Cancer de prostate métastatique : prise en charge

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Médecine Nucléaire 32 (2008) 51–56 http://france.elsevier.com/direct/MEDNUC

Mise au point

Cancer de prostate métastatique : prise en charge Metastatic prostate cancer: Treatments J.-L. Descotes *, P. Cadi, J.-A. Long Service d’urologie et de transplantation rénale, CHU de Grenoble, B.P. 217, 38043 Grenoble cedex 09, France Reçu le 17 octobre 2007 ; accepté le 26 novembre 2007 Disponible sur Internet le 11 janvier 2008

Résumé Le cancer de prostate représente une pathologie fréquente dont l’incidence et la mortalité augmentent avec l’âge. L’histoire naturelle du cancer de prostate évolue sur dix à 15 ans. L’utilisation du taux de PSA, en pratique clinique quotidienne, a entraîné une augmentation du nombre des formes localisées et localement avancées, alors que le nombre de formes métastatiques diminue et touche surtout le patient âgé. Les métastases osseuses représentent le site préférentiel des lésions secondaires du cancer de prostate et sont responsables d’une morbidité et d’une baisse significative de la qualité de vie des patients. L’hormonothérapie reste le traitement de référence, avec une phase d’hormonosensibilité d’environ 18 à 24 mois qui précède l’échappement hormonal inéluctable. L’augmentation de l’espérance de vie de la population suggère qu’un grand nombre de patients seront traités par hormonothérapie et il convient de développer des alternatives thérapeutiques nouvelles, pour améliorer le pronostic général de ce cancer, car le plus souvent, cette progression métastatique entraînera le décès du patient. # 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Current data have demonstrated that the incidence and mortality induced by prostate cancer increases with age. Natural history of prostate cancer extends on 10 to 15 years. As shown by randomized trials on screening, PSA measurements lead to early detection of localised cancer and explain the decrease number of metastatic disease which remains frequent in the elderly. However, patients with bone metastasis present painful symptomatology and a poor quality of life. This disease is hormone-sensitive during 18 to 24 months, before it becomes androgen-resistant. Considering epidemiologic and life expectancy data, we can expect an increasing number of patients with an hormonal blocking and it is important to develop alternative treatments to improve the prognosis of this disease which remains poor at the metastatic stage. # 2007 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Mots clés : Cancer prostate ; Métastases osseuses ; Hormonothérapie ; Hormonorésistance Keywords: Prostate cancer; Metastasis; Hormonal treatment; Chemotherapy

1. Données épidémiologiques Le cancer de prostate s’exprime sous deux formes radicalement opposées, le cancer localisé dépisté soit par le toucher rectal, soit par le dosage du PSA, chez un patient jeune et asymptomatique et le cancer métastatique, forme évolutive d’un cancer déjà traité ou forme révélatrice. Il y a 25 ans, 30 à 35 % des patients se présentaient d’emblée sous une forme métastatique.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.L. Descotes).

Ce pourcentage était de 17 % dans l’étude Francim-AFU, publiée en 2001 [1] et les premiers résultats de l’étude ERSPC sur le dépistage du cancer de prostate confirment nettement cette tendance avec un taux de patients métastatiques inférieur à 1 % dans le groupe dépistage [2]. Les sites métastatiques du cancer de prostate sont dominés par les lésions osseuses. L’existence de métastases osseuses est considérée comme un facteur indépendant de mauvais pronostic [3]. Il traduit la diffusion de la maladie et contre-indique un traitement radical au niveau prostatique [4]. Le nombre des métastases osseuses et leur topographie représentent un facteur pronostique supplémentaire, dont

0928-1258/$ – see front matter # 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.mednuc.2007.11.006

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l’appréciation radiologique est importante afin d’adapter la prise en charge. D’autres sites métastatiques sont classiques, au niveau ganglionnaire, responsables de douleur, de compression des organes de voisinage, mais aussi au niveau d’autres organes : foie, poumons, surrénales, tissus mous . . . La découverte de métastases symptomatiques d’un cancer de prostate justifie la mise en place d’un traitement hormonal et chez les patients métastatiques asymptomatiques en bon état général, la mise en route d’un traitement précoce. 2. Mode de découverte Les circonstances de découverte du cancer de prostate métastatique peuvent être réparties en plusieurs catégories :  la découverte chez un patient asymptomatique devant un taux de PSA élevé, en général supérieur à 50 mg/L. Il n’existe actuellement pas d’autres marqueurs qui soient utilisés en routine pour le diagnostic du cancer de prostate métastatique. La recherche de cellules circulantes par des techniques de reverse transcription-polymerase chain reaction (RT-PCR) manquent de standardisation pour dépister, de manière précoce, la progression de la maladie, même si quelques études pilotes font état d’une survie péjorative des patients métastatiques lorsqu’ils présentent des cellules tumorales circulantes [5] ;  l’apparition de métastases dans le cadre du suivi d’un patient traité pour un cancer de prostate ;  la découverte des métastases chez un patient ou le diagnostic de cancer n’a pas encore été fait,devant des symptômes dominés par les douleurs osseuses, rachidiennes le plus souvent, voire à l’occasion de fractures pathologiques, de compression médullaire ou de symptômes en rapport avec une hypercalcémie. Bien que cette forme reste rare, le diagnostic de cancer de prostate doit être évoqué systématiquement et impose un dosage du taux de PSA (le plus souvent très élevé), un toucher rectal et des biopsies prostatiques pour conforter le diagnostic et donner des facteurs pronostiques histologiques sur la lésion primitive. Les autres sites métastatiques peuvent bien sûr générer leur propre sémiologie clinique (œdème des membres inférieurs, en rapport avec une phlébite ou une compression pelvienne, dyspnée . . .). En raison du caractère très ostéophile du cancer de prostate, nous développerons la prise en charge d’un patient présentant des métastases osseuses pour lequel le thérapeute a trois objectifs : assurer le diagnostic de métastases d’origine prostatique, évaluer le pronostic de ces lésions et mettre en place le traitement. Nous verrons successivement ces trois aspects. 3. Diagnostic des métastases osseuses 3.1. Diagnostic radiologique des métastases osseuses du cancer de prostate La reconnaissance des lésions métastatiques osseuses est fondamentale sur le plan thérapeutique et pronostique. La

scintigraphie osseuse au Technétium-99 m est l’examen de référence pour la recherche de métastases osseuses. Les indications de la scintigraphie osseuse dans le cadre du bilan d’un patient atteint d’un cancer de prostate ont fait l’objet de mises à jour récentes. Actuellement, cet examen doit être réalisé systématiquement chez les patients à haut risque : stade clinique T3, PSA supérieur à 20 mg/L, patient symptomatique [6,7]. La technique d’acquisition des images par les gammacaméras actuelles a progressé, avec une acquisition plus rapide des images et l’utilisation de plusieurs têtes de caméra. Les progrès technologiques permettent maintenant l’optimisation de l’acquisition des images avec l’utilisation de la tomographie d’émission monophotonique (TEMP). Cet examen permet d’optimiser la localisation des lésions osseuses.[8] 3.2. Évaluation radiologique de ces métastases 3.2.1. Leur nombre et leur situation : scintigraphie osseuse La scintigraphie osseuse réalisée dans le cadre du bilan d’un cancer de prostate permet la détection d’anomalies osseuses plus rapidement que les radiographies simples. La bonne sensibilité de cet examen pour l’évaluation globale du squelette est bien connue. L’hyperfixation osseuse détectée sur la scintigraphie au niveau des sites métastatiques est la conséquence d’un dérèglement de l’équilibre entre l’activité ostéoblastique et l’activité ostéoclastique, sous l’action des facteurs de croissance. Le remodelage de la matrice osseuse lié à ce déséquilibre est responsable du caractère ostéocondensant des métastases osseuses du cancer de prostate. La captation des isotopes au niveau du squelette est fonction de cette interaction complexe entre l’activité ostéoblastique et ostéoclastique. Les métastases osseuses du cancer de prostate sont ostéocondensantes et hyperfixantes en scintigraphie. Elles sont la plupart du temps multiples, à localisation axiale sur la colonne lombaire ou dorsale (Fig. 1). Malheureusement, cette hyperfixation manque de spécificité, des lésions hyperfixantes pouvant en effet traduire des phénomènes d’ostéoarthrite dégénérative, des traumatismes récents ou des fractures pathologiques ou non, ce qui justifie la prescription d’examens complémentaires [tomodensitométrie (TDM), imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM), biopsie osseuse]. La classification de Soloway a le mérite de moduler le pronostic de ces métastases osseuses en fonction de leur nombre et de leur site [9], certaines situations métastatiques ayant un meilleur pronostic (lésions axiales versus appendiculaires). À l’opposé, dans certaines situations radiologiques (fixations diffuses sur le squelette axial et au niveau du bassin), les images scintigraphiques sont suffisamment évocatrices de métastases pour proposer une hormonothérapie au patient qui, le plus souvent, présente un taux de PSA très élevé.

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Fig. 1. Scintigraphie osseuse d’un patient métastatique. Fig. 1. Bone metastasis on scintigraphy.

L’examen par résonance magnétique nucléaire est surtout intéressant pour l’analyse des lésions vertébrales et du risque de compression médullaire (Fig. 2). L’amélioration de la sensibilité par l’IRM pour le diagnostic des métastases laisse penser que le développement dans certains centres de l’IRM corps entier pourrait trouver une place dans le diagnostic systématique des métastases osseuses d’un patient atteint d’un cancer de prostate. Cette approche séduisante se heurte au problème de la disponibilité de ces appareils d’IRM. Elle reste du domaine de l’évaluation clinique et n’est pour l’instant pas validée. Ces données d’imagerie trouvent un regain d’intérêt, en raison de l’introduction de plus en plus précoce de l’hormonothérapie, chez les patients atteints d’un cancer de prostate. Celle-ci est en effet souvent discutée dans l’échappement biochimique isolé. Elle est devenue un standard thérapeutique dans certaines formes de cancer de prostate localement avancées où l’association radiothérapie et hormonothérapie combinée prolongée a montré un bénéfice clinique en terme de récidive biochimique, clinique et de survie globale [11]. Connaissant les effets négatifs de l’hormonothérapie prolongée sur la densité minérale osseuse et le risque fracturaire, une analyse plus précise de la densité osseuse par l’ostéodensitométrie doit être discutée chez ces patients, au même titre que l’introduction éventuelle d’un traitement par les diphosphonates pour limiter la résorption osseuse [12].

Dans les situations cliniques où l’interprétation de la scintigraphie est plus difficile, qu’il s’agisse d’un foyer de fixation unique ou de foyers multiples avec un PSA anormalement bas, la prescription d’autres examens radiologiques est importante pour essayer de préciser la nature de l’anomalie identifiée sur cet examen global. Une biopsie osseuse avec étude histologique peut être proposée dans les cas difficiles en réunion de concertation multidisciplinaire. 3.2.2. Le risque fracturaire et de compression médullaire : IRM ou TDM Des travaux récents ont mis l’accent sur certains facteurs de risque des métastases osseuses, dont la reconnaissance et la prise en charge précoce permet de limiter le risque de fractures pathologiques responsables d’une altération de la qualité de vie des patients et d’une surmortalité induite par ces complications osseuses [10]. Le risque fracturaire est mieux évalué par les coupes de scanner et/ou d’IRM. En TDM, les métastases osseuses du cancer de prostate sont assez évocatrices sur les coupes d’un scanner en fenêtre osseuse. Le scanner en fenêtre osseuse est un examen plus sensible que la scintigraphie osseuse dans la détection des métastases avec atteinte corticale. En IRM, les images de métastases osseuses sont caractérisées par un hyposignal T1 et un hypersignal T2. Le plus souvent les lésions métastatiques sont situées au niveau postérieur.

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Fig. 2. Compression médullaire sur fracture pathologique en IRM. Fig. 2. Medullar compression on MRI.

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3.2.3. Perspectives dans le domaine de l’imagerie : la tomodensitométrie par émission de positons Basée depuis longtemps sur l’imagerie nucléaire, les progrès des techniques radiologiques, avec l’apparition de la tomodensitométrie par émission de positons (TEP) et l’immunoscintigraphie, vont probablement jouer un rôle important dans les années à venir dans la détection de métastases osseuses. Deux molécules ont été étudiées en priorité dans l’évaluation du cancer de prostate métastatique : le 18F-fluorodésoxyglucose (18F-FDG) et le 11C-acétate dans la détection des métastases viscérales. En raison de la captation plus importante par les cellules néoplasiques du glucose, le 18F-FDG s’accumule et donne des images sur une caméra TEMP permettant de différencier le tissu bénin du tissu malin dans les métastases à distance. Néanmoins, la captation du 18F-FDG dans le cancer prostatique est lente et son élimination au niveau urinaire entraîne une accumulation au niveau de la vessie, ce qui limite l’exploration prostatique avec ce radiopharmaceutique [13]. Le métabolisme différent de ces deux molécules explique les différences des résultats préliminaires obtenus dans le bilan d’extension métastatique d’une tumeur prostatique. Pour certains, ces deux examens sont complémentaires [14,15]. En ce qui concerne les métastases osseuses, le 18F-FDG et la 11 C-Choline n’améliorent pas la détection des métastases. D’autres marqueurs sont en cours d’évaluation :  la 11C-méthionine pourrait devenir un marqueur de la réponse thérapeutique, en particulier chez les patients hormonorésistants, en raison de sa captation rapide par la tumeur ;  des marqueurs hormonaux (18F-dihydrotestostérone) sont en cours de développement et pourraient permettre d’adapter la thérapeutique à l’hormonosensibilité de la tumeur ;  des travaux récents sur la méthionine marquée au carbone-11 de nouveaux marqueurs (18F-fluorure) relancent l’intérêt du couple TEP–TDM chez les patients métastatiques [16]. Au total, le bénéfice sur le plan thérapeutique de l’utilisation de la TEP dans le cancer de prostate n’est pas démontré et cet examen n’est pas recommandé en routine chez les patients métastatiques. Les progrès de l’imagerie métabolique n’ont pas encore véritablement révolutionné le diagnostic des lésions métastatiques osseuses du cancer de prostate métastatique, mais l’apparition de ces nouveaux marqueurs et des techniques de fusion d’images anatomiques (TEP–TDM) devrait contribuer dans un avenir proche à mieux évaluer le bilan d’extension des patients. 4. Traitement d’un patient avec des métastases osseuses 4.1. Hormonothérapie du cancer hormonosensible Le blocage hormonal (castration chirurgicale ou chimique) représente le traitement de référence du cancer de prostate métastatique (TxNxM1) depuis de nombreuses années (Huggins, 1941). La durée de réponse, à la mise en route

d’une hormonothérapie, peut varier de 24 mois à 36 mois (Crawford, 1989). L’hormonothérapie chez les patients symptomatiques diminue rapidement les symptômes douloureux d’origine osseuse et réduit le risque immédiat de complications sévères (compression médullaire fracture, obstruction urétérale). La réponse clinique obtenue à l’introduction d’une hormonothérapie est en général associée à une chute rapide du taux de PSA à un, trois et six mois. La réponse thérapeutique et biochimique est fonction de l’hormonosensibilité de la tumeur. Outre le suivi du taux de PSA, les patients doivent être surveillés sur le plan général avec une réévaluation de la fonction rénale (créatininémie, clairance) et du taux d’hémoglobinémie. Le dosage des phosphatases alcalines n’est pas systématique [17]. Il existe différentes formes d’hormonothérapie de première ligne en phase métastatique osseuse d’un cancer de prostate. L’orchidectomie bilatérale reste mal acceptée psychologiquement et la castration chimique par des analogues de la LHRH est de plus en plus utilisée. Ce traitement est souvent mieux accepté, les effets secondaires peuvent être diminués lors de l’arrêt du traitement. Les effets secondaires les plus importants sont dominés par les bouffées de chaleur, la dysfonction érectile, la chute de la libido . . . Cette réversibilité des effets secondaires est à la base des travaux en cours sur le traitement hormonal intermittent, dont les indications sont encore débattues. Afin de limiter l’augmentation initiale de testostéronémie, induite par la première injection d’analogues de la LHRH, un antiandrogène est associé en début traitement pour limiter cet effet de flare-up. Le blocage hormonal complet, qui associe de manière prolongée les antiandrogènes aux analogues de la LHRH, n’a pas montré sa supériorité par rapport à la castration par analogues seuls. Ce traitement combiné reste utilisé dans certaines indications. L’utilisation en monothérapie d’un antiandrogène non stéroïdien reste limitée à des patients ayant une lésion métastatique peu évoluée qui désirent garder leur capacité sexuelle [18]. Après une phase de réponse thérapeutique, la plupart des patients présentent, avant la recrudescence des douleurs, une élévation isolée du taux de PSA. Cet échappement biochimique traduit la reprise de la maladie et la moins bonne efficacité du traitement. Il correspond au début de la phase d’hormonorésistance. Cet échappement biochimique peut répondre à des modifications du traitement hormonal : adjonction d’un antiandrogène aux analogues de la LHRH, retrait de celui-ci en cas de blocage hormonal complet, substitution des antiandrogènes, utilisation de traitements hormonaux de deuxième ligne. La réponse biochimique à ces modifications thérapeutiques est en général brève entre quatre et six mois. La phase d’hormonorésistance se caractérise par la progression du taux de PSA, alors que le taux de testostéronémie est effondré. Cette évolution inexorable malgré les manipulations hormonales, confirmée sur plusieurs dosages, précède en général la progression des lésions osseuses connues et la réapparition de nouvelles douleurs.

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4.2. Chimiothérapie pour le cancer de prostate hormonorésistant Si l’échappement biochimique précède la réapparition de symptômes, il est source d’une anxiété pour le patient et son thérapeute, car il traduit la reprise évolutive de la maladie métastatique. Les options thérapeutiques hormonales précitées ayant déjà été mises en place, se discute la place d’une chimiothérapie [19]. La plupart des approches thérapeutiques du cancer hormonorésistant mettent en avant la place des poisons du fuseau, en particulier des taxanes (docétaxel), dont l’AMM a été obtenue à l’issue de deux études de phase III (TAX 327 et SWOG 96-16) qui ont montré une amélioration de la survie globale de ces patients avec un gain médian qui reste faible de deux à trois mois. Ces travaux ont confirmé la place de la chimiothérapie dans le cancer de prostate hormonorésistant, suggérée initialement avec la mitoxantrone associée à la prednisone. Tous ces traitements doivent intégrer l’âge du patient, ses facteurs de comorbidité et la toxicité propre de chaque traitement qui va être mis en place, l’objectif essentiel étant de respecter la qualité de vie des patients en traitant efficacement leurs symptômes. Malgré une tolérance du docétaxel habituellement acceptable, la mise en route de ce traitement doit être discutée en réunion multidisciplinaire pour évaluer le bénéfice–risque, surtout chez les patients âgés avec un état général précaire. Si le docétaxel, associé à la prednisone, trouve une place croissante dans la prise en charge des patients métastatiques symptomatiques en phase d’hormonorésistance, après échec d’une tentative de retrait des antiandrogènes, sa place chez un patient non symptomatique en échappement biochimique isolé reste très discutée, de même que la chimiothérapie néoadjuvante ou concomitante réservée à des patients à haut risque métastatique qui peut être proposé dans le cadre de protocoles [19–21]. D’autres formes de chimiothérapies peuvent se discuter en cas de dédifférenciation tumorale (forme neuroendocrine) et d’échec du docétaxel. Dans ce contexte très particulier, il faut souligner la nécessité de rechercher cette composante neuroendocrine en révisant les données histologiques, voire en effectuant de nouvelles biopsies ciblées et en demandant un dosage sérique de la chromogranine A. Enfin, plusieurs molécules ciblées sont en phase d’évaluation, dominées par les épothilones, le satraplatine et les inhibiteurs de l’angiogenèse, mais aucun traitement pour l’instant n’a reçu d’AMM dans le traitement du cancer de prostate hormonorésistant. D’autres thérapeutiques vaccinales sont, elles aussi, en cours de développement [22]. 4.3. Traitements associés 4.3.1. Diphosphonates Les diphosphonates font partie intégrante de la prise en charge thérapeutique des patients métastatiques avec des

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lésions osseuses [23]. Le dosage des phosphatases alcalines d’origine osseuse, les données de l’IRM ou de la TDM, doivent aider le clinicien dans son analyse du risque de complications d’origine osseuse qui est déterminant dans l’initiation de ce traitement. Les diphosphonates de première génération avaient une efficacité limitée. Des études plus récentes comparant l’acide zolédronique (4 mg toutes les trois semaines) versus placebo ont démontré une efficacité dans la prévention du risque fracturaire chez les patients présentant un cancer de prostate métastatique [10,24]. Sous réserve de l’absence d’insuffisance rénale qui justifie l’adaptation des doses thérapeutiques, ce traitement est souvent associé au traitement hormonal. Sa mise en route justifie au préalable une évaluation de l’état buco dentaire en raison du risque d’ostéonécrose maxillaire des autres marqueurs sanguins du métabolisme osseux n’a pour l’instant pas trouvé de place dans la pratique clinique, en dehors du dosage systématique de la calcémie, en raison du risque majeur représenté par l’hypercalcémie maligne. 4.3.2. Radiothérapie externe et irradiation isotopique La radiothérapie externe des sites métastatiques douloureux osseux d’un patient sous traitement médical fait partie intégrante de la prise en charge. L’effet antalgique est obtenu rapidement au bout d’une semaine dans plus de 80 % des cas. La radiothérapie peut être utilisée sur tous les sites osseux, en particulier au niveau vertébral où elle peut consolider une fracture pathologique, voire être indiquée en cas de complication d’ordre neurologique. Les modalités de radiothérapie sont variables. On peut utiliser une irradiation de 30 Gy en dix fractions (abaissée éventuellement à 20 Gy sur les os longs), une irradiation externe monofractionnée si l’espérance de vie est réduite, une irradiation hémicorporelle dont la tolérance hématologique est médiocre. Enfin, l’irradiation isotopique avec différents isotopes (strontium et samarium) est intéressante chez les patients présentant des douleurs intermittentes de topographie variable avec sur l’image scintigraphique, de nombreux spots hyperfixants. Le dernier radioélément en cours d’évaluation est l’alpharadin. 4.3.3. Antalgiques et soins palliatifs La sémiologie douloureuse présentée par ces patients répond en général assez rapidement à l’hormonothérapie. La prescription des antalgiques en paliers croissants en fonction de l’évaluation douloureuse faite par le patient est un complément thérapeutique indispensable. Plusieurs molécules peuvent être associées au traitement hormonal : traitement non opioïde, anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), traitements opioïdes faible ou fort. La mise en route de ces traitements doit intégrer des thérapeutiques adjuvantes pour prévenir les complications des opioïdes, en particulier la constipation. Enfin, il faut savoir appréhender l’évolutivité de cette maladie et aborder tous les éléments d’une prise en charge globale d’un patient en phase évolutive de son cancer, en

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incluant, dans le cadre des soins palliatifs, des soins infirmiers de soutien, une kinésithérapie, un encadrement psychologie du patient et de son entourage. 5. Conclusion Le cancer de prostate métastatique, forme le plus souvent évolutive d’un cancer déjà traité, reste de pronostic sévère, malgré l’apparition d’armes thérapeutiques nouvelles (chimiothérapie, diphosphonates). L’évaluation radiologique initiale de ces patients représente, avec le dosage du PSA, les deux éléments pronostiques qui conditionnent les choix thérapeutiques. Il faut aussi prendre en compte, dans la prise en charge globale de ces patients, les effets secondaires de l’hormonothérapie qui ne se résument pas à des troubles sexuels et qui doivent faire l’objet d’une information précise, voire de mesures préventives. La biologie et la recherche plus fondamentale, centrée sur l’étude des récepteurs aux androgènes, ses voies d’activation et les mécanismes d’apparition de l’hormonorésistance, doivent continuer à se développer, afin d’aider le clinicien, confronté régulièrement dans sa pratique oncologique à des situations cliniques difficiles. Références [1] Soulié M, Villers A, Grosclaude P, Ménegoz F, Schaffer P, Mace-Lesec’h J, et al. A population-based study on radical prostatectomy in France. Prostate Cancer Prostatic Dis 2001;4(2):118–23. [2] Ingrid W, Van Der C-K, André NV, Monique JR, Mark FW, Harry JDK, et al. Comparison of screen detected and clinically diagnosed prostate cancer in the European randomized study of screening for prostate cancer, section Rotterdam. J Urol 2005;174(1):121–5. [3] Rigaud J, Tiguert R, Le Normand L, Karam G, Glemain P, Buzelin JM, et al. Prognostic value of bone scan in patients with metastatic prostate cancer treated initially with androgen deprivation therapy. J Urol 2002;168:1423–6. [4] Heidenreich A, Aus G, Bolla M, Joniau S, Matveev VB, Schmid HP, et al. Eau guidelines on prostate cancer. Eur Urol 2007;19. [5] Moreno JG, Miller MC, Gross S, Allard WJ, Gomella LG, Terstappen LW. Circulating tumor cells predict survival in patients with metastatic prostate cancer. Urology 2005;65(4):713–8. [6] Kosuda S, Yoshimura I, Aizawa T, Koizumi K, Akakura K, Kuyama J, et al. Can initial prostate specific antigen determinations eliminate the need for bone scans in patients with newly diagnosed prostate carcinoma? A multicenter retrospective study in Japan. Cancer 2002;94(4):964–72.

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