vision qu’elle peut entraîner et son fort taux de récidive. Ce qui a amené Diallo à en faire une entité pathologique autonome distincte de la kératoconjonctivite vernale, son synonyme sous les climats tempérés [1]. C’est une affection très fréquente chez l’enfant âgé de 0 à 15 ans [2]. Elle est l’apanage des régions chaudes, humides et poussiéreuses, particulièrement répandues en Afrique intertropicale [1]. Le Cameroun, pays d’Afrique centrale est situé entre le tropique du cancer au Nord et l’équateur au Sud. Son écosystème est composé de forêts au sud avec un climat équatorial humide, et des savanes et steppes au nord avec un climat tropical semi-aride, chaud et sec [3]. Les études réalisées en milieu hospitalier sur la LCET dans la partie sud du Cameroun trouvaient des prévalences minimes [4—6] contrairement au nord [7]. La migration des populations dans ce pays, de même que les bouleversements climatiques pourraient constituer des facteurs tendant à équilibrer les fréquences de cette affection dans toutes les régions.
Une approche scolaire dans la communauté, hors du milieu hospitalier fréquemment décrit, apporterait peut-être une meilleure connaissance sur les données épidémiologiques de cette pathologie dans notre environnement. C’est dans ce but que nous avons entrepris d’étudier les aspects épidémiologiques et cliniques de la limboconjonctivite endémique des tropiques (LCET) dans des écoles de la ville de Yaoundé.
Patients et méthodes Il s’agissait d’une étude transversale et descriptive menée dans 30 écoles maternelles et primaires privées et publiques du département du Mfoundi (Yaoundé) et dans le service d’ophtalmologie de l’hôpital central de Yaoundé (HCY), situé dans la partie sud du Cameroun. Étaient inclus, après consentement des parents, tous les enfants âgés de 3 à 15 ans sans distinction de sexe, régulièrement inscrits dans les établissements retenus pour l’étude et examinés durant la période allant du 20 janvier au 20 mars 2014. La taille de notre échantillon a été calculée en utilisant la prévalence de la LCET d’une étude communautaire menée au Rwanda en 2011 qui était de 4 % avec une marge d’erreur considérée de 0,03. Elle prévoyait 328 enfants et la technique de
746 sondage en grappe a été utilisée afin de choisir les écoles, les classes et les élèves. Le recrutement des patients était fait en deux étapes : une descente dans les écoles avec examen sommaire des élèves. Ceux suspectés de LCET étaient convoqués dans le service d’ophtalmologie de l’HCY pour un examen complet. La descente dans les écoles s’est faite en deux temps. Le premier temps consistait à rencontrer les dirigeants des établissements, sélectionner les classes et les élèves à qui des fiches de consentement éclairé étaient remises pour signatures ou visa des parents. Une communication orale informative était faite à l’endroit de tous. La deuxième descente effectuée 48 h après la première consistait à recueillir les fiches de consentement et examiner les enfants. Cet examen portait sur un interrogatoire/anamnèse quand cela était possible, une inspection des yeux, un examen oculaire à l’aide d’une torche frontale couplée à une loupe grossissante. Le diagnostic de LCET était posé sur la base des signes cliniques et fonctionnels énoncés par Diallo dans sa classification en 4 stades [1] mais la forme clinique tenait compte de la classification de Resnikoff [8]. Les parents des enfants suspectés de LCET étaient contactés par téléphone et par correspondance écrite les invitant à conduire les enfants à l’HCY pour un examen approfondi. L’examen à l’hôpital comprenait : un interrogatoire (données démographiques, symptomatologie, notion d’atopie personnelle ou familiale), une mesure de l’acuité visuelle de loin à l’échelle de Snellen ou de Monoyer, une inspection, un examen au biomicroscope du segment antérieur. Les tests cutanés et sanguins (éosinophilie) n’ont pas été effectués. Les variables analysées étaient : l’âge, le sexe, le lieu de résidence, les symptômes, les antécédents allergiques personnels et familiaux de LCET, les signes physiques, les complications éventuelles et les formes cliniques. L’analyse des données était effectuée avec le logiciel CSpro version 4.0 en franc ¸ais, SPSS 20, STATA 9 et les tests de comparaison utilisés étaient les tests de 2 et de StudentFisher avec une limite de confiance à 95 %.
Résultats Dans les 7 arrondissements que compte la ville de Yaoundé, 1986 écoles étaient recensées pour un effectif de 347226 élèves. Les écoles retenues étaient réparties en 30 grappes de 1782 élèves. Le nombre d’élèves retenu par grappe a été calculé par la formule suivante : la taille de l’échantillon sur le nombre de grappes. La taille de l’échantillon étant égale à 328 élèves. Au hasard, 14 élèves dans chaque classe de la petite section au cours moyen deuxième année étaient choisis. Sur les 420 fiches de consentement éclairées remis aux élèves inclus dans l’étude, douze (2,85 %) n’ont pas obtenu l’autorisation des parents et cinquante-cinq (13,09 %) n’ont pas restitué soit un taux de participation de 84 %. Au total, 353 élèves ont été examinés. Parmi eux, 164 étaient de sexe masculin (46,46 %) et 189 de sexe féminin (53,54 %) soit un sex-ratio de 0,85 en faveur des filles. La moyenne d’âge des enfants examinés était de 8,09 ans avec un écart-type de 2,90 ans. La Fig. 1 fait observer que la tranche d’âge de six à douze ans était la plus représentée
E. Epée et al.
Figure 1. d’âge.
Distribution de la population d’étude par tranche
avec 60,4 % de cas suivie de celle de 3 à 5 ans avec 28,3 % de cas. Sur un total de 129 élèves suspects de LCET, 82 étaient diagnostiqués LCET positif à l’HCY soit une fréquence de 23,2 %. On retrouvait 47 enfants de sexe masculin (28,7 %) et 35 de sexe féminin (18,5 %) soit un sex-ratio de 1,34 en faveur des garc ¸ons (p = 0,0236). La moyenne d’âge était de 8,24 ans ± 0,6 ans avec un écart-type de 2,857 ans. La Fig. 2 montre la prédominance des enfants âgés de 6 à 12 ans (64,6 %) suivie de celle de 13 à 15 ans (11 %) et enfin 3 à 5 ans (24,4 %). Les patients atteints de LCET se retrouvaient dans les 7 arrondissements de Yaoundé. La plupart résidait dans l’arrondissement de Yaoundé II, III, IV, V, VII avec respectivement 29,2 %, 28,2 %, 26,40 %, 24,40 % et 22,70 % de cas. Les arrondissements de Yaoundé I et VI étaient les moins représentés avec respectivement 17,20 % et 14,80 %. Mais cette différence de proportion n’était pas statistiquement significative entre ces lieux de résidence (p = 0,501). Un antécédent d’atopie était présent chez 62,2 % des patients avec LCET. La rhinite allergique était l’atopie la plus fréquente avec 37,7 % de cas suivis d’allergie alimentaire avec 12,7 % de cas comme le montre la Fig. 3. Une notion d’allergie familiale était présente chez 13 (16 %) de ces patients. Le Tableau 1 montre la fréquence des plaintes des enfants atteints de LCET, dominée par le prurit (98 %). Il faut noter qu’un enfant pouvait présenter plusieurs plaintes souvent récurrentes. L’atteinte oculaire était bilatérale chez tous les malades. Parmi les patients atteints, 75 (93 %) avaient un antécédent de plainte récurrente en saison sèche, 6 (7 %) avait
Figure 2.
Distribution de la LCET par tranche d’âge.
Limbo-conjonctivite endémique des tropiques en milieu scolaire
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Discussion
Figure 3. d’atopie.
Répartition des patients atteints de LCET selon le type
Tableau 1 Répartition des patients atteints de LCET selon la symptomatologie. Signes/Symptômes
Effectif
Pourcentage
Prurit Larmoiement Œdème palpébral Sécrétion mousseuse et collante Rougeur conjonctivale Coloration brunâtre (hyperpigmentation limbique) Douleur Sensation de grain de sable Baisse d’acuité visuelle Photophobie
80 65 28 47
98 79 34 57
57 30
70 37
37 52 16 41
45 63 20 50
un antécédent de plainte non liée à une saison et aucun patient n’avait présenté d’épisode en saison pluvieuse. La recrudescence des plaintes chez ces patients était fortement corrélée à la saison (p < 0,000). La Fig. 4 montre la prédominance de la forme palpébrale (65 %) suivie de la forme mixte (28 %) et enfin la forme limbique (7 %). Aucune complication anatomique ni fonctionnelle n’avait été relevée.
Figure 4. Répartition des patients atteints de LCET en fonction de la forme clinique.
Bien que la LCET soit une affection oculaire allergique rare en régions tempérées, des études hospitalières dans plusieurs pays d’Afrique l’ont identifiée comme un motif d’hospitalisation allant de 3 % à 6 % des patients de tous les âges [9] et de 33 % à 90 % des enfants et adolescents [2,10]. Le taux de participation élevé de notre population d’étude se rapproche de celui de De Smedt et al. au Rwanda qui trouvaient un taux de 94,7 % [11]. Ce résultat pourrait s’expliquer par la méthodologie utilisée. Pour de nombreux auteurs, la LCET est une affection des régions chaudes, peu humides et poussiéreuses d’étiologie inconnue et à fréquence variable [1,4,5,7,10,12]. La prévalence trouvée dans notre étude est compatible avec les publications faites par Diallo en 1976 (Sénégal) pour qui, les prévalences de la LCET rapportées en Afrique varient de 2,8 à 90 % [2]. Ainsi en dehors du Cameroun, Resnikoff et Cornand en 1988 rapportaient une prévalence de 5 % pour la tranche d’âge de 5 à 9 ans au Tchad et à Djibouti [8]. De Smedt et al. au Rwanda trouvaient en 2011 une prévalence de 4 % dans la tranche d’âge de 7 à 14 ans [11]. Au Cameroun, comme prévalence hospitalière, Bella et Ebana Mvogo en 1997 et en 1999 retrouvaient 3,7 % à Douala chez les enfants de moins de cinq ans [5,6], pendant que Omgbwa Eballé et al. en 2009 rapportaient 17,8 % à Yaoundé chez les enfants âgés de 6 à 15 ans [12]. Ces résultats sont inférieurs aux nôtres du fait du caractère hospitalier de leur étude dans des zones climatiques peu propices à l’expression de la maladie (Yaoundé et Douala situées au Sud Cameroun) d’une part, et d’autres part, des tranches d’âge retenues. Cependant, Koki et al. [7] à Garoua au Nord Cameroun en 2011 rapportaient une prévalence hospitalière de 31,55 % chez les enfants âgés de 0 à 15 ans, supérieure à la nôtre. L’explication de cet écart entre les fréquences se trouverait certainement dans la différence entre le Sud du Cameroun au climat équatorial très humide moins propice à l’expression clinique de la maladie et le nord au climat tropical chaud et sec plus propice. Elle s’expliquerait également par le mouvement du front intertropical climatique et la floraison environnementale ajoutée à la masse d’air continentale chaude et sèche appelé harmattan présent au Nord [3]. Bien que notre étude soit menée en milieu scolaire, la fréquence de la LCET reste inférieure à celle retrouvée au Nord Cameroun dans une étude hospitalière [7]. Ce qui sous-entend des valeurs encore plus élevées en milieu scolaire voire dans les communautés au nord. Le climat aurait donc probablement un impact important sur la LCET. Les flux migratoires des populations de la zone tropicale vers la zone équatoriale expliqueraient le taux de 17,8 %, retrouvé par Omgbwa et al. [12] dans un hôpital de référence situé en zone équatoriale, ainsi que le nôtre. Les différences climatiques et saisonnières du lieu d’étude expliqueraient les variations de prévalence de la maladie, ainsi que la sévérité de la maladie dans certaines régions du monde surtout en zone intertropicale. Les auteurs sont unanimes sur le fait que la LCET est une affection plus fréquente chez le jeune garc ¸on, fréquence qui varie suivant les études [1,2,4,7,10,13,14]. Ce que corrobore notre travail bien que les âges varient d’une série à l’autre. Cependant, des études comme celles de Sandford-
748 Smith [15] au Nigeria, de Doumbia [16] au Mali, de Mumbere [17] en République démocratique du Congo et de Mc Molli et Assonganyi [18] au Cameroun rapportaient une répartition équitable entre les deux sexes. Par ailleurs, d’autres études européennes et africaines trouvaient que la jeune fille avait un risque significativement élevé de développer une LCET dans sa deuxième décennie à cause d’une augmentation de la sécrétion des androsténediones à la puberté [19,20]. La prédominance masculine de la LCET retrouvée dans notre étude pourrait s’expliquer par le fait que les petits garc ¸ons passent plus de temps à jouer dehors que les petites filles, s’exposant ainsi plus longtemps aux UV. En plus, la saison sèche est plus propice pour ces jeux. Ce qui expliquerait la prédominance de cette pathologie en saison sèche puisque les garc ¸ons sont généralement plus en contact avec la poussière et les rayons solaires que les filles [21]. L’hygrométrie de Yaoundé au Sud étant de 20 à 92 % avec une pluviométrie de 22 mm à 300 mm pendant que celle de Garoua au nordest de 10 % à 70 % avec une pluviométrie de 0 mm a 210 mm [22]. Ayena et al. [23] au Togo, Doumbia [16] au Mali retrouvaient dans leurs séries des moyennes d’âges respectives de 7,8 ± 3,2 ans et de 8 ans proches du notre. Ebana et al. [5] à Douala et Mc Molli et Assonganyi [18] à Yaoundé rapportaient respectivement des moyennes d’âge de 9,4 ans et de 10,3 ans supérieures au nôtre. Cependant, Chenge et al. [10] retrouvaient, chez les enfants congolais de 5 mois à 15 ans une moyenne d’âge de 6,5 ans similaire à celle de Koki et al. [7] au Nord Cameroun mais inférieure à la nôtre. Ces différences pourraient se justifier par les tranches d’âges et les méthodes retenues. Pour Everaets et Doutetien [9], Koki et al. [7] les enfants de 0 à 5 ans sont les plus touchés, contrairement à la nôtre ou la prédominance de la maladie est retrouvée dans la tranche d’âge de 6 à 10 ans. L’explication de cette différence se trouverait dans le lieu d’étude et l’exclusion des enfants de 0—3 ans non scolarisés. La LCET est une kératoconjonctivite chronique d’étiologie allergique [5]. Bonini et al. en Italie [24], et Frankland et Easty. en Thailand [25] retrouvaient dans leurs séries respectivement 49 % et 69 % d’antécédents d’allergie, ce que corrobore notre étude. D’autres études africaines ont également rapporté une fréquence élevée des maladies atopiques chez les patients atteints de kératoconjonctivite allergique [11,16]. Ceci fait évoquer des déterminants génétiques qui existeraient entre les maladies atopiques et la kératoconjonctivite allergique [26]. Bien que la LCET soit fréquemment associée à une notion d’atopie (asthme, rhinite) dans les régions tempérées, plusieurs études hospitalières d’Europe, d’Asie [25] et d’Afrique [2,4,17] avaient des résultats contraires. Cette différence pourrait être mise sur le compte d’une mauvaise compréhension de la notion d’atopie par les enfants ou les parents induisant, ainsi, des réponses erronées. En Afrique, la LCET à une faible variation saisonnière et est présente toute l’année avec un léger pic en saison de chaleur [7]. Notre étude, celles de Chenge et al. [10] et de plusieurs autres auteurs africains [9,10] retrouvent une recrudescence de la symptomatologie durant la saison sèche. Par contre pour Diallo [2] et Koki et al. [7], la recrudescence de la LCET est présente toute l’année. Une étude prospective en communauté menée sur une période
E. Epée et al. d’un an dans notre contexte apporterait peut-être plus d’éclairage. Diallo a classé le prurit comme signe fonctionnel majeur, suivi de la photophobie et de la sensation de corps étranger [2]. Nos résultats, superposables à ceux retrouvés par d’autres auteurs au Cameroun [5,7,18], diffèrent de ceux de Mumbere [17] qui retrouvait les fréquences suivantes : prurit oculaire (89,1 %) ; sensation de grain de sable (73,4 %) ; larmoiement (70,3 %), photophobie (70,3 %). La classification des formes cliniques selon Resnikoff et Cornand [8] retrouve la prédominance des formes palpébrales sur les mixtes puis sur les formes limbiques. Les résultats des études de Chenge et al. [10] et de Doumbia [16] se rapprochent des nôtres. Ces résultats diffèrent de ceux de Mumbere [17] à Kinshasa au Congo, Resniskoff et Cornand [8] à Djibouti et Totan et al. [27] qui rapportaient une prédominance de la forme mixte. De plus notre étude n’a pas trouvé de complication de la LCET ce que corrobore l’étude de Mumbere [17] et Chenge et al. [10] en République démocratique du Congo et Koki au Cameroun qui signale la rareté des complications. Cependant, ces résultats sont contraires à ceux d’autres auteurs africains et non africains. Des facteurs environnementaux ou génétiques joueraientils particulièrement un rôle ou expliqueraient-ils cela ? Une étude sur le génome et les formes cliniques corrélées aux stades cliniques de la LCET à Yaoundé apporterait, peut-être une réponse. En outre, les enfants ont été probablement examinés au stade de début de la maladie.
Conclusion La LCET est présente aussi bien dans les régions du Nord que celle du Sud Cameroun, avec cependant une fréquence supérieure au nord. Il ressort de cette étude que la LCET est une affection fréquente en région équatoriale avec une prédominance d’atteinte des enfants de la tranche d’âge de 6 à 10 ans. Les deux sexes sont affectés avec une nette dominance du sexe masculin. La saison sèche constitue un facteur aggravant de la maladie et le terrain atopique constitue un facteur favorisant. La forme palpébrale demeure la plus fréquente dans notre contexte quelle que soit la région. Les complications sont peu fréquentes.
Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
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