Gynécologie Obstétrique & Fertilité 38 (2010) 415–417
CAS CLINIQUE
Biopsie du ganglion sentinelle après chirurgies multiples du sein et du creux axillaire Sentinel node biopsy after multiple breast and axillary surgeries A. Peres, Y. Delpech, A. Bricou, E. Barranger * Service de gynécologie-obstétrique, hôpital Lariboisière, AP–HP, 2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, France Reçu le 11 mai 2009 Disponible sur Internet le 2 juin 2010
Résumé La biopsie du ganglion sentinelle (GS) est devenue le standard dans la prise en charge du cancer du sein sans adénopathie palpable. Nous rapportons un cas exceptionnel de biopsie du GS chez une patiente ayant eu une deuxième récidive cutanée de son cancer du sein, survenu plus de 20 ans auparavant et traité localement d’abord par radiothérapie seule, puis mastectomie et curage axillaire et reconstruction mammaire à deux reprises. Deux GS ont été identifiés en lymphoscintigraphie après une injection de Tc99m en regard de la récidive sous-cutanée située à la partie inférieure de la zone de reconstruction par lambeau de grand dorsal et prélevés en peropératoire après injection de bleu, sans envahissement à l’histologie par technique standard et en immuno-histochimie. En conclusion, la technique du GS après chirurgies de l’aisselle et du sein semble faisable. ß 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Sentinel node (SN) biopsy is considered as a standard of care in the staging of breast cancer. We report SN biopsy in a rare case of second ipsilateral subcutaneous recurrence in patient with previous left breast cancer initially treated by breast radiotherapy followed by mammectomy with axillary dissection and multiple mammoplasty. Lymphoscintigraphy was performed. Two axillary radioactive SNs were identified and removed without lymph node involvement at final histology. To conclude, re-operative axillary dissection by SN biopsy after previous axillary and breast surgeries is technically feasible. ß 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Mots clés : Ganglion sentinelle ; Chirurgie ; Creux axillaire ; Sein ; Curage axillaire ; Drainage aberrant Keywords: Sentinel node biopsy; Previous axillary and breast surgeries; Aberrant drainage
1. INTRODUCTION La biopsie du ganglion sentinelle (GS) est devenue le standard de la prise en charge axillaire des cancers invasifs du sein de petite taille, sans adénopathie palpable.
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (E. Barranger).
Il est admis que les patientes qui ont bénéficié d’une chirurgie conservatrice du sein avec curage axillaire suivi d’un traitement adjuvant adapté ont un taux de récidive locale homolatérale estimé entre 5 et 10 % dans les dix ans [1,2]. Lorsqu’une récidive locale survient, la question du traitement du sein semble consensuelle : la mastectomie. Mais, qu’en est-il du traitement du creux axillaire dans le même temps en l’absence d’adénopathie palpable dans cette situation de récidive uniquement locale M0, surtout lorsque le curage
1297-9589/$ see front matter ß 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.gyobfe.2010.03.001
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axillaire (CA) initial était négatif, ramenant peu de ganglions ? Peut-on proposer, bien que les recommandations le contreindiquent de manière relative, une biopsie du GS dans cette situation exceptionnelle chez une patiente déjà opérée du creux axillaire en situation de récidive locale quelque temps seulement après son premier cancer du sein ? Depuis quelques années, des séries, certes de faible effectif, apparaissent dans la littérature afin d’évaluer la biopsie du GS après récidive locale d’un cancer du sein opéré plusieurs années auparavant par tumorectomie et curage axillaire. Nous rapportons un cas unique, d’une patiente ayant bénéficié d’une biopsie du GS après plusieurs récidives de son cancer du sein et faisant suite à une reconstruction mammaire.
programmée après double détection en injectant les traceurs en sous-cutané en regard du nodule cancéreux. La veille de l’intervention, a été réalisée une lymphoscintigraphie qui montrait la présence de deux ganglions axillaires radioactifs. Lors de l’intervention, l’exérèse du nodule a confirmé la présence d’un adénocarcinome invasif. La technique du GS a permis de mettre en évidence deux ganglions chauds et non colorés. L’examen extemporané était négatif. L’examen histologique définitif a conclu à un carcinome infiltrant de type canalaire SBR I, récepteurs aux estrogènes positifs, récepteurs à la progestérone négatifs, Ki 67 à 10 %, Cer2 B2 négatif, associé à une composante intra-canalaire de haut grade représentant 30 % de la lésion tumorale. Absence d’envahissement des deux GS en HES, ainsi qu’en immunohistochimie.
2. CAS CLINIQUE
3. DISCUSSION
Il s’agit d’une patiente de 68 ans, deuxième geste, deuxième pare, ménopausée sans traitement hormonal substitutif, suivie depuis 1987 pour un cancer du sein. Il n’existait pas d’antécédents, ni personnels ni familiaux, de cancer. En 1987, découverte d’un cancer du sein gauche bifocal traité par radiothérapie exclusive. En 1989, apparition d’une récidive au niveau du même sein avec deux nodules de 2 cm chacun dans des quadrants différents. Le bilan d’extension était négatif. Une mastectomie avec curage axillaire gauche a été alors réalisée. L’histologie était en faveur de deux nodules de 20 mm de carcinome canalaire infiltrant, grade 2, les récepteurs hormonaux étaient positifs. Les berges étaient saines par rapport aux différents plans. Il y avait au total quatre ganglions dans le curage axillaire, tous indemnes de métastases. La patiente a bénéficié d’une hormonothérapie par tamoxifène pendant cinq ans. En 1990, a été réalisée une reconstruction mammaire par prothèse. La patiente a récidivé en 1999 au niveau du même sein gauche sur la cicatrice de reconstruction. On lui a proposé une chimiothérapie adjuvante avec six cycles de FEC-100, suivis d’une pariétectomie gauche avec lambeaux de grand droit confirmant une récidive sousdermique de 16 mm du même type histologique. En septembre 2003, une nouvelle reconstruction du sein gauche par prothèse a été réalisée. Deux ans après, elle a consulté pour un cancer au niveau du sein droit. Une mastectomie associée à un curage axillaire est réalisée pour un carcinome canalaire infiltrant, là encore multifocal. Il y avait neuf ganglions métastatiques sur 16 au niveau du curage axillaire. Un traitement complémentaire associant radiothérapie et six cycles de chimiothérapie incluant des taxanes a été réalisé. En janvier 2009, apparition d’un nodule sous-cutané, centimétrique à la partie inférieure de la cicatrice cutanée de la reconstruction mammaire gauche, et dont la cytoponction évoquait une récidive d’un carcinome canalaire infiltrant. À l’examen clinique, on palpait un nodule centimétrique sans adénopathie dans l’aisselle. Les marqueurs tumoraux étaient normaux, ainsi que le reste du bilan d’extension incluant une TEP-FDG. Après validation en RCP (Réunion de Concertation Pluridisciplinaire), il a été proposé l’exérèse du nodule sous-cutané avec examen extemporané pour confirmation de la nature cancéreuse du nodule et la qualité des berges. Une biopsie du GS a également été
Nous rapportons le premier cas de biopsie du GS après une deuxième récidive locale d’un cancer du sein avec curage axillaire préalable et reconstruction du sein. Le GS est le premier, ou les premiers ganglions de drainage lymphatique du sein. Afin de prédire avec certitude le statut histologique du creux axillaire, le réseau lymphatique doit théoriquement être intact aussi bien au sein du site tumoral (mammaire) que du creux axillaire. Un antécédent de chirurgie mammaire ou axillaire peut partiellement ou temporairement interrompre ou modifier le flux lymphatique, ce qui peut rendre théoriquement impossible ou difficile l’évaluation axillaire par la biopsie du GS. En fait, plusieurs études soutiennent l’hypothèse que le drainage des tumeurs se fait par le biais de quelques canaux lymphatiques communs afférents vers un ganglion axillaire sentinelle, indépendamment du ou des foyers tumoraux [3,4]. Aussi, certaines études ontelles évalué l’état du réseau lymphatique chez des patientes qui avaient subi au préalable une technique du GS ou un CA. Ces études montrent une légère diminution du drainage lymphatique en cas de CA par rapport au GS [5]. On peut donc a priori supposer que le réseau lymphatique peut être plus ou moins altéré par un antécédent de chirurgie, mais qu’il persiste malgré tout, par le biais de canaux accessoires. On constate un engouement récent dans la littérature sur la faisabilité de la biopsie du GS après CA ou GS préalable en cas de réintervention pour récidive locale homolatérale d’un cancer du sein [6–8]. Karam et al. [9] ont rapporté une série de 20 cas d’une deuxième technique du GS après mastectomie avec GS, dont 17 dans le cadre d’une récidive locale ou régionale. Une autre étude plus importante [10] a porté sur 202 patientes ayant eu une tumorectomie avec GS et qui ont récidivé en homolatéral. Soixante-cinq patientes ont bénéficié d’une reprise chirurgicale avec un deuxième GS. Karam et al. ont rapporté un taux d’identification de 97 %. Sept patientes avaient des ganglions envahis. Intra et al. [11] ont rapporté également en 2007, une petite série de quatre cas de deuxième GS pour récidive locale après mastectomie et reconstruction mammaire par prothèse. Le taux d’identification était de 100 %. Deux patientes avaient des ganglions envahis.
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Les taux d’identification de ces études, comportant peu de patientes hormis l’étude de Intra et al. [10], varient de 63 % [12] à 100 % [13]. Il semble que le radio-isotope soit plus performant pour la détection que l’injection de bleu seul. Schrenk et al. [12] ont démontré comme facteur de risque d’échec de la technique, une lymphoscintigraphie préopératoire négative et le prélèvement de plus de dix ganglions lors du premier curage axillaire. Notre patiente n’avait eu que quatre ganglions prélevés lors de son curage axillaire et a bénéficié d’une double détection, ce qui pourrait expliquer la réussite de la technique. En revanche, il n’est pas évoqué le délai minimal entre le curage axillaire préalable et la biopsie du GS pour optimiser l’identification du ou des GS. En effet, le temps nécessaire pour une restauration anatomique du réseau lymphatique n’est pas connu. La première question que nous devons légitimement nous poser est la suivante : le GS identifié après injection souscutanée au niveau péri-tumoral d’une lésion sein en place est-il le même que celui de la région cutanée dorso-pectorale (ATCD chez notre patiente de lambeau de grand dorsal) ? Et, la question qui en découle : peut-on faire un GS après mastectomie ? Pour réellement répondre à cette question, il aurait fallu refaire un curage complet. Finalement, la deuxième information apportée par ce cas exceptionnel est que, après curage axillaire, certes peu informatif, et chirurgie du sein, un réseau lymphatique se reconstitue probablement. Mais, est-ce que l’injection du produit lymphophile en regard de la récidive met en évidence un vrai GS, personne ne peut répondre à cette question. 4. CONCLUSION Le succès technique chez notre patiente est en accord avec les résultats de la littérature. On peut dire que, probablement, il persiste ou se restaure un réseau lymphatique accessoire après un antécédent de chirurgie du sein ou axillaire. Une deuxième biopsie du GS est faisable, en apportant une information pronostique importante avec une faible morbidité. En revanche, les résultats en termes de faux négatif, de récurrence et de survie sont bien évidemment inconnus. Une étude rapporte des taux de faux négatifs de 0 % [12]. Il s’agit de cas exceptionnels
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dont la validation de la procédure doit être faite en réunion multidisciplinaire. CONFLIT D’INTÉRÊT L’auteur correspondant ainsi que les co-auteurs ne déclarent pas de conflits d’intérêt. RÉFÉRENCES [1] Fisher B, Redmond C, Poisson R, Margolese R, Wolmark N, Wickerham L, et al. Eight-year results of a randomized clinical trial comparing total mastectomy and lumpectomy with or without irradiation in the treatment of breast cancer. N Engl J Med 1989;320:822–8. [2] van Dongen JA, Bartelink H, Fentiman IS, Lerut T, Mignolet F, Olthuis G, et al. Randomized clinical trial to assess the value of breast-conserving therapy in stage I and II breast cancer, EORTC 10801 trial. J Natl Cancer Inst 1992;11:15–8. [3] Goyal A, Mansel RE. Multifocality and sentinel node biopsy in breast cancer. Eur J Surg Oncol 2004;30:3–4. [4] Kumar R, Potenta S, Alavi A. Sentinel lymph node biopsy in multifocal and multicentric breast cancer. J Am Coll Surg 2004;198:674–6. [5] Celebioglu F, Perbeck L, Frisell J, Gröndal E, Svensson L, Danielsson R. Lymph drainage studied by lymphoscintigraphy in the arms after sentinel node biopsy compared with axillary lymph node dissection following conservative breast cancer surgery. Acta Radiol 2007;48:488–95. [6] Port ER, Garcia-Etienne CA, Park J, et al. Reoperative sentinel lymph node biopsy: a new frontier in the management of ipsilateral breast tumor recurrence. Ann Surg Oncol 2007;14:2209–14. [7] Intra M, Trifiro G, Viale G, et al. Second biopsy of axillary sentinel lymph node for reappearing breast cancer after previous sentinel lymph node biopsy. Ann Surg Oncol 2005;12:895–9. [8] Taback B, Nguyen P, Hansen N, et al. Sentinel lymph node biopsy for local recurrence of breast cancer after breast conserving therapy. Ann Surg Oncol 2006;13:1099–104. [9] Karam A, Stempel M, Cody HS, Port ER. Reoperative sentinel lymph node biopsy after previous mastectomy. J Am Coll Surg 2008;207:543–8. [10] Intra M, Trifiro G, Galimberti V, Genttilini, Rotmensz N, Veronesi P. Second axillary sentinel node biopsy for ipsilateral breast tumour recurrence. Br J Surg 2007;94:1216–9. [11] Intra M, Veronesi P, Veronesi U, et al. Sentinel lymph node biopsy is feasible even after total mastectomy. J Surg Oncol 2007;95:175–9. [12] Schrenk P, Tausch C, Wayand W. Lymphatic mapping in patients with primary or recurrent breast cancer following previous axillary surgery. Eur J Surg Oncol 2008;34:851–6. [13] Barone JL, Feldman SM, Estabrook A, Tartter PI, Rosenbaum Smith SM, Boolbol SK. Reoperative sentinel lymph node biopsy in patients with locally recurrent breast cancer. Am J Surg 2007;194:491–3.