Aspects pratiques de radioprotection en radiopharmacie

Aspects pratiques de radioprotection en radiopharmacie

Rec¸u le : 19 fe´vrier 2009 Accepte´ le : 29 avril 2009 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Revue ge´ne´rale Aspects pratiques de rad...

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Rec¸u le : 19 fe´vrier 2009 Accepte´ le : 29 avril 2009

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com



Revue ge´ne´rale

Aspects pratiques de radioprotection en radiopharmacie Practical aspects of radioprotection in radiopharmacy O. Aupe´ea, N. Rizzo-Padoinb, P. Le Garlantezeca, X. Bohandc, H. Foehrenbachd, P. Larochee* a

Unite´ de radiopharmacie, pharmacie a` usage inte´rieur, hoˆpital d’instruction-des-arme´es du Val-de-Graˆce, 74, boulevard de Port-Royal, 75230 Paris cedex 5, France Unite´ de radiopharmacie, pharmacie a` usage inte´rieur, groupement hospitalier Lariboisie`re–Fernand-Widal, Assistance publique des Hoˆpitaux de Paris, 2, rue Ambroise-Pare´, 75010 Paris, France c Service de pharmacie hospitalie`re, hoˆpital d’instruction-des-arme´es Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, 92141 Clamart cedex, France d Service de me´decine nucle´aire, hoˆpital d’instruction-des-arme´es du Val-de-Graˆce, 74, boulevard de Port-Royal, 75230 Paris cedex 5, France e Service de protection radiologique des arme´es, 1 bis, rue du Lieutenant-Raoul-Batany, 92141 Clamart cedex, France b

Summary

Re´sume´

Radiopharmacy is a hospital pharmacy activity that used non-sealed radioactive sources for the preparation of radiopharmaceutical drugs used in nuclear medicine. Ionizing radiations exposure and risk of internal and cutaneous contamination linked to this activity justify the implementation of radiological protection measures following the general rules for non-sealed radioactive sources handling. In practice, the implementation’s procedures must be defined for each step of the radiopharmaceutical drugs channel: reception, preparation, control, delivery of drugs and wastes management. Furthermore, procedures must be planned in case of accident such as human or area contamination. Besides, individual medical surveillance and dosimetry follow-up must be applied to radiopharmacy personnel, in order to make sure of the effectiveness of radiation protection procedures and of the respect of the exposure limits. ß 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

La radiopharmacie est une activite´ de pharmacie hospitalie`re qui utilise des sources radioactives non scelle´es pour la pre´paration des me´dicaments radiopharmaceutiques utilise´s en me´decine nucle´aire. L’exposition aux rayonnements ionisants et le risque de contamination interne et cutane´e lie´s a` cette activite´ imposent de mettre en œuvre des moyens de radioprotection qui de´coulent des re`gles ge´ne´rales de radioprotection pour la manipulation de sources non scelle´es. Les modalite´s pratiques de mise en œuvre doivent eˆtre de´finies pour chacune des e´tapes du circuit des me´dicaments radiopharmaceutiques : re´ception des produits, pre´paration des me´dicaments, controˆle des pre´parations, dispensation des doses et gestion des de´chets. Par ailleurs, la conduite a` tenir en cas d’incident doit eˆtre pre´vue, qu’il s’agisse d’une contamination de surface ou d’une contamination humaine. Paralle`lement, les personnels affecte´s en radiopharmacie doivent faire l’objet d’une surveillance me´dicale renforce´e et d’un suivi dosime´trique, afin de s’assurer de l’efficacite´ des mesures de radioprotection et du respect des limites d’exposition. ß 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

Keywords: Radiation protection, Radiopharmacy, Nuclear medicine, Contamination, Irradiation

Mots cle´s : Radioprotection, Radiopharmacie, Me´decine nucle´aire, Contamination, Irradiation

Nature des risques en radiopharmacie * Auteur correspondant. e-mail : [email protected]

La radiopharmacie est une activite´ de pharmacie hospitalie`re consacre´e a` la pre´paration, au controˆle et a` la dispensation 385

1775-8785/$ - see front matter ß 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. 10.1016/j.admp.2009.04.018 Archives des Maladies Professionnelles et de l’Environnement 2009;70:385-394

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des me´dicaments radiopharmaceutiques (MRP) utilise´s dans les services de me´decine nucle´aire. Cette activite´ est place´e sous la responsabilite´ d’un radiopharmacien qui assure les missions suivantes :  la gestion, l’approvisionnement et la de´tention des produits radiopharmaceutiques (PRP) : MRP, trousses, ge´ne´rateurs et pre´curseurs ;  la pre´paration des MRP ;  le contro ˆ le des PRP, des e´quipements et des locaux ;  la dispensation nominative des MRP ;  la gestion des de´chets radioactifs ;  la trac¸abilite´ des MRP. La pre´paration des MRP fait appel a` l’utilisation de sources radioactives, ce qui implique la mise en œuvre de mesures de radioprotection au sein de l’unite´ de radiopharmacie. S’agissant de sources non scelle´es, les personnels de la radiopharmacie sont soumis non seulement a` l’exposition externe, mais e´galement au risque de contamination radioactive, externe ou interne [1]. En radiopharmacie, l’exposition externe est tre`s souvent limite´e, avec une exposition principale des mains et des doigts des ope´rateurs au cours de la manipulation des produits radiopharmaceutiques. Il peut arriver parfois que l’exposition soit plus e´tendue (par exemple, exposition corps-entier lors de la re´ception et de l’installation des ge´ne´rateurs de techne´tium) [2]. La contamination radioactive peut eˆtre externe, par de´poˆt de corps radioactifs sur la peau, ou interne par pe´ne´tration dans l’organisme (par inhalation, ingestion ou par une plaie ouverte contamine´e). Ce risque de contamination survient au cours de la manipulation d’un produit radiopharmaceutique (par exemple, risque d’inhalation d’iode 123), ou en cas de contact avec du mate´riel contamine´. Ce risque reste ne´anmoins tre`s faible dans les conditions normales de travail. La me´decine nucle´aire fait appel a` des radionucle´ides e´metteurs de rayonnements diffe´rents selon qu’ils sont utilise´s a` vise´e diagnostique ou the´rapeutique. Les e´metteurs gamma et les e´metteurs de positons sont utilise´s pour l’imagerie scintigraphique, alors que les e´metteurs beˆta moins sont utilise´s en radiothe´rapie me´tabolique. Les caracte´ristiques diffe´rentes de ces rayonnements (e´nergie, pouvoir de pe´ne´tration. . .) impliquent la mise en œuvre de moyens de radioprotection diffe´rents, adapte´s au radionucle´ide manipule´ [3]. Les pre´parations radiopharmaceutiques sont le plus souvent injectables et multidoses. Il appartient donc au radiopharmacien, garant de la qualite´ pharmaceutique des MRP, de s’assurer que les mesures de radioprotection sont 386

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compatibles avec un respect strict des re`gles d’asepsie, permettant de garantir la ste´rilite´ du me´dicament a` injecter au patient.

Moyens de radioprotection en radiopharmacie Les mesures de radioprotection a` suivre en radiopharmacie de´coulent des re`gles ge´ne´rales de radioprotection a` mettre en œuvre lors de toute manipulation de source radioactive non scelle´e en zone controˆle´e. Les moyens pour se prote´ger de l’exposition externe sont fonde´s sur plusieurs principes, dont sont issues toutes les re`gles de manipulation [4] :  re´duire « le temps » d’exposition ;  augmenter « la distance » entre la source radioactive et l’ope´rateur ;  interposer « des e´crans » entre la source radioactive et l’ope´rateur ;  ne manipuler que la « quantite´ » de substance radioactive « strictement ne´cessaire ». L’association de ces quatre mesures est ne´cessaire pour s’assurer d’une protection maximale contre l’exposition externe. Les moyens pour se prote´ger de la contamination radioactive interne sont lie´s aux diffe´rentes voies de pe´ne´tration possibles dans l’organisme. Ainsi, pour e´viter l’ingestion de matie`res radioactives, il convient de ne pas boire, manger, fumer en zone controˆle´e, et de ne jamais « pipeter » en aspirant par la bouche. Pour e´viter l’inhalation, il faut pre´venir toute exposition a` des vapeurs ou des ae´rosols de substances radioactives en travaillant sous hotte ventile´e ou en boıˆte a` gants en de´pression et en e´vitant la surpression dans les flacons. La protection contre la contamination cutane´e repose e´galement sur plusieurs principes. Il est ainsi obligatoire de porter des gants a` usage unique, de les changer fre´quemment ainsi qu’a` la moindre suspicion de contamination. Il convient de porter des veˆtements de travail diffe´rents des veˆtements de ville. Certaines re`gles d’hygie`ne simples permettent de limiter le risque de contamination cutane´e, comme avoir les ongles courts, e´viter de porter des bagues et retenir ses cheveux par une coiffure approprie´e. Enfin, des re`gles e´le´mentaires de manipulation permettent de limiter l’exposition et la contamination externe :  se´parer le mate´riel potentiellement contamine´ et les PRP de ce qui ne l’est pas ;  identifier tout PRP avec le tre`fle normalise´ ;

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 avant manipulation, prote´ger la surface de travail par une feuille de papier absorbant sur la face supe´rieure et imperme´able sur la face infe´rieure, la changer re´gulie`rement et a` la moindre suspicion de contamination ;  en fin de travail, ve´rifier l’absence de contamination, notamment du mate´riel utilise´, des plans de travail et de toute surface potentiellement contamine´e (poigne´e de porte, clavier d’ordinateur, interphone. . .) ;  en sortie de zone contro ˆ le´e, ve´rifier l’absence de contamination de ses mains et de ses pieds. L’application de toutes les re`gles de pre´vention de la contamination radioactive est par ailleurs facilite´e par un ame´nagement particulier des locaux. L’individualisation et l’identification des locaux, leur regroupement en un seul endroit et leur hie´rarchisation par activite´s de´croissantes permettent ainsi de les se´parer des autres locaux et de de´limiter facilement une zone controˆle´e. Le renouvellement d’air (au minimum dix volumes par heure pour le local de pre´paration) et la ventilation en de´pression de la zone controˆle´e, inde´pendante de celle du reste du baˆtiment, permettent d’entraıˆner les substances gazeuses ou volatiles, de les pie´ger dans des filtres et d’empeˆcher un recyclage de l’air vicie´. En outre, les sols, murs et surfaces de travail doivent eˆtre lisses, sans angles, imperme´ables et sans joints, ce qui facilite non seulement la de´contamination, mais aussi les proce´dures de nettoyage indispensables a` l’obtention du niveau d’hygie`ne requis pour la pre´paration de me´dicaments injectables.

Radioprotection en pratique Ces mesures de radioprotection sont mises en œuvre tout au long du circuit du me´dicament, de la re´ception des produits radiopharmaceutiques a` la dispensation des MRP.

Tenue de travail en radiopharmacie Les re`gles d’habillage et d’hygie`ne permettent a` la fois d’assurer une mesure pre´ventive efficace contre la contamination cutane´e et e´galement d’atteindre le niveau de proprete´ requis pour la pre´paration de me´dicaments injectables ste´riles. Il convient ainsi de :  porter des veˆtements de travail a` manche longue ;  reveˆtir des couvre-chaussures, une charlotte et un masque le cas e´che´ant ;  mettre des gants avant toute manipulation potentiellement contaminante (fig. 1).

Figure 1. Ope´rateur en tenue de travail re´alisant une pre´paration.

Re´ception des produits radiopharmaceutiques Lors de la re´ception, meˆme si les PRP peuvent pre´senter de fortes activite´s de radioactivite´, le risque d’exposition est largement limite´ graˆce au conditionnement blinde´ adapte´. Un controˆle visuel des colis doit eˆtre re´alise´ pour rechercher des traces de fuite ou un endommagement de l’emballage. En cas d’anomalie, le de´bit de dose a` la surface des colis est a` controˆler (de´bit de dose infe´rieur a` 2 mSv/h au contact pour les colis les plus actifs), et l’absence d’une contamination de surface est ve´rifie´e. Par ailleurs, afin de pre´venir toute contamination cutane´e, le port des gants est obligatoire lors de l’ouverture des colis. Lors de la re´ception des ge´ne´rateurs de techne´tium 99m (99mTc), il est recommande´ d’utiliser un chariot pour le transport depuis le local de re´ception vers le local de pre´paration, afin d’augmenter la distance entre l’ope´rateur et le colis. Le port du tablier de plomb est pre´conise´ lors de ce transport et de l’installation du ge´ne´rateur dans l’enceinte blinde´e (fig. 2).

Pre´paration des me´dicaments radiopharmaceutiques La pre´paration des MRP met en jeu deux cate´gories de matie`res premie`res : le radionucle´ide et la trousse. Pour la majorite´ des pre´parations radiopharmaceutiques re´alise´es, le radionucle´ide utilise´ est du 99mTc. Celui-ci est obtenu au sein de l’unite´ de radiopharmacie par e´lution d’un ge´ne´rateur de 99Mo/99mTc au moment des besoins. Le 387

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Figure 3. Ge´ne´rateurs de molybde`ne 99/techne´tium 99m.

Figure 2. Ope´rateur veˆtu d’un tablier de plomb re´ceptionnant un ge´ne´rateur.

radionucle´ide peut e´galement eˆtre fabrique´ industriellement a` partir d’un re´acteur ou d’un cyclotron (le radionucle´ide est alors appele´ pre´curseur) et eˆtre livre´ sous forme de solution ste´rile preˆte a` l’emploi pour le marquage d’une substance. La trousse, constitue´e d’une substance active – ayant un roˆle de vecteur – et d’excipients, donne le MRP apre`s radiomarquage par le radionucle´ide (Fig. 3 et 4). Les ope´rations de pre´paration sont re´alise´es en prenant en compte les principes de´crits pre´ce´demment relatifs a` la radioprotection contre l’exposition (e´cran – temps – distance) et la contamination. Pour les applications diagnostiques de la me´decine nucle´aire (scintigraphie et tomographie par e´mission de positons), les e´metteurs gamma et les e´metteurs de positons utilise´s conduisent a` l’e´mission d’un rayonnement photonique qui peut eˆtre atte´nue´ par des e´le´ments lourds (plomb ou tungste`ne ge´ne´ralement). Ainsi, la pre´paration des MRP est re´alise´e dans une boıˆte a` gants blinde´e – afin de limiter l’exposition externe – et en 388

Figure 4. Pre´curseur.

de´pression sous filtres afin d’e´viter toute contamination des personnels et des locaux. Tous les e´quipements pre´sents dans l’enceinte (poubelle, boıˆte a` aiguille, bain-marie, agitateur, activime`tre. . .) doivent e´galement eˆtre blinde´s afin de limiter l’exposition des doigts et des mains des ope´rateurs dans l’enceinte (fig. 5). Lors de la pre´paration, tous les flacons destine´s a` contenir une solution radioactive et toutes les seringues ne´cessaires

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Figure 6. Prote`ge-seringue et prote`ge-flacon adapte´s aux e´metteurs de haute e´nergie.

Figure 5. Enceinte blinde´e (4 ronds de gant) adapte´e aux e´metteurs de basse e´nergie.

au pre´le`vement seront pre´alablement place´s dans des protections adapte´es au type de rayonnement. On utilisera ainsi des prote`ge-flacons et des prote`ge-seringues en plomb ou en tungste`ne, ge´ne´ralement e´quipe´s de feneˆtre en verre au plomb afin de visualiser le volume pre´leve´ dans la seringue ou contenu dans le flacon. L’e´paisseur de la protection en plomb ou en tungste`ne est fonction de l’e´nergie du rayonnement. Ainsi, les enceintes de´die´es aux e´metteurs de positons, dont les photons d’annihilation sont tre`s e´nerge´tiques (511 keV), ont une e´paisseur de plomb plus importante que les enceintes de´die´es aux e´metteurs de photons gamma de plus basses e´nergies (ge´ne´ralement 6 mm de plomb pour les photons de basse e´nergie et 40 mm pour les e´metteurs de positons). De meˆme, la radiopharmacie est e´quipe´e de prote`ge-flacons et prote`geseringues d’e´paisseur diffe´rente pour les e´metteurs de positons et pour les e´metteurs gamma de plus faible e´nergie (fig. 6 et 7). Si les applications diagnostiques de la me´decine nucle´aire repre´sentent l’essentiel de son activite´, il existe e´galement des applications the´rapeutiques qui font appel a` des radioe´le´ments e´metteurs b–, du fait du faible parcours de la particule b– dans la matie`re et de son action destructrice

Figure 7. Prote`ge-seringue et prote`ge-flacon adapte´s aux e´metteurs de basse e´nergie.

pour les tissus. Pour se prote´ger de ce rayonnement particulaire, on utilise des prote`ge-flacons et prote`ge-seringues ge´ne´ralement en plexiglas ou autre mate´riau le´ger, afin d’e´viter l’apparition de rayonnement X de freinage des b– dans un mate´riau lourd (fig. 8). Lors de la manipulation des flacons hors de leur protection plombe´e, par exemple lors de la mesure de l’activite´ dans l’activime`tre, il ne faut jamais tenir le flacon a` mains nues et toujours utiliser une pince, de manie`re a` augmenter la distance entre la source et l’ope´rateur et ainsi diminuer l’exposition externe (Fig. 9 et 10). Enfin, une organisation optimise´e permet de diminuer le temps de pre´paration et donc de re´duire le temps d’exposition aux rayonnements. Ce point est particulie`rement 389

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Figure 8. Prote`ge-seringues et prote`ge-flacon adapte´s aux e´metteurs b(plexiglas).

important lors de la formation de nouveaux ope´rateurs, chez qui un entraıˆnement « a` blanc » avec des solutions non radioactives permet une familiarisation avec les techniques de pre´paration radiopharmaceutique, et par la` meˆme une re´duction du temps d’exposition lors des manipulations ulte´rieures « en re´el » (Fig. 11 et 12).

Controˆle des pre´parations radiopharmaceutiques La pre´paration des MRP ne correspond pas seulement a` une simple remise en suspension d’un principe actif dans un solvant, mais bien a` une ve´ritable re´action chimique entre le vecteur mole´culaire froid et le radionucle´ide. Dans ce contexte, le controˆle de qualite´ de la pre´paration apparaıˆt donc essentiel, afin de s’assurer de la conformite´ du

Fig. 9 et 10. Utilisation d’une pince de manipulation a` distance.

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radiomarquage, parame`tre fondamental pour la qualite´ des images obtenues et la se´curite´ des traitements. Le controˆle des pre´parations radiopharmaceutiques comprend des controˆles gale´niques (aspect, taille des particules), physiques (mesure de l’activite´, identification du radionucle´ide, purete´ radionucle´idique), chimiques (pH, purete´ chimique, purete´ radiochimique) et bacte´riologiques. A` l’exception des controˆles des e´luats de ge´ne´rateurs, qui sont ge´ne´ralement tre`s actifs, les activite´s manipule´es lors des controˆles restent a` des niveaux faibles. Les re`gles de radioprotection de´crites pre´ce´demment s’appliquent ne´anmoins, notamment l’utilisation de prote`ge-seringues, d’e´crans et de poubelles blinde´es (fig. 13). Lorsque l’organisation des locaux le permet, la seringue contenant la pre´paration a` controˆler est transfe´re´e du local de pre´paration au local de controˆle par un guichet transmural. A` de´faut, la seringue est apporte´e au local de controˆle dans un conteneur de transport blinde´ (valisette blinde´e) (fig. 14).

Pre´paration des doses a` administrer et dispensation Chaque seringue contenant la pre´paration a` administrer est place´e dans une protection blinde´e (prote`ge-seringue en plomb, tungste`ne, plexiglas. . ., selon le rayonnement e´mis) (fig. 15). Des conteneurs de transport blinde´s (valisette ou chariot de transport blinde´) sont utilise´s pour le transfert des doses du local de pre´paration a` la salle d’injection, en utilisant si possible un syste`me de guichet transmural. La commercialisation d’automates de distribution des MRP commence a` se de´velopper. Leur utilisation concourt a` limiter l’exposition des personnels (Fig. 16 et 17).

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Figure 13. Ope´rateur controˆlant la purete´ radiochimique d’une pre´paration radiopharmaceutique derrie`re un e´cran blinde´ (poubelle blinde´e en arrie`re-plan).

Figure 11. Utilisation d’un activime`tre pour mesure de l’activite´ d’un flacon de MRP.

Figure 14. Valisettes blinde´es adapte´es aux e´metteurs de basse e´nergie.

Gestion des de´chets radioactifs

Figure 12. Pre´le`vement d’une solution radioactive au cours de la pre´paration d’un MRP.

En ce qui concerne les ge´lules d’iode 131, elles sont laisse´es dans leur conditionnement d’origine jusqu’a` la dispensation au patient. L’e´paisseur en plomb du conditionnement est fonction de l’activite´ de la ge´lule (fig. 18).

La manipulation des de´chets radioactifs fait appel aux meˆmes re`gles de radioprotection que pour la manipulation des sources. Il convient notamment :  de toujours porter des gants pour la manipulation des sacs de de´chets radioactifs ;  de limiter le temps d’exposition lors de la gestion des de´chets radioactifs ;  d’utiliser un chariot pour le transport des de´chets radioactifs afin d’augmenter la distance entre la source et l’ope´rateur. 391

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Figure 15. Seringue contenant la dose a` administrer au patient.

Figure 17. Guichet transmural.

Figure 16. Chariot de transport adapte´ aux e´metteurs de positons (e´metteurs de haute e´nergie).

Controˆle en fin de journe´e Afin de pre´venir toute contamination, un controˆle de non contamination des surfaces, mate´riels et e´quipements est re´alise´ syste´matiquement en fin de journe´e. Avant de sortir de la zone controˆle´e, chaque ope´rateur effectue un controˆle de non contamination, notamment de ses mains et de ses pieds (Fig. 19 et 20).

Conduite a` tenir en cas d’incident Dans tous les cas, la personne compe´tente en radioprotection de l’e´tablissement doit eˆtre pre´venue de tout accident ou incident. 392

Figure 18. Conditionnement blinde´ des ge´lules d’iode 131.

Contamination de surface Face a` une contamination de surface, il faut identifier et de´limiter la zone contamine´e, puis effectuer une de´contamination de cette zone en suivant les e´tapes suivantes :  se couvrir d’une blouse jetable et de sur-chaussures pour e´viter la contamination de ses propres effets ;  nettoyer avec une compresse imbibe´e de de´contaminant, de la pe´riphe´rie vers le centre de la contamination, en changeant fre´quemment de compresses ;  rincer abondamment afin d’e´liminer la radioactivite´ se´questre´e ;

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Plusieurs gammes de produits de´contaminants sont disponibles sur le marche´, comprenant chacune des solutions adapte´es aux diffe´rents types de contamination (sols, surfaces, mate´riels). Les principes actifs de ces de´contaminants sont le plus souvent des micelles qui permettent de pie´ger les isotopes radioactifs. Un rinc¸age abondant du mate´riel permet alors d’e´liminer la radioactivite´ se´questre´e.

Contamination humaine

Figure 19. Appareil de controˆle de la contamination « mains-pieds ».

Figure 20. Controˆle de la non-contamination des mains en sortie de zone.

 mesurer la radioactivite´ re´siduelle ;  renouveler si besoin le nettoyage ;  en cas de contamination du sol, controˆler les semelles des

chaussures des personnes pre´sentes. Pour la contamination du mate´riel, on utilise de pre´fe´rence une technique de lavage ou de trempage dans un bain de´contaminant.

En cas de contamination cutane´e, la de´contamination est re´alise´e le plus rapidement possible pour limiter l’absorption transcutane´e. Si la contamination est localise´e, la partie contamine´e est lave´e soigneusement a` l’eau du robinet et au savon, puis rince´e abondamment. Si la contamination est plus e´tendue, les mesures suivantes doivent eˆtre mises en œuvre :  recueillir les veˆtements dans un sac plastique ;  prendre une douche et se nettoyer au savon, en prote´geant les yeux, la bouche, les narines, les conduits auditifs, ainsi que toute plaie non contamine´e ;  se´cher et contro ˆ ler le niveau de contamination re´siduel ;  renouveler la de´contamination si besoin ;  se reveˆtir avec des veˆtements propres. En cas de plaie be´nigne contamine´e, la faire saigner abondamment, la rincer, la de´sinfecter et y appliquer un pansement ste´rile. L’irrigation de la plaie avec une ampoule de die´thyle`ne-triamine penta-ace´tate (DTPA) peut e´galement eˆtre envisage´e afin de se´questrer le 99mTc par che´lation et de favoriser son e´limination lors du rinc¸age. Dans tous les cas de contamination cutane´e, il faut veiller a` ne jamais transformer une contamination localise´e en une contamination plus e´tendue, et une contamination externe en une contamination interne par un nettoyage cutane´ trop e´nergique. En raison de leur corrosivite´, les produits de´contaminants de´die´s a` la de´contamination des surfaces ou du mate´riel ne doivent pas eˆtre utilise´s pour la de´contamination cutane´e. En revanche, les savons de´contaminants de´veloppe´s par certains fabricants peuvent eˆtre employe´s en comple´ment ou a` la place du lavage a` l’eau savonneuse. Une contamination interne impose une consultation aupre`s du me´decin du travail. Deux techniques d’intervention sont possibles, a` condition d’eˆtre mises en œuvre dans des de´lais brefs apre`s l’accident :  saturer l’organe-cible par un isotope stable (par exemple, administration d’iode stable sous forme d’iodure de potassium en cas d’incorporation d’iode radioactif) ; 393

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 acce´le´rer le transit de la substance dans l’organisme (diure`se force´e, administration de laxatifs, de mucolytiques. . .).

Surveillance me´dicale et suivi dosime´trique des personnels Outre la mise en œuvre des mesures de radioprotection, les personnels affecte´s a` l’activite´ de radiopharmacie doivent faire l’objet d’une surveillance me´dicale et dosime´trique. La personne compe´tente en radioprotection re´alise l’e´tude des postes de travail, ce qui aboutit a` la cate´gorisation des personnels en fonction de la dose susceptible d’eˆtre atteinte annuellement. Les doses maximales admissibles associe´es a` ces cate´gories constituent des limites d’exposition et conditionnent le rythme de la surveillance dosime´trique [5]. La surveillance de l’exposition externe est re´alise´e au moyen de dosime`tres. Le dosime`tre passif se porte au thorax et est comple´te´ par un dosime`tre de poignet, voire d’extre´mite´, pour appre´cier la dose rec¸ue localement. Ces dosime`tres passifs sont a` lecture diffe´re´e apre`s une pe´riode de port dont la dure´e est conditionne´e par la cate´gorisation du personnel. La dosime´trie passive est comple´te´e par la dosime´trie ope´rationnelle, qui permet une lecture directe et en temps re´el de la dose rec¸ue sur un dosime`tre e´lectronique. Le de´bit de dose est imme´diatement disponible, permettant ainsi d’optimiser le temps de travail graˆce a` des niveaux d’alarme. La surveillance de l’exposition interne a pour but de de´tecter un radionucle´ide pre´sent a` l’inte´rieur du corps. En radiopharmacie, les radionucle´ides manipule´s sont le plus souvent de courte pe´riode (environ six heures pour le 99mTc, 110 minutes pour le 18F), compromettant ainsi leur mise en e´vidence par des analyses radiotoxicologiques [6]. En pratique, la surveillance de l’exposition interne se limite le plus souvent a` des analyses radiotoxicologiques des urines pe´riodiques. En revanche, cette surveillance de l’exposition interne doit eˆtre impe´rativement re´alise´e en urgence lors d’une exposition accidentelle.

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Enfin, les personnels affecte´s en radiopharmacie doivent faire l’objet d’une surveillance me´dicale renforce´e [7]. Elle comprend une visite d’aptitude au moins annuelle qui statue sur l’absence de contre-indication me´dicale aux travaux sous rayonnements ionisants, en fonction de l’e´tude de poste re´alise´e par la personne compe´tente en radioprotection et des re´sultats de la surveillance dosime´trique et/ou radiotoxicologique.

Conclusion En radiopharmacie, diffe´rentes mesures permettent d’assurer une protection efficace des ope´rateurs contre les risques lie´s aux rayonnements ionisants. Dans ce domaine d’activite´ de la pharmacie hospitalie`re, il convient de souligner l’importance de la formation initiale et continue des personnels qui manipulent ces produits a` risque. En effet, les programmes de formation repre´sentent la condition indispensable a` la compre´hension des phe´nome`nes mis en jeu, a` la connaissance des moyens de radioprotection disponibles et a` l’acquisition de me´thodes de travail garantissant une se´curite´ optimale.

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