Cellules non parenchymateuses du foie et infection virale

Cellules non parenchymateuses du foie et infection virale

~DITORIAL Cellules non parenchymateuses du foie et infection virale A. KIRN* Rev M e d lnterne 1992 ; 13: 19-20. Le sinusoi'de hOpatique est consti...

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~DITORIAL

Cellules non parenchymateuses du foie et infection virale A. KIRN*

Rev M e d lnterne 1992 ; 13: 19-20.

Le sinusoi'de hOpatique est constitu(} par troistypes principaux de cellules ; les cellules endoth~liales formant la paroi du si0usoide , les cellules de Kupffer qui sont les macrophages r~sidents du foie et les cellules de Ito situ~es dans I'espace de Disse, principal r6servoir de vitamine A du foie et jouant un r6le dans le maintien de la structure du sinusoi'de (1). Lors d'une infection h virus, le foie peut constituer un organe relais ou un organe cible. Dans les deux cas, les particules virales ou les cellules infect~es charriOes par le sang interagissent d'abord avec les cellules sinusoi"dales qui sont particuli~rement expos~es l'infection ~tant donn(~ leur Iocalisation et la vitesse extrOmement lente du flux sanguin. L'interaction entre les virus et les cellules sinusoidales est contr61~e par trois types de facteurs : la prOsence de r6cepteurs, I'~tat dans lequel se trouve le virus dans le sang, les m(~canismes d'endocytose cellulaire. Pour qu'un virus puisse se fixer b. la membrane cellulaire, il faut que cette cellule possOde le r~cepteur ad~quat. Certains virus utilisent un seul r~cepteur, d'autres peuvent en utiliser plusieurs. Les cellules sinuso'idales et, particuli~rement, les cellules de Kupffer poss?edent de nombreux r6cepteurs : CD4, Fc pour les immunoglobulines, C3B pour le compl~ment, r6cepteur galactose, r~cepteur mannose, etc., ce qui leur permet d'interagir avec des virus tr~s diff~rents. L'(~tat dans lequel se trouvent les particules virales dans le sang peut favoriser I'infection des cellules sinusoi'dales. Les cellules infect~es qui expriment une quantit~ importante d'antigbnes de surface constituent en g~n~ral un materiel plus infectieux que les particules virales libres. Dans certaines conditions, la presence d'anticorps peut faciliter I'infection ; en effet, Iorsque les particules virales sont recouvertes par des anticorps, elles interagissent avec le r~ce[gteur Fc des immunoglobulines, ce qui peut augmenter la quantit~ de mat6riel infectieux qui p~n~tre dans la cellule. Enfin, le m6canisme utilisO par la cellule pour internaliser les particules virales joue un r61e important dans le devenir de I'infection. C'est la fusion de I'enveloppe du virus avec I'enveIoppe de la cellule qui semble le processus d'infection le plus * Laboratoire Commun U.L.P./SYNTHELABO et Unite INSERM 74 ; Institut de Virologie de la Facult6 de M6decine de Strasbourg ; 3, rue Koeberl6 ; 67000 STRASBOURG.

1992 - Tome X l l l NumOro 1

efficace, alors que la phagocytose qui conduit h I'inclusion des virions dans des phagosomes aboutit en g6n~ral gala destruction des particules infectieuses. L'internalisation des particules virales dans les cellules de Kupffer et dans les cellules endoth~liales est suivie'ou non de leur multiplication. Certains virus, comme celui de I'h~patite de la marmotte, ne semblent passe multiplier dans les cellules de Kupffer ou les cellules endoth61iales. Quelques arguments permettent de penser que certains virus des hdpatites de I'homme i nteragissent avec les cellules sinusoidales (2), D'autres virus, comme celui de I'h~patite de la souris, le MHV3, doivent n~cessairement se multiplierdans les cellules de Kupffer et les cellules endoth~liales avant d'infecter les cellules parenchymateuses. Lorsque la multiplication dans les cellules sinusoidales est inhib~e, I'infection ne se d~veloppe pas. C'est le cas chez les souris A/J qui sont g(~n~tiquement r(~sistantes au MHV3. Cette r(}sistance peut en partie s'expliquer par le fait que le virus est incapable de se multiplier dans ]es cellules sinusoi'dales avant la mise en oeuvre des mOcanismes de d~fense de I'h6te (3). On connait, d'autre part, des mutants de MHV3 qui ont perdu [a prot~ine responsable de leur fixation sur le rOcepteur cellulaire et qui, de ce fait, ne peuvent plus p6n~trer dans les cellules sinusoidales des souris sensibles. Enfin, il existe des restrictions de multiplication qui sont r~versibles. C'est le cas des mutants thermosensibles de MHV3 dont la multiplication est inhibOe dans les cellules de Kupffer incub~es ~a39 ° mais qui se r~pliquent parfaitement bien Iorsque ces m~mes cellules sont incub(~es ~ 36 °. II existe aussi des situations dans lesquelles on peut stimuler la multiplication vira[e et activer I'infection. Ainsi, I'administration d'un r~gime hypercholest~rol~mique h des souris A/J r(~sistantes au MHV3 les rend sensibles ~. ce virus. Lorsqu'on isole les cellules de Kupffer de ces animaux, on s'aperqoit que leur capacitO ~ synth~tiser de I'interf~ron est considOrablement diminu6e, ce qui permet d'expliquer I'apparition de la sensibilit~ I'infection (4). L'i nfection des cellu les de Ku pffer et des cellules endoth(~l iales peut conduire ~ des consequences plus ou moins dramatiques pour J'organisme. Certains virus ont un pouvoir cytolytique tr~s 6lev~. C'est le cas du Frog Virus 3, un virus isol~ chez la grenouille qui ne se multiplie pas h des temp6ratures sup(~rieures ~ 29 °, mais qui, inoculO h la souris, produit une h~patite mortelle en 18 h 24

Editorial

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heures (5). Les particules virales phagocyt~es par les cellules de Kupffer et [es cellules endoth~liales lib~rent des prot~ines toxiques structurales et provoquent une n~crose compl?~te de la barri6re sinusoTdale. Dans ces conditions, les h6patocytes entrent en contact direct avec le sang circulant et deviennent accessibles aux diff6rentes toxines, notamment aux endotoxines contenues dans le sang portal qui poss~dent un pouvoir h(~patotoxique. On constate, en effet, que la colectomie protege le rat contre I'h(~patire provoqu6e par le FV3, maisque I'inoculation au rat colectomis6 d'un dixi~me de dose I~thale d'endotoxine, en m~me temps que le virus, provoque une h~patite mortelle, chez tous les animaux, alors que les rats qui n'ont re~:u que de I'endotoxine ou que du virus survivent. D'autres virus se multiplient dans les cellules de Kupffer et/ou les cellules endoth(fliales sans que cela n'affecte la viabilit~ de ces cellules. Dans ces conditions, ces cellules peuvent constituer un r~servoir assurant la persistance et la diss6mination du virus dans I'organisme. Cela pourrait ~tre le cas dans I'infection VlH ; les cellules de Kupffer et les cellules endoth61iales sont permissives pour le VIH en culture, et, bien qu'infect~es, sont viables et fonctionnelles pendant plusieurs semaines (6-7). La multiplication des virus dans les cellules de Kupffer et [es cellules endoth~liales peut cor~duire ~ I'incorporation d'antig~nes

viraux dans les membranes cellulaires. Dans le foie du macaque infects par le virus de I'immunod~ficience simienne (SiV), on trouve des cellules g~antes qui r~sultent de la fusion de cellules de Kupffer infectdes (8). On peut imaginer, d'autre part, que dans le SIDA, la pr6sence de la glycoprot~ine 120 du HIV ~ la surface des cellules endoth61iales ou des cellules de Kupffer concourt la d6pl~tion des lymphocytes T4 par un ph6nom~ne de fusion entre le r6cepteur CD4 et la GP120. Ainsi, les cellules sinusoTdales du foie, dont I'dtude dans I'infection virale a 6t6 trop Iongtemps n6glig~e, peuvent jouer un r61e important dans la physiopathologie des maladies infectieuses. II convient d'avoir ~ I'esprit premi~rement que le foie constitue un passage obligd des particules virales [ibres ou associ~es aux cellules sanguines, deuxi~mement que les cellules de Kupffer constituent le plus grand r6servoir de macrophages fixes de I'organisme et troisi?~mement que les cellules sinusoTdales renferment 25 p 100 des membranes contenues dans [e foie. Ctant donn6 que I'on poss?~de maintenant des techniques permettant d'isoler et de cultiver ces cellules in vitro, et que [es mdthodes d'exploration in vivo (hybridation in situ, PCR, etc.) deviennent de plus en plus perfectionn6es et accessibles, le chapitre concernant le r61e des cellules sinusoTdales dans la pathog6nie des infections ~ virus devrait s'enrichir de nouvelles observations.

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A. K I R N

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