Augmentation du risque de cancer extra-mammaire chez les hommes atteints de cancer du sein

Augmentation du risque de cancer extra-mammaire chez les hommes atteints de cancer du sein

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Article original

Presse Med. 2014; 43: e33–e38 ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Augmentation du risque de cancer extra-mammaire chez les hommes atteints de cancer du sein Henri Lorphelin1,2, Isabelle Mortemousque3, Henri Marret1,2, Gilles Body1,2, Lobna Ouldamer1,2,4

1. CHRU de Tours, hôpital Bretonneau, département de gynécologie, 37044 Tours, France 2. Faculté de médecine François-Rabelais, 37000 Tours, France 3. CHRU de Tours, hôpital Bretonneau, département de génétique, 37044 Tours, France 4. Unité Inserm 1069, 37032 Tours cedex, France Reçu le 3 mai 2013 Accepté le 24 septembre 2013

Correspondance :

Disponible sur internet le : 4 mars 2014

Lobna Ouldamer, CHRU Bretonneau, département de gynécologie, 2, boulevard Tonnellé, 37044 Tours, France. [email protected]

Men with breast cancer have increased risk of other cancers Objective > To investigate the frequency of family history of breast cancer in male patients with breast cancer and the association with other cancers. Patients and methods > The patient group consisted of consecutive male patients managed for primary breast cancer in our institution between January 1997 and July 2012. Clinical data included comorbidities, BMI, personal and familial history of other cancers were searched. Results > Thirty-one male patients with the diagnosis of 32 primary breast cancers were enrolled during the study period. Thirty-two percent patients had family history of breast cancer, 29% patients had other primary cancers, and 16.1% of patients had associated prostate cancer. Discussion and conclusion > Male breast cancer frequently occurs in a context of family history of breast cancer.

tome 43 > n84 > avril 2014 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.09.013

Résumé Objectif > Identifier la part des antécédents familiaux chez les patients de sexe masculin pris en charge pour carcinome mammaire, ainsi que la survenue de cancers extra-mammaires, notamment prostatiques. Patients et méthodes > Les patients pris en charge pour un cancer du sein primitif histologiquement prouvé entre le 1er janvier 1997 et le 31 juillet 2012 dans les services de gynécologie et de chirurgie viscérale du CHRU de Tours ont été inclus. Nous avons recueilli les données concernant la clinique (incluant les co-morbidités et l’indice de masse corporelle) ainsi que les antécédents personnels et familiaux de cancers. Résultats > Sur la période de l’étude, 32 tumeurs mammaires primitives ont été opérées chez 31 hommes. Un antécédent familial de cancer du sein a été retrouvé chez 32 % des patients. Neuf patients (29 %) ont eu un deuxième cancer primitif (cancer extra-mammaire) et 16,1 % ont eu un adénocarcinome prostatique associé.

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Summary

H Lorphelin, I Mortemousque, H Marret, G Body, L Ouldamer

Its diagnosis must lead to the screening of prostate cancer especially in young men with family history.

Conclusion > Le cancer du sein chez l’homme se développe souvent dans un contexte familial de cancer du sein. Son diagnostic doit amener au dépistage de cancer de prostate, surtout chez l’homme jeune avec des antécédents familiaux.

L

grande variabilité allant de 4 à 38 % [3,4]. Une mutation de BRCA2 prédispose également au développement du cancer de la prostate, autre cancer hormonodépendant de l’homme dont l’histoire naturelle est proche. Nous avons étudié une cohorte d’hommes opérés d’un cancer du sein au CHU de Tours pour définir l’influence de l’histoire familiale de cancer du sein, de l’histoire cancérologique personnelle, et surtout l’association avec l’adénocarcinome prostatique et des prédispositions génétiques.

e cancer du sein chez l’homme est rare. Il représente 1 % des cancers du sein et moins de 1 % des cancers de l’homme. Son histoire naturelle, sa thérapeutique et sa prise en charge ont été extrapolées à partir d’études menées chez la femme chez qui l’incidence de ce cancer a permis de réaliser de larges études prospectives. Chez l’homme, le cancer du sein s’apparente par ses caractéristiques cliniques, histologiques et pronostiques à celui de la femme âgée [1,2]. L’un des principaux facteurs de risque est une histoire familiale de cancer du sein, plus particulièrement si celui-ci est apparu à un âge précoce. Chez la femme, 5 à 10 % des cancers du sein sont attribués à des mutations de gènes prédisposants : BRCA1 ou BRCA2. La mutation du gène BRCA2 est plus impliquée que celle de BRCA1 dans le cancer du sein masculin, avec une prévalence dans les différentes populations et selon les études d’une

Ce qui e´tait connu 

Le lien entre la mutation du gène BRCA2 et la survenue de cancer du sein chez l’homme.



L’augmentation croissante du risque de cancer prostatique à partir de l’âge de 50 ans.



La prise en charge consensuelle du cancer du sein chez l’homme calquée sur celle de la prise en charge du cancer du sein chez la femme âgée.



Le pronostic en général favorable des cancers diagnostiqués à un stade précoce.

Ce qu’apporte l’article 

Prise en compte importante des antécédents familiaux, y compris en l’absence de mutation génétique identifiée.



Une vue globale des risques de cancers chez les hommes avec cancer du sein.



Une analyse spécifique de l’association entre cancer de la prostate et cancer du sein.



Intérêt étayé d’une consultation oncogénétique après diagnostic d’un

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cancer du sein chez l’homme.

Méthodes Population Les patients ont été sélectionnés à partir de la base de données des réunions de concertation multidisciplinaire de cancérologie du CHRU de Tours mise à jour hebdomadairement. Tous ceux pris en charge pour un cancer du sein primitif histologiquement prouvé entre le 1er janvier 1997 et le 31 juillet 2012 dans les services de gynécologie et de chirurgie viscérale du CHRU de Tours ont été inclus. Tout patient de sexe masculin opéré pour un cancer de localisation mammaire primitive a été inclus. Les données concernant le patient, les caractéristiques de la tumeur et les traitements ont été extraites de son dossier médical. Les caractéristiques démographiques de la population et les données de survie ont été relevées, ainsi que les grandes lignes de traitement (chirurgie et traitements adjuvants). Les antécédents de cancer du sein au premier degré (parents, fratrie, enfants) ont été retenus comme significatifs pour considérer une histoire familiale de cancer du sein.

Évaluation Dans le cadre de cancers multiples, était retenue comme autre primitif, une tumeur n’étant ni une poursuite évolutive, ni une récidive, ni une évolution métastatique d’un cancer connu. Le stade a été attribué pour chaque tumeur selon sa classification TNM propre en prenant en compte la taille, le statut ganglionnaire et métastatique. Pour les tumeurs mammaires, l’examen histologique était réalisé par des anatomopathologistes dédiés à la pathologie mammaire, nous avons relevé le grade histologique selon Elston et Ellis, le statut des récepteurs hormonaux et du récepteur HER2. Pour les autres cancers associés, nous avons relevé si le diagnostic précédait ou survenait après celui de cancer du sein et le délai de survenue était calculé. Les analyses histologiques des prélèvements biopsiques et/ou de pièces opératoires étaient toujours réalisées par des anatomopathologistes spécialistes tome 43 > n84 > avril 2014

Analyse statistique Les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel R 2.13.1 (package Hmisc, Design and Survival libraries). Les variables catégorielles ont été comparées avec le test de Chi2 (x2) ou le test de Fisher. Les différences entre les variables continues ont été analysées avec le test de Student. Une valeur de p  0,05 a été considérée comme statistiquement significative. La survie des patients a été calculée par la méthode de Kaplan– Meier, en considérant le nombre de mois à partir de la date de diagnostic de cancer du sein jusqu’à la date de décès, les patients vivants à la date de point ont été censurés.

Résultats Dans notre centre, 32 tumeurs mammaires primitives ont été opérées chez 31 hommes entre le 1er janvier 1997 et le 31 juillet 2012, soit 0,57 % des 5538 cancers du sein pris en charge sur la même période. Un patient a été exclu pour métastase mammaire d’un cancer ORL connu. L’analyse statistique a porté sur 32 tumeurs opérées chez 31 patients. L’âge médian de survenue du cancer du sein était de 66 ans (moyenne : 67,9  10,9 ans, allant de 39 à 86 ans). Les données démographiques des patients sont résumées dans le tableau I. L’indice de masse corporelle (IMC) moyen était de 26,53  5,81 kg/m2 [17–46], 26 % des patients étaient en surpoids et 19 % obèses.

Antécédents familiaux Dix patients avaient au moins un antécédent de cancer du sein chez des parents du premier degré (que des membres de sexe féminin), soit 32 % de la population globale. Un antécédent de cancer de prostate et un autre de cancer hépatique chez un parent du premier degré ont été signalés. Il n’a pas été rapporté d’antécédent familial de cancer ovarien au premier degré.

Prédisposition génétique Sur six patients ayant consulté en oncogénétique (19 %), cinq ont eu une recherche de mutations prédisposantes, mais il n’a pas été trouvé de mutation de BRCA1 ou BRCA2. Un patient a tome 43 > n84 > avril 2014

refusé la recherche génétique ; les autres n’ont pas fait la démarche ou ont déclaré ne pas en avoir été informés.

Cancers extra-mammaires Neuf patients (29 %) avaient un deuxième cancer primitif (cancer extra-mammaire). La localisation de ces cancers est précisée dans le tableau II. Deux patients ont eu 4 cancers primitifs différents, associant un cancer du sein et un cancer de prostate, soit 6,5 % des patients. Les cancers extra-mammaires non prostatiques étaient antérieurs au cancer du sein, hormis pour le cancer rénal qui était de découverte synchrone et un adénocarcinome colique survenu 8 ans après le carcinome mammaire.

Cancer de prostate Sur la population étudiée, 16,1 % des patients ont eu un adénocarcinome prostatique. L’âge moyen au diagnostic était de 68 ans (58 à 81). Un autre patient avait une néoplasie intra-prostatique (PIN) de haut grade, en attente de décision de biopsies prostatiques, comme deux autres patients dont les PSA étaient > 10 ng/mL. Le PSA moyen au moment du diagnostic était de 12,8 ng/mL. Le score histopronostique de Gleason moyen était de 6. Les stades étaient ainsi répartis : 40 % de stade T1c et 60 % de stade T3a. Le délai moyen entre le cancer du sein et celui de prostate était de 46 mois. Dans 3 cas, le cancer de prostate était antérieur au cancer du sein, dans 1 cas le cancer du sein précédait d’un an la découverte de l’adénocarcinome de prostate. Ils étaient synchrones chez un patient. La survenue de cancer de prostate n’était pas liée dans notre étude aux antécédents familiaux de cancer du sein (p = 0,27), aux antécédents familiaux de cancer de prostate (p = 0,88). Elle était liée à l’âge du diagnostic de cancer du sein (p < 0,0001), à l’indice de masse corporelle (p < 0,001), à la taille du carcinome canalaire infiltrant (p < 0,0001), à la taille du carcinome intracanalaire in situ (p = 0,0007). En analyse multivariée, aucun élément ne restait significatif : âge (p = 0,53), IMC (p = 0,99).

Histologie et prise en charge thérapeutique La tumeur du sein était un carcinome de type canalaire infiltrant (CCI) dans 90,7 % des cas, associé à un carcinome intracanalaire in situ (CCIS) dans 44,8 % des CCI. Deux cas de carcinome intracanalaire sans micro-infiltration ont été rapportés, dont un sur une papillomatose floride associée à une maladie de Paget du mamelon. Un cas de carcinome infiltrant mucineux a été observé. Les stades après chirurgie étaient : 15 (46,9 %) pT1, 10 (31,3 %) pT2, 5 (15,6 %) pT3 et pT4. Le taux d’envahissement ganglionnaire était de 37,5 %. Il n’a pas été retrouvé d’amplification de Her 2 dans les 20 cancers testés. Trois patients avaient des métastases au niveau osseux, soit 9,7 % des patients.

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d’organe. Pour les cancers prostatiques, en règle diagnostiqués par le médecin généraliste du patient, nous avons noté : le type de cancer, le score Gleason, la présence d’un franchissement capsulaire, un envahissement des vésicules séminales ou de l’espace périprostatique, Ces résultats associés à ceux des examens complémentaires ont permis de grouper les tumeurs selon le stade TNM en : tumeurs localisées (T1-2,N0,M0), tumeurs localement avancées (T3-4 ou N+) ou tumeurs métastatiques (M+). Le taux de PSA (antigène spécifique de prostate) dont le dosage permet le dépistage d’un cancer de prostate et le suivi postthérapeutique a également été relevé.

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Augmentation du risque de cancer extra-mammaire chez les hommes atteints de cancer du sein

H Lorphelin, I Mortemousque, H Marret, G Body, L Ouldamer

Tableau I Caractéristiques des 31 hommes ayant un cancer mammaire

Total

Total n (%)

Cancer prostatique n (%)

Sans cancer prostatique n (%)

31

5 (16,1)

26 (83,9)

Âge de diagnostic du cancer mammaire Moyenne (années)

67,9

70

67,9

< 55 ans

4 (12,6)

0 (0)

4 (15,4)

55–75 ans

19 (61,3)

3 (60)

16 (61,5)

> 75 ans

8 (25,8)

2 (40)

6 (23,1)

< 19

2 (6,4)

1 (20)

1 (3,8)

19–25

15 (48,8)

1 (20)

14 (53,8)

26–30

8 (25,8)

2 (40)

6 (23,1)

> 30

6 (19,4)

1 (20)

5 (19,2)

Hypertension

10 (32,3)

2 (40)

8 (30,7)

Diabète

5 (16,1)

1 (20)

4 (15,4)

Tabagisme

11 (35,5)

1 (20)

10 (38,4)

Alcoolisme

4 (12,9)

0 (0)

4 (15,4)

Gynécomastie

6 (19,4)

1 (20)

5 (19,2)

Pathologie hépatique

3 (9,7)

0 (0)

3 (11,5)

0 (0)

0 (0)

0 (0)

10 (32,3)

2 (40)

8 (30,7)

1 (3,2)

0 (0)

1 (3,8)

1

7 (22,6)

NA

NA

2

0 (0)

NA

NA

3

2 (6,5)

NA

NA

< 10

19 (61,2)

1 (20)

18 (69,2)

> 10

6 (19,4)

4 (80)

2 (7,7)

NA

6 (19,4)

0 (0)

6 (23,1)

2)

IMC (kg/m

Syndrome de Klinefelter Antécédents familiaux Cancer du sein Cancer de prostate Cancers autres que mammaires

PSA (ng/mL)

IMC : indice de masse corporelle ; PSA : antigène spécifique de prostate ; NA : donnée non disponible.

e36

La moitié des patients métastatiques avaient eu un cancer de prostate. Le schéma chirurgical était une mastectomie dans 96,9 % des cas avec un curage axillaire dans 87,5 % des cas. Deux patients (6,25 %) ont eu une recherche de ganglion sentinelle axillaire isolée. Douze curages (42,9 %) avaient des ganglions envahis, dont 83,3 % étaient classés pN1 et 16,7 % pN2 ou plus. La survie globale à 5 ans était de 87,09 % (IC 95 % [70,2–96,4]) et à 10 ans de 83,87 % (IC 95 % [66,3–94,5]) avec un recul

moyen de 60,94  44,55 mois [2–154]. Il n’a pas été noté de récidive locale, ni locorégionale.

Discussion La rareté du cancer du sein chez l’homme rend difficilement réalisable des études prospectives pour en définir l’étiopathogénie et les facteurs de risque de façon certaine. Notre population est comparable à la population masculine atteinte de cancer du sein dans la littérature [5–8]. Nous avons observé tome 43 > n84 > avril 2014

Tableau II Localisation des carcinomes extra-mammaires Type histologique

n

%

Prostate

Adénocarcinome

5

16,1

Colorectal

Adénocarcinome

2

6,4

Ampullome de Vater

1

3,2

Carcinome à cellules claires

1

3,2

Papillome

1

3,2

Neurinome acoustique

2

6,4

Carcinome basocellulaire

1

3,2

13



Biliaire Rein Vessie Tête et cou Peau Total

15,6 % de stades T3 et T4, soit moins de stades avancés que deux études françaises qui avaient deux fois plus de tumeurs T3 ou T4 (32,0 à 32,8 %) [2,7]. Nos proportions de stades précoces étaient similaires avec 46,9 % de T1 (33,0 à 47,4 %) et 31,3 % de T2 (20,0 à 36,0 %). Cutuli et al. retrouvaient un envahissement ganglionnaire locorégional chez 52,8 % des patients [7]. Nous n’avons retrouvé que 37,5 % d’atteinte ganglionnaire axillaire, taux comparable aux 31,4 % de Giordano et al. [1]. Les résultats histologiques de nos tumeurs étaient concordants avec les séries montrant un taux de carcinome canalaire infiltrant de 84,6 à 95,0 % [2,7], et concordantes également sur le grade tumoral ou l’hormonosensibilité. La forte hormonosensibilité des cancers du sein chez l’homme est une autre grande caractéristique histologique. Les récepteurs hormonaux sont d’ailleurs plus souvent exprimés chez l’homme que chez la femme. Cutuli et al. [7] ont montré que 92 % des cancers chez l’homme avaient des récepteurs hormonaux à l’oestrogène (RE) et 89,2 % à la progestérone (RP). Nos taux d’hormonosensibilité étaient élevés mais se rapprochaient davantage des chiffres de Hill et al. : RE : 90,2 %, RP : 79,4 % [9–11]. L’association mastectomie avec curage axillaire est considérée dans la littérature comme le traitement de référence. Le taux global de mastectomie dans notre série était élevé (96,9 %), mais comparable aux données de la littérature avec des taux supérieurs à 90 % [7]. Les taux de survie globale à 5 (87 %) et 10 ans (84 %) étaient moins péjoratifs que ceux rapportés dans la littérature allant de 63 à 81 % pour la survie à 5 ans et de 32 à 59 % pour la survie à 10 ans. Ceci peut s’expliquer par la petite taille de notre étude et par la moindre prévalence de patients avec une atteinte ganglionnaire. Des facteurs génétiques sont avancés pour expliquer la survenue de cancer du sein. Dans notre série, 32 % des patients

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avaient une histoire familiale de cancer du sein au premier degré. Dans la littérature, ce taux est plutôt inférieur se situant entre 15 et 20 % selon les séries [4–7]. Hill et al. ont observé, chez 142 patients, seulement 15 % d’histoire familiale [9]. Notre population était plus propice au développement de cancer, puisque 29 % avaient un deuxième cancer, taux supérieur à ce que retrouve l’étude française de Cutuli et al. [7]. Lors de l’inclusion, ils avaient recruté 566 patients dont 16 ont été exclus pour un deuxième primitif soit 2,8 %. Le risque d’avoir un deuxième cancer était augmenté chez les patients ayant eu un cancer du sein [12]. Le risque serait 30 fois supérieur celui de la population du même âge [13]. Malgré ce taux élevé d’association, nous n’avons pas trouvé de mutation prédisposante type BRCA1 ou BRCA2 chez les patients qui avaient fait la démarche de consulter en oncogénétique. Cependant Cutuli et al. ne retrouvaient que 5 cas de mutation de BRCA sur 489 patients [7]. Le taux de mutation des gènes BRCA1 ou 2 est observé avec des fréquences très variables allant de 4 à 40 % selon les séries et les populations. L’étude suédoise de Thorlacius et al. avait la prévalence la plus élevée de mutation de BRCA2 avec un taux de 40 % [14]. Les patients porteurs de mutation de BRCA1 ou BRCA2 ont un risque cumulé de développer un cancer du sein respectivement de 1,2 % et de 6,8 %. Le spectre d’expression de BRCA2 est plus large que celui de BRCA1, outre les cancers du sein, de l’ovaire et de la prostate, il s’étend au côlon, pancréas, voies biliaires, estomac et mélanome malin. La plupart des patients de notre cohorte n’ont pas été dépistés ; en particulier ceux qui cumulaient les cancers personnels et surtout coliques. Nous avons mis en évidence un taux d’association cancer du sein et cancer de prostate de 16,1 %, l’incidence du cancer de prostate était plus élevée que celle de la population générale. Lee et al. ont montré que 17 % de leurs 69 patients ayant un cancer du sein avaient un cancer de prostate [15]. Il n’a pas été

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Localisation du cancer extra-mammaire

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identifié de mutation de type BRCA2, mutation multipliant par 2 à 5 le risque de développer un cancer de prostate, préférentiellement sur un mode agressif et chez l’homme jeune. Rechercher un cancer de prostate lors de la découverte d’un cancer du sein par le dosage des PSA est important. Chez ces patients, le taux de PSA est primordial pour suivre l’évolution des deux maladies et faire la différence, devant une évolution métastatique, entre la progression du carcinome mammaire ou prostatique.

Le cancer du sein chez l’homme reste une pathologie rare. Il se développe souvent dans un contexte familial de cancer du sein ; ainsi une consultation en oncogénétique doit être proposée à ces patients à risque de prédisposition génétique familiale et de développement de primitifs extra-mammaires. Son diagnostic doit amener au dépistage de cancer de prostate, surtout chez l’homme jeune avec des antécédents familiaux. Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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