Cancer/Radiothérapie 10 (2006) 425–429 http://france.elsevier.com/direct/CANRAD/
Mise au point
Chirurgie et cimentoplastie dans la prise en charge des métastases osseuses Surgery and percutaneous injection of acrylic cement in bone metastases P. Rosseta,b,*, G. Faizona, P. Coipeaua,b a
Service de chirurgie orthopédique-II, hôpital Trousseau, CHRU de Tours, 37044 Tours cedex 01, France b Faculté de médecine, université François-Rabelais, Tours, France Disponible sur internet le 22 août 2006
Résumé Le premier temps de la prise en charge d’une métastase osseuse est de confirmer le diagnostic, en particulier en cas de localisation unique, pour ne pas méconnaître une tumeur osseuse primitive. La chirurgie et la cimentoplastie peuvent apporter une diminution importante des douleurs. Les indications et la place de ces gestes doivent être discutées en réunion de concertation pluridisciplinaire. Les atteintes des os longs doivent être enclouées avant la survenue d’une fracture pathologique. La suspicion d’une lésion hypervascularisée doit faire discuter une embolisation avant tout geste. La prise en charge d’un malade ayant une métastase rachidienne avec troubles neurologiques est une urgence. Une aggravation, avec apparition d’une paraplégie complète, peut se produire en quelques heures. Ces malades doivent être adressés en urgence dans un service d’orthopédie ou de neurochirurgie ayant l’expérience des abords chirurgicaux par voie antérieure ou postérieure. La surveillance permet souvent de dépister les métastases rachidiennes avant la survenue de troubles neurologiques. Selon le type de cancer, sa chimio- et radiosensibilité, l’existence d’autres métastases, l’état du mur postérieur de la vertèbre et l’état général du malade, il est possible d’envisager des gestes chirurgicaux allant d’une exérèse presque complète de la lésion à une injection de ciment percutanée. La radiothérapie complémentaire doit être effectuée dans la mesure du possible après le geste chirurgical. Les résultats satisfaisants de ces interventions, aussi bien pour le rachis que pour les os longs des membres, justifient une implication plus grande des services de chirurgie orthopédique dans les réunions de concertations multidisciplinaires. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract The first step for treatment of bone metastases is to confirm the diagnosis, particularly if there is only one localisation, so as to exclude a primary bone tumour. Surgery and percutaneous injection of acrylic cement are both efficient to relieve pain. Their indications and timing have to be discussed in pluridisciplinary staff. Long bones metastases have to be nailed before pathologic fracture. If there is suspicion of hypervascularisation, the lesion has to be embolized before any procedure. Treatment of spinal metastases with neurological impairment is an emergency. Paraplegia may be a consequence within a few hours. They have to be treated in an orthopedic or neurosurgery department with the experience of posterior and anterior approach of the spine. Surveillance may be useful to diagnose these metastases before neurological impairment. Depending from the type of cancer, the chemo- and radiotherapy sensibility, the number of metastases, the condition of the posterior wall of the vertebra and the general condition of the patient, different surgical treatments may be possible going from complete resection of the lesion to percutaneous injection of acrylic cement. Conventional radiotherapy is associated to surgery. Satisfactory results of such treatments justify greater involvement of orthopaedic surgery team in multidisciplinary staff. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Métastases osseuses ; Chirurgie ; Prise en charge pluridisciplinaire Keywords: Bone metastases; Surgery; Multidisciplinary approach
* Auteur
correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (P. Rosset).
1278-3218/$ - see front matter © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.canrad.2006.07.010
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1. Introduction La durée de survie des malades atteints de métastases osseuses augmente grâce aux progrès de la radiothérapie et de la chirurgie. La prise en charge des métastases osseuses a trois objectifs : ● ne pas méconnaître une tumeur primitive osseuse susceptible de bénéficier d’un traitement curatif ; ● soulager la douleur et redonner la meilleure autonomie possible ; ● permettre la poursuite des autres traitements de la maladie (chimiothérapie et radiothérapie). La chirurgie orthopédique permet d’assurer à ces malades une meilleure qualité de vie. Elle fait partie des options thérapeutiques qui doivent être discutées lors des réunions de concertation pluridisciplinaire concernant les malades atteints de métastases osseuses. L’implication des chirurgiens orthopédistes dans ces réunions de concertation pourrait être améliorée. Avant d’envisager un geste chirurgical pour une métastase osseuse, il faut s’assurer du diagnostic. Cela ne pose pas de problème chez un malade polymétastatique. En revanche, il faut être prudent en cas de lésion osseuse unique, même en cas d’antécédent de cancer connu. Cette lésion osseuse peut être certes une première métastase, mais aussi une métastase révélatrice d’un autre cancer ou plus important, une tumeur primitive osseuse susceptible d’être traitée carcinologiquement et de guérir. La fréquence élevée des métastases osseuses et la rareté des tumeurs osseuses malignes primitives explique les erreurs. En cas de doute une biopsie est nécessaire. Elle doit être faite après un bilan d’imagerie complet de la lésion, pour ne pas le perturber. Une biopsie à l’aiguille ou au trocard faite sous anesthésie locale ou neuroleptanalgésie et contrôlée par imagerie (échographie ou tomodensitométrie) est utile pour les localisations profondes (rachis, cotyle) où un geste chirurgical n’est pas envisagé de principe. Quand les circonstances sont très évocatrices d’une métastase osseuse (fixations multiples à la scintigraphie) et qu’une intervention est nécessaire, la biopsie extemporanée sera le premier temps opératoire, permettant de confirmer le diagnostic de métastase et souvent son origine. Si un doute existe sur une tumeur primitive, en particulier en cas de métastase osseuse unique, l’intervention se limite à cette biopsie. En cas de fracture pathologique, révélatrice de la lésion, la démarche doit être identique : affirmer le diagnostic puis traiter la fracture. Il faut bannir tout geste d’ostéosynthèse précipitée sans biopsie préalable, en particulier en cas de lésion unique sous peine de risquer d’ostéosynthéser une tumeur primitive osseuse et de compromettre définitivement son traitement carcinologique. Devant une lésion ostéolytique, il faut suspecter une métastase révélatrice d’un cancer du rein. Il est logique avant d’envisager même une simple biopsie d’avoir au moins une échographie abdominale ou un scanner pour éliminer une tumeur
rénale primitive. En effet, le caractère hypervascularisé des métastases de cancer du rein peut entraîner des complications hémorragiques difficiles à contrôler. En cas de lésion hypervascularisée, une embolisation artérielle dans les 48 heures précédant le geste est obligatoire. 2. Principes du traitement chirurgical des métastases osseuses C’est une chirurgie palliative ayant pour but de supprimer la douleur et de rétablir une fonction dans des délais compatibles avec l’espérance de vie de ces malades. Ces interventions doivent être intégrées au plan de traitement de la maladie et donc programmées en tenant compte des impératifs de la chimiothérapie. Cette chirurgie n’étant par principe pas carcinologique, elle sera suivie de radiothérapie. Au niveau des membres et du rachis les risques de complications infectieuses sont plus élevés que si la radiothérapie est faite avant l’opération qu’après. La concertation avec l’équipe d’orthopédie avant d’envisager une radiothérapie sur une métastase osseuse est donc nécessaire. En cas de fracture, le but premier n’est pas d’obtenir une consolidation osseuse souvent hypothétique, mais de pouvoir remettre en charge le plus rapidement possible le segment osseux concerné. La tenue de l’ostéosynthèse ou de la prothèse doit être supérieure à l’espérance de vie du malade. En effet la consolidation des fractures est possible, même en cas de chimiothérapie ou de radiothérapie, mais elle n’est pas constante [3]. À la différence des tumeurs primitives osseuses où les marges opératoires doivent passer en zone saine, en acceptant un déficit fonctionnel parfois important, les gestes sur les métastases sont palliatifs et donc intratumoraux pour préserver au maximum la fonction. Il n’a jamais été démontré que ces gestes favorisaient une poussée tumorale ou une dissémination métastatique, si une radiothérapie locale, postopératoire englobant l’ensemble du segment osseux concerné est associée. Dans certains cancers de pronostic favorable, une résection carcinologique d’une métastase unique peut être discutée. On peut distinguer la prise en charge des lésions des os longs, des ceintures et en particulier du bassin dominées par les douleurs et le risque de fracture pathologique et celles du rachis pour lutter contre les douleurs osseuses et éviter les complications neurologiques. 3. Principes de la vertébroplastie au ciment acrylique dans le traitement des métastases osseuses Le principe a été décrit pour la première fois par Galibert et Deramond en 1987 [4] pour les angiomes et rapidement étendu aux métastases et aux tassements porotiques et il est largement utilisé [2,11]. Ce geste soulage les douleurs en renforçant le corps vertébral, et probablement par effet thermique sur les terminaisons nerveuses. L’effet n’est pas directement lié au volume de ciment injecté. Ce geste peut être réalisé en hospitalisation de jour sous neuroleptanalgésie. Il peut concerner plusieurs vertèbres. Il permet dans le même temps de faire
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une biopsie. Il est en général suivi d’une radiothérapie. Il est indiqué en cas de métastases uniques ou multiples, mais peu destructrices, pour lesquelles une indication chirurgicale n’est pas retenue du fait du caractère très radiosensible de la lésion ou de l’absence d’indication chirurgicale compte tenu de l’état général du malade. Les contre-indications sont liées à l’état du mur postérieur : plus il est fragile plus le risque de compression médullaire par le ciment est important. Les résultats sont satisfaisants dans 70 à 80 % des cas [2,16]. Les contre-indications sont les atteintes neurologiques, les lésions instables ou celles pouvant saigner. Le principe a été appliqué à d’autres métastases osseuses, à conditions qu’elles aient des parois bien limitées et que des fuites de ciment éventuelles n’entraînent pas de complication. 4. Rachis Les métastases rachidiennes sont les plus fréquentes des métastases osseuses. Elles siègent dans la partie postérieure du corps vertébral, et du fait de la proximité du mur vertébral postérieur qui peut être détruit, le risque de compression médullaire ou radiculaire par épidurite métastatique est la principale complication. Ce risque est plus important que celui de fracture vertébrale pathologique. L’IRM est indispensable pour analyser l’ensemble du rachis et préciser l’extension tumorale dans l’os et vers le canal médullaire. Les buts du traitement sont doubles : éviter la survenue ou l’aggravation de troubles neurologiques et lutter contre la douleur. Pour cela il faut : ● décomprimer la moelle ou les racines en enlevant le maximum de tumeur ; ● corriger les déformations ; ● stabiliser le rachis pour permettre la verticalisation et la marche sans corset. Une indication chirurgicale peut être discutée pour des douleurs et/ou des troubles neurologiques. Une paraparésie débutante est une urgence neuro-orthopédique compte tenu du risque d’évolution en quelques heures vers une paraplégie complète. Les chances de récupération sont pratiquement nulles en cas de paraplégie complète. Une instabilité réelle ou potentielle liée à la destruction osseuse peut aussi être une indication chirurgicale, d’autant plus que des troubles neurologiques, même minimes, sont associés. La décision thérapeutique et les moyens utilisés vont dépendre de l’âge, de l’état général, du pronostic, de la présence d’autres métastases, du caractère chimio- ou radiorésistant du cancer primitif, de l’état neurologique, du siège de la lésion sur le rachis et du nombre de vertèbres atteintes. Des scores ont été proposés pour établir des indications thérapeutiques. Le premier proposé est celui de Tokuashi [14]. Tomita [15] suite à un travail prospectif propose un score pronostic plus détaillé reposant sur trois paramètres :
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● le cancer primitif, selon la progression : lente (sein, thyroïde, prostate…) = 1 point, moyenne (rein, utérus…) = 2 points, rapide (poumons, foie, estomac, côlon, origine inconnue…) = 4 points ; ● les métastases viscérales (poumons, foie, rein, cerveau) : pas de métastases = 0 point, opérables ou « embolisables » = 2 points, non opérables = 4 points ; ● les métastases osseuses, incluant le rachis : métastase unique = 1 point, métastases multiples = 2 points. L’addition donne un score pronostique compris entre 2 et 10. On distingue trois groupes : ● les malades pouvant supporter un abord large, le plus souvent par voie antérieure : ○ score de 2 ou 3 : incite à proposer une résection large ou excision marginale dans le but d’un contrôle local à long terme (survie moyenne de ce groupe 38 mois) ; ○ score de 4 ou 5 : excision marginale ou intralésionnelle pour un contrôle à moyen terme (survie moyenne 21,5 mois). ● Les malades avec un score de 6 ou 7 pour lesquels une chirurgie palliative (laminectomie décompressive et ostéosynthèse) est seule envisageable (survie moyenne dix mois). ● Les malades avec score supérieur à 7 pour lesquels un traitement chirurgical n’est pas envisageable (survie moyenne 5,3 mois). Ces différents scores peuvent aider à choisir un traitement chirurgical ou non. La voie d’abord antérieure est adaptée aux lésions corporéales sur un ou deux étages, sans atteinte de l’arc postérieur. C’est la plus logique car elle permet le curetage de la lésion corporéale par abord direct, mais elle est plus complexe qu’une voie postérieure. Sundaresan et al. [13] ont apporté des arguments démontrant l’intérêt de l’abord antérieur. Un abord postérieur reste indiqué en cas d’atteinte de l’arc postérieur ou d’atteinte étagée. Il permet de faire une laminectomie dont l’effet décompressif, en cas d’atteinte antérieure, est souvent temporaire. Ces abords postérieurs sont source d’instabilité et doivent impérativement être associés à une ostéosynthèse [12]. Les ostéosynthèses postérieures au niveau dorsolombaire utilisent le principe du Cotrel-Dubousset® associant vis à prise pédiculaire et tige. En cas d’atteinte douloureuse sans trouble neurologique et sans instabilité osseuse, il est possible d’envisager une cimentoplastie avec injection percutanée sous contrôle radiologique de ciment (polyméthylmétacrylate) dans la métastase corporéale. Cela suppose que le mur postérieur soit intact pour éviter toute compression médullaire iatrogène. Une biopsie est faite avant l’injection, pour confirmer le diagnostic. Ce geste ne contre-indique pas une intervention ultérieure. Il est particulièrement indiqué dans les métastases d’un cancer de pronostic défavorable. En revanche, dans ceux de pronostic favorable, ce geste est à mettre en balance avec une exérèse très complète par voie antérieure.
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Une radiothérapie est associée de principe après chirurgie ou cimentoplastie. La prise en charge des métastases du rachis repose surtout sur des études rétrospectives et n’est pas encore standardisée. Onimus et al. [9] sur 100 cas : avant l’opération 96 souffraient de douleurs, pour 50 la marche était impossible, 38 avaient un déficit neurologique. Après l’intervention : 62 ne souffraient plus de douleurs, 35 sur 50 avaient repris la marche et 30 sur 38 avaient une amélioration de l’état neurologique. Schmidt et al. [12], dans une revue de la littérature, ont retrouvé pour les abords avec une décompression adaptée, et donc le plus souvent antérieure, une amélioration des troubles neurologiques dans 90 % des cas et une reprise de la marche pour 85 %. Klimo et al. [7], dans une méta-analyse comparant cette chirurgie adaptée à la localisation de la métastase à la radiothérapie seule, ont constaté que les malades opérés avaient un meilleur résultat. Patchell et al. [10] ont publié une étude randomisée comparant une chirurgie décompressive par abord direct avec radiothérapie postopératoire à la radiothérapie seule. Cinquante-six pour cent des malades « non marchant » du groupe opéré ont pu reprendre la marche pour 19 % dans le groupe radiothérapie seule. La survie était plus longue dans le groupe opéré. Cette chirurgie doit être faite avant toute radiothérapie : les risques de complications infectieuses postopératoires sont trois fois plus élevés quand la radiothérapie a précédé la chirurgie [5]. 5. Lésions des os longs Elles siègent surtout sur le fémur, en particulier l’extrémité supérieure et l’humérus. Les lésions diaphysaires et parfois métaphysodiaphysaires sont traitées par enclouage centromédullaire. L’ostéosynthèse par clou centromédullaire est particulièrement indiquée, à titre préventif, avant que survienne la fracture. L’abord est plus limité que celui d’une plaque vissée. Les pertes sanguines et le risque d’infection sont faibles. L’utilisation de clous (fémur, humérus et tibia) verrouillés à leurs deux extrémités permet de s’opposer aux forces de télescopage et aux contraintes en rotation. L’association d’une vis cervicale au clou de fémur (clou Gamma®) a permis de remplacer clouplaque et vis-plaque dans les métastases de l’extrémité supérieure du fémur. En cas d’ostéolyse importante, il peut être utile d’associer un curetage avec comblement de la lésion par du ciment. Cela est à mettre en balance avec l’abord direct de la lésion que cela impose. Les lésions épiphysaires et métaphysoépiphysaires sont traitées par prothèse articulaire quand le capital osseux restant ne permet pas l’ancrage d’une ostéosynthèse. Si l’atteinte se limite à la seule épiphyse, on peut utiliser des prothèses standard. Souvent l’extension de la lésion vers la métaphyse et parfois la diaphyse, impose une résection plus importante obligeant à utiliser des prothèses « tumeurs ». Ces prothèses sont scellées pour permettre une reprise de l’appui immédiat et une irradiation dans les suites. Il n’est pas prouvé qu’une irradiation s’ac-
compagne obligatoirement d’une usure du cartilage articulaire. Au niveau de la hanche, quand il n’y a pas de métastase du cotyle, il n’est pas obligatoire de sceller un cotyle, d’autant plus que l’irradiation pourrait favoriser son descellement. Un risque important pour ces prothèses massives est la luxation. Pour diminuer ce risque il est possible de manchonner une prothèse par une allogreffe de banque sur laquelle les parties molles viennent adhérer. Au niveau de l’épaule l’utilisation de prothèse inversée a permis de résoudre en partie ce problème d’instabilité. Au niveau du genou les indications sont plus rares, il faut tout faire pour conserver la continuité de l’appareil extenseur. Les indications dépendent de la lésion et de l’état général du malade. En cas de fracture, si l’état général, le pronostic et l’absence d’aplasie le permettent, l’intervention est envisagée dès que possible, et la radiothérapie sera effectuée trois semaines après, sur l’ensemble du segment osseux. On comprend qu’il soit beaucoup plus simple d’opérer ces malades préventivement avant la fracture, entre deux cures de chimiothérapie au moment où le risque d’aplasie est minime. Toutes les métastases osseuses ne doivent pas être opérées, en revanche, il faut pouvoir détecter celles qui peuvent être à l’origine d’une fracture. Pour les atteintes diaphysaires, un score pronostic a été proposé par Mirels [8]. Quatre paramètres sont cotés de 1 à 3 pour évaluer le risque de fracture : ● le siège : membre supérieur (1 point), membre inférieur (2 points), trochanter (3 points) ; ● la douleur : légère (1 point), modérée (2 points), à la mise en charge (3 points) ; ● aspect radiologique : condensant (1 point), mixte (2 points), lytique (3 points) ; ● taille par rapport au segment de diaphyse concerné : inférieure à un tiers (1 point), entre un tiers et deux tiers (2 points) et supérieure à deux tiers (3 points). Ce score permet d’apprécier le risque de survenue d’une fracture pathologique : faible pour un score inférieur à 7, important pour un score supérieur ou égal à 7 et pratiquement certain pour un score supérieur ou égal à 9. Cela aide à poser une indication chirurgicale à titre préventif. 6. Ceintures Une métastase de l’os iliaque n’est pas toujours facile à voir sur une radio de bassin, en particulier pour les ailes iliaques où les images aériques digestives se superposent aux images osseuses. La scintigraphie est alors particulièrement intéressante pour affirmer la présence d’une lésion. L’atteinte cotyloïdienne est la plus fréquente, associée ou non à une atteinte fémorale. L’idéal est de détecter la lésion avant la fracture pathologique : il peut être possible de la traiter par cimentoplastie et irradiation. En cas d’effraction ou de fracture articulaire, on peut discuter la mise en place d’une prothèse de hanche. L’ancrage de la cupule cotyloïdienne est rendu difficile par le vide créé par le curetage de la métastase.
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Il est nécessaire de mettre en place une armature métallique vissée associée à un comblement par ciment, qui doit permettre une reprise de l’appui immédiat. Lorsque la lésion est sus-cotyloïdienne, sans communication avec l’articulation et avec des parois corticales conservées, il est possible d’envisager une cimentoplastie [1]. Cette technique permettant une biopsie puis une injection, par le même trocart, de résine acrylique peut apporter une diminution importante des douleurs. Elle est complétée par une radiothérapie. Elle est bien sûr contre-indiquée en cas d’effraction articulaire. Elle ne contre-indique pas la chirurgie en cas d’échec.
mettre un éventuel traitement curatif. La suspicion d’une lésion hypervascularisée doit faire discuter une embolisation avant tout geste. La prise en charge d’un malade ayant une métastase rachidienne avec troubles neurologiques est une urgence. Une aggravation, avec apparition d’une paraplégie complète, peut se produire en quelques heures. Ces malades doivent être adressés en urgence dans un service d’orthopédie ou de neurochirurgie ayant l’expérience des abords chirurgicaux par voie antérieure ou postérieure.
7. Suites opératoires
[1] Cotten A, Demondion X, Boutry N, Cortet B, Chastanet P, Duquesnoy B, et al. Therapeutic percutaneous injections in the treatment of malignant acetabular osteolyses. Radiographics 1999;19:647–53. [2] Cotten A, Dewatre F, Cortet B, Assaker R, Leblond D, Duquesnoy B, et al. Percutaneous vertebroplasty for osteolytic metastases and myeloma: effects of the percentage of lesion filling and the leakage of methyl methacrylate at clinical follow-up. Radiology 1996;200:525–30. [3] Gainor BJ, Buchert P. Fracture healing in metastatic bone disease. Clin Orthop Relat Res 1983;178:297–302. [4] Galibert P, Deramond H, Rosat P, Le Gars D. A method for certain spinal angiomas: percutaneous vertebroplasty with acrylic cement. Neurochirurgie 1987;33:166–8. [5] Ghogawala Z, Mansfield FL, Borges LF. Spinal radiation before surgical decompression adversely affects outcomes of surgery for symptomatic metastatic spinal cord compression. Spine 2001;26:818–24. [6] Goetz MP, Callstrom MR, Charboneau JW, Farrell MA, Maus TP, Welch TJ, et al. Percutaneous image-guided radiofrequency ablation of painful metastases involving bone: a multicenter study. J Clin Oncol 2004;22:300–6. [7] Klimo Jr. P, Thompson CJ, Kestle JR, Schmidt MH. A meta-analysis of surgery versus conventional radiotherapy for the treatment of metastatic spinal epidural disease. Neuro-oncol 2005;7:64–76. [8] Mirels H. Metastatic Disease in long bones. A proposed scoring system for diagnosing impending pathologic fractures. Clin Orthop 1989;249: 256–64. [9] Onimus M, Papin P, Gangolff S. Results of surgical treatment of spinal thoracic and lumbar metastases. Eur Spine J 1996;5:407–11. [10] Patchell RA, Tibbs PA, Regine WF, Payne R, Saris S, Kryscio RJ, et al. Direct decompressive surgical resection in the treatment of spinal cord compression caused by metastatic cancer: a randomised trial. Lancet 2005;366:643–8. [11] Peh WC, Gilula LA. Percutaneous vertebroplasty: an update. Semin Ultrasound CT MR 2005;26:52–64. [12] Schmidt MH, Klimo P, Vrionis FD. Metastatic spinal cord compression. J Natl Compr Canc Netw 2005;3:711–9. [13] Sundaresan N, Boriani S, Rothman A, Holtzman R. Tumors of the osseous spine. J Neuro-oncol 2004;69:273–90. [14] Tokuhashi Y, Matsuzaki H, Toriyama S, Kawano H, Ohsaka S. Scoring system for the preoperative evaluation of metastatic spine tumor prognosis. Spine 1990;15:1110–3. [15] Tomita K, Kawahara N, Kobayashi T, Yoshida A, Murakami H, Akamaru T. Surgical strategy for spinal metastases. Spine 2001;26:298–306. [16] Weill A, Chiras J, Simon JM, Rose M, Sola-Martinez T, Enkaoua E. Spinal metastases: indications for and results of percutaneous injection of acrylic surgical cement. Radiology 1996;199:241–7.
Les principes sont communs à tous les gestes cités précédemment. Le but est de permettre une mobilisation précoce, sans immobilisation complémentaire et en autorisant la reprise de la marche en plein appui dans les jours suivants le geste. C’est pour cela que les ostéosynthèses doivent être suffisamment solides pour ne pas attendre une consolidation hypothétique. Le traitement antalgique postopératoire doit être parfaitement adapté. Rapidement la stabilisation apportée par le geste chirurgical permet de diminuer les antalgiques. Le retour à domicile plutôt qu’en centre de rééducation est encouragé. La radiothérapie postopératoire peut être envisagée à partir de la troisième semaine suivant l’intervention, de même qu’une éventuelle chimiothérapie. 8. Conclusion Une meilleure surveillance doit permettre d’anticiper une chirurgie programmée ou une cimentoplastie, qui sont des moyens efficaces de lutte contre la douleur. Les indications et leur place par rapport aux autres traitements doivent être discutées en réunion de concertation pluridisciplinaire. Les deux types d’indications sont les douleurs et les troubles neurologiques présents ou potentiels. La qualité du suivi doit permettre un traitement avant la survenue de la fracture pathologique ou des troubles neurologiques. Le traitement a pour but une reprise de l’autonomie la plus rapide possible sans attendre les délais habituels de consolidation. Il y a très peu d’essais cliniques randomisés permettant d’établir des règles d’« Evidence-based Medecine ». Cependant, l’expérience clinique suggère que les malades bénéficient de ces gestes. En cas d’échec des traitements standard, la radiofréquence est une technique qui peut probablement apporter une solution [6]. Devant une image évoquant une métastase osseuse, il ne faut pas oublier qu’une lésion unique peut aussi être une tumeur primitive, dont la prise en charge ne doit pas compro-
Références