La Revue Sage-Femme (2010) 9, 264—278
MÉMOIRE
Cancer du sein et grossesse : prise en charge et place de la sage-femme dans le diagnostic Breast cancer and pregnancy: Treatment and role of the midwife in diagnosis V. Dabrowiecki a,∗, L. Vanlemmens b a
Service de gynécologie-obstétrique, centre hospitalier d’Arras, 57, avenue Winston-Churchill, 62000 Arras, France b Centre Oscar-Lambret, BP 307, 3, rue Frédéric-Combemale, 59020 Lille cedex, France Disponible sur Internet le 23 novembre 2010
MOTS CLÉS Grossesse ; Cancer du sein ; Sage-femme ; Examen clinique ; Autopalpation
KEYWORDS Pregnancy; Breast cancer; Midwife; Clinical exam; Self-examination
∗
Résumé Pendant la grossesse, l’incidence du cancer du sein est estimée à environ une sur 3000. Si la fréquence des grossesses tardives au cours des prochaines années continue à croître, le nombre de cas de cancer du sein associé à une grossesse augmentera étant donné que le risque d’apparition d’un cancer du sein se majore avec l’âge. La probabilité de grossesse chez une femme atteinte d’un cancer du sein est de 3 %. Étant donné l’augmentation de fréquence de cette association cancer du sein et grossesse, nous avons voulu faire le point sur la prise en charge de cette pathologie en cours de grossesse, mais aussi sur le rôle que nous pouvions avoir en tant que sage-femme dans la prise en charge d’une femme enceinte atteinte d’un cancer du sein. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Summary During pregnancy, the incidence of breast cancer is estimated to be around one in 3000. If the frequency of late pregnancies continues to increase in the coming years, the number of breast cancer cases linked to pregnancy will increase, since the risk of the occurrence of breast cancer increases with age. The probability of pregnancy in a woman with breast cancer is 3 %. Given the increase in frequency of this link between breast cancer and pregnancy, we wanted to evaluate the situation regarding the treatment of this disease during pregnancy, but also regarding the role that we as midwives could have in the treatment of pregnant women with breast cancer. © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (V. Dabrowiecki).
1637-4088/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.sagf.2010.09.007
La sage-femme dans le diagnostic et prise en charge du cancer du sein pendant la grossesse
Matériels et méthodes L’étude a été menée en deux étapes. Tout d’abord, une enquête rétrospective est réalisée sur l’étude de neuf dossiers de femmes enceintes atteintes d’un cancer du sein suivies et traitées au Centre Oscar-Lambret entre 2002 et 2006 parallèlement au suivi obstétrical en maternité. Une grille de recueil précisant les antécédents familiaux de cancer, les antécédents personnels médicaux, chirurgicaux, gynécologiques et obstétricaux, l’histoire de la maladie, le suivi, le type de prise en charge du cancer du sein, le déroulement de l’accouchement, l’état du nouveau-né, le post-partum. Cette enquête rétrospective s’est successivement intéressée aux circonstances de découverte, aux examens ayant permis le diagnostic de certitude, aux caractéristiques du cancer du sein au cours de la grossesse et aux modalités de prise en charge afin d’en dégager les différents acteurs pour finalement aboutir sur un pronostic pour la patiente. Une seconde enquête a été menée dans différentes maternités de la région Nord-Pas-de-Calais auprès de sagesfemmes, réalisant les consultations prénatales (CPN) à l’aide d’un questionnaire comprenant 12 questions (questions ouvertes, fermées, à choix multiples) afin d’évaluer leur place dans le diagnostic du cancer du sein au cours de la grossesse.
Résultats La première étude a permis de mettre en évidence la prise en charge multidisciplinaire : nous avons retrouvé une collaboration entre l’obstétricien, l’oncologue, le chirurgien, le psycho-oncologue et le pédiatre au cours de la grossesse. Après l’accouchement, le radiothérapeute vient s’ajouter à cette prise en charge multidisciplinaire. Nous avons relevé qu’aucun dossier ne faisait état du rôle de la sage-femme. La seconde enquête démontre que la majorité des sagesfemmes porte un intérêt à la palpation mammaire et pratique cet examen au cours du suivi de grossesse. Or cette palpation n’est pas toujours conforme à un examen clinique complet des seins et les sages-femmes interrogées ne se sentent pas suffisamment formées.
Introduction La grossesse suggère le plus souvent des idées de vie, de bonheur, de commencement. La maladie, en particulier le cancer, suppose des relations de mort, de désespoir, de fin. Ce constat permet de saisir toute l’ambivalence qui peut toucher la femme enceinte atteinte d’un cancer du sein. Qui plus est, dans ce cas, c’est le symbole de la féminité et de la maternité qui est bafoué. Face à un tel drame, quelle est la prise en charge adaptée ? Quels professionnels interviennent ? Et dans quelle mesure le font-ils ? Pendant la grossesse, l’incidence du cancer du sein est estimée à 1/3000 [1]. Si la fréquence de grossesses tardives au cours des prochaines années continue à croître, le nombre de cas de cancer du sein pendant la grossesse augmentera. En effet, le risque d’apparition d’un cancer du
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sein se majore avec l’âge [2]. La probabilité de grossesse chez une femme atteinte d’un cancer du sein est de 3 % [3]. Le diagnostic précoce du cancer du sein est primordial. En effet, il est plus facile de diagnostiquer par la palpation mammaire une anomalie au premier trimestre de la grossesse que lorsque la grossesse est plus évoluée. Avec la loi d’août 2004 (article L.4151-1 du Code de la santé publique), la sage-femme peut réaliser le premier examen prénatal nécessaire à la déclaration de la grossesse. L’objectif global de cette étude est de réaliser une mise au point à propos de la prise en charge clinique et thérapeutique du cancer du sein lors d’une grossesse et d’identifier la place et le rôle de la sage-femme.
Cancer du sein : généralités Incidence En France, le cancer du sein représente un véritable problème de santé publique, puisqu’il correspond à un quart des cancers féminins. L’incidence, c’est-à-dire le taux d’apparition annuel de nouveaux cancers du sein dans une population de 100 000 femmes, en France, est d’environ 80 [4]. Quarante-cinq mille nouveaux cas de cancers du sein apparaissent chaque année dans ce pays, le taux le plus élevé étant observé dans la région Nord-Pas-de-Calais avec une incidence de 114,9 cas pour 100 000 femmes [4].
Mortalité La mortalité par cancer du sein augmente de 0,42 % par an. On estime à 11 000 le nombre de décès par an en France. Cette mortalité augmente moins que l’incidence en raison des politiques de dépistage organisé et des progrès thérapeutiques [4]. En effet, le dépistage de cette pathologie permet un diagnostic à un stade précoce et accroît les chances de guérison. Depuis 2002, un dépistage organisé propose aux femmes âgées de 50 à 74 ans un examen clinique réalisé par le médecin radiologue et deux clichés mammographiques par sein, cela tous les deux ans. La deuxième lecture est systématique, même en cas d’examen normal [5]. Avant 50 ans, il n’existe pas d’attitude systématique. Il est donc préconisé de réaliser l’autopalpation des seins, ainsi qu’un examen clinique régulier et une mammographie de référence (en général une à deux entre 40 et 50 ans).
Facteurs de risques Les facteurs de risque sont [6,7] : • l’âge : une femme âgée de plus de 50 ans est plus à risque de développer un cancer du sein ; • les formes héréditaires avec la présence de gènes de prédisposition BRCA1 et BRCA2 qui correspondent aux gènes impliqués dans les formes héréditaires des cancers du sein ; • les antécédents familiaux de cancer du sein ; • les facteurs hormonaux : règles avant 11 ans, ménopause tardive après 54 ans, traitement hormonal substitutif de
266 la ménopause pris de fac ¸on prolongée, les grossesses tardives et peu nombreuses, la présence de mastopathies bénignes avec hyperplasies atypiques ; • les facteurs nutritionnels : une alimentation riche en lipides et en protides, une consommation excessive d’alcool joueraient un rôle par le biais de la transformation du tissu adipeux en estrogènes.
Histoire naturelle La majorité des patientes présentant une tumeur localisée seront en rémission, d’autres présenteront des métastases à distance [7]. Le temps de doublement moyen de la tumeur est de 100 jours. Dès que la tumeur est diagnostiquée cliniquement, le tableau peut se modifier rapidement. En effet, l’extension régionale va se faire par fixation des cellules provenant de la tumeur dans les ganglions lymphatiques des chaînes mammaires interne, externe et axillaire, et au niveau du creux sus-claviculaire [8]. L’extension à distance se fait surtout au niveau osseux, pulmonaire et hépatique. La taille de la tumeur primitive est un facteur important dans l’apparition des métastases. Il est démontré que le temps de doublement des métastases est lié à celui de la tumeur primitive mais il est en général plus court.
Anatomopathologie Une étude du type histologique des cancers du sein a permis à l’Organisation mondiale de la santé d’établir en 1981 une classification des tumeurs malignes du sein [9] : • les carcinomes correspondent à 98 % des tumeurs malignes du sein. Les adénocarcinomes sont les plus fréquents. La tumeur se développe, soit à partir des lobules qui produisent le lait (carcinome lobulaire), soit à partir des canaux qui conduisent le lait vers le mamelon (carcinome canalaire). Parmi ces carcinomes, on distingue les carcinomes non infiltrants appelés in situ : ils restent localisés dans les canaux ou les lobules de la glande mammaire sans jamais envahir la profondeur des tissus. Il existe également les carcinomes infiltrants appelés invasifs : ils franchissent la membrane basale des canaux ou des lobules et peuvent se disséminer dans l’organisme : • la Maladie de Paget correspond à un adénocarcinome intraépidermique du mamelon. Cette lésion est en général associée à un carcinome mammaire intracanalaire ou canalaire infiltrant sous-jacent ; • d’autres tumeurs, comme les sarcomes, se développant à partir du tissu de soutien et les lymphomes sont des tumeurs inhabituelles du sein, non épithéliales. Une classification clinique du cancer du sein a également été établie, il s’agit de la classification TNM prenant en compte la taille de la tumeur primitive (T), la notion de présence d’un ganglion axillaire (N), la présence ou non de métastases (M) (Tableau 1).
V. Dabrowiecki, L. Vanlemmens mais également les antécédents gynécologiques, la date des premières et dernières règles mais aussi la chronologie des grossesses et allaitements, les traitements hormonaux et le type de contraception. L’examen clinique est réalisé par une palpation des seins qui fait partie de l’examen gynécologique annuel, et l’autopalpation peut être pratiquée par toutes les femmes. Cet examen se fait en position assise et couchée. Un examen des seins quadrant par quadrant, ainsi que celui des aires ganglionnaires axillaires et sus-claviculaires sont réalisés afin de s’assurer de l’absence de ganglion. Les éléments cliniques recherchés sont la taille de la tumeur, la mobilité de la tumeur, la topographie de la tumeur (localisée dans un des quatre quadrants, dans la région centrale ou au niveau des régions périphériques du sein), l’examen du revêtement cutané, l’examen du mamelon et de l’aréole, la palpation des aires ganglionnaires satellites (les adénopathies régionales sont axillaires homolatérales tandis que la palpation de ganglions sus-claviculaires correspond à des métastases à distance). Les signes cliniques faisant suspecter une malignité sont le caractère mal limité de la tumeur, une tumeur peu mobile sur les plans profonds, l’existence d’un méplat cutané ou d’une rétraction cutanée ou d’un capiton, l’existence d’une asymétrie ou d’une induration, ou encore un ganglion axillaire volumineux ou un écoulement mamelonnaire hémorragique.
Examens paracliniques Le diagnostic peut également se faire à l’aide d’examens paracliniques, comme la mammographie qui permet de visualiser les signes classiques du cancer du sein, tels que les nodules à contours flous, à contours spiculaires mal définis, les distorsions de l’architecture glandulaire ou encore la multicentricité des lésions. À l’échographie, un cancer du sein est souvent représenté par une lésion solide, hypoéchogène, plus ou moins hétérogène, à contours irréguliers et dont le grand axe est en général vertical par rapport à la peau. L’échographie permet également de mesurer la tumeur. La biopsie permet de réaliser un diagnostic de certitude. En effet, l’histologie donne le type anatomopathologique, l’agressivité de la tumeur selon le grade histopronostique (GHP de Scarff, Bloom et Richardson), le dosage de récepteurs hormonaux (RH), la surexpression ou non de l’oncoprotéine HER2. Le GHP comporte l’analyse de trois critères cotés chacun de 1 à 3 : le degré de différenciation, l’index mitotique et le pléimorphisme de noyaux. L’addition de ces trois chiffres permet de délimiter trois grades : le GHP I de pronostic favorable, le GHP II de pronostic intermédiaire et le GHP III de mauvais pronostic. Le bilan d’extension est réalisé en fonction des facteurs de risque afin de savoir si la tumeur est localisée ou métastasée (scintigraphie osseuse ou scanner thoracohépatique).
Facteurs pronostiques Diagnostic Le diagnostic est, en premier lieu, clinique. L’interrogatoire permet de rechercher les antécédents personnels et familiaux de cancers, plus particulièrement de cancer du sein,
On retient parmi les facteurs pronostiques péjoratifs : l’envahissement ganglionnaire, le GHP élevé, la taille tumorale, l’absence de RH et le jeune âge. L’étude réalisée au Centre Oscar-Lambret en 1998 concernant 1751 patientes
La sage-femme dans le diagnostic et prise en charge du cancer du sein pendant la grossesse Tableau 1 T TX T0 Tis T1 T1 T1a T1b T1c T2 T3 T4 T4a T4b T4c T4d N NX N0 N1 N2 N2a N2b N3
N3a N3b N3c M MX M0 M1
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Classification TNM du cancer du sein d’après Singletary SE, J Clin Oncol 2002. Tumeur primitive Non déterminé Pas de signe de tumeur primitive Carcinome in situ : carcinome intracanalaire ou lobulaire in situ ou maladie de Paget du mamelon sans tumeur décelable Tumeur < ou = 2 cm dans sa plus grande dimension Micro-invasion < ou = 0,1 cm > 0,1 et < ou = 0,5 cm > 0,5 et < ou = 1 cm > 1 cm et < ou = 2 cm Tumeur > 2 cm et < ou = 5 cm dans sa plus grande dimension Tumeur > 5 cm dans sa plus grande dimension Tumeur de toute taille avec extension directe à la paroi thoracique ou à la peau Extension à la paroi thoracique Œdème ou ulcération cutanée du sein ou nodule de perméation limités au même sein À la fois 4a et 4b Cancer inflammatoire Adénopathies régionales Appréciation impossible de l’atteinte ganglionnaire (exemple, exérèse antérieure) Absence de signe d’envahissement régional Ganglions axillaires homolatéraux mobiles Adénopathies axillaires homolatérales fixées entre elles ou à une autre structure anatomique ou adénopathies mammaires internes homolatérales cliniquement apparentes Adénopathies axillaires homolatérales fixées entres elles ou à une autre structure Adénopathies mammaires internes homolatérales cliniquement apparentes en l’absence d’adénopathie axillaire cliniquement évidente Adénopathie sous-claviculaire homolatérale ou adénopathie mammaire interne homolatérale cliniquement apparente associée à une adénopathie sus-claviculaire homolatérale cliniquement patente ; ou adénopathie sus-claviculaire homolatérale associée ou non à une adénopathie axillaire ou mammaire interne Adénopathies sous-claviculaires associées à des adénopathies axillaires homolatérales Adénopathies mammaires internes associées à des adénopathies axillaires homolatérales Adénopathies sus-claviculaires homolatérales Métastases à distance Détermination impossible de l’extension métastatique Absence de métastase à distance Présence de métastases à distance
atteintes d’un cancer du sein non métastasique et non inflammatoire montre que les femmes jeunes ont un pronostic défavorable par rapport aux femmes âgées. Une des explications est la fréquence plus élevée de GHP III et de RH négatifs chez la femme jeune [10].
Stratégies thérapeutiques Un contrôle locorégional est assuré par la chirurgie et la radiothérapie, il permet d’éviter la rechute au niveau du siège tumoral et au niveau régional (lymphatique). Au niveau du sein, la chirurgie se fera en fonction du siège et/ou du volume tumoral et du sein (chirurgie conservatrice ou mastectomie totale). Au niveau des ganglions, si la taille tumorale est inférieure à trois centimètres et qu’il n’y a pas eu de traitement néoadjuvant (avant la chirurgie), la technique du ganglion sentinelle est réalisée. Cette technique a pour but d’identifier le premier ganglion à recevoir
le drainage lymphatique d’une tumeur par injection d’un colorant ou colloïde radioactif, puis de procéder à l’ablation de ce ganglion afin de réaliser une étude anatomopathologique. La radiothérapie débute un mois après la chirurgie. Les techniques de radiothérapie diffèrent en fonction du type de chirurgie et en fonction de la présence ou non d’envahissement ganglionnaire. Un traitement médical systémique agissant sur l’ensemble de l’organisme permet un contrôle de la maladie générale, comme la chimiothérapie qui a pour objectif de diminuer le risque de récidive et d’améliorer la survie par action sur les micrométastases. Elle consiste à administrer par voie intraveineuse des médicaments anticancéreux en général toutes les trois semaines. La chimiothérapie peut être réalisée, soit avant la chirurgie (néoadjuvante), soit après la chirurgie (adjuvante). L’hormonothérapie ne se justifie que chez les femmes ayant
268 une tumeur présentant des RH positifs et doit débuter après la fin du traitement par radiothérapie. En cas de tumeurs surexprimant l’oncoprotéine HER2, l’herceptin® est indiqué, proposé dans toutes les indications de chimiothérapie et est administré à raison d’une injection toutes les trois semaines pendant un an. Le contrôle des résultats fonctionnels, esthétiques et des effets secondaires est important pour permettre à la patiente d’améliorer son quotidien et lui permettre également une insertion sociale de qualité [11].
Cancer du sein et grossesse Incidence Pendant la grossesse, l’incidence du cancer du sein est estimée à environ 1/3000 [1]. Si la fréquence des grossesses tardives au cours des prochaines années continue à croître, le nombre de cas de cancers de sein associé à une grossesse augmentera étant donné que le risque d’apparition d’un cancer du sein se majore avec l’âge [2]. La probabilité de grossesse chez une femme atteinte d’un cancer du sein est de 3 % [3].
Particularités cliniques Pendant la grossesse, la perception d’un nodule est plus difficile en raison des modifications physiologiques, telles qu’une augmentation du volume de la glande mammaire, une congestion, des mastopathies plus fréquentes et une quantité plus importante d’adénofibromes. L’examen clinique des seins est donc plus facile au cours du premier trimestre de la grossesse avant l’engorgement mammaire lié à l’imprégnation hormonale [12].
Particularités paracliniques Afin de confirmer le diagnostic de cancer du sein, des examens paracliniques peuvent être réalisés pendant la grossesse, telle que la mammographie qui a l’avantage d’émettre une faible irradiation mais qui ne permet pas un diagnostic correct de tumeur maligne pendant la grossesse à cause de l’imbibition mammaire gravidique. L’échographie permet de reconnaître une tumeur solide, d’en apprécier les dimensions, ainsi que le caractère unique ou multiple, la biopsie échoguidée quant à elle permet de préciser la nature de la tumeur. Et enfin, le bilan d’extension pendant la grossesse est limité à la radiographie de thorax et à l’échographie abdominopelvienne [13].
Pronostic Le pronostic des cancers du sein associés à une grossesse est probablement lié au facteur pronostique péjoratif indépendant qu’est le jeune âge. En effet, une des explications possible étant les caractéristiques tumorales plus agressives (fréquence des tumeurs de grade élevé, absence de RH, fréquence des tumeurs surexprimants HER2) [14].
V. Dabrowiecki, L. Vanlemmens
Traitements du cancer du sein pendant la grossesse Il est important d’adopter le traitement le plus efficace possible pour la mère et le moins toxique pour le fœtus, mais également mettre en balance les bénéfices et les risques. La chronologie des traitements doit être adaptée à l’âge gestationnel et les décisions concernant les différentes thérapeutiques devront être prises seulement après concertation multidisciplinaire et après avoir informé le couple. La chirurgie peut être réalisée à partir de 12 semaines d’aménorrhée (SA) : avant cet âge gestationnel, il existe un risque de fausse couche. Concernant la chirurgie des aires ganglionnaires, il s’agit des mêmes indications qu’en l’absence de grossesse. En revanche, la technique du ganglion sentinelle est contre-indiquée car le repérage par substance radioactive est interdit chez la femme enceinte. Une reconstruction mammaire ne peut pas être envisagée pendant la grossesse en raison des modifications physiologiques [1]. La radiothérapie est formellement contre-indiquée pendant la grossesse : en effet, l’irradiation provoquée est souvent associée à une augmentation du risque de fausse couche ou de mort in utero et de malformations. La chimiothérapie est possible au deuxième et troisième trimestre de la grossesse mais peut être à l’origine d’une aplasie médullaire chez la mère et constituer un risque infectieux et/ou hémorragique pour celle-ci. Seule la chimiothérapie de type FEC correspondant à l’association de trois molécules : « le 5FU qui correspond au Fluorouracil un analogue de la pyramidine inhibant la synthèse de la thymidylate. L’adriamycine qui a des propriétés antimitotiques s’exerc ¸ant en s’interposant entre les deux brins d’ADN et inhibant ainsi la division cellulaire. Et enfin la cyclophosphamide est un agent alkylant de la classe des oxazaphosphorines de la famille des moutardes à l’azote, cette molécule forme des ponts entre certaines bases des chaînes d’ADN, ce qui empêche la synthèse de l’ADN, cet agent est actif sur les cellules qui sont dans le cycle cellulaire » (Paul Cappelaere 16/05/2002). Cette chimiothérapie de type FEC peut être utilisée au second et troisième trimestre de grossesse, les autres médicaments sont tératogènes [1]. Une coordination entre l’obstétricien, l’oncologue et le pédiatre est importante. En programmant les cures de chimiothérapie, il y a plusieurs précautions à prendre : la dernière cure ne doit pas être administrée après 34 SA, un délai de trois semaines entre la dernière cure et l’accouchement doit être respecté afin d’éviter la naissance d’un enfant neutropénique. L’hormonothérapie est contre-indiquée pendant toute la grossesse puisque ce traitement par des antiestrogènes modifierait le milieu hormonal du fœtus et entraînerait des effets tératogènes et létaux [1]. L’interruption de grossesse n’a aucun effet thérapeutique chez la mère et n’améliore pas la probabilité de survie. En effet, l’influence de l’hyperestrogénie sur le pronostic maternel n’a pas été prouvée, de plus, les RH sont souvent négatifs chez la femme enceinte [11].
Prise en charge multidisciplinaire Les décisions thérapeutiques sont systématiquement discutées en réunion pluridisciplinaire où sont présents un
La sage-femme dans le diagnostic et prise en charge du cancer du sein pendant la grossesse oncologue médical, un radiothérapeute, un chirurgien et un radiologue et discutées avec la patiente et ses proches. En cours de grossesse, seuls l’oncologue médical et le chirurgien interviennent. Ces traitements peuvent avoir des effets secondaires qui peuvent être difficiles à vivre, comme l’alopécie, une mastectomie totale et donc une modification importante de l’image corporelle mais aussi l’asthénie et une grande inquiétude pour l’enfant à venir. Une prise en charge par le psycho-oncologue est donc systématiquement proposée.
Surveillance de la grossesse La surveillance de la grossesse chez une femme atteinte d’un cancer du sein n’est aucunement différente de la surveillance obstétricale habituelle. Il faut cependant tenir compte de l’âge maternel qui est une femme jeune pour l’oncologue mais âgée pour l’obstétricien. Il faut donc procéder aux explorations nécessaires dans le cadre d’une grossesse à risque. L’accouchement doit avoir lieu dans une maternité de type III car, en cas de complications, la prise en charge de l’enfant sera plus rapide [1].
Allaitement maternel Après l’accouchement, chez une patiente souffrant d’un cancer du sein, se pose souvent la question de l’allaitement maternel, arrêter la montée de lait n’améliore pas le pronostic maternel. Cependant, si un traitement par chirurgie ou chimiothérapie ou encore par hormonothérapie est nécessaire, il faut impérativement bloquer la montée de lait car ces traitements contre-indiquent l’allaitement maternel.
Répercussions psychologiques Le sein est lié à la sexualité mais aussi aux premières expériences de la vie, c’est-à-dire la maternité. La relation mère/enfant peut alors être bouleversée puisque ces femmes peuvent s’interroger sur l’origine de leur maladie et se demander ce qu’elles risquent de transmettre à leur enfant. Ces femmes enceintes atteintes d’un cancer du sein se retrouvent face à un sentiment d’ambivalence. En effet, le cancer représente la mort, alors que cette grossesse symbolise une nouvelle vie pour l’enfant à venir, mais aussi pour le couple qui dans certains cas la considère comme une nouvelle chance (enfant réconciliateur). « Un cancer découvert pendant une grossesse renvoie souvent la femme et le couple aux conditions dans lesquelles l’enfant a été conc ¸u, voulu, attendu » [15]. La prise en charge d’un cancer du sein pendant une grossesse doit prendre en compte de nombreux facteurs afin de traiter au mieux la mère, sans nuire à l’enfant. Afin de respecter cette balance bénéfices/risques, une prématurité peut être induite entraînant une séparation précoce mère—enfant.
Problématique et objectifs L’objectif global de cette étude est de réaliser une mise au point à propos de la prise en charge multidisciplinaire du
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cancer du sein au cours de la grossesse et aussi d’identifier la place et le rôle de la sage-femme.
Matériels et méthodes Cette mise au point s’appuie sur : • l’analyse rétrospective de neuf dossiers médicaux de femmes enceintes atteintes d’un cancer du sein à tumeur localisée, ces dossiers proviennent du service de sénologie-oncologie du Centre Oscar-Lambert ; • le sondage des sages-femmes hospitalières et libérales à travers un auto-questionnaire évaluant leurs connaissances et leurs pratiques professionnelles concernant cette prise en charge multidisciplinaire. Elle doit permettre de répondre à cinq hypothèses : ◦ première hypothèse : la survenue d’une grossesse chez une patiente atteinte d’un cancer du sein nécessite un suivi multidisciplinaire, ◦ seconde hypothèse : les sages-femmes portent un intérêt à la palpation mammaire, ◦ troisième hypothèse : les sages-femmes pratiquent la palpation mammaire, ◦ quatrième hypothèse : les sages-femmes sensibilisent les patientes à l’autopalpation, ◦ cinquième hypothèse : les sages-femmes se sentent suffisamment formées à la palpation mammaire.
Première étape : étude des neuf dossiers Il s’agit d’une étude rétrospective sur neuf dossiers de femmes enceintes atteintes d’un cancer du sein, suivies et traitées au Centre Oscar-Lambret entre 2002 et 2006. Une grossesse dans ce contexte étant rare, tous les dossiers de femmes enceintes atteintes de ce cancer sont analysés dans ce laps de temps. Les dossiers sont analysés à partir d’une grille de recueil de données ciblées, tout en s’appuyant sur les courriers de liaison des médecins (Tableau 2). Les limites de cette analyse rétrospective sont le faible nombre de dossiers collectés et des dossiers incomplets.
Seconde étape : auto-questionnaire L’analyse des neuf dossiers n’a pas permis de faire état du rôle de la sage-femme dans la prise en charge du cancer du
Tableau 2
Critères de la grille de recueil.
Âge de la patiente Antécédents (ATCD) familiaux de cancers ATCD personnels gynécologiques ATCD obstétricaux Histoire de la maladie au cours de la grossesse : traitement du cancer du sein, prise en charge obstétricale et psychologique Déroulement de l’accouchement État clinique du nouveau-né et son suivi immédiat Post-partum et suites de couches : traitement du cancer du sein, complications obstétricales, séparation mère—enfant, prise en charge psychologique Devenir de la mère et l’enfant
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V. Dabrowiecki, L. Vanlemmens
Tableau 3
Caractéristiques de la population. N = 9 dossiers de patientes enceintes atteintes d’un cancer du sein Antécédents familiaux de cancers du sein
a
ATCD familiaux
Présents chez 5 patientes/9 Caractéristiques des antécédents gynécologiques
ATCD gynécologiques
Suivi régulier −7 patientes/9
Oestroprogestatifs −4 patientes/9
Pathologies gynécologiques retrouvées 1 adénofibrome du sein droit 1 endométriose lors d’un bilan d’infertilité 1 ovariectomie secondaire à une torsion de l’ovaire sur un kyste séreux 1 infertilité primaire de 4 ans 1 herpès génital avec gonococcie 1 bartholinite
Caractéristiques des antécédents obstétricaux ATCD obstétricaux
Ip Ig 1 patientes
ATCD chirurgicaux
Non renseignés
a
IIg-nullip 1 patiente
IIg Ip 2 patientes
IIg-IIp 2 patientes
IIIg Ip 1 patiente
IIIg-IIp 1 patiente
IVg-IIp 1 patiente
ATCD : antécédents.
sein lors d’une grossesse. Afin de répondre aux hypothèses 2 à 5, un auto-questionnaire est établi. L’enquête est lancée de novembre 2006 à mars 2007 et réalisée auprès de six maternités de la région Nord-Pas-de-Calais (Jeanne-deFlandres, Lens, Maubeuge, Douai, Tourcoing, Roubaix), ainsi qu’à six cabinets de sages-femmes libérales. Il est composé de 12 questions regroupées sous trois principaux thèmes : • les données sociodémographiques sur les sages-femmes ; • les données sur la pratique de la palpation du sein lors de l’examen clinique ; • les données sur la sensibilisation des patientes à l’autosurveillance. Le questionnaire a été adressé à la sage-femme cadre de ces six établissements pour distribution auprès des sages-femmes assurant les CPN. Pour les sages-femmes libérales, il s’agit du même questionnaire et d’un envoi nominatif. Il a été laissé au libre choix des équipes du moment de distribution et de la collecte des questionnaires. Au total, 31 questionnaires ont été analysés en avril 2007 sur 38 envoyés. Le nombre de sujets interrogés est faible puisque dans ces établissements peu de sages-femmes pratiquent les CPN.
Résultats études sur dossiers Parmi ces neuf femmes enceintes, à la date de l’analyse rétrospective des dossiers (septembre 2006), trois sont en vie sans récidive tumorale, deux sont en court de traitement pour une récidive, deux rec ¸oivent actuellement un traitement adjuvant, deux sont décédées. À noter qu’une
des patientes en cours de chimiothérapie adjuvante a été suivie tout au long de son parcours puis revue lors de son séjour en suites-de-couche (janvier 2007).
Caractéristiques de la population Les caractéristiques de la population sont déterminées à partir de la grille de recueil. L’âge moyen en début de grossesse est de 32,9 ans (25 à 42 ans). L’âge moyen lors de la première grossesse menée à terme est de 25,3 ans (19 à 40 ans). Les antécédents familiaux de cancers du sein sont présents chez cinq patientes sur neuf. Les types de cancers de sein ne sont pas énoncés. Nous retrouvons un antécédent d’allaitement maternel chez trois patientes d’une durée respective de un, trois et six mois (Tableau 3).
Histoire de la maladie pendant la grossesse Les circonstances de découverte Par qui Ce premier aspect anormal du sein a conduit à envoyer la patiente en consultation d’oncologie, ce qui a permis d’aboutir au diagnostic de certitude de cancer du sein (Tableau 4).
À quel moment le diagnostic est établi Le calendrier de surveillance de la grossesse est composé de sept CPN au cours desquelles un examen gynécologique comprenant la palpation mammaire est réalisé (Tableau 5).
La sage-femme dans le diagnostic et prise en charge du cancer du sein pendant la grossesse Tableau 4
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Qui a diagnostiqué un aspect anormal du sein ?
Qui a diagnostiqué un aspect anormal du sein Nombre de patientes
Gynécologue-obstétricien 4/9
Patiente elle-même par autopalpation 5/9
Le délai entre les premiers signes cliniques et le diagnostic anatomopathologique est en moyenne de 32,3 jours (deux jours—trois mois).
L’âge gestationnel moyen retrouvé lors du diagnostic est de 21,1 SA (extrêmes : 6 à 28 SA).
Les caractéristiques tumorales
Traitements du cancer du sein
Clinique
Toutes les patientes ont rec ¸u une chimiothérapie avant ou après l’accouchement, en néoadjuvant ou adjuvant. Huit femmes sur neuf ont eu un traitement locorégional avant ou après l’accouchement.
Un nodule est retrouvé chez huit femmes sur neuf et une rétraction cutanée associée à un œdème chez une femme sur neuf. La taille tumorale clinique moyenne lors du diagnostic est de 3,6 centimètres (deux à huit centimètres). D’après la classification TNM (Tableau 1), il s’agissait d’une tumeur T1 pour deux patientes, T2 pour six patientes, T3 pour une patiente, N0 pour quatre femmes et N1 pour cinq femmes.
Radiologique La mammographie a été utilisée comme moyen diagnostique chez quatre patientes sur neuf, l’échographie chez huit patientes sur neuf. Un bilan d’extension comprenant une radiographie de thorax et une échographie abdominale a été réalisé chez une seule patiente à 19 SA.
Données anatomopathologiques Une biopsie a été réalisée chez toutes les patientes. Il s’agit d’un carcinome canalaire invasif (CCI) chez huit patientes sur neuf et d’un carcinome médullaire chez une patiente sur neuf. Les récepteurs aux hormones sont positifs chez six patientes sur neuf. Il a été retrouvé un GHP II chez cinq patientes sur neuf et un GHP III chez quatre patientes sur neuf.
Données histologiques au niveau ganglionnaire en fonction du traitement initial Parmi les quatre femmes opérées en première intention, une mastectomie partielle a été réalisée pour trois d’entre elles, une mastectomie totale pour une. Le geste ganglionnaire a été un curage axillaire pour trois, un prélèvement du ganglion sentinelle pour une patiente. Trois sur quatre n’avaient pas d’envahissement ganglionnaire. Parmi les cinq patientes ayant bénéficié d’une chimiothérapie néoadjuvante, quatre avaient un envahissement ganglionnaire. Au total, nous retrouvons un envahissement ganglionnaire chez cinq patientes sur neuf.
Tableau 5
Traitements pendant la grossesse Seules la chirurgie et la chimiothérapie ont été utilisées comme traitement du cancer du sein pendant la grossesse : un traitement chirurgical suivi d’un traitement par chimiothérapie chez trois patientes sur neuf, la chirurgie uniquement chez une patiente sur neuf, la chimiothérapie uniquement chez trois patientes sur neuf, aucun traitement pendant la grossesse chez deux patientes sur neuf. Concernant la chirurgie première, parmi les quatre femmes opérées en première intention, une mastectomie partielle a été réalisée pour trois d’entre elle, une mastectomie totale pour une. Le geste ganglionnaire a été un curage axillaire pour trois patientes, un prélèvement du ganglion sentinelle pour une patiente. Concernant la chimiothérapie, seule la chimiothérapie de type FEC fut utilisée pendant la grossesse.
Traitements après la grossesse Huit femmes sur neuf ont eu un traitement locorégional associant chirurgie (si non réalisée pendant la grossesse, avant ou après chimiothérapie) et radiothérapie (réalisée ou prévue), une femme a poursuivi une chimiothérapie en raison de la découverte au bilan d’extension de métastases (réalisé après l’accouchement). Un traitement par hormonothérapie a été réalisé chez quatre patientes sur neuf.
Prise en charge psychologique Nous retrouvons une prise en charge sous la forme de séances de relaxation avant chaque cure de chimiothérapie pour une patiente, une prise en charge avec la mise en place d’un traitement psychothérapeutique, en raison des répercussions des traitements sur l’image corporelle et des incertitudes de la future mère par rapport à son enfant chez
Trimestre pendant lequel le diagnostic est confirmé.
Trimestre pendant lequel le diagnostic est confirmé Nombre de patientes
1er trimestre 1/9
2e trimestre 7/9
3e trimestre 1/9
272
V. Dabrowiecki, L. Vanlemmens
une autre patiente. Deux patientes ont refusé la rencontre avec le psychologue.
Prise en charge obstétricale Pour les patientes ayant bénéficié d’une chimiothérapie pendant la grossesse, une surveillance échographique rapprochée (toutes les trois semaines) a été mise en place avant chaque séance de chimiothérapie. Concernant la surveillance obstétricale, il s’agit d’une surveillance classique mensuelle. Le délai entre la dernière cure de chimiothérapie et l’accouchement est en moyenne de trois semaines. Pour les patientes n’ayant pas eu de traitement par chimiothérapie, la surveillance obstétricale ne diffère pas de la surveillance classique habituelle. Une patiente fut hospitalisée une semaine pour une surveillance fœtale après une mastectomie partielle sous anesthésie générale. Une autre patiente fut hospitalisée à 27 SA pour prééclampsie et une patiente fut hospitalisée à 32 SA pour menace d’accouchement prématuré. L’âge gestationnel moyen lors de l’accouchement est de 30 SA + trois jours. Six accouchements prématurés sur neuf (27 SA + deux jours à 38 SA). On relève quatre accouchements par voie basse et cinq césariennes (trois programmées pour débuter un traitement incompatible avec la grossesse, une en urgence pour prééclampsie à 34 SA et une en urgence pour anomalie du rythme cardiaque fœtal dans un contexte de prééclampsie et de retard de croissance intra-utérin à 27 SA). Nous observons la naissance de neuf enfants vivants sans malformation, avec un poids moyen de 2010 g (550 à 3140 g). Un nouveau-né fut transféré dans l’unité de soins intensifs néonataux, un autre en réanimation néonatale et un nouveau-né dans l’unité de soins pédiatriques.
Étude du post-partum Nous retrouvons une séparation mère/enfant dans les cas où l’enfant a dû être transféré mais aussi pour une patiente qui fut hospitalisée pour altération de l’état général. Pour une patiente, le post-partum s’est compliqué d’une nécrobiose d’un fibrome utérin, une hystérectomie subtotale bilatérale fut réalisée. Une contraception mécanique a été proposée chez deux patientes.
Tableau 6
Devenir mère/enfant Trois patientes sont en vie sans récidive, deux patientes sont en vie avec récidive, deux patientes sont décédées et deux patientes sont en cours de traitement (Tableau 6). Concernant les enfants, nous savons uniquement que deux petites filles sont en bonne santé, nous n’avons pas retrouvé d’information sur l’état de santé actuel des autres enfants.
Acteurs de la prise en charge Pendant la grossesse L’obstétricien et l’oncologue sont intervenus chez les neuf patientes, le chirurgien chez quatre patientes sur neuf, le psycho-oncologue est intervenu chez deux patientes, le pédiatre est intervenu en collaboration avec l’obstétricien et l’oncologue chez les trois patientes ayant subi une césarienne prophylactique.
Après l’accouchement L’obstétricien et l’oncologue apparaissent dans chaque dossier, le chirurgien est intervenu chez quatre patientes, le radiothérapeute est intervenu chez cinq patientes, le psycho-oncologue est intervenu chez quatre patientes.
Résultats des auto-questionnaires Aucun dossier ne faisant état de la sage-femme dans la prise en charge du cancer du sein pendant la grossesse, nous avons voulu savoir quand et comment la sage-femme pouvait intervenir dans le diagnostic précoce d’un cancer du sein pendant une grossesse. Pour cela, nous avons réalisé un questionnaire à l’intention des sages-femmes réalisant les CPN.
Résultats N correspond au nombre de sages-femmes ayant répondu à la question. Le nombre moyen d’années d’exercice est de 16,85 ans (quatre à 33 ans) (N = 27).
Année du diagnostic de cancer du sein.
Année du diagnostic de cancer du sein
État de santé des patientes en 2007, année correspondant à l’année de l’étude des dossiers du Centre Oscar-Lambret
2002 2004
Une patiente en vie sans récidive Une patiente en vie sans récidive Une patiente en vie avec récidive Une patiente décédée Une patiente en vie avec récidive Une patiente décédée Une patiente en vie sans récidive Deux patientes en cours de traitement
2005 2006
La sage-femme dans le diagnostic et prise en charge du cancer du sein pendant la grossesse Tableau 7
273
Rôle de la sage-femme.
Rôle de la sage-femme
%
Les sages-femmes s’assurent que la patiente bénéficie d’un suivi gynécologique régulier lors de l’interrogatoire de la première CPN. (N = 30) Connaissent l’intérêt général de la palpation mammaire (N = 30) Précisent que cette palpation permet de diagnostiquer un cancer du sein (N = 30) Précisent que la palpation est un moment favorable pour donner des conseils en vue de l’allaitement maternel (N = 30)
97 90 53 6
CPN : consultation prénatale.
Tableau 8 grossesse.
État des connaissances des sages-femmes sur l’évolution de la fréquence du cancer du sein pendant la
État des connaissances des sages-femmes sur l’évolution de la fréquence du cancer du sein pendant la grossesse. (N = 24)
% (N = 24)
La fréquence du cancer du sein pendant la grossesse est stable La fréquence du cancer du sein pendant la grossesse augmente La fréquence du cancer du sein pendant la grossesse diminue
63 33 4
Tableau 9
Réalisation de la palpation mammaire, lors du suivi de grossesse.
Les sages-femmes réalisent la palpation mammaire lors du suivi de grossesse (N = 31)
Tableau 10
Oui
Non
58 %
42 %
Indications de la réalisation de la palpation mammaire.
Indications de la réalisation de la palpation mammaire (N = 18)
%
Réalisation systématique à chaque CPN Une seule fois pendant la grossesse En cas d’antécédents familiaux et/ou personnels de pathologie mammaire Si la patiente n’a pas de suivi gynécologique
10 35 25 56
CPN : consultation prénatale.
Parmi les sages-femmes interrogées, sept sur 31 exercent en libéral, aucune ne travaille dans une maternité de type I, dix sages-femmes sur 31 travaillent dans type II et 14 sagesfemmes sur 31 dans un type III. Hypothèse no 2 : les sages-femmes portent un intérêt à la palpation mammaire (Tableaux 7 et 8). Hypothèse no 3 : les sages-femmes pratiquent la palpation mammaire lors du suivi de grossesse (Tableaux 9—11). L’examen des seins réalisé en suites-de-couche a essentiellement pour but de rechercher des signes évoquant une pathologie liée à la montée de lait ou à l’allaitement maternel, tel qu’un engorgement mammaire, une crevasse Tableau 11
souvent liée à une mauvaise position du nouveau-né lors de la mise au sein ou encore un placard rouge chaud et douloureux à la face externe du sein évoquant une lymphangite ou une adénopathie axillaire douloureuse. Une palpation correcte des seins correspond à une palpation en position assise puis allongée, une inspection à la recherche de signes d’appel d’un cancer du sein, tel qu’une tumeur peu mobile sur les plans profonds ou à caractère mal limité, une rétraction cutanée, une asymétrie ou une induration, la recherche d’un ganglion axillaire et sus-claviculaire et une palpation quadrant par quadrant (Tableaux 12—14).
Technique de palpation mammaire.
Technique de palpation mammaire (N = 18)
Identique à la palpation réalisée en suites-de-couche
Différente de la palpation réalisée en suites-de-couche
39 %
61 %
274 Tableau 12
V. Dabrowiecki, L. Vanlemmens Position lors de la palpation.
Position de la patiente lors de l’examen clinique
(N = 11) %
Position assise Position allongée Position assise puis allongée
18 55 27
Hypothèse no 4 : les sages-femmes sensibilisent les patientes à l’autopalpation (Tableau 15). Hypothèse no 5 : les sages-femmes se sentent suffisamment formées à la palpation mammaire (Tableau 16).
Tableau 14 Diagnostic d’une anomalie lors d’un examen clinique des seins par une sage-femme. (N = 19) %
Diagnostic d’une anomalie lors d’un examen clinique des seins par une sage-femme
26 Tableau 15 Sensibilisation l’autopalpation.
des
patientes
Sensibilisation des patientes à l’autopalpation
à %
Discussion
Explique l’autopalpation aux patientes. (N = 19) Explique l’autopalpation à tout type de patiente et pas seulement aux patientes à risque. (N = 7)
État des connaissances cliniques et théoriques des sagesfemmes afin de connaître leur rôle à l’étape du diagnostic du cancer du sein pendant la grossesse.
Tableau 16 Formation des sages-femmes concernant la palpation mammaire.
Introduction Le retard au diagnostic pendant la grossesse est une notion soulignée par de nombreux auteurs « délai variant de neuf à 15 mois entre les premiers symptômes et le diagnostic observé » [13]. Ce retard peut être attribué à plusieurs paramètres, comme les modifications physiologiques du sein pendant la grossesse (hypervascularisation, engorgement mammaire et augmentation de la taille) qui rendent l’examen clinique plus difficile, mais aussi la crainte de réaliser des examens complémentaires potentiellement irradiants pendant la grossesse, et également le fait que le cancer du sein est peu envisagé chez la femme enceinte. Ce retard au diagnostic dépend de la date à laquelle la patiente ou le médecin a ressenti l’anomalie. Le nodule est le premier symptôme le plus souvent retrouvé dans notre étude. Il existe donc une grande influence du suivi gynécologique mais aussi de la sensibilisation à l’autopalpation étant donné qu’un nodule peut être perc ¸u par la patiente elle-même. Dans la revue de la littérature, nous ne retrouvons aucune donnée concernant les premiers symptômes de cancer du sein les plus fréquents chez la femme enceinte. Toutefois, nous rappelons que toute femme enceinte doit bénéficier d’un examen clinique mensuel des seins [16].
Tableau 13
42 100
Formation des sages-femmes concernant la palpation mammaire
%
Pensent ne pas avoir bénéficié d’une formation suffisante (N = 30) Sont demandeuses d’une formation complémentaire (N = 26)
90 96
Influence de la grossesse sur le cancer du sein Dans notre étude, l’âge des patientes se situe entre 25 et 42 ans, avec un âge moyen de 32,9 ans. Dans la revue de la littérature, l’âge moyen semble se situer aux environs de 34 ans [2].
Caractéristiques tumorales : point de vue clinique Dans notre étude, la taille tumorale se situe entre deux et huit centimètres avec une valeur moyenne de 3,6 centimètres. Dans la revue de la littérature, nous constatons une taille tumorale moyenne au moment du diagnostic d’environ 3,5 centimètres au cours de la grossesse contre deux centimètres à distance d’une grossesse [13].
Technique de palpation des sages-femmes interrogées.
Au cours de l’examen clinique des seins la sage-femme réalise
(N = 13) %
Une inspection à la recherche de signes d’appel de cancer, tel que l’existence d’un méplat cutané ou d’une rétraction cutanée, une asymétrie ou une induration, une tumeur peu mobile sur les plans profonds ou à caractère mal limité Une palpation quadrant par quadrant Recherche un écoulement mamelonnaire Une exploration des aires ganglionnaires axillaires Une exploration des aires ganglionnaires sus-claviculaires
85
92 42 62 8
La sage-femme dans le diagnostic et prise en charge du cancer du sein pendant la grossesse Nous constatons que le gynécologue obstétricien a permis d’établir ce diagnostic de première intention pour ensuite collaborer avec les autres professionnels et prendre en charge au mieux ces patientes dans ce contexte particulier qu’est la grossesse.
Caractéristiques tumorales : point de vue radiologique L’échographie a été réalisée chez huit patientes sur neuf, cet examen a un grand intérêt pour les seins congestifs, opaques à la mammographie. La mammographie a été réalisée chez quatre patientes sur neuf. Certains auteurs ne retirent « aucune utilité à la mammographie étant donné que les images pathologiques sont difficiles à identifier consécutivement à une augmentation de la densité du tissu mammaire pendant la grossesse » [2]. Nous retrouvons à cette étape la place importante du radiologue dans la prise en charge de cette pathologie pendant la grossesse.
Caractéristiques tumorales : point de vue histologique La biopsie a été réalisée dans les neuf cas. En effet, seul un examen anatomopathologique permet de réaliser un diagnostic de certitude. L’anatomopathologiste est dans ce cas un des acteurs privilégiés puisqu’il permet de confirmer le diagnostic de cancer. Dans notre étude, le CCI est le type histologique le plus fréquent puisqu’il est retrouvé dans huit cas sur neuf. Les auteurs s’accordent à dire que les types histologiques sont identiques à ceux que l’on rencontre en dehors de la grossesse [2]. Le GHP de type II est retrouvé chez cinq patientes sur neuf, le GHP III est retrouvé chez quatre patientes sur neuf, nous n’avons pas retrouvé de GHP I. Dans la revue de la littérature, il est mentionné que plus la patiente est âgée plus le pourcentage de GHP III est faible, avec 57 % de GHP III pour les patientes âgées de 20 à 34 ans, 40 % pour les patientes âgées de 35 à 49 ans et 31 % pour les patientes âgées de 50 à 64 ans [17]. Dans notre étude, les RH sont positifs chez six patientes sur neuf et négatifs chez trois patientes sur neuf. Dans la littérature, les RH négatifs sont fréquents durant la grossesse [2]. Une des explications est que nous sommes face à des femmes jeunes présentant plus souvent une tumeur de GHP III et des RH négatifs. Nous retrouvons un envahissement ganglionnaire dans cinq cas sur neuf. Dans la littérature, les métastases ganglionnaires sont plus fréquentes, estimées entre 50 et 80 % contre 55 % en dehors de la grossesse [2].
Prise en charge obstétricale et cancer du sein Pour chaque grossesse nécessitant un traitement par chimiothérapie, une surveillance échographique rapprochée (toutes les trois semaines) a été mise en place avant chaque
275
séance de chimiothérapie. En ce qui concerne la surveillance obstétricale, il s’agit d’une surveillance classique mensuelle. Le délai entre la dernière cure de chimiothérapie et l’accouchement est en moyenne de trois semaines. Pour les patientes n’ayant pas eu de chimiothérapie, la surveillance obstétricale ne diffère pas de la surveillance classique habituelle. D’après la littérature, la femme enceinte atteinte d’un cancer du sein est certes jeune pour l’oncologue mais âgée pour l’obstétricien. La surveillance doit donc être rapprochée comme pour toute grossesse à risque, puisque l’incidence de malformation chez le fœtus augmente avec l’âge [11]. Dans la littérature, il n’y a guère de données concernant le risque d’accouchement prématuré spontané chez la femme enceinte cancéreuse. L’accouchement est souvent provoqué afin de débuter un traitement incompatible avec la poursuite de la grossesse, ce qui est le cas pour la majorité des cas traités dans notre étude (sept patientes sur neuf). Dans notre étude, nous relevons cinq accouchements prématurés sur neuf. Deux césariennes furent réalisées pour raison obstétricale. De nos jours, les possibilités de traitement permettent à près de trois grossesses sur quatre d’évoluer jusqu’à la naissance d’un enfant normal. D’après la littérature, les risques pour l’enfant à naître sont ceux liés à la prématurité. Dans notre étude, trois enfants sur cinq sont nés respectivement à 33, 35, 35 SA et cinq jours pour raison « oncologique » et deux enfants sur cinq sont nés à 27 et 34 SA pour une pathologie liée à la grossesse : la prééclampsie.
Traitement possible du cancer du sein pendant la grossesse Le traitement du cancer du sein pendant la grossesse a deux exigences : tout d’abord, le traitement du cancer sans retard préjudiciable, sans oublier le respect de l’enfant à naître. D’après la revue de la littérature, la chirurgie est possible pendant toute la grossesse et la chimiothérapie aux deuxième et troisième trimestres de grossesse. Les autres traitements sont contre-indiqués. Dans notre étude, nous constatons qu’une patiente a bénéficié de la technique du ganglion sentinelle pendant la grossesse ; or un certain nombre d’auteurs contre-indique cette technique pendant la grossesse. En effet, pendant la grossesse, le taux d’atteinte ganglionnaire est plus important nécessitant souvent un curage et les risques de l’exposition du fœtus aux radio-isotopes sont inconnus [16]. Dans notre étude, seules la chirurgie et la chimiothérapie ont été utilisées comme traitement du cancer du sein pendant la grossesse.
Prise en charge psychologique La femme enceinte atteinte d’un cancer du sein est une femme jeune. Cette femme doit faire face non seulement aux répercussions des traitements altérants la qualité de vie, comme l’asthénie, l’anxiété, une modification de l’image corporelle (alopécie, amputation d’un sein) générant des répercussions psychosociales. Mais, elle doit aussi faire face aux problématiques liées à leur jeune âge qui plus
276 est la « grossesse ». Ces femmes sont donc confrontées à des sentiments d’impuissance, d’incertitude tout au long de leur grossesse. Elles ont peur de ne pas survivre et ainsi de ne pas voir leur enfant grandir, de ne pas pouvoir participer à l’éducation des enfants déjà présents. D’après la littérature, la femme jeune présente une plus grande détresse émotionnelle et davantage de troubles dépressifs [17]. Dans notre étude, la prise en charge psychologique est retrouvée chez deux patientes sur neuf. Le but principal de cette prise en charge a été de diminuer l’angoisse liée au traitement, que ce soit la chimiothérapie ou la chirurgie, mais aussi les angoisses de récidive.
Allaitement maternel L’effet protecteur d’un allaitement prolongé sur le risque de cancer du sein semble plus marqué chez les femmes porteuses d’une mutation du gène BRCA1 par rapport à ce qui est observé dans la population générale. Le mécanisme par lequel l’allaitement diminue le risque de cancer du sein résulte des changements hormonaux endogènes, en effet, la lactation diminue le niveau d’exposition cumulative aux estrogènes chez la femme [16]. D’après la revue de la littérature, l’allaitement maternel est contre-indiqué chez une femme atteinte d’un cancer du sein, si un traitement par chirurgie ou chimiothérapie ou encore par radiothérapie est envisagé, car ces traitements sont incompatibles avec l’allaitement maternel [11]. Dans notre étude, aucune patiente n’a pu allaiter son enfant en raison d’un de ces traitements mis en place peu de temps après l’accouchement.
Une prise en charge pluridisciplinaire Le ‘‘Plan Cancer’’ a permis d’élaborer un concept de prise en charge multidisciplinaire, ainsi les réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) contrôlent cette multidisciplinarité indispensable à la prise en charge des patientes atteintes d’un cancer étant donné la longueur de l’évolution et les multiples événements pouvant survenir au cours de la maladie [18]. Dans notre étude, que ce soit pendant la grossesse ou après l’accouchement, nous retrouvons cette notion de multidisciplinarité très bien soulignée en raison d’une double prise en charge puisqu’il faut traiter la mère mais également prendre en charge cet enfant que ce soit in utero ou après l’accouchement.
V. Dabrowiecki, L. Vanlemmens active aux patientes et de répondre aux questions que se posent celles-ci. Grâce à leur vécu de cette maladie, ces femmes peuvent parler de la peur de la chimiothérapie, de certaines idées rec ¸ues ou encore de la fac ¸on dont il faut appréhender la maladie pour s’en sortir. Le pédiatre a pu intervenir chez les patientes ayant eu une césarienne prophylactique ou un accouchement provoqué avant terme, afin d’expliquer les modalités de prise en charge de l’enfant à naître.
Après l’accouchement L’oncologue, le chirurgien et le radiothérapeute peuvent intervenir rapidement dans la prise en charge de ces femmes après l’accouchement sous réserve bien sûr de l’état général de celles-ci. Dans notre étude, nous retrouvons ces acteurs chez la majorité des patientes. Le pédiatre, ainsi que l’équipe de néonatalogie interviennent quand l’enfant a été transféré. Aucun dossier ne fait état du rôle de la sage-femme, or nous allons aborder la place qu’elle peut avoir dans cette prise en charge pluridisciplinaire.
Rôle de la sage-femme Intérêt à la palpation mammaire Notre questionnaire permet de montrer que 27 sagesfemmes sur 30, soit 90 % des sages-femmes interrogées, affirment connaître l’intérêt d’une palpation réalisée en cours de grossesse. Parmi ces 27 sages-femmes, 25 précisent que cet examen permet le diagnostic d’un cancer du sein et deux que la palpation mammaire au cours de la grossesse est l’occasion de donner des conseils en vue de l’allaitement maternel. La surveillance des seins pendant la grossesse fait partie des mesures générales de prévention et s’inscrit en outre dans le cadre de la préparation à l’allaitement maternel. L’examen des seins peut alors se faire en perspective d’un éventuel allaitement maternel en plus d’un dépistage carcinologique. Il est nécessaire de faire cet examen à toutes les femmes, sans chercher à savoir si elles désireront allaiter ou non. Ainsi, en combinant le dépistage carcinologique et la préparation de la patiente à l’allaitement maternel, la sage-femme peut jouer son rôle de santé publique, en s’intéressant à la santé future de cette femme et de son enfant. L’ensemble de ces résultats confirme l’hypothèse no 2 : les sages-femmes portent un intérêt à la palpation mammaire.
Pendant la grossesse La palpation mammaire en routine clinique Une collaboration entre l’obstétricien et l’oncologue est observée chez les neuf patientes. Ces deux acteurs discutent du traitement le plus efficace possible pour la mère et qui n’aurait aucun effet néfaste pour l’enfant. Mais également la nécessité de provoquer l’accouchement si un traitement incompatible avec la poursuite de la grossesse est nécessaire. Le chirurgien est intervenu chez quatre patientes sur neuf. Le psycho-oncologue est intervenu chez trois patientes. Lors d’un stage au Centre Oscar-Lambret, j’ai rencontré des associations de bénévoles dont le rôle est d’offrir une écoute
Notre étude montre que parmi les 31 sages-femmes interrogées, 18 réalisent une palpation mammaire au cours de la grossesse, soit 58 % des sages-femmes interrogées. Donc, 13 sages-femmes sur 31, soit 42 % ne réalisent jamais de palpation mammaire au cours du suivi de grossesse (Tableau 8). Parmi ces 13 sages-femmes qui ne réalisent jamais cette palpation, une précise qu’il lui est difficile de palper les seins d’une parturiente en raison des modifications physiologiques liées à l’état de grossesse. Deux sages-femmes précisent que cette palpation est en général réalisée par
La sage-femme dans le diagnostic et prise en charge du cancer du sein pendant la grossesse le gynécologue-obstétricien ou le médecin traitant ayant procédé à la déclaration de grossesse. Et une sage-femme déclare qu’elle ne se sent pas capable de se substituer à un gynécologue-obstétricien. Toutes ces remarques nous font nous demander si ces sages-femmes savent que la palpation mammaire au cours de la grossesse fait partie de leurs compétences. Il aurait été intéressant d’intégrer cette question à notre questionnaire. Parmi les sages-femmes qui pratiquent la palpation mammaire en cours de grossesse, sept sages-femmes sur 18, soit 39 % ont une technique identique à la palpation réalisée en suites-de-couche. Parmi les 18 sages-femmes qui réalisent la palpation mammaire au cours de la grossesse, une seule réalise un examen clinique complet des seins : • examiner la patiente en position assise puis allongée ; • réaliser une inspection à la recherche de signes d’appel d’un cancer du sein (rétraction cutanée. . .) ; • une exploration des aires ganglionnaires axillaires et susclaviculaires à la recherche d’adénopathie ; • rechercher un écoulement mamelonnaire. La majorité des sages-femmes interrogées pratique la palpation mammaire au cours du suivi de grossesse mais, pour la plupart, l’examen est incomplet. En effet, dans notre étude, 27 % des sages-femmes interrogées (N = 11) réalise la palpation mammaire en position assise puis allongée. Dix-huit pour cent (N = 11) la réalise en position assise uniquement et 55 % (N = 11) en position allongée uniquement. Quatre-vingt pour cent (N = 13) réalise une inspection à la recherche de signe d’appel d’un cancer du sein, comme l’existence d’un méplat ou rétraction cutanée, un capiton ou l’existence d’une asymétrie ou d’une induration. Quatre-vingt-douze pour cent (N = 13) réalise une palpation quadrant par quadrant. Quarante-deux pour cent (N = 13) recherche un écoulement mamelonnaire. Soixante-deux pour cent (N = 13) explore les aires ganglionnaires axillaires et huit pour cent (N = 13) explore les aires ganglionnaires sus-claviculaires.
Sensibilisation des patientes à l’autopalpation Quarante-deux pour cent des sages-femmes interrogées (N = 19) expliquent l’autopalpation aux patientes. Peu de sages-femmes sensibilisent les patientes à l’autopalpation, pourtant cela peut permettre aux patientes de connaître les modifications physiologiques liées à l’état de grossesse et ainsi les informer sur les signes d’appel devant les inciter à consulter rapidement. Ainsi, les sagesfemmes pourraient avoir leur place dans le dépistage du cancer du sein en cours de grossesse.
Place de la sage-femme dans une équipe pluridisciplinaire La sage-femme n’est pas retrouvée dans notre étude de dossiers mais elle est certainement intervenue dans la prise en charge de ces patientes, notamment pendant la grossesse lors de l’hospitalisation de ces femmes dans le service de pathologies maternelles et fœtales mais également en salle de naissance puis après l’accouchement dans le service de suites-de-couche.
277
Le métier de sage-femme est certes technique mais aussi relationnel. Elle accompagne la femme enceinte pendant toute la grossesse lors des CPN, lors des séances de préparation à l’accouchement. L’hospitalisation d’une patiente que ce soit dans le service de pathologies maternelles et fœtales ou de suites-de-couche constitue un contexte encore plus propice à son rôle de soutien, d’accompagnement, d’écoute. La sage-femme a donc sa place dans cette prise en charge multidisciplinaire.
Conclusion Il ressort de cette enquête que la majorité des sages-femmes porte un intérêt à la palpation mammaire et pratique cet examen au cours du suivi de grossesse. En revanche, la technique de palpation mammaire réalisée par la grande majorité des sages-femmes n’est pas conforme à un examen clinique complet des seins. Cela est peut-être lié au fait que les sages-femmes ne se sentent pas suffisamment formées. En effet, notre étude montre que 90 % des sagesfemmes interrogées (N = 30) pensent ne pas avoir bénéficié d’une formation suffisante sur la technique de palpation mammaire. Par ailleurs, 25 sages-femmes sur 26, soit 96 % seraient demandeuses d’une formation complémentaire sur l’examen clinique des seins. Parmi ces 25 sages-femmes, 20 proposent des solutions : • 18 sages-femmes seraient intéressées par la mise en place d’ateliers pratiques ; • une sage-femme suggère un rappel sur la physiopathologie et un cours d’interprétation des mammographies ; • une sage-femme serait intéressée par un stage dans un service d’oncologie-sénologie. Il serait donc intéressant de répondre aux besoins des sages-femmes en intégrant une formation complémentaire sur ce sujet. De nos jours, le cancer du sein associé à la grossesse reste un véritable problème de santé publique. En effet, nous constatons d’après notre étude deux décès en quatre ans. La sage-femme doit donc jouer son rôle de santé publique en informant les patientes sur l’importance de l’autosurveillance mammaire et en réalisant la palpation des seins au cours du suivi de grossesse. De plus, depuis août 2004, les sages-femmes peuvent procéder à la déclaration de grossesse et sont donc amenées à débuter des suivis de grossesse de plus en plus précoces. Il est important que les sages-femmes connaissent et pratiquent la palpation mammaire. Ainsi, davantage de sages-femmes pourront : • intervenir dans la prévention du cancer du sein en sensibilisant les patientes à l’autosurveillance ; • informer les parturientes sur les signes d’alerte devant les inciter à consulter ; • orienter la patiente en cas de suspicion de cancer du sein.
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