Cas Clinique

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La dépression : des pratiques aux théories 9 Cas Clinique J. Daléry CHS Le Vinatier, Lyon Mme F. âgée de 48 ans se présente à la consultation de l’...

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La dépression : des pratiques aux théories 9

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J. Daléry CHS Le Vinatier, Lyon

Mme F. âgée de 48 ans se présente à la consultation de l’hôpital neurologique, accompagnée de son mari. C’est son médecin traitant qui a conseillé à son mari de venir consulter. Elle se présente comme une femme plutôt élégante, qui raconte son histoire avec une certaine difficulté et qui attend que son mari complète ses informations. Elle parle avec réticence et sans grande émotion de son enfance : sa mère décédée il y a 5 ans était effacée, acceptant tout de son mari, restant la plupart du temps à la maison avec les activités ménagères. Mme F. ajoute d’ailleurs qu’elle a le même caractère que sa mère. Son père est décrit comme tyrannique, criant beaucoup et ne supportant pas la contradiction. Elle a un frère qu’elle décrit comme marginal et dont elle n’a plus de nouvelles depuis 10 ans. Elle a fait des études d’orthodontiste et a exercé 15 ans dans un cabinet dentaire. Elle est en arrêt de travail depuis 10 ans pour polyarthrite rhuma-

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toïde actuellement bien équilibrée par un traitement médical. Elle fait du bénévolat et de la peinture mais sans grande passion. Sas antécédents médicaux sont lourds : HTA pour laquelle elle reçoit Esidrex et Sectral, diabète insulinodépendant, polyarthrite rhumatoïde bien équilibrée avec Novatrex. Elle a reçu à de nombreuses reprises des corticoïdes lors des poussées inflammatoires. Elle s’est mariée à l’âge de 25 ans. Elle a deux enfants jumeaux de 22 ans qui poursuivent leurs études à Paris. Elle se décrit comme ayant toujours été dépressive et anxieuse, s’inquiétant pour tout, très introvertie, mais en ajoutant que cela fait partie de son caractère et qu’elle s’y est habituée. Elle décrit aussi deux périodes « d’énervement », il y a 10 ans et 2 ans, durant environ 1 mois et au cours desquelles elle se sentait beaucoup mieux, pleine d’énergie en ajoutant : « j’attendais ces moments ». Elle a reçu de nombreux antidépresseurs (tricycliques et IRS) et anxiolytiques

benzodiazépiniques. Elle précise que les anxiolytiques étaient plus efficaces que les antidépresseurs. Elle arrêtait d’elle-même les traitements soit du fait d’une inefficacité soit parce qu’elle se sentait un peu mieux et voulait s’en sortir toute seule. Elle a eu 2 ans de psychanalyse en ajoutant que cela lui a permis de mieux comprendre sa relation avec son père, mais n’a pas changé radicalement son tempérament dépressif. Il y a 3 ans, elle a participé à un groupe d’affirmation de soi. Elle précise que cela l’a beaucoup aidée. Pendant 1 an (en 2003), elle a reçu un traitement de Dépamide, qui a été interrompu du fait d’une inefficacité. Elle a toujours eu des difficultés d’endormissement. Depuis un an, elle décrit un fond dépressif plus important et permanent. Elle se plaint de manquer d’entrain et de confiance en elle. Elle a d’ailleurs interrompu ses activités de bénévolat et n’accepte de sortir avec son mari que lorsqu’elle ne peut pas faire autrement. La consultation est motivée par

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une aggravation récente de la symptomatologie dépressive. Le mari nous confirme que, depuis environ 3 semaines, sa femme a interrompu toutes ses activités, ne fait plus de peinture, elle reste à la maison, ne prépare plus les repas, refuse de rencontrer ses rares amis. Elle a l’impression d’être abandonnée, dit

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que tout ce qu’elle fait est nul, se sent coupable de ne pas avoir su s’occuper de ses enfants. Elle répète que son père a été tyrannique avec elle, qu’elle n’a jamais eu de satisfaction dans les relations sexuelles. Elle a du mal à se lever le matin et refuse de sortir. Elle dit avoir eu des pensées suicidaires mais qu’elle n’aura jamais

la force de passer à l’acte. Elle ne demande pas d’aide particulière, préfère qu’on la laisse tranquille. Le mari est très inquiet. Elle reçoit actuellement, en plus de son traitement somatique, 75 mg d’alprazolam, 0,50 mg de clomipramine et un comprimé d’Imovane. C’est le mari qui donne les médicaments.

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