J Radiol 2009;90:854-6 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2009 Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
JFR 2008
imagerie thoracique
Cas n° 1 MF Carette (1), V Gounant (2) et J Cadranel (2)
Observation Madame P. Née en 1963 (47 ans), adressée en décembre 2007 pour bilan d’un nodule du segment apical du LID.
Habitus • • • • •
mariée, un fils. travaille dans une banque ; tabagisme : de 20 à 32 ans (12 PA) ; alcool : prise occasionnelle ; allergie médicamenteuse ou alimentaire = 0 ; animaux à domicile (chiens, chats, poissons).
Antécédents et Maladies en cours • LEAD suivi depuis 2004 avec pneumopathie interstitielle en rapport avec une pneumopathie desquamative (BPTO) ; • épisode d’épanchement pleural gauche ; • interventions : – pour désobstructions du cavum et suivi ORL régulier depuis l’enfance ; – sur endométriose de la trompe gauche ; – pour ovariectomie et salpingectomie pour rupture de kyste ovarien droit.
• VGM : 90 μ3 ; • plaquettes : 116 000 ; • gamma-g : 13,6 g/l ; avec pic à 7 g, de type IgG kappa.
Fibroscopie bronchique Anomalie de l’extrémité postérieure de la corde vocale gauche, et présence de 3 élevures sur la face antérieure de la trachée ; aspect épaissi de l’orifice lobaire supérieur droit. Le reste de l’arbre bronchique est normal.
Biopsies bronchiques, sur la carène et sur l’éperon LSD Négatives.
TEP-TDM • hyperfixation modérée (SUVmax : 4) du nodule du segment apical du LID ; • hyperfixation modérée (SUVmax : 2,9) au niveau d’une opacité infiltrative du LIG ; • absence d’autre anomalie thoracique.
Traitements : Arrêt en 2004
Décision de biopsie trans-thoracique du nodule du Fowler droit
Du CIDOFOVIR local et général et des corticoïdes.
Positive.
Histoire de la maladie Majoration d’images nodulaires connues depuis 2004 avec notamment macro-nodule du segment apical du LID.
Question Quelle est votre hypothèse diagnostique (fig. 1 à 4) ?
Clinique • • • • • • •
bon état général ; 120 kg (base 104 kg). PS à 0 ; tension artérielle : 17/10 cm Hg. pouls : 75/mn ; toux sèche et voix nasonnée habituelle (depuis l’enfance) ; pas de notion d’hémoptysie ; pas de dyspnée ni de douleur articulaire actuelle, apyrexie ; auscultation cardio-pulmonaire normale ; aires ganglionnaires libres ; pas d’hépato-splénomégalie.
Biologie • CRP : 9 mg/l (N < 10) ; • Hb : 14 g/dl ;
(1) Service de Radiologie, Hôpital Tenon, APHP, 4, rue de la Chine, 75970 Paris cedex 20. (2) Service de Pneumologie, Hôpital Tenon, APHP, 4, rue de la Chine, 75970 Paris cedex 20. Correspondance : MF Carette E-mail :
[email protected]
Fig. 1 :
Coupes TDM en fenêtre parenchymateuse de février 2004.
MF Carette et al.
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Cas n° 1
a b
Fig. 2 : a b
Coupes TDM de 2007. En fenêtre médiastinale. En fenêtre parenchymateuse.
a b
Fig. 3 :
Étude du parenchyme en reconstructions MPR coronale (a), sur une coupe axiale passant par les culs de sacs (b).
a b
Fig. 4 :
Coupes TDM au cours de la ponction trans-thoracique (a) lors du repérage, à proximité du nodule, (b) contrôle de l’aiguille.
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Cas n° 1
MF Carette et al.
Réponse
Légendes détaillées des figures
Nodule de Papillomatose juvénile. Doute sur une cancérisation.
Fig. 1 : Coupes TDM en fenêtre parenchymateuse de février 2004 montrant qu’en lieu et place du nodule actuel existaient deux images kystiques. Fig. 2 : Coupes TDM de 2007, montrant une image nodulaire à contour irrégulier, spiculé, avec quelques images en verre dépoli au niveau du segment de apical du lobe inférieur droit. Ce nodule est encore siège d’une petite image aérique. a En fenêtre médiastinale. b En fenêtre parenchymateuse, Fig. 3 : Étude du parenchyme en Reconstructions MPR coronale (a), sur une coupe axiale passant par les culs de sacs (b), montrant les images en verre dépoli des bases, en particulier l’infiltrat en verre dépoli de la base gauche, en rapport avec la pneumopathie desquamative connue. Fig. 4 : Coupes TDM au cours de la ponction trans-thoracique (a) lors du repérage, à proximité du nodule, montrant une image franchement kystique à bord épais (b) contrôle de l’aiguille satisfaisant ; apparition d’un micro-décollement pleural.
Discussion La papillomatose respiratoire récurrente (PRR) est une tumeur bénigne des voies aériennes causée par Papillomavirus humain (HPV) types 6 et 11 (1). Elle atteint les enfants et les adolescents, susceptible de régresser avec l’âge, mais certains patients sont atteints toute leur vie. La maladie se caractérise par l’apparition de papillomes au niveau des voies aériennes responsables de difficultés respiratoires et de complications, pneumopathie récidivante, atélectasie, hémoptysies. Elle est caractérisée par des récidives multiples des papillomes après résection chirurgicale et les thérapeutiques efficaces par ailleurs sont limitées. L’aspect de la maladie est polymorphe et la forme due à Papillomavirus types 11 serait plus sévère et plus précoce ; avec cependant un rôle certain de l’hôte (2). La papillomatose atteint le plus souvent la sphère ORL et ne touche la trachée et les grosses bronches que dans 5 % des cas (3). Elle touche plus rarement encore les petites voies aériennes, bronchioles et alvéoles, cette dissémination distale étant habituellement estimée à 1 % (3-5), une seule série donnant un chiffre à 7 % (6).
Sur le plan radiologique L’atteinte trachéale et bronchique proximale peut-être localisée ou diffuse, responsable de rétrécissements nodulaires des voies aériennes, d’images polypoïdes au sein de la trachée et des grosses bronches (7) ; ces aspects peuvent s’accompagner d’atélectasies ou de trappage en aval des lésions endobronchiques ; ils peuvent se compliquer de pneumopathie ou de dilatation de bronches. Les nouvelles méthodes de traitement d’image peuvent être utiles, en particulier l’endoscopie virtuelle peut permettre de visualiser de fines nodulations sur la trachée, sans avoir recours à l’endoscopie bronchique parfois interdite par les lésions laryngées (8). En cas d’atteinte des voies aériennes distales, la PRR peut être responsable d’opacités mal définies, centrolobulaires, mais aussi d’images kystiques à parois de 2 à 3 mm, de taille variable (9, 10), d’images nodulaires où de masses qui sont le plus souvent siège d’images cavitaires (8, 9). Ces images qui prédominent au niveau des lobes inférieurs, peuvent évoquer un cancer, y compris, comme dans notre cas, en fixant le FDG (4). Cette hypothèse est d’autant plus préoccupante qu’il est décrit d’authentique apparition (10 %) de cancer bronchique épidermoïde sur ce terrain (5), et que le diagnostic précoce en est très difficile (11). Il faut évoquer cette hypothèse chez un jeune adulte, devant l’apparition d’un nouveau nodule ou la croissance isolée d’un nodule préexistant surtout si de cavitaire, il devient plein. Cette évolution serait possiblement plus fréquente en cas d’infection par HPV sérotype 11, alors que notre patiente est atteinte par HPV 6. Ainsi, chez un sujet ayant des antécédents de papillomatose juvénile ORL, il convient, devant une atteinte concomitante de la trachée et des grosses bronches et du parenchyme sous forme de nodule excavé, d’évoquer une dissémination distale de la maladie. En cas de doute sur une évolution carcinomateuse, la ponction trans-thoracique peut avoir son intérêt.
Références 1.
Devoti JA, Rosenthal DW, Wu R, Abramson AL, Steinberg BM, Bonagura VR. Immune Dysregulation and Tumor-Associated Gene Changes in Recurrent Respiratory Papillomatosis: A Paired Microarray Analysis1. Mol Med 2008;14:608-17. 2. Buchinsky FJ, Donfack J, Derkay CS, et al. Age of child, more than HPV type, is associated with clinical course in recurrent respiratory papillomatosis. PLoS ONE 2008;3:e2263. 3. Prince JS, Duhamel DR, Levin DL, Harrell JH, Friedman PJ. Nonneoplastic lesions of the tracheobronchial wall: radiologic findings with bronchoscopic correlation. Radiographics 2002;22:S215-30. 4. Pipavath SN, Manchanda V, Lewis DH, Schmidt RA, Martins RG, Godwin JD. 18F FDG-PET/CT findings in recurrent respiratory papillomatosis. Ann Nucl Med 2008;22:433-6. 5. Katz SL, Das P, Ngan BY, et al. Remote intrapulmonary spread of recurrent respiratory papillomatosis with malignant transformation. Pediatr Pulmonol 2005;39:185-8. 6. Silver RD, Rimell FL, Adams GL, Derkay CS, Hester R. Diagnosis and management of pulmonary metastasis from recurrent respiratory papillomatosis. Otolaryngol Head Neck Surg 2003;129:6229. 7. Gruden JF, Webb WR, Sides DM. Adult-onset disseminated tracheobronchial papillomatosis: CT features. J Comput Assist Tomogr 1994;18:640-642 8. Chang CH, Wang HC, Wu MT, Lu JY. Virtual bronchoscopy for diagnosis of recurrent respiratory papillomatosis. J Formos Med Assoc 2006;105:508-11. 9. Kuhlman JE, Reyes BL, Hruban RH, et al. Russell H. Abnormal air-filled spaces in the lung. Radiographics 1993;13:47-75. 10. Harada H, Miura K, Tsutsui Yet al. Solitary squamous cell papilloma of the lung in a 40-year-old woman with recurrent laryngeal papillomatosis. Pathol Int 2000;50:431-9. 11. Go C, Schwartz MR, Donovan DT. Molecular transformation of recurrent respiratory papillomatosis: viral typing and p53 overexpression. Ann Otol Rhinol Laryngol 2003;112:298-302.
J Radiol 2009;90