Connaissances et perceptions de parents avec enfants avec des troubles du spectre d’autistique en Guyane française

Connaissances et perceptions de parents avec enfants avec des troubles du spectre d’autistique en Guyane française

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ScienceDirect www.sciencedirect.com Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence xxx (2017) xxx–xxx

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Connaissances et perceptions de parents avec enfants avec des troubles du spectre d’autistique en Guyane franc¸aise Knowledge and perceptions of parents of children with autism spectrum disorders in French Guiana C. Basurko a,∗,b , B. Falissard c , M. Nacher a,b a

CIC Inserm 1424, centre hospitalier de Cayenne, centre hospitalier Andrée-Rosemon, 1424, rue des Flamboyants, 97300 Cayenne, Guyane fran¸caise b Association Papillons, parents d’enfants autistes, Cayenne, Guyane fran¸ caise c CESP/Inserm U1018 (centre de recherche en épidémiologie et santé des populations), maison de Solenn, 97, boulevard de Port-Royal, 75014 Paris, France

Résumé Contexte. – La Guyane franc¸aise a un retard structurel important par rapport à la France métropolitaine. L’absence de données concernant les troubles du spectre autistique complique le choix des priorités des décideurs en termes d’actions à prendre et de création de centres spécialisés. L’objectif de cette étude transversale était d’obtenir le point de vue (sonder la perception) des parents d’enfants ayant des troubles du spectre autistique (TSA) en ce qui concerne le soin, l’éducation de leur enfant et leurs difficultés et leur fac¸on de s’adapter à la situation. Méthodes. – Entre juin 2012 et juillet 2013, cent quatre-vingt-un parents de 101 enfants ayant des TSA ont été interrogés face à face. L’échantillonnage a utilisé la méthode de la boule de neige et la collecte d’information fut réalisée à l’aide d’un questionnaire structuré avec quelques questions ouvertes, et l’échelle WCC-R pour mesurer les types de « coping ». Résultats. – L’âge moyen au diagnostic de TSA était de 4,5 ans (±1,8 ans), et le processus de diagnostic semblait long pour 75 % des parents. Presque la moitié des enfants n’étaient pas scolarisés, et les parents signalaient des problèmes pour les faire inscrire. Cependant 90 % des parents étaient satisfaits des soins et 75 % de l’éducation de leurs enfants. Le niveau de satisfaction s’améliorait avec la connaissance/compréhension des troubles de l’autisme. Le coping était plus centré sur le problème lorsque les parents étaient plus informés sur l’autisme, habitaient en couple ou avaient un travail. L’analyse des réponses des mères, montrait qu’après 4 ans écoulés depuis les premières inquiétudes, elles avaient plus fréquemment un coping centré sur le problème que dans les 4 premières années. Conclusions. – Malgré les retards structuraux en Guyane franc¸aise, les parents exprimaient globalement une satisfaction et une confiance dans la prise en charge médico-sociale et éducative de leurs enfants et, avec le temps, semblaient s’adapter à la vie avec un enfant autiste. L’amélioration de la connaissance de l’autisme et des structures locales impliquées semble importante pour aider les parents à faire face à l’autisme. © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´eserv´es. Abstract Introduction. – French Guiana has an important structural lag compared to mainland France. The absence of data on autism spectrum disorders complicates decision makers’ priorization in terms of actions and structure creation. The objective of the present cross-sectional study was to obtain the perceptions of parents of children with autism spectrum disorders (ASD) regarding the care and education of their child and their difficulties and coping style. Methods. – Between June 2012 and July 2013, a hundred and eighty one parents of 101 children with ASD were interrogated face to face. Snowball sampling was used, and information collection relied on a structured questionnaire containing some open questions, and on the WCC-R scale.



Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Basurko).

http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2017.06.005 0222-9617/© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´eserv´es.

Pour citer cet article : Basurko C, et al. Connaissances et perceptions de parents avec enfants avec des troubles du spectre d’autistique en Guyane franc¸aise. Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2017.06.005

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Results. – The mean age at the time of ASD diagnosis was 4.5 years (±1.8 years), and the diagnostic process seemed long for 75% of the parents; nearly half of children were not in school and parents reported difficulties in getting their children registered. However, 90% of parents were satisfied with the medical and social care, and 75% with the education of their child. The level of satisfaction improved with knowledge. Problem-centered coping style was more frequent if parents had more knowledge about ASD, lived as couple, or had a job. The analysis of responses of just mothers, there seemed to be resilience with a problem-centered coping style being more frequent after 4 years since the onset of their concerns. Conclusions. – Despite the structural deficiencies in French Guiana, despite difficulties, and delays, parents reported an overall satisfaction and trust of their child’s care and education and, with time, seemed to adapt to life with a child with autism. Improving knowledge on autism and the local support structures that are involved seem important to help parents cope with autism. © 2017 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction

2.2. Échantillonnage

La Guyane franc¸aise est un territoire franc¸ais situé entre le Brésil et le Surinam. Le système de santé et la sécurité sociale sont les mêmes qu’en France, mais il y a un retard structurel considérable par rapport à la France métropolitaine. Du reste, un tiers des populations diverses qui y habitent viennent de pays pauvres de la région et ont souvent des conditions de vie très difficiles [1]. La prévalence des troubles du spectre autistique est relativement stable partout dans le monde [2] et quand on applique la prévalence observée en France à la Guyane franc¸aise, il semble y avoir un écart considérable (prévalence estimée à 17,5(IC95 % = 13,4–22,5)/10 000) qui peut avoir plusieurs explications : ils ne sont pas diagnostiqués à cause d’un manque d’accessibilité ou d’intelligibilité du système ; des différences culturelles de perception du trouble, la stigmatisation sociale pourraient être un frein au diagnostic et à la prise en charge. Il y a peu de données sur les troubles du spectre autistique en Guyane franc¸aise ce qui rend la priorisation d’interventions difficile dans le contexte du 3e Plan Autisme [3,4]. Du reste jusqu’à récemment, il n’y avait pas d’ONGs représentant les familles d’autistes donc il y avait peu de retour sur la perception des personnes concernées. Des rapports anecdotiques, l’éloignement de la France métropolitaine et le retard structurel semblaient suggérer une perception globalement négative des services de santé et des services sociaux. De ce fait, l’objectif de cette étude était de déterminer les perceptions et la connaissance des familles d’enfants autistes en Guyane franc¸aise en ce qui concerne l’autisme et les structures impliquées dans les soins et dans l’éducation de leurs enfants.

Les parents d’autistes en Guyane franc¸aise étaient essentiellement une population cachée qui ne pouvait pas être échantillonnée avec les méthodes traditionnelles d’échantillonnage. Ainsi la méthode boule de neige, a été la méthode la plus adaptée dans ce contexte de population difficilement accessible. La stratégie pour atteindre les familles avait 4 axes : à travers les centres de référence médicaux ou sociaux médicaux ; à travers le système scolaire et ses structures d’éducation spécialisées ; à travers les réseaux de ONGs de parents d’autistes ; à travers les annonces médiatiques. Tous ces maillons initiaux ont permis d’initier une méthode « boule de neige » afin d’atteindre plus de parents.

2. Méthodes 2.1. Méthode d’étude L’étude était transversale et descriptive. La population étudiée était les parents d’enfants qui avaient entre 2 et 20 ans et des troubles confirmés ou soupc¸onnés du spectre autistique résidant en Guyane franc¸aise au moment de l’étude. Les diagnostics ont été posés par un médecin en tenant compte des critères de la CIM-10 (Classification internationale des maladies).

2.3. Collection de données et analyse de données Un questionnaire standardisé a été construit avec des professionnels de l’autisme partenaires de l’étude. Le questionnaire était structuré en 7 parties et comportait un entretien face à face d’une heure. Les questions avaient pour but d’examiner la trajectoire scolaire, médicale et sociale des enfants avec TSA ; de décrire l’expérience subjective (environnement personnel, de couple, professionnel, social) des parents entre leurs premières inquiétudes et le jour où ils ont participé à l’enquête. Des questions issues de l’échelle de stratégies d’adaptation (coping) ont aussi été incluses dans le questionnaire (Ways of Coping Checklist [WCC-R]) [5]. Ces questions ont permis de calculer 3 scores d’adaptation : un score d’adaptation centrée sur le problème, un score d’adaptation centrée sur les émotions et un score d’adaptation centrée sur la recherche de soutien social. Des données qualitatives ont été recueillies utilisant des questions semi-directives ou des questions ouvertes. Les questionnaires ont été administrés en face à face par des enquêteurs qui demandaient un rendez-vous avec les parents à un endroit qui leur convenait (le plus souvent à leur domicile). Pour l’échelle du WCC-R les parents répondaient seuls (auto-questionnaire). À la fin de l’enquête l’enquêteur donnait une brochure aux parents avec des renseignements concernant l’autisme en Guyane franc¸aise. Les données ont été saisies dans une base de données ACCESS et analysées avec STATA 10,0(College Station, Texas). Concernant l’analyse des données quantitatives, elle a été faite au niveau de l’échantillon total et au niveau du sous-groupe de mères. Compte tenu que les réponses des parents pouvaient

Pour citer cet article : Basurko C, et al. Connaissances et perceptions de parents avec enfants avec des troubles du spectre d’autistique en Guyane franc¸aise. Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2017.06.005

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être corrélées entre elles, une analyse secondaire a été effectuée uniquement chez les mères, le groupe le plus important numériquement (95 mères versus 75 pères). L’échelle WWC-R a été utilisée comme décrit dans [5]. Chaque score de coping a été ramené à un dénominateur commun de 30 pour facilité la lisibilité et la comparaison des stratégies. Un score de connaissance a été défini à partir du nombre de réponses correctes sur les l3 questions du questionnaire sur l’autisme. L’analyse quantitative comparative a été limitée par la taille de l’échantillon. Le test Wilcoxon-Mann Whitney pour séries appariées indépendantes a été utilisé pour les analyses selon le type de variables comparées. Pour l’analyse qualitative il y avait 3 étapes. Dans un premier temps les réponses étaient lues pré-analysées, puis classifiées dans des catégories logiques différentes et enfin le poids de chaque catégorie a été évalué en comptant le nombre d’éléments dans chaque catégorie. 2.4. Éthique L’Association des papillons des parents d’enfants autistes a promu l’enquête avec des fonds de l’Agence régionale de la santé et un soutien méthodologique du Centre de l’investigation clinique CIC Inserm 1424. Les parents ont été informés des buts de l’étude et ont donné leur consentement. La base de données a été déclarée à la Commission nationale informatique et libertés (No TL61585251P).

informations médico-sociales

informations sur l'autimse

13%

10%

soutien psychologique

13%

52%

13%

24%

3

21%

54%

11%

pas du tout

pas vraiment

22%

46%

un peu

19%

oui beaucoup

Fig. 1. Au moment de l’annonce du diagnostic de TED ou d’autisme, avec vous bénéficié d’un soutien psychologique, d’informations relatives à l’autisme, à l’environnement médico-social et aux aides auxquelles vous auriez droit ? (n = 134, 3 non-réponses, étude Papillons 2013).

souvent consultés étaient des pédiatres (37 %) médecins généralistes (34 %) et des spécialistes dans un centre de protection maternelle et infantile (24 %). Les réponses de ces premiers professionnels consultés on été le plus souvent de surveiller l’enfant (43 %), de faire un bilan plus approfondi (35 %), ou d’orienter l’enfant vers d’autres professionnels(19 %). Le diagnostic du spectre d’autisme était porté en moyenne à 4,5 ans (± 1,8 ans).

3. Résultats

3.2. Le diagnostic

3.1. Résultats généraux

Au moment du diagnostic les parents percevaient l’information de fac¸ons diverses (Fig. 1) (n = 134 ; 3 NR). La plupart des parents percevaient le délai pour poser le diagnostic comme étant long 44 % voire très long 31 %, (supportable dans 20 % des cas, court pour 1 %, pas de réponse : 4 %).

Au total, 181 parents de 101 enfants ont eu un entretien entre juin 2012 et juillet 2013. Il y avait 70 couples de parents. Soixante-quinze étaient des pères et 95 des mères, 5 des beauxpères, 4 des grands-mères, 1 tante et 1 sœur. 67 % des parents habitaient dans la région de Cayenne (préfecture de Guyane), 13 % à Saint-Laurent-du-Maroni (Ouest-Guyanais), 12 % à Kourou (Centre littoral) et aux alentours. Il y avait 68 garc¸ons et 33 filles, et 50 % des enfants avaient entre 2 et 6 ans. Dans 60 % des cas, il n’y avait pas d’histoire familiale de troubles du spectre autistique. 55 % des enfants avaient des co-morbidités (40 % retard mental, 24 % Trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), 13 % épilepsie, 6 % trouble bipolaire, 1 % angoisse et dépression, 5 % autres, et pour 10 % pas de réponse). 3.1.1. Les premières inquiétudes L’âge moyen de l’enfant lors des premières inquiétudes parentales était de 2,6 ans (± 1). Les motifs d’inquiétude le plus souvent cités étaient des problèmes de communication (51 %), problèmes d’interaction sociale (37 %), problèmes de comportement et comportements stéréotypés (22 %), retard mental (15 %), l’enfant était différent des autres(10 %). L’âge moyen de l’enfant lors de la première consultation chez un professionnel de santé était de 3,4 ans(± 16 mois). Les professionnels les plus

3.3. La prise en charge Le suivi était mixte pour la plupart des enfants. Dix-huit enfants (17,8 %) dont 14 n’avaient pas encore de diagnostic, n’avaient aucune prise en charge médico-sociale au moment de l’enquête. Le lieu de soins pour les enfants avec TAS était pour 34 % l’hôpital de jour de pédopsychiatrie, 31 % des professionnels libéraux, 13 % n’ayant pas eu de soins spécialisés, 7 % allaient aux consultations psychiatriques pour enfants à l’hôpital, 6 % étaient dans des associations spécialisées, 5 % étaient dans une structure médico-sociale, 3 % restaient à la maison avec des bénévoles, (1 % dans d’autres situations). Dans l’ensemble, la plupart des parents étaient très satisfaits avec les soins médicaux-sociaux (42 % très satisfait, 48 % plutôt satisfait, 8 % plutôt insatisfaits, 2 % très insatisfaits). Soixante-trois pourcents déclaraient avoir rec¸u de l’aide de l’état pour les soins et l’éducation de leur enfant (Adaptation scolaire et scolarisation des élèves handicapés).

Pour citer cet article : Basurko C, et al. Connaissances et perceptions de parents avec enfants avec des troubles du spectre d’autistique en Guyane franc¸aise. Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2017.06.005

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3.4. Les connaissances des parents sur les TSA Pour 27 % des parents, l’autisme était un trouble rare ou peu fréquent. En moyenne, les parents obtenaient un score de 10,2 bonnes réponses (± 3) sur les 13 questions posées avec une médiane de 12 sur un score maximum de 13 (IQR 4). Trentecinq pourcents des parents pensaient que l’autisme était une psychose. À la question sur des problèmes d’intégration sensorielle : « les autistes peuvent être submergés les diverses sensations et peuvent avoir des difficultés pour se concentrer sur un aspect de la perception », 64 % des parents répondaient faux. Le score de connaissances était considérablement meilleur pour les parents qui vivaient en couple, qui avaient un travail, avaient 2 enfants autistes, étaient nés en France et étaient satisfaits avec le traitement que leur enfant recevait.

31%

en milieu ordinaire en CLIS ULIS en IME à Domicile non scolarisé/en attente

48%

9% 3% 6%

3%

Fig. 2. Prise en charge éducative des 101 enfants de l’étude (étude Papillons 2013). Plus des trois quarts des parents (65/83) dont l’enfant était scolarisé en milieu ordinaire, CLIS/ULIS ou IME étaient satisfaits de la prise en charge éducative de leur enfant.

principales rencontrées concernant l’école les parents avaient évoqué : le manque de structures spécialisées ou l’absence de méthodes adaptées pour leur enfant ; des difficultés concernant l’inscription dans une école normale ; des problèmes d’intolérance vis à vis du handicap ; le manque de connaissance des enseignants sur le sujet de l’autisme ; la difficulté d’obtenir des Auxiliaires de vie scolaire (A.V.S)pour leur enfant ; des difficultés d’organisation (horaires et transport entre les différentes associations qui s’occupaient des enfants).

3.5. La scolarisation La Fig. 2 montre le lieu de prise en charge éducative des enfants au moment de l’enquête. Pour les 31 enfants scolarisés en milieu ordinaire ou en classe spécialisée (Classe pour l’inclusion scolaire, CLIS ou unité localisée pour l’inclusion scolaire ULIS), les trois quarts de leurs parents étaient satisfaits de cette prise en charge. Dans la majorité des cas, les trois quarts de ces enfants avaient un Auxiliaires de vie scolaire (A.V.S). Quarante-deux pourcents des parents disaient qu’ils parlaient souvent avec le professeur des problèmes de leur enfant. Si les 2/3 pensaient que leur enfant aimait aller à l’école, la moitié des parents pensaient que leur enfant préférait rester dans la salle de classe pendant la récréation pour éviter l’excès de stimulation. Pour 73 % des parents, les connaissances sur l’autisme des professeurs en milieu ordinaire ou en CLIS/ULIS, étaient jugées moyennes à satisfaisantes. La Fig. 3 montre comment les parents percevaient l’interaction sociale de leur enfant à l’école (n = 74 + 2 nonréponses). À la question ouverte portant sur les deux difficultés

3.6. Le vécu La Fig. 4 montre les sentiments exprimés par les parents après avoir appris le diagnostic TSA de leur enfant. Plus de trois quarts des parents n’ont pas eu d’autres enfants après avoir appris que leur enfant était autiste. Les 4 raisons principales étaient qu’ils ne voulaient plus d’enfants (43 %), qu’ils avaient peur d’avoir un autre enfant autiste (27 %), qu’ils s’étaient séparés de leur conjoint (9 %), ou qu’ils n’étaient pas prêts d’avoir un autre enfant (8 %). La proportion de mères qui avaient un travail à

Comment cela se passe t'il à l'école avec les autres enfants Je ne sais pas s'il a des amis à l'école

Je ne sais pas ce qui se passe à l'école

Autres réponses

On se moque de lui/elle

Les camarades de classe sont genls

ça se passe plutôt bien 0

5

10

15

20

25

30

35

40

45

50

Fig. 3. Comment cela se passe t’il à l’école avec les autres enfants.

Pour citer cet article : Basurko C, et al. Connaissances et perceptions de parents avec enfants avec des troubles du spectre d’autistique en Guyane franc¸aise. Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2017.06.005

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soulagement

Tableau 1 Moyenne (écart type) des scores de coping stratifiés selon différents facteurs parentaux.

8%

culpabilité

tristesse 54%

71%

Caractéristiques parentales

Oui

Non

Être né en France

n = 92 26,1(±4,5) 5NRa 23,2(±4,5) 4NRb 25,2(±4,2) 3NRc n = 92 27(±3,6) 7NRa 23,5(±4,5) 6NRb 25,5(±3,7) 5NRc n = 21 25,5(±2,8)a 22,8(±5,9)b 23,9(±5,7)c n = 95

n = 87 26,3(±3,4) 7NRa 24,2(±5,1) 9NRb 24,3(±4,3) 6NRc n = 88 25,5(±4,2) 5NRa 23,8(±5,1) 7NRb 24,1(±4,7) 4 NRc n = 158 26,4(±4,1) 11 NRa 23,8(±4,6) 11NRb 24,9(±4,0) 8NRc n = 86

27,7(±3,2) 4NRa 24,4(±4) 3NRb 26,3(±4,2) 3NRc

24,6(±4,2) 8NRa 22,8(±5,5) 10NRb 23,1(±4,9) 6NRc

Avoir un travail

colère 31%

peur 32%

Être en couple

impuissance 38%

5

injustice 35%

Fig. 4. Réponses de 133 parents à la question portant sur les sentiments ressentis après l’annonce du diagnostic de TED ou d’autisme de leur enfant (étude Papillons 2013).

Score de connaissances sur l’autisme > 12

a b

plein temps était seulement 17,9 %, tandis que 70,7 % des pères avaient un travail à plein temps. En ce qui concerne l’interaction avec d’autres parents d’enfants autistiques, 57 % connaissaient les autres parents mais ne les voyaient pas souvent. La moitié des mères n’avaient pas d’activité professionnelle mais 71 % des pères avaient un travail à plein temps. Pour l’ensemble des 181 parents, tous disaient que la différence de leur enfant était difficile à supporter (63 %). Cette différence les isolait des autres (les gens les évitaient : 17,1 %, ils évitaient les gens 17,7 %). Pour 69 % d’entre eux, le TSA de leur enfant leur permettait de faire le tri entre les gens qui comptaient et ceux qu’il n’en valaient pas la peine. Dans la plupart des cas (95,6 %), les enfants accompagnaient leurs parents dans toutes leurs activités à l’extérieur de la maison sans limitations (à la plage, la piscine, pour faire du vélo, promenades, au supermarché). La perception de l’environnement social est indiquée Fig. 5. Un peu plus de la moitié des personnes ayant participé à l’enquête ont dit qu’ils connaissaient d’autres parents d’enfants avec TSA (57 %) mais ne les rencontraient pas souvent. La majorité ressentait le besoin de communiquer avec d’autres parents d’enfants avec TSA (85,6 %). 3.7. Les stratégies d’adaptation (le coping) avec l’échelle WCC-R Les parents interrogés, face aux difficultés de leur enfant avec TSA avaient plus souvent recours à des stratégies d’adaptation centrées sur le problème (faire des efforts, élaborer des plans d’action, lutter. . .) que des stratégies d’adaptation centrées sur l’émotion (évitement, culpabilité, souhaiter changer, espérer un miracle. . .) ou la recherche de soutien social (soutien informatif, matériel, émotionnel. . .). C’était notamment le cas pour les personnes avec un score de connaissances sur l’autisme supérieur à 12 et pour les personnes qui avaient un travail fixe. La

c

Coping centré sur le problème. Coping centré sur les émotions. Coping centré sur le soutien social.

stratification par covariables qui avaient un impact potentiel sur ces scores est indiquée dans le Tableau 1. 3.8. L’accueil de l’enquête Pour finir, les enquêteurs ont signalé un accueil très positif des parents vis-à-vis de l’étude. Les parents étaient souvent reconnaissants, appréciant l’intention et le fait que l’enquête leur ait donné une occasion unique de discuter des divers aspects de la vie avec l’autisme. 4. Discussion Malgré l’utilisation de la méthode « boule de neige » pour amplifier le recrutement, l’inclusion des parents a nécessité du temps. Il se peut que cela ait reflété le niveau faible de connectivité du « réseau » de parents d’enfants avec des troubles du spectre d’autisme, ou la réticence ou le manque de temps de certains parents pour participer à l’enquête. Cependant, cela pourrait aussi refléter le fait que beaucoup d’enfants n’avaient pas été encore diagnostiqués ou n’étaient pas présent dans les centres spécialisés. Si la prévalence franc¸aise de 0,7 % était appliquée à la Guyane franc¸aise [4], avec plus de 6000 naissances chaque année, on s’attendrait à un total de 700 enfants autistes en Guyane franc¸aise. Pour le moment, ces enfants ne sont pas répertoriés, soit à causes de lacunes des systèmes d’information, soit à cause de capacités de repérage et de diagnostic insuffisantes ou de difficultés concernant l’accès aux droits et aux soins. Il est possible que le contexte multiculturel (l’origine ethnique des participants n’a pas pu être recueillie dans cette enquête), des représentations différentes concernant l’autisme, la perception d’un manque de centres spécialisés et

Pour citer cet article : Basurko C, et al. Connaissances et perceptions de parents avec enfants avec des troubles du spectre d’autistique en Guyane franc¸aise. Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2017.06.005

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Percepon de l'environnement social un souen réel 60 50 40

un entourage qui vous évite

un souen de façade

30 20 10 0

senment d'impuissance des proches

Non réponse

un souen toxique Fig. 5. Perception de l’environnement social.

la pauvreté généralisée rendent les familles moins enclines à « médicaliser » le problème de leur enfant. Ainsi, il est possible que les personnes interrogées fassent partie d’un sous-groupe particulier de familles affectées par l’autisme. Cependant, ce travail est la première étude sur l’autisme en Guyane franc¸aise et en tant que telle la description de l’expérience des parents était précieuse afin de mieux évaluer la situation dans cette région franc¸aise qui a encore un retard en termes de densité des professionnels de santé et des structures médico-sociales par rapport à la France Métropolitaine. Le délai entre les premières inquiétudes et le diagnostic était trop long. Il souligne le besoin d’améliorer la lisibilité des divers professionnels médicaux, paramédicaux et sociaux impliqués dans la prise en charge de l’autisme, et de réduire les retards dans le processus amenant au diagnostic (processus perc¸u comme long voire très long par les parents dans notre enquête). Une autre observation était que presque la moitié des parents interrogés n’avait pas suivi de scolarisation dans le système franc¸ais. Ce fait pouvait contribuer au retard du diagnostic de TSA chez leur enfant et donc, au retard de reconnaissance du trouble par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Sans inscription à la MDPH, les processus permettant d’avoir des AVS, de bénéficier des dispositions particulières à l’école, d’avoir des transports gratuits et des aides financières, ne pouvaient se mettre en place. Lorsque les parents recevaient le diagnostic final de leur enfant, presque un tiers ressentait un manque de soutien psychologique pour les aider à supporter cette nouvelle. Il se peut que cette expérience subjective ne reflète pas le déroulement réel de l’annonce, mais cela peut suggérer la nécessité d’améliorer la procédure d’annonce. Concernant les émotions ressenties lorsque du diagnostic, les parents citaient surtout la culpabilité, la tristesse et le désespoir. Ces informations autour de l’annonce peuvent donner des indications pour des améliorations potentielles.

En ce qui concernait le soutien social, les parents exprimaient un sentiment ambigu, le soutien social était réel mais aussi un soutien « fac¸ade » voire un soutien « toxique », ou l’aide faisait plus de mal que de bien. Presque deux tiers des parents ont dit que la différence de leur enfant était difficile à vivre, avec une proportion considérable se sentant isolée, comme observé ailleurs [6]. Cependant deux tiers des personnes indiquaient que l’autisme les avait amené à rencontrer des gens exceptionnels. La diversité sociale de la Guyane franc¸aise avec des communautés très diverses peut compliquer encore plus l’interprétation de stigmatisation sociale ou soutien social dans des communautés très différentes quant à leur représentation vis-à-vis du handicap et des problèmes comportementaux. Malgré ces retards, malgré la perception par certains que le soutien psychologique était peut-être insuffisant, et malgré les rapports fréquemment négatifs dans la presse au sujet de la prise en charge des autistes en France, qui rappellent au public que la France a été condamnée deux fois par la Cour européenne des droits de l’homme pour son retard dans la lutte contre l’autisme, et malgré le retard structurel en Guyane franc¸aise, les parents étaient globalement satisfaits ou très satisfaits de la prise en charge éducative et médico-sociale que leur(s) enfant(s) recevaient en Guyane franc¸aise. Il n’en reste pas moins que certains parents des enfants plus âgés pensaient encore que leurs enfants souffraient de psychose, ce qui reflète peut être le fait que pour ces enfants, les parents avaient rec¸u l’information que l’autisme était une psychose et non pas un trouble neurodéveloppemental. La question qui était la plus problématique pour les parents était celle concernant les troubles sensoriels. Il s’agit d’un aspect important dont il faut être conscient afin de déchiffrer les préférences et aversions sensorielles. Les parents pourraient ainsi bénéficier d’explications supplémentaires concernant des détails de l’intégration sensorielle. Les mères pour lesquelles moins de 4 ans s’étaient écoulés depuis leurs premières inquiétudes face au problème de leur

Pour citer cet article : Basurko C, et al. Connaissances et perceptions de parents avec enfants avec des troubles du spectre d’autistique en Guyane franc¸aise. Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2017.06.005

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enfant avaient tendance à utiliser des stratégies d’adaptation au handicap de leur enfant plus centrées sur les émotions et maîtrisaient moins bien le réseau local des professionnels alors qu’au-delà de 4 ans après avoir remarqué le problème, cela ne semblait plus être le cas : l’adaptation était alors plus centrée sur le problème, il y avait une meilleure connaissance des structures spécialisées en Guyane franc¸aise, et plus de confiance dans leur propre connaissance. Cette adaptation de la vie autour de l’autisme est à rapprocher avec le concept du « tapis roulant hédonique », où les personnes s’adaptent à une expérience traumatisante et ont tendance à revenir à leur état thymique de base [7]. Cela suggère aussi que le fait l’améliorer la lisibilité des systèmes de santé et des systèmes sociaux et la connaissance de l’autisme pourrait accélérer l’adaptation à la vie avec un enfant autiste. D’autres études ont aussi décrit la résilience des parents des enfants autistes [8]. Cependant en ce qui concerne l’échelle d’adaptation nos résultats différaient de certaines études publiés rapportant que l’adaptation centrée sur les émotions avait tendance à devenir plus importante avec le temps [9]. Du reste, nous n’avons pas observé de différences significatives avec des pères et des mères [10]. Pour conclure, malgré ses limites, cette étude souligne les retards à l’accès au diagnostic et aux droits. Le manque de lisibilité du système, le manque de professionnels, et leur coordination insuffisante pourraient en être des déterminants sous-jacents. Malgré cela, la plupart des parents qui ont participé à l’enquête étaient satisfaits de la prise en charge médico-sociale et éducative de leur enfant ce qui reflétait une attitude plutôt positive et une résilience [8,10]. Afin d’optimiser les structures médico-sociales et éducatives pour les autistes, des efforts devraient être maintenant faits pour

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quantifier le nombre de personnes qui n’ont pu bénéficier d’un diagnostic, d’un accès à leurs droits sociaux. Des efforts doivent aussi être réalisés pour comprendre pourquoi. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] Andre-Cormier J. Les DOM, défi pour la République, chance pour la France. In: 100 propositions pour fonder l’avenir. Paris: Senat; 2009 [volume 1, rapport]. [2] Elsabbagh M, Divan G, Koh YJ, Kim YS, Kauchali S, Marcin C, MontielNava C, Patel V, Paula CS, Wang C,et al. Global prevalence of autism and other pervasive developmental disorders. Autism Res 5:160-179. [3] Guyane ARdlSd. Projet regional de santé. Cayenne: Agence régionale de la santé; 2011. [4] anonyme. Santé Mdl : 3e plan autisme; 2014 [Paris]. [5] Wright TA. The ways of coping instrument: reliability and temporal stability for a sample of employees. Psychol Rep 1990;67:155–62. [6] Woodgate RL, Ateah C, Secco L. Living in a world of our own: the experience of parents who have a child with autism. Qual Health Res 2008;18:1075–83. [7] Jensen ES, Lundbye-Christensen S, Samuelsson S, Sorensen HT, Schonheyder HC. A 20-year ecological study of the temporal association between influenza and meningococcal disease. Eur J Epidemiol 2004;19:181–7. [8] Bayat M. Evidence of resilience in families of children with autism. J Intellect Disabil Res 2007;51:702–14. [9] Gray DE. Coping over time: the parents of children with autism. J Intellect Disabil Res 2006;50:970–6. [10] Hastings RP, Kovshoff H, Brown T, Ward NJ, Espinosa FD, Remington B. Coping strategies in mothers and fathers of preschool and school-age children with autism. Autism 2005;9:377–91.

Pour citer cet article : Basurko C, et al. Connaissances et perceptions de parents avec enfants avec des troubles du spectre d’autistique en Guyane franc¸aise. Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2017.06.005