J Radiol 2009;90:870-4 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2009 Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
jfr 2008
imagerie thoracique
Cas n° 5 MF Carette (1), U Lerolle (2) et B Milleron (2)
Observation Madame H. Née en 1948 (60 ans) adressée en 2007 pour bilan d’un asthme grave.
Habitus • • • •
célibataire, sans enfant, s’occupe de sa mère de 89 ans ; a travaillé dans le conditionnement dans la métallurgie ; en invalidité depuis 5 à 6 ans du fait de sa maladie respiratoire ; pas d’intoxication tabagique.
Antécédents et Maladies en cours • pyrosis depuis une dizaine d’années ; • rhumes des foins, fréquents ; • allergie au pollen de graminées, aux phanères de chien et au latex ; • asthme sévère depuis 1992 avec prise en charge spécialisée et traitement par broncho-dilatateurs, corticoïdes en cure courte, corticoïdes inhalés.
Histoire de la maladie Aggravation récente menant à l’introduction d’aérosols de Bricanyl et d’Atrovent 4 fois/j.
Clinique • • • • • •
état général moyen, 42 kg pour 1 m 50 ; dyspnée à 1 étage ; toux, expectoration matinale ; sibilants dans les deux champs pulmonaires ; pas de signe d’insuffisance cardiaque droite ; pas d’autre élément pathologique.
Biologie • • • •
GB : 5 900 dont 2 770 PNN, 560 éosinophiles ; Hb : 11,8 g/dl ; Plaquettes : 340 000 ; CRP : < 1 mg/l (N < 10).
TDM Disparition partielle de l’infiltrat du LSG visualisé sur l’examen fait en ville.
(1) Service de Radiologie, Hôpital Tenon, APHP, 4, rue de la Chine, 75970 Paris cedex 20. (2) Service de Pneumologie, Hôpital Tenon, APHP, 4, rue de la Chine, 75970 Paris cedex 20. Correspondance : MF Carette E-mail :
[email protected]
Question Quelle est votre hypothèse diagnostique (fig. 1 à 4) ?
MF Carette et al.
Fig. 2 :
Fig. 1 :
Radiographie du thorax de face.
Fig. 3 :
Coupes TDM de 1 mm en fenêtre parenchymateuse. En inspiration. En expiration, (b) au même niveau que (a).
a b-d
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Coupes TDM de 1 mm en fenêtre parenchymateuse.
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Fig. 4 : a b-d
Coupes TDM de 1 mm . En fenêtre parenchymateuse. En fenêtre médiastinale, (b) au même niveau que (a).
Réponse Diagnostic final retenu : • aspergillose broncho-pulmonaire allergique (ABPA) ; • ou maladie de Hinson Peppys ; • évoluée : stade V (DDB, Bronchiolite oblitérante, calcification des impactions mucoïdes, fibrose).
• IgE Spécifiques* élevées : * pour/contre Aspergillus (fumigatus).
Radiologiques • infiltrats pulmonaires (+/– labiles) ; • DDB (proximales).
Mineurs Discussion
• présence d’Aspergillus fumigatus dans les sécrétions bronchiques ; • test cutané semi-retardé pour Aspergillus.
Diagnostic sur 7 à 8 critères majeurs ou 5/6 majeurs + 2/1 mineurs (JF Cordier).
Équivalences radiologiques
Majeurs
Expectoration de moules bronchiques : impactions bronchiques proximales, atélectasies.
• • • • •
asthme ; eosinophiles > 500/mm3 ; IgE Totale > 2000 UI ; test cutané immédiat* (+) ; anticorps précipitants* (+) ;
Dans notre cas • hyper éosinophilie : 560 éosinophiles (N < 500) ; • sérologies aspergillaires : Positives à 2 arcs ; • test cutané à l’Aspergillus : positif en immédiat. J Radiol 2009;90
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TDM • • • •
notion d’un infiltrat labile ; dilatations des bronches kystiques proximales ; impactions mucoïdes. Concrétion denses intra-bronchiques ; aspect de bronchiolite constrictive avec trappage.
Commentaire L’aspergillose broncho-pulmonaire allergique (ABPA) ou Maladie de Hinson Peppys correspond à une réaction immunologique de l’hôte, possiblement génétiquement déterminée (1-3), associant une allergie de type I (IgE) et de type III (IgG et IgA) de GELL et COOMBS à l’inhalation de spores d’Aspergillus fumigatus(Af) qui colonisent le mucus bronchique et y deviennent des hyphes aspergillaires. Ces patients immunocompétents, correspondent à des terrains particuliers, en effet l’ABPA survient chez 1 à 2 % des patients ayant un asthme difficile à équilibrer et chez 2 à 15 % des patients ayant une muccoviscidose (1, 3, 4). L’aspect radiologique (5-7) est variable en fonction du temps, mais ne devient caractéristique que tardivement, à une phase très délabrante, d’où l’intérêt d’évoquer le diagnostic avant ce stade de fibrose (1). En effet, la réaction immunologique se manifeste dans un premier temps par une infiltration de la paroi bronchique par des éosinophiles et des cellules mononucléées et la formation d’impactions mucoïdes. Ces stades précoces, aigu (I), rémission (II), exacerbation (III), asthme corticodépendant (IV), se caractérisent sur le plan radiologique par des infiltrats pulmonaires récurrents et mobiles, corticosensibles, décelables au moment des poussées (stades I, III et IV). On peut voir aussi des troubles de ventilation, également récurrents et mobiles, fonctions des localisations des obstructions bronchiques proximales. Ce n’est que plus tardivement (stade V), que l’on voit apparaître des bronchocèles périhilaires qui, en se vidant, laissent place à des bronchectasies, moniliformes ou kystiques, proximales (segmentaires et sous segmentaires), prédominant aux lobes supérieurs. Dans les cas évolués peuvent apparaître des lésions de bronchiolites obstructives avec trappage, comme chez notre patient, et des lésions de fibrose. Notre observation est rare par la visualisation du caractère dense, supérieur aux tissus mous, voir calcifié, des impactions mucoïdes, ce qui est décrit, mais exceptionnel (1, 6, 7) ; Certains auraient comparé cette hyperdensité à l’hyperdensité observée au sein des sinus dans les sinusites aspergillaires (6). Le diagnostic différentiel est représenté par la pneumonie chronique à éosinophile, le syndrome de Shurg et Strauss, le syndrome hyper IgE, l’asthme avec troubles de ventilation, l’asthme aspergillaire, les parasitoses pulmonaires (4). Le diagnostic de l’ABPA ne réclame pas d’histologie, il est porté sur un certain nombre de critères (1), sept ou huit majeurs ou cinq à six majeurs associés respectivement à deux ou un seul mineur. Ces critères sont cliniques, biologiques et radiologiques : Parmi les critères majeurs, l’asthme résistant au traitement, l’hyperéosinophilie (> 500/mm3), sont communs à certains diagnostics différentiels suscités ci bien que les critères majeurs biologiques sont plus discriminants : les tests cutanés immédiats pour Af, le dosage des IgE Totales (> 1000 UI/ml) et la recherche d’anticorps précipitant (IgG/IgA/arcs) et d’IgE, spécifiques pour Af. Deux autres critères majeurs sont J Radiol 2009;90
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radiologiques, nous les avons décrits plus haut : les infiltrats parenchymateux et les bronchectasies. Le problème est que ce dernier critère est tardif et peut exister chez le patient atteint de mucoviscidose et uniquement colonisé, ce qui rend le diagnostic plus difficile ; cela a conduit à l’élaboration de critères spécifiques à ce terrain par la Cystic Fibrosis Foundation (9-11). Les critères mineurs comportent l’expectoration de moules bronchiques, qui à notre avis, pourrait avoir pour équivalence radiologique la visualisation d’impactions mucoïdes, matériel amorphe obstruant les lumières bronchiques proximales. Les autres critères mineurs sont la présence de colonies d’Af dans les sécrétions bronchiques et les tests cutanés positifs de façon semi-retardée pour Af. Le traitement des poussées aiguës par corticoïde et itraconazole semble freiner la progression de la maladie mais ne doit pas être administré au long court (12).
Légendes détaillées des figures Fig. 1 : Radiographie du thorax de face montrant des images d’allure kystique sus-hilaire bilatérales et à la partie interne de l’apex gauche. Plusieurs images nodulaires assez denses. Fig. 2 : Coupes TDM de 1 mm en fenêtre parenchymateuse montrant, à gauche, une volumineuse dilatation de bronche kystique proximale du ventral du culmen ; à droite, au niveau du segment dorsal du lobe supérieur, présence de matériel endobronchique pouvant correspondre à un « moule bronchique ». Fig. 3 : Coupes TDM de 1 mm en fenêtre parenchymateuse, en inspiration (a), en expiration (b-d), (b) au même niveau que (a). On visualise ici aussi des dilatations de bronche proximales kystiques et des rétentions endobronchiques, mais aussi des zones d’hypo atténuations déjà visibles en inspiration (a), accentuée (b) ou bien visible (cd) en expiration, témoignant d’une bronchiolite constrictive. Fig. 4 : Coupes TDM de 1 mm. a En fenêtre parenchymateuse. b-d En fenêtre médiastinale, (b) au même niveau que (a), montrant le caractère hyperdense (b) voir calcifié (c, d) du matériel de rétention endobronchique.
Références 1.
2.
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6.
Tonnel AB, Tillie-Leblond I. Asthme réfractaire: évoquer une aspergillose broncho-pulmonaire allergique. Presse Med 2008;37:161-6. Slavin RG, Hutcheson PS, Chauhan B, Bellone CJ. An overview of allergic bronchopulmonary aspergillosis with some new insights. Allergy Asthma Proc 2004;25:395-9. Chetty A. Pathology of allergic bronchopulmonary aspergillosis. Front Biosci 2003;8:e110-4. Greenberger PA. Clinical aspects of allergic bronchopulmonary aspergillosis. Front Biosci 2003;8:s119-27. Jeong YJ, Kim KI, Seo IJ, et al. Eosinophilic lung diseases: a clinical, radiologic, and pathologic overview. Radiographics 2007;27: 617-37. Lynch DA. Imaging of asthma and allergic bronchopulmonary mycosis. Radiol Clin North Am 1998;36:129-42.
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