Bull Cancer 2017; 104: 883–891
Synthèse
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Ciblage thérapeutique de la voie Notch en oncologie Mehdi Brahmi, Olivia Bally, Lauriane Eberst, Philippe Cassier
Reçu le 20 février 2017 Accepté le 13 juillet 2017 Disponible sur internet le : 12 octobre 2017
Centre Léon-Bérard, département de cancérologie médicale, 28, rue Laennec, 69373 Lyon cedex 08, France
Correspondance : Mehdi Brahmi, centre Léon-Bérard, département de cancérologie médicale, 28, rue Laennec, 69373 Lyon cedex 08, France.
[email protected]
Keywords Notch Cancer Targeted therapy Gamma-secretase inhibitor
Résumé La voie Notch est essentielle au développement embryonnaire et à l'homéostasie des tissus. La signalisation se fait via les récepteurs membranaires NOTCH, qui, après plusieurs clivages protéolytiques, libèrent un fragment intracellulaire qui migrent dans le noyau et activent la transcription de gènes cibles. Des altérations oncogéniques de la voie Notch ont été identifiées initialement dans les leucémies lymphoblastiques T puis dans de nombreuses autres pathologies néoplasiques. Ainsi, la dérégulation de cette voie est impliquée dans de nombreux cancers. Le rôle essentiel de Notch dans l'oncogenèse en fait donc une cible d'intérêt pour le traitement des cancers et plusieurs classes de thérapies ciblant cette voie sont en cours de développement. Néanmoins, la complexité de la voie et son importance physiologique compliquent le développement de ces thérapeutiques. De nouvelles investigations, précliniques et cliniques sont encore nécessaires pour nous permettre de mieux appréhender le rôle de cette voie dans différents types de tumeurs et optimiser son ciblage thérapeutique.
Summary Therapeutic targeting of Notch signaling in cancer The Notch pathway plays an essential role during embryonal development and tissue in adults. Notch signaling occurs through transmembrane receptors which undergo several proteolytic cleavages that lead to the release of the Notch intracytoplasmic domain (NICD), which in turn activates the transcription of target genes. Oncogenic alterations of Notch receptors were first identified in T acute lymphoblastic leukemia and subsequently in solid tumors and other hematological malignancies. The important role of Notch signaling in cancer makes it an interesting target for drug development. Several classes of compounds targeting Notch signaling are currently in clinical development. However, the complexity of Notch signaling as well as its importance in tissue homeostasis makes the clinical development of these therapies more complex than anticipated. Additional clinical and preclinical investigations are needed to adequately target Notch signaling in cancer therapy.
tome 104 > n810 > octobre 2017 http://dx.doi.org/10.1016/j.bulcan.2017.07.007 © 2017 Société Française du Cancer. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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Mots clés Notch Cancer Thérapies ciblées Inhibiteurs de gammasecrétase
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M. Brahmi, O. Bally, L. Eberst, P. Cassier
Introduction Le rôle majeur de la voie de signalisation Notch dans le développement embryonnaire est connu depuis plus de 100 ans, mais son rôle putatif dans l'oncogenèse n'est soupçonné que depuis une vingtaine d'années avec la découverte d'une translocation impliquant le locus Notch1 dans un sous-groupe de leucémies lymphoblastiques aigües [1]. Depuis, de nombreuses études ont démontré l'importance d'une dérégulation de la voie Notch dans l'oncogenèse. Les données plus récentes émanant des programmes de caractérisation moléculaire exhaustive des tumeurs, tels que l'International Cancer Genome Consortium (ICGC) et The Cancer Genome Atlas (TCGA) qui ont montré que les altérations génomiques des gènes de la voie Notch (NOTCH1, NOTCH2, NOTCH3, NOTCH4, JAG1, JAG2, DLL1, DLL3, DLL4) étaient fréquentes et concernaient de nombreux types tumoraux [2]. De multiples études ont également montré que la voie Notch pouvait être dérégulée durant l'oncogenèse en l'absence d'altération génomique de ces gènes, notamment par la régulation croisée avec d'autres voies de signalisation impliquée dans le développement embryonnaire telles que les voies WNT et Hedgehog. Par ailleurs, à l'instar de WNT et de Hedgehog, Notch semble aussi jouer un rôle important dans le maintien des cellules souches cancéreuses. Contrairement à d'autres voies de signalisation oncogénique, le rôle de Notch n'est pas univoque et son rôle pro-oncogénique ou au contraire suppresseur de tumeurs semble très dépendant du contexte cellulaire et temporel. Cette particularité, ainsi que le nombre important de mécanismes de dérégulation, rendent le ciblage thérapeutique de Notch moins aisé que celui d'autres voies de signalisation. Dans cette revue, nous verrons dans un premier temps le détail de la signalisation Notch, puis nous discuterons de l'importance de cette voie dans différents cancers. Enfin, nous intéresserons au développement récent des thérapeutiques modulant la voie Notch, aux limites actuellement rencontrées et aux perspectives de développement de ces thérapeutiques.
La voie de signalisation Notch
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Le phénotype des drosophiles mutées sur le gène NOTCH1 a été décrit en 1914 par John S. Dexter et l'allèle responsable de ce phénotype identifié par Thomas Hunt Morgan en 1917 [3]. Le nom de « Notch » vient du phénotype de ces drosophiles, qui présentent des indentations sur leurs ailes (« notch » signifie entaille ou encoche en anglais). La voie Notch est donc une voie de signalisation importante dans le développement embryonnaire des vertébrés et des invertébrés. Elle est impliquée dans l'embryogenèse, la morphogenèse, le renouvellement cellulaire, la prolifération et l'apoptose [3]. Elle joue également un rôle majeur dans l'orientation des cellules souches dans leur différenciation.
Il existe 4 récepteurs Notch connus, Notch1 à 4. Les récepteurs Notch sont synthétisés sous la forme d'un précurseur unique qui est secondairement clivé (par la furin-like convertase) en une sous-unité extracellulaire (N-terminal extracellular [NEC]) et une sous-unité trans-membranaire et intracellulaire (C-terminal transmembrane-intracellular subunit, NTM), liées de manière non covalente. Le domaine extra-cellulaire des récepteurs NOTCH1 et -2 ont 36 motifs epidermal growth factor (EGF)-like alors que les récepteurs NOTCH3 et -4 en ont respectivement 34 et 29, ce qui influence leurs affinités respectives pour les différents ligands. Les motifs EGF-like sont suivis d'une séquence faite de 3 motifs LNR (Lin12 and Notch Repeats). Après le domaine transmembranaire, on trouve un domaine RAM (Recombination signal binding protein for immunoglobulin kappa J region-Association Module) d'interaction avec des protéines de liaison de l'ADN, des domaines LNS (séquences de localisation nucléaire), un domaine ANK (Ankyrin repeats) et un domaine de transactivation (incluant le domaine PEST) (figure 1). Ces récepteurs transmembranaires sont activés par des ligands exprimés à la surface des cellules voisines. Il existe 2 familles de ligands : la famille Serrate (Jagged [Jag]1 et Jag2) et la famille Delta (Delta-like [Dll]1, 3 et 4). Après l'interaction avec son ligand, Notch, ce dernier subit une série de clivages protéolytiques consécutifs : le premier, appelé S2 (car S1 correspond au clivage réalisé par la convertase lors de la maturation du récepteur, dans l'appareil de Golgi), est effectué par des protéines de la famille ADAM (métalloprotéases). Le domaine extracellulaire du récepteur Notch (NECD) est alors relargué et le fragment tronqué du récepteur restant inséré dans la membrane cellulaire devient le substrat du complexe enzymatique de la gammasécrétase qui libère le fragment intracellulaire du récepteur (NICD) lors du clivage S3 (figure 2). Le complexe de la gamma-sécrétase est formé par presenilin-1 (PSEN1), PSEN2, presenilin enhancer 2 (PEN2) et anterior pharynx defective 1 (APH1). Les ligands de Notch sont aussi régulés par les complexes de la gamma-secrétase et des metalloprotéases ADAM, ce qui ajoute un niveau de régulation de la voie de signalisation. NICD est un activateur transcriptionnel. Une fois libéré dans le cytoplasme, il migre à l'intérieur du noyau et se lie à un complexe contenant CBF1-Su(H)-LAG1 (CSL) et entraîne la conversion de ce complexe en facteur de transcription et le recrutement de la protéines co-activatrice mastermind-like 1 (MAML1) (figure 2). Le complexe ainsi formé agit comme un facteur de transcription sur les gènes cibles de Notch [4] : ces gènes cibles peuvent varier significativement d'un type cellulaire à un autre, mais les gènes de la famille HES/HEY (hairy enhancer of split) et le facteur de transcription MYC semblent être des cibles communes. La fixation de NICD à l'ADN est un processus rapide et dynamique, régulé par Cyclin-Dependent Kinase 8 (CDK8) et
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Ciblage thérapeutique de la voie Notch en oncologie
Figure 1 Les récepteurs Notch Les 4 récepteurs NOTCH associent un domaine extracellulaire (NECD), un domaine transmembranaire et un domaine intracellulaire (NICD). Le NECD contient entre 29 et 36 motifs EGF-like et 3 motifs LNR. Après le domaine transmembranaire, on trouve un domaine RAM (Recombination signal binding protein for immunoglobulin kappa J region-Association Module) d'interaction avec des protéines de liaison de l'ADN, des domaines LNS (séquences de localisation nucléaire), un domaine ANK (Ankyrin repeats) et un domaine de transactivation (incluant le domaine PEST).
Notch et cancer L'implication de Notch dans la cancérogènèse ne fait plus trop débat. Néanmoins, son rôle exact, action oncogénique ou suppresseur de tumeur, qui dépend du contexte cellulaire, reste à préciser. En effet, les gènes codant pour les composant protéiques de la voie Notch, notamment les gènes codant pour les récepteurs, sont fréquemment altérés dans les hémopathies et les tumeurs solides. Cependant on retrouve des altérations conduisant à une activation de la voie Notch, mais aussi des altérations conduisant à une répression de la voie. Des anomalies moléculaires touchant les protéines co-activatrice du complexe de la voie Notch ont également été decrites dans certains cancers (par exemple le transcrit de fusion MECT1MAML2 dans les carcinomes mucoepidermoïdes des glandes salivaires). Nous nous intéresserons dans un premier temps sur le rôle de Notch dans la leucémie aigüe lymphoïde T (LAL-T), dans lequel le
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rôle de Notch est celui d'un oncogène. Puis, nous nous intéresserons à l'action oncogénique et/ou suppresseur de tumeur de la voie Notch dans différentes tumeurs solides.
Notch et hémopathies malignes Notch joue un rôle important dans la physiologie des lymphocytes et est promoteur de la différenciation T des lymphocytes. Une translocation chromosomique récurrente t(7 ;9), induisant la fusion de la séquence correspondant à la partie intracellulaire de Notch1 avec les séquences promotrices du locus TCRb, a d'abord été mise en évidence dans une petite fraction de LAL-T [1]. Cette translocation conduit à l'expression en grande quantité d'une forme constitutionnellement active Notch1 dans les cellules T. Des travaux ultérieurs ont mis en évidence des mutations du gène NOTCH1 dans plus de 50 % des LAL-T [5]. Ces mutations impliquent le domaine d'hétérodimérisation (entre les portions intracellulaire et extracellulaire) et conduisent à une résistance au clivage S2. D'autres mutations moins fréquentes impliquent le domaine juxta-membranaire et le domaine PEST, ces dernières induisant une augmentation de la stabilité de la portion intracellulaire du récepteur Notch1 (Intracellular Notch 1 [ICN1]). De manière intéressante, on
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l'ubiquitine ligase Fbxw7. Ces deux enzymes entraînent successivement la phosphorylation (par CDK8) puis l'ubiquitylation (par Fbxw7) et la dégradation de NICD par le protéasome, entrainant l'extinction de la voie de signalisation.
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Figure 2 La voie de signalisation Notch Les récepteurs transmembranaires Notch sont activés par des ligands exprimés à la surface des cellules voisines. Après l'interaction avec son ligand, Notch subit une série de clivages protéolytiques consécutifs. Le domaine extracellulaire du récepteur Notch (NECD) est alors relargué et le fragment tronqué du récepteur restant inséré dans la membrane cellulaire devient le substrat du complexe enzymatique de la gamma-sécrétase qui libère le fragment intracellulaire du récepteur (NICD). Une fois libéré dans le cytoplasme, NICD migre à l'intérieur du noyau et se lie au complexe CSL. Le complexe ainsi formé agit comme un facteur de transcription sur les gènes cibles de Notch. La fixation de NICD à l'ADN est régulé par deux ensymes, Cyclin-Dependent Kinase 8 (CDK8) et l'ubiquitine ligase Fbxw7, entraînant respectivement et successivement la phosphorylation puis l'ubiquitylation. Cela aboutit à la dégradation de NICD par le protéasome, et donc l'extinction du signal.
retrouve des mutations inactivatrices de FBXW7 dans 8–30 % des LAL-T [6]. Ces altérations induisent aussi une stabilisation et une augmentation de la concentration intra-cellulaire d'ICN1. Des mutations activatrice de NOTCH1 ont aussi été identifiées dans d'autres hémopathies malignes tels que les leucémies lymphoïdes chroniques ou la maladie de Hodgkin.
Notch et tumeurs solides Des mutations des gènes de la famille Notch sont fréquemment retrouvées dans de très nombreuses tumeurs solides (cancers de prostate, du pancréas, du poumon, du sein, du col utérin, du côlon, de l'estomac, du rein, de la thyroïde, ORL, glioblastomes, mélanomes, hépatocarcinomes, etc . . .) [7–9]. La voie Notch peut avoir un rôle oncogénique ou suppresseurs de tumeurs, selon le type de cancer, le type histologique mais également d'autres paramètres. Nous prendrons l'exemple de plusieurs cancers ci-dessous.
Carcinomes bronchiques
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Le rôle de la voie Notch varie selon le type histologique : dans les adénocarcinomes bronchiques, des études in vivo ont montré que la voie Notch jouait un rôle clé dans la carcinogenèse, notamment Notch3 qui joue un rôle dans l'autorenouvellement cellulaire [10]. La protéine Jag2 est exprimée à la surface des cellules tumorales et interagit directement
avec les récepteurs Notch. Plusieurs études ont montré que l'activation de la voie de signalisation Notch était corrélée de manière significative à une moins bonne survie chez les patients avec un adénocarcinome bronchique [11] ; à l'inverse, la voie Notch a un rôle suppresseur de tumeur dans les carcinomes bronchiques de type épidermoïde et des mutations inactivatrices ont pu être mises en évidence [12] ; enfin, dans les carcinomes bronchiques à petites cellules (CPC), les études génomiques ont mis en évidence des mutations inactivatrices des gènes de la voie Notch [13]. Ces altérations corroborent les observations montrant que l'hyperactivation de la voie Notch bloquait le cycle cellulaire dans les CPC [14].
Carcinomes pancréatiques Des études de génétiques ont confirmé le rôle et la fréquence des altérations de la voie Notch dans les adénocarcinomes du pancréas [15]. Les études fonctionnelles suggèrent que l'activation de la voie Notch pourrait avoir un rôle dans la métaplasie acinocanalaire, une étape clé de l'oncogenèse pancréatique [16]. Ces études suggèrent également une coopération entre les signalisations Notch et Ras (qui est activée par mutation de KRAS dans 90 % des cancers du pancréas et dont l'activation constitue un évènement précoce de l'oncogénèse des cancers
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Mélanomes Une activation de la voie Notch est également retrouvée dans le mélanome. Notch1 favorise la progression tumorale et la croissance des mélanocytes en conditions hypoxiques [17]. Bien qu'il n'y ai pas de mutation activatrice des gènes de cette voie de signalisation [18], d'autres altérations sont présentes, suggérant que les mécanismes d'activation de la voie puissent être transcriptionnel et/ou épigénétique.
Glioblastomes Dans le glioblastome, Notch1 et ses ligands Dll1 et Jag1 jouent un rôle majeur dans la survie et la prolifération tumorale [19]. Une forte expression de Notch1 et -2 a également été mise en évidence sur des échantillons tumoraux de gliobastomes [20]. De plus, l'expression du gène cible Hey-1 a pu être corrélée au grade de la tumeur et à la survie des patients.
Carcinomes gastriques La voie de signalisation Notch joue également un rôle oncogénique important dans le cancer gastrique, comme l'a montré Yeh et al. [21], avec l'activation de Notch1 qui favorise la progression tumorale gastrique. Des études ont montré que Notch1 était surexprimé dans le tissu tumoral gastrique en comparaison au tissu gastrique sain. De plus, cette expression était corrélée à la taille tumorale, le grade mais également la survie, avec un taux de survie à 3 ans moins bon en cas d'expression de Notch1.
Carcinomes mammaires Des altérations moléculaires des gènes de la voie Notch, et notamment l'amplification de gènes NOTCH1, NOTCH2 et NOTCH3, sont fréquentes dans les carcinomes mammaires [22]. Cependant, les études dans les modèles précliniques suggèrent que l'activation de Notch peut avoir une rôle oncogénique ou au contraire suppresseur de tumeur en fonction du contexte cellulaire. De plus, Notch semble notamment jouer un rôle important dans la résistance thérapeutique dans les cancers du sein triples négatifs (n'exprimant ni le récepteurs aux œstrogènes ni ceux à la progestérone, ni Her2) [23]. Dans les modèles murins, l'intégration du gène NOTCH4 porteur d'une mutation activatrice entraîne le développement de tumeurs mammaires [24]. Depuis ces constations, de nombreuses études ont confirmé le rôle oncogénique de la voie Notch dans la carcinogenèse mammaire. Inversement, d'autres études ont montré que l'hyperactivation de Notch3 pouvait induire la senescence et donc se comporter comme un gène suppresseur de tumeur [25]. Ces données, qui peuvent paraître contradictoires, viennent souligner la grande dépendance du contexte des effets de l'activation de la voie Notch.
Carcinomes adénoïdes kystiques De fréquentes altérations moléculaires des gènes de la voie Notch (notamment NOTCH1) ont également été reportées
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à plusieurs reprises dans les carcinomes adénoïdes kystiques. Il semble que l'activation de la voie joue un rôle clé dans la prolifération tumorale et le développement de métastases, via l'induction d'un phénomène de transition épithélio-mésenchymateuse [26].
Notch, cellules souches tumorales et échappement thérapeutique Notch4 joue un rôle particulier sur les cellules souches tumorales des carcinomes mammaires et le maintien de celles-ci. La voie de signalisation Notch est aussi impliquée dans le contrôle du développement et de l'auto-renouvellement des cellules souches tumorales des cancers colorectaux [27]. Des études in vitro et in vivo (chez la souris ayant un carcinome pancréatique avec mutation de NOTCH) ont montré que l'inhibition pharmacologique de la voie Notch ralentissait la progression de la maladie en inhibant la prolifération des cellules souches tumorales [28]. Notch aurait donc un rôle clé dans le maintien et la survie des cellules souches tumorales. Sous traitement, les cellules tumorales acquièrent à plus ou moins long terme une « chimiorésistance ». Parmi les principaux mécanismes de cet échappement thérapeutique, on retient l'activation de certaines voies de signalisation, notamment la voie Notch. Ainsi, une activation de la voie Notch a été mise en évidence dans les cancers colorectaux au cours d'un traitement par oxaliplatine, constituant une des principaux mécanismes d'échappement à la chimiothérapie [29]. Dans les modèles de cancers du sein triple négatifs, le traitement par inhibiteurs de mTORC1/2 entraîne l'expression de marqueurs de cellules souches cancéreuse et la résistance au traitement. Cette résistance est médiée par Notch1 et peut être contrée par un traitement par inhibiteur de gamma-sécrétase (voir paragraphe suivant) [30].
Perspectives thérapeutiques La découverte du mécanisme essentiel de protéolyse par la gamma-secrétase a entrainé un important développement de drogues de type « inhibiteurs de gamma-secrétase » (GSI). Ces molécules bloquent le clivage membranaire de NOTCH et donc le relargage de NICD. D'autres molécules, inhibant directement le récepteur ou son ligand, sont également en cours de développement.
Données précliniques Inhibiteurs de gamma-secrétase L'activité de plusieurs GSI (MRK-003, PF-03084014, RO4929097, LY411575) a pu être démontrée sur différents modèles précliniques : LAL T, carcinomes mammaires, pancréatiques et bronchiques, sarcomes de Kaposi. Ces traitements entraînent une inhibition de la signalisation Notch, (baisse de la concentration intracellulaire de NICD), un arrêt de la prolifération et une augmentation de l'apoptose [31–33].
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du pancréas), bien que les modalités d'activation de Notch soient variables d'un modèle à l'autre.
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À noter que dans le modèle préclinique (xénogreffes de carcinomes mammaires) de Zhang et al. [33], il n'y avait pas de corrélation entre l'activité anti tumorale du PF-03084014 in vitro et in vivo, suggérant l'importance du microenvironnement tumoral dans la voie Notch.
Inhibiteurs de Dll4 En préclinique, l'inhibition de l'interaction Dll4-Notch induit la formation d'une vascularisation hyper-bourgeonnante mais non fonctionnelle, responsable d'une inhibition de la croissance tumorale [34]. Kuhnert et al., en utilisant plusieurs anticorps monoclonaux ciblant Dll4 humain et murins ont montré que l'activité antitumorale dans les xénogreffes de cancers de l'ovaire passait par une inhibition de Dll4 sur les cellules du stroma tumoral (plutôt que par l'inhibition sur les cellules tumorales proprement dites) [35]. L'inhibition de Dll4 semble par ailleurs potentialiser l'effet de l'inhibition du VEGF [36].
Inhibiteurs des récepteurs NOTCH Des anticorps monoclonaux inhibant de manière sélective les différents récepteurs NOTCH ont été développés et testés en préclinique [37]. Sharma et al. ont par exemple montré que l'utilisation in vitro d'un anticorps anti NOTCH1 réduisait la souspopulation de cellules souches cancéreuses dans des lignées de cellules de cancer du sein [38]. De plus, cet anticorps monoclonal entrainait une diminution de l'expression des gènes cibles d'aval tels que HES-1, HES-5 et HEY-L et une baisse de la prolifération cellulaire, et favorisait la mort cellulaire par apoptose.
Développements cliniques De manière assez logique, beaucoup d'études cliniques se sont intéressées aux inhibiteurs de Notch. Plusieurs GSI, ainsi que de nouvelles stratégies thérapeutiques visant à bloquer les partenaires oncogéniques intranucléaires de NICD, sont en développement (phase I et II). Actuellement, il n'y a pas encore d'étude de phase 3 ayant testé l'efficacité d'un inhibiteur de Notch de manière comparative.
GSI en monothérapie
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De nombreuses études de phase 1 et 2 ont testé différents GSI. Leur profil de toxicité est comparable (suggérant qu'il s'agit d'une toxicité « on target », notamment sur le plan digestif) et l'activité anti-tumorale est modeste. Le RO4929097 un GSI développé par Roche (Bales, Suisse), a été testé dans une étude de phase I en monothérapie, sur toutes tumeurs solides localement avancées ou métastatiques [39]. Sur les 110 patients recrutés, la tolérance était acceptable avec principalement des toxicités cutanées et digestives (95 % de grade 1–2 et pas de grade 4). Quelques réponses objectives ont été observées, notamment chez un patient avec un adénocarcinome colique, un patient avec un sarcome épithélioïde et 2 patients avec un mélanome. Des cas de stabilisation prolongée de la maladie ont été vus dans les mélanomes, les sarcomes et les carcinomes ovariens.
Cette molécule, dont le développement est actuellement arrêté, a été évaluée dans plusieurs études de phase II. Chez les patientes avec un carcinome épithélial de l'ovaire en rechute résistant aux sels de platine, le RO4929097 en monothérapie [40] a une activité modeste : sur les 45 patients inclus, aucune réponse objective n'a été observée et la médiane de survie sans progression était de 1,3 mois (1,2–2,5). Le traitement était bien toléré. Dans une autre étude de phase II, le RO4929097 a été testé en monothérapie chez des patients ayant un mélanome métastatique [41]. Sur 36 patients inclus, un cas de réponse partielle a été observé et huit cas de maladie stable à 12 semaines. Le taux de survie sans progression à 6 mois était de 9 % (IC 95 %, 2 %–22 %). Le taux de survie globale à 1 an était de 50 % (IC 95 %, 32 %–66 %). L'activité anti-tumorale a été considérée comme insuffisante. Le traitement était globalement bien toléré, avec principalement des toxicités grade 1–2. Les effets secondaires les plus fréquents étaient les nausées (53 %), la fatigue (41 %), et l'anémie (22 %). Le PF-03084014, un autre GSI développé par Pfizer (New York, NY, États-Unis), a été évalué dans une étude de phase 1 chez les patients avec une tumeur solide localement avancée et/ou métastatique [42]. Sur 16 patients inclus, les effets secondaires les plus fréquents étaient d'ordre digestif (25 % de nausées, 19 % de diarrhées) et avec 2 cas de toxicité de grade 3 (hypophosphorémie et diarrhée). Dans cette étude, une réponse complète (carcinome papillaire de la thyroïde) et une réponse partielle (fibromatose desmoïde) ont été observées. En outre, 6 patients ont eu une malade stable pendant au moins 2 cycles (cycles de 28 jours). L'efficacité du PF-03084014, a été étudiée dans une étude de phase II portant sur des fibromatoses désmoïdes symptomatiques et progressives après au moins une ligne de traitement. L'étude est toujours en cours et les résultats préliminaires ont été rapportés au congrès de l'American Society of Clinical Oncology (ASCO) en juin 2015 [43]. Sur 17 patients inclus, avec une médiane de suivi de 10 mois, il y avait 16 maladies stables et 1 réponse objective. Quatre cas de toxicité de grade 3 ont été rapportée (3 cas d'hyposphosphorémie de grade 3 et 1 cas de diarrhée de grade 3). Le MK-0752, un GSI développé par Merck Sharp Dohme (Kenilworth, NJ, États-Unis), a été évalué en phase I chez des patients avec une tumeur solide avancée [44]. La tolérance était acceptable, avec principalement des effets secondaires d'ordre général (asthénie, 44 %) et digestifs (diarrhées, 37 %). Un patient ayant un astrocytome anaplasique a eu une réponse complète (> 1 an) et 12 patients ont eu une maladie stable (> 4 mois) dont 10 gliomes. Le LY3039478 (Eli Lilly, Indianapolis, IN, États-Unis) est également un inhibiteur de gamma-secrétase. Dans une étude de phase I dans laquelle 55 patients ont été traités [45], le profil de tolérance était relativement classique avec notamment troubles gastro-intestinaux (diarrhées, 42 % et nausées/vomissements, 40 %). Une réponse objective a été décrite chez une patiente ayant un carcinome mammaire.
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Le PF-03084014 a été testé en association avec le docetaxel dans une étude de phase Ib chez les patientes avec un carcinome mammaire triple négatif [46]. Les auteurs ont montré que la tolérance à cette combinaison était globalement médiocre. Les effets secondaires les plus fréquents étaient les cytopénies (86 % de neutropénie grade 3–4) et les troubles digestifs (tous grades confondus, 59 % de diarrhées tous grades et 48 % de nausées/vomissements). Sur les 25 patientes évaluables, il y avait quatres patientes (16 %) ont eu une réponse tumorale objective et neuf patientes, une maladie stable. La médiane de survie sans progression était de 4,1 mois (IC 95 %, 1,3–8,1). Le RO4929097 a été testé en association avec le bevacizumab dans étude de phase I dans les gliomes [47]. De manière globale, la tolérance était cette fois-ci acceptable, notamment au niveau digestif. Il a été néanmoins répertorié un total de six toxicités grade 3–4. Sur 12 patients évaluables, deux ont présenté une réponse objective. La médiane de survie sans progression était de 3,7 mois. Après 6 mois de traitement, seuls deux patients n'avaient pas progressé.
Anticorps monoclonaux anti-Notch Possiblement moins toxiques que les GSI car plus spécifiques, des anticorps monoclonaux ciblant spécifiquement les récepteurs Notch1, Notch2 ou Notch3 sont en cours d'évaluation clinique. OMP-59R5 (tarextumab, OncoMed Pharmaceuticals, Redwood City, CA, États-Unis) est un anticorps de type IgG2 ciblant NOTCH2 et NOTCH3. Une étude de phase I a testé ce traitement en monothérapie, chez des patients avec tous types de tumeurs solides localement avancées ou métastatiques [48]. Sur les 24 patients inclus, les effets secondaires le plus fréquents étaient d'ordre digestif (diarrhées, nausées, vomissements) avec notamment la survenue de 2 toxicités de grade 3 (diarrhées et hypokaliémie). Deux patients (sarcome de Kaposi et carcinome adénoïde kystique) ont présenté une stabilisation prolongée de leur maladie ( 110 jours). D'autres études évaluant le tarextumab en combinaison avec des molécules de chimiothérapies cytotoxique sont en cours, notamment dans le cancer du pancréas et le carcinome bronchique à petites cellules (NCT01647828, NCT01859741).
Anticorps monoclonaux anti-ligand (Dll4) Une étude de phase I a testé le demcizumab (OncoMed Pharmaceuticals, Redwood City, CA, États-Unis), un anticorps monoclonal anti-Dll4 (ligand de Notch) chez les patients avec une tumeur solide avancée [49]. Sur les 55 patients inclus, le profil de tolérance était globalement satisfaisant, avec pour principaux effets secondaires des cas d'hypertension artérielle (47 %) témoignant de l'effet anti-angiogénique et de l'asthénie (31 %). Un des problèmes rencontré dans cette étude est l'augmentation du risque d'insuffisance cardiaque dépendante de l'exposition au demcizumab et observée chez les patients traités plus de
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98 jours et à 10 mg/kg. Sur 48 patients évaluables selon RECIST, 1 patient a eu une réponse partielle non confirmée et 20 patients ont eu une stabilisation de la maladie, dont 4 avec une réduction du volume tumoral supérieur à 10 %. Plusieurs autres études de phase I sont en cours, testant pour la plupart le demcizumab en association dans différentes indications (NCT00744562, NCT01189968, NCT01189942, NCT 01189929). À noter que OncoMed Pharmaceuticals, développe actuellement un anticorps monoclonal bispécifique ciblant Dll4 et VEGF (OMP-305B83). L'énoticumab (Regeneron, Tarrytown, N.Y., États-Unis & Sanofi, Paris, France) est un autre anticorps monoclonal qui lie/cible Dll4 et bloque la signalisation de la voie Notch [50]. Cinquantetrois patients ont été inclus dans l'étude de phase I. Les effets secondaires les plus fréquents étaient l'asthénie, les troubles digestifs et l'hypertension artérielle. Deux patients ont eu une réponses objectives (carcinome bronchique non à petites cellules et carcinome ovarien) et 16 patients, une maladie stable (3 > 6 mois).
Conclusion De nombreux progrès ont eu lieu ces dernières années concernant la compréhension de la voie Notch, avec une image plus complexe qu'initialement anticipée. Notch est impliqué dans des phénomènes pro-tumoraux comme la prolifération, la survie et le maintien des cellules souches cancéreuses (CSC) mais aussi potentiellement celles des tissus sains, et peut également agir comme suppresseur de tumeurs dans certains contextes cellulaires. De plus, de nombreux « cross-talk » existent entre cette voie de signalization et les autres voies majeures, également impliquées dans la prolifération et l'auto-renouvellement des CSC, en l'occurrence les voies Wnt et Edgehog. Cette complexité physiopathologique rend la mise au point de thérapies ciblée plus complexe, et les rôles physiologiques de Notch ont pour conséquences des effets secondaires importants. Le développement de la plupart des GSI est actuellement interrompu, hormis le LY3039478. Les anticorps monoclonaux semblent plus spécifiques mais ne sont pas non plus dénués d'effets secondaires. Leur activité en monothérapie semble anecdotique et la plupart sont actuellement à l'étude en combinaison avec des dogues de chimiothérapie cytotoxique. Un des obstacles actuels au développement des thérapeutiques ciblant la voie Notch est l'absence de biomarqueur prédictif fiable de réponse aux inhibiteurs de Notch. Il est possible que la généralisation des analyses génétiques étendues par séquençage de nouvelle génération (Next Generation Sequencing [NGS]–RNA-Sequencing) apportent des réponses. Enfin Notch joue un rôle majeur dans la physiologie de lymphocytes. L'inhibition pharmacologique de la signalisation Notch a donc probablement des conséquences négatives sur la réponse immunitaire, à prendre en considération dans le
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GSI en association
Synthèse
Ciblage thérapeutique de la voie Notch en oncologie
Synthèse
M. Brahmi, O. Bally, L. Eberst, P. Cassier
contexte actuel de développement tous azimut de l'immunothérapie. En conclusion, le rôle essentiel de Notch dans l'oncogenèse et notamment son rôle dans le maintien des cellules souches cancéreuses en fait une cible d'intérêt pour le traitement des cancers. L'émergence de nouvelles thérapeutiques ciblant cette voie ouvre le champ à de nouvelles investigations, mais de
nombreuses études précliniques, translationnelles et cliniques sont encore nécessaires pour nous permettre de mieux appréhender cette voie très complexe. Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts.
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