Neurophysiol Clin 2001 ; 31 : 398-405 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0987705301002787/FLA www.elsevier.fr/direct/nc-cn
ARTICLE ORIGINAL
Crises épileptiques et épilepsie dans le cadre d’une panencéphalite sclérosante subaiguë (à propos de 30 cas) N. Kissani1*, R. Ouazzani2, H. Belaidi2, H. Ouahabi2, T. Chkili2 1 Service de neurologie, hôpital El Razi, CHU Mohammed VI, Marrakech, Maroc ; 2 service de neurologie, hôpital des spécialités, CHU Ibn Sina, Rabat, Maroc
(Reçu le 15 juin 2000 ; accepté le 17 septembre 2001)
Résumé – La panencéphalite sclérosante subaiguë (PESS) est une affection de moins en moins observée au Maroc, du fait de la généralisation de la vaccination antirougeoleuse depuis 1982. Parmi les manifestations neurologiques de la PESS, l’épilepsie n’est pas aussi rare que ce qui est rapporté dans la littérature. L’objectif de notre travail est d’étudier le profil séméiologique, électrophysiologique et évolutif de l’épilepsie dans une série longitudinale portant sur 70 cas de PESS, dont trente étaient épileptiques. Les crises révélatrices ont été séparées des crises séquellaires et leur valeur pronostique dans la PESS était analysée. Dans les deux tiers des cas les crises épileptiques débutaient dans la première année d’évolution, elles en étaient révélatrices dans 23 % des cas et séquellaires dans le reste. Les crises révélatrices de la PESS sont largement dominées par les crises partielles généralisées ou non secondairement (86 %) en faveur d’un processus encore focalisé ; alors que les crises séquellaires sont en majorité généralisées tonico-cloniques (43 %), ce qui est compatible avec un processus déjà étendu. L’apport de l’EEG était contributif aussi bien pour le diagnostic de PESS que pour celui de l’épilepsie, montrant des anomalies épileptiques chez dix patients. L’évolution de l’épilepsie est très favorable sous traitement antiépileptique, alors que celle de la PESS reste sévère et non modifiée par la présence ou non d’une épilepsie. Les auteurs soulignent la relative fréquence des crises épileptiques dans la PESS, l’intérêt de la distinction entre les crises révélatrices et séquellaires, la bonne réponse des crises épileptiques au traitement et enfin l’absence de toute valeur pronostique de l’épilepsie dans l’évolution générale de la PESS. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS panencéphalite sclérosante subaiguë / épilepsie / électroencéphalographie / antiépileptiques / évolution
Summary – Epileptic seizures and epilepsy in subacute sclerosing panencephalitis (report of 30 cases). Subacute Sclerosing Panencephalitis (SSPE) is becoming less frequent in Morocco since the generalization of measles vaccination in 1982. The aim of this study was first to analyze the semiological and elecrophysiological profiles of epilepsy in SSPE in both ‘disease-revealing’ seizures and sequellar ones, and second, to study the evolution of epilepsy and its possible prognostic value in SSPE. Among the neurological manifestations of SSPE, epilepsy is not as rare as frequently reported in the literature. In this longitudinal series concerning 70 cases of SSPE, 30 developed epilepsy. In two-thirds of our patients the epileptic seizures started in the first year of evolution; they revealed the SSPE
*Correspondance et tirés à part.
399
Crises épileptiques et épilepsie
in 23% of the cases and were sequellar in the rest. Seizures revealing the SSPE were widely dominated by partial seizures, secondarily generalized or not (86%), suggesting a focalized encephalitic process. Conversely, sequellar seizures were in most cases generalized tonic-clonic (43%), and therefore compatible with an already spread process. The EEG contributed both to the diagnosis of SSPE and to that of the epilepsy, showing epileptic abnormalities in ten patients. The outcome of epileptic seizures was very favorable under antiepileptic drugs, while that of SSPE remained severe and not modified by epilepsy. The authors underline the relative frequency of epilepsy in SSPE, the interest of the distinction between revealing and sequellar seizures, the good prognosis of epilepsy under adequate therapy, and the absence of prognostic value of epilepsy in SSPE. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS subacute sclerosing panencephalitis / epilepsy / electroencephalography / antiepileptics / evolution
La panencéphalite sclérosante subaiguë (PESS) est une affection rare due à une atteinte tardive du système nerveux par le virus de la rougeole [27]. Elle affecte principalement l’enfant et elle fut individualisée par Van Bogaert en 1945 [25]. Son aspect EEG caractéristique fut décrit par Radermecker en 1949 [21], puis par Cobb et Hill en 1950 [6]. Le tableau clinique de la PESS comporte une détérioration mentale, des troubles psychiatriques et des myoclonies lentes. On peut noter d’autres signes plus rares, comme des céphalées, une atteinte extrapyramidale ou des déficits moteurs. Le diagnostic de PESS est évoqué sur la mise en évidence de complexes lents et périodiques décrits par Radermecker. La confirmation diagnostique se fait grâce aux données sérologiques et histopathologiques. Les crises épileptiques (CE) sont classiquement rares dans la PESS et peu de séries de PESS avec épilepsie ont été rapportées [1-3, 24]. Ces CE contrairement à la PESS sont de bon pronostic. Afin d’étudier la fréquence de l’épilepsie dans la PESS, d’analyser la sémiologie clinique et électrique des CE et leur valeur pronostique dans la PESS en comparant l’évolution du groupe de patients avec et le groupe sans CE, les auteurs ont étudié une large série de 70 cas de PESS, dont 30 avaient une épilepsie. Par ailleurs, les patients épileptiques ont été subdivisés en 2 sousgroupes. Le premier avec des CE inaugurales de la maladie et donc symptomatiques, et l’autre avec des CE séquellaires. Ces 2 sous-groupes ont été analysés aussi bien sur le plan de l’évolution générale de la PESS que de celle des CE sous traitement.
L’incidence de la PESS a nettement régressé dans les pays occidentaux grâce la généralisation de la vaccination. Dans les pays en Voie de Développement, comme c’est le cas en Iran [3] et en Turquie [1], elle est en régression croissante. Au Maroc, la généralisation de la vaccination antirougeoleuse a eu lieu en 1982, ceci a nettement fait décroître le nombre de cas de cette affection, comme le montre l’incidence annuelle de la PESS au Maroc (tableau I) [20]. PATIENTS ET METHODES Nous avons réalisé un travail rétrospectif au service de neurologie de l’hôpital des spécialités de Rabat, portant sur 13 années d’hospitalisation (1977 à 1989), ce qui a permis de colliger 70 cas de PESS dont 30 cas avec CE. Les données recueillies étaient : âge, sexe, vaccination antirougeoleuse, antécédents personnels et familiaux, notamment l’épisode de rougeole, délai par rapport au début des crises. Chez les sujets ayant présenté une épilepsie : le type des CE, leur fréquence, la date d’apparition des crises par rapport au début de la maladie, ainsi que les aspects électroencéphalographiques (rythme de fond, nature et topographie des anomalies épileptiques et leur réactivité aux différents stimuli) ; les données thérapeutiques (médicaments prescrits et posologie), et enfin, l’évolution et le recul. Nous avons subdivisé ces patients épileptiques en 2 sous groupes, selon que les CE étaient inaugurales et révélatrices de la maladie, ou bien séquellaires et d’apparition tardive au cours de la PESS. Les montages électro- encéphalogra-
Tableau I. Incidence annuelle de la PESS au Maroc. Année Nombre de cas de PESS
1977
1978
1979
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
2
9
8
2
9
6
8
4
5
10
4
1
2
PESS: panencéphalite sclérosante subaiguë.
400
N. Kissani et al.
phiques adoptés étaient ceux du système international 10/20. Ils étaient bipolaires à 21 électrodes dont 2 longitudinaux et un transversal, ainsi qu’un montage unipolaire triangulaire. Tous les malades ont bénéficié de 3 à 4 électroencéphalogrammes (EEG) en moyenne. Les épreuves d’activation utilisées étaient : l’hyperpnée, la stimulation lumineuse intermittente et l’injection du Diazépam pour augmenter la sensibilité de l’EEG à détecter les complexes périodiques. Les critères diagnostiques qui ont permis de retenir le diagnostic étaient : – Pour la PESS, on s’est basé sur les critères cliniques (antécédent de rougeole et/ou absence de vaccination, détérioration mentale et myoclonies brusques et rythmiques), EEG (présence de complexes généralisés à périodicité longue) [21]. Le diagnostic de PESS était confirmé par des sérologies antirougeoleuses dans le sang et le LCR à chaque fois que cela était possible. Le début de la PESS a été fixé au premier jour de l’apparition de l’une ou de l’autre des manifestations évocatrices (fléchissement intellectuel, myoclonies, troubles visuels, crises épileptiques, etc.) – Pour ce qui est de l’épilepsie, les CE étaient authentifiées par l’interrogatoire minutieux du patient, des parents ou des témoins. Chez 20 patients (2/3), des crises ont été constatées en cours d’hospitalisation. Les données EEG et la réponse aux antiépileptiques étaient d’autres éléments appuyant le diagnostic de l’épilepsie. Sur le plan statistique, la saisie des données a été faite sur le logiciel Excel mode 7. L’analyse statistique a consisté principalement en une analyse descriptive (comparaison des pourcentages et des moyennes), grâce aux test du Chi 2 et éventuellement du Chi 2 corrigé de Yates. Le seuil de signification retenu a été de 0,05. RÉSULTATS Sur une période de 13 ans, nous avons colligé 70 cas de PESS. Notre incidence hospitalière variait entre un cas par an (1989) et 10 cas par an (1986) (tableau I). Des crises épileptiques furent retrouvées chez 30 patients, soit 42,8 % des cas. Chez les 70 patients atteints de PESS, l’âge moyen était de 11 ans (± 3 ans), avec des extrêmes de 4 et 20 ans. Les 2/3 sont des âges de 6 à 15 ans. Le sexe masculin est le plus représenté avec un sex-ratio masculin/féminin de 1,9. La vaccination antirougeoleuse faisait défaut 4 fois sur 5. L’antécédent de rougeole est présent 2 fois sur 3 et se situait avant 2 ans dans 60 % des cas. Quant aux antécédents, les traumatismes crâniens étaient retrouvés chez 4 patients dans le
Tableau II. Antécédents observés dans les deux groupes avec et sans épilepsie. Rougeole Rougeole avant 2 ans
PESS et épilepsie
PESS sans épilepsie
p*
17/30 (56,7 %) 10/17 (55,8 %)
32/40 (80 %) 21/32 (65,6 %)
p < 0,05 p = NS
* Test du Chi 2 ; PESS : panencéphalite sclérosante subaiguë.
groupe sans épilepsie, dont un seul était grave et tous les autres bénins, contre un cas léger dans le groupe avec épilepsie (tableau II). Les myoclonies sont retrouvés chez 66 patients (94,3 %), elles étaient massives chez 11 patients et modérées chez 55. L’analyse de la survenue de l’épilepsie par rapport au début de la PESS a retrouvé des crises inaugurales et symptomatiques de la maladie 7 fois (23 %) et séquellaires chez les 23 autres patients (77 %) (tableau III). Sur le plan séméiologique, les crises généralisées tonicocloniques (CGTC) sont les plus fréquentes, elles sont retrouvées chez 10 patients sur 23 pour le groupe avec CE séquellaires, contre un seul sur 7 pour le groupe avec CE inaugurales (tableau IV). Alors que les crises partielles (CP) et les CP à généralisation secondaire sont plus fréquentes dans le groupe CE inaugurales (6 parmi 7), que dans le second groupe (13 parmi 23). Cette répartition est détaillée dans le tableau IV. La fréquence des CE variait en moyenne de une par jour à une par semaine, aussi bien pour le groupe avec crises inaugurales que pour celui avec crises séquellaires (tableau V). Le diagnostic de la PESS, était confirmé chez 56 patients (80 %), toutes formes confondues par des sérologies antirougeoleuses franchement positives dans le sang et le LCR. L’EEG a permis d’évoquer le diagnostic de PESS en montrant les anomalies caractéristiques de la maladie. Le rythme de fond était désorganisé chez 56 patients (80 %) et chez 63 patients (90 %) une activité paroxystique périodique caractéristique était présente. Quant aux anomalies épileptiques elles ne furent retrouvées que 10 fois parmi les 30 patients avec épilepsie (1/3). Tableau III. Chronologie des crises épileptiques par rapport au début de la maladie. Crises épileptiques révélatrices Crises durant la 1ère année d’évolution Crises entre 1ère et la 5e année Crises après la 5e année
Nombre
%
7 cas 12 cas 8 cas 3 cas
23,3 40 26,7 10
Crises épileptiques et épilepsie
401
Tableau IV. Sémiologie des crises épileptiques. PESS avec épilepsie PESS avec épilepsie révélatrices séquellaires CGTC CP simples CP complexes CP simples GS CP complexes GS Total
1 (14,3 %) 1 (14,3 %) 2 (28,6 %) 1 (14,3 %) 2 (28,6 %) 7
10 (43,5 %) 4 (17,4 %) 2 (8,7 %) 3 (13 %) 4 (17,4 %)
p* NS (0,21) NS (1,0) NS (0,22) NS (1,0) NS (0,6)
23
* Test du Chi 2 ; PESS : panencéphalite sclérosante subaiguë ; CGTC : crises généralisées tonicocloniques ; CP : crises partielles; GS : généralisées secondairement.
Ces anomalies étaient sous forme de bouffées de pointes lentes et d’ondes lentes généralisées de grande amplitude dans 6 cas (60 %), dont 5 cas pour le groupe des CE séquellaires et un cas pour celui des CE inaugurales. Des foyers de pointes focalisées 4 fois, dont 3 pour le groupe des CE inaugurales. Ces anomalies étaient des pointes lentes temporales 3 fois (30 %), et frontales bilatérales une fois (10 %). Chez 8 patients (80 %), on a noté une association des anomalies épileptiques aux complexes périodiques, et chez les 2 patients restants les anomalies épileptiques ont laissé place aux complexes périodiques après injection du Diazépam. Les principales anomalies épileptiques sont illustrées dans les figures 1, 2 et 3. Le traitement antiépileptique a été prescrit chez les 30 patients épileptiques (monothérapie 26 cas, et bithérapie 4 cas). Le produit le plus prescrit était le phénobarbital (PB) chez 18 patients, il était administré per os avec une posologie moyenne de 100 à 150 mg/j, suivi de la carbamazépine (CBZ) et du valproate de sodium (VPA) dans 4 cas chacun, leurs posologies moyennes étaient de 600 mg/j et de 800 mg/j respectivement. La
Figure 1. Tracé EEG chez le cas 2 montrant des complexes périodiques lents de Radermecker, mêlés à des anomalies épileptiques à type de pointe ondes et d’ondes lentes prédominant à droite.
bithérapie était utilisée dans les 4 cas restants, à base d’une association (PB, CBZ) dans 2 cas, (PB, VPA), et (CBZ, VPA) dans un cas chacune. Après un recul moyen de 9 ans, et des extrêmes de 10 mois à 15 ans, l’évolution était marquée chez les 26 patients suivis (86,7 %) par une disparition totale des crises dans 22 cas (84,6 %). Dans les 4 autres cas, une diminution de la fréquence des crises fut notée (moins de une crise par semaine). Sur le plan évolutif de la PESS dans les deux groupes avec et sans épilepsie, une évolution grave (décès en moins de un an après le début) a été constatée chez 4 patients dans le groupe avec épilepsie, contre 7 dans
Tableau V. Fréquence de crises épileptiques. PESS avec épilep- PESS avec épilepsie révélatrices sie séquellaires Plusieurs crises/jour Une crise/jour à une/semaine Une crise/semaine à une/mois Moins de une crise/mois Total
p*
2 (28,6 %) 3 (42,8 %)
4 (17,4 %) 11 (47,8 %)
NS (0,6) NS (1,0)
1 (14,3 %)
5 (21,7 %)
NS (1,0)
1 (14,3 %)
3 (13,1 %)
NS (1,0)
7
23
30
* Test du Chi 2 ; PESS : panencéphalite sclérosante subaiguë.
Figure 2. Tracé EEG chez le cas 8 montrant des complexes périodiques lents de Radermecker, mêlés à quelques anomalies épileptiques à type de pointes lentes frontales droites.
402
N. Kissani et al.
DISCUSSION
Figure 3. Tracé EEG chez le cas 16 montrant des complexes périodiques lents de Radermecker, noyés dans une activité de fond franchement désorganisée. Les anomalies épileptiques sont nombreuses et généralisées, à type de pointes lentes et d’ondes lentes.
l’autre groupe. Les évolutions prolongées avec aggravation, des stabilisations et même des améliorations ont été retrouvées. Ces données sont détaillées dans le tableau VI. Les deux sous-groupes avec CE révélatrices et CE séquellaires ont aussi été analysés sur le plan évolutif (tableau VII).
La PESS reste une affection non négligeable au Maroc vu les 70 cas relevés sur 13 ans. Cependant, elle se rencontre de moins en moins durant ces dernières années, et ceci du fait de la généralisation de la vaccination antirougeoleuse, introduite en 1982. En effet, le nombre de cas de PESS admis dans notre hôpital a nettement diminué depuis 1987. Ce nombre était maximal entre 1978 et 1986, avec une moyenne de 7,5 cas par an ; il ne dépassait guère les 4 cas par an et 2 cas par an à partir de 1987 et 1989 respectivement (tableau I) [20]. Selon le dernier bulletin épidémiologique du ministère de la santé publique Marocain, le nombre de cas signalés dans tout le pays était de 1 à 2 cas par an jusqu’en 1998 et depuis aucun nouveau cas ne fut signalé [5]. Ceci prouve que le programme de vaccination a fait ses preuves. L’épilepsie au cours de la PESS a été très peu rapportée dans la littérature. Les résultats de notre étude montrent qu’elle n’est pas si rare, puisqu’elle était présente chez 43 % de nos patients atteint de PESS. Un tel pourcentage n’a été rapporté dans la littérature, que par Sobczyk et al., qui ont retrouvé dans une grande série de 125 cas de PESS, 52 patients épileptiques, soit 42 %
Tableau VI. Comparaison de l’évolution de la PESS dans les deux groupes avec et sans épilepsie. Mortalité au cours de la 1ère année Évolution > 1 an avec aggravation et décès Évolution prolongée avec aggravation et décès Stabilisation Amélioration Total
PESS avec CE
PESS sans CE
Total
p
4 (13,33%) 11 (36,66%) 7 (23,33%) 6 (20%) 2 (6,66%) 30
7 (17,5%) 22 (55%) 6 (15%) 3 (7,5%) 2 (5%) 40
11 (15,71%) 33 (47,14%) 13 (18,57%) 9 (12,58%) 4 (5,71%) 70
p1 = NS (0,74) p2 = NS (0,12) p3 = NS (0,37) p4 = NS (0,15) p5 = NS (1,0)
PESS : panencéphalite sclérosante subaiguë ; CE : crises épileptiques. P1 : comparaison de l’évolution (mortalité) par rapport aux autres (évolution prolongée, stabilisation de la maladie…) ; P2 : comparaison de l’évolution (évolution prolongée) par rapport aux autres (mortalité stabilisation de la maladie…) ; P3, etc.
Tableau VII. Comparaison de l’évolution de la PESS dans les deux sous-groupes avec crises épileptiques révélatrices et crises séquellaires. ère
Mortalité au cours de la 1 année Évolution > 1 an avec aggravation et décès Évolution prolongée avec aggravation et décès Stabilisation Amélioration Total
PESS avec CE révélatrices
PESS avec CE séquellaires
P*
0 2 (28,57%) 2 (28,57%) 2 (28,57%) 1(14,28%) 7
4 (17,39%) 9 (39,13%) 5 (21,73%) 4 (17,39%) 1 (4,34%) 23
NS (1,0) NS (1,0) NS (1,0) NS (0,60) NS (0,41)
* Test du Chi 2 ; PESS : panencéphalite sclérosante subaiguë ; CE : crises épileptiques.
Crises épileptiques et épilepsie
[24]. Bonifas-Galup et al. n’ont relevé que 17 cas sur une série de 51 cas de PESS originaire de la France et de l’Afrique du nord (33,3 %) [2]. Anlar et al., n’ont trouvé que 3 cas parmi 80 (3,8 %), ils avaient trouvé des attaques myocloniques chez 20 patients sans pouvoir les étiqueter comme épileptiques [1]. Le caractère longitudinal de notre étude, avec un recul moyen de 9 ans pourrait expliquer cette fréquence élevée de l’épilepsie, du fait qu’il inclut aussi bien les crises révélatrices que les crises séquellaires rencontrées au cours de l’évolution de la PESS ; alors que les autres séries, ne comportant qu’un faible recul, et n’engloberaient que les rares cas révélateurs ou d’apparition précoce au cours de la PESS. Les auteurs se demandent aussi si un facteur ethnique ou géographique ne pourrait pas être discuté. Car d’un côté, cette étude est la première grande étude africaine, en effet il n’y a eu aucune autre étude comparable dans notre continent. D’un autre côté, une étude portant sur tous les cas de PESS signalés aux États-Unis pendant 10 ans, soit 219 cas, a montré une large prédominance régionale dans les états du sud et de l’est. Dans cette étude, les données séméiologiques n’ont pas été étudiées [9]. L’âge de nos patients présentant une épilepsie était en moyenne de 11 ans, avoisinant celui du groupe sans épilepsie (12 ans). Bonifas-Galup et al., ont trouvé que l’âge de début variait entre 4 et 12 ans dans 78 % des cas, avec des extrêmes de 26 mois à 15 ans et 2 mois [2]. Le sexe masculin est le plus représenté dans notre série, aussi bien pour le groupe avec épilepsie (20 fois sur 30), que pour le second groupe (26 fois sur 40) ; ceci donne un sexe ratio, respectivement de 2/1 et 1,8/1. Cette prédominance masculine est retrouvée dans la littérature, toutes formes de PESS confondues ; ainsi Anlar et al., ont trouvé sur une série de 80 cas un sexe ratio de 2,5/1 [1]. Sur le plan des antécédents, l’épisode rougeoleux est retrouvé chez 17 patients dans le groupe avec épilepsie (56,7 %), contre 80 % dans l’autre groupe, ceci donne une différence significative (p < 0,05), faisant suggérer un rôle protecteur contre l’épilepsie de l’antécédent de rougeole. Dans la série d’Anlar et al., cet antécédent fut retrouvé dans 97 % des cas (avec ou sans épilepsie) ; cependant une caractéristique est à noter aussi bien dans notre série que dans les séries de la littérature, il s’agit de la survenue fréquente de cet antécédent avant l’âge de 2 ans, 10 cas sur 17 dans notre premier groupe, 21 sur 32 dans le second et 53 sur 80 dans la série d’Anlar et al. [1]. Quant aux traumatismes crâniens, ils ne semblent avoir aucun rôle ni dans l’épilepsie ni dans
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la PESS. Ils étaient aussi rares dans la série de BonifasGalup et al., retrouvés 3 fois sur 51 [2]. En analysant le type de crises, nous avons noté que les PESS avec CE séquellaires sont largement dominées par les CGTC, retrouvées chez 43 % des patients, suivies des CP généralisées secondairement, puis des CP. Alors que pour le groupe des PESS avec CE inaugurales, ce sont plutôt les CP et les CP généralisées secondairement qui prédominent (85,7 %). La différence n’étant pas significative, tout de même ceci suggère que les PESS avec crises révélatrices soient la traduction d’encéphalite encore focalisée, alors que dans les cas évolués la prépondérance des crises généralisées serait compatible avec une encéphalite plus diffuse (panencéphalite). Dans une série de 51 cas de PESS, Bonifas-Galup et al. n’ont relevé que 3 cas de CGTC sur 17 (17,6 %). Alors que ce sont les CP et les « absences » qui prédominaient, retrouvées dans 7 observations chacune (39 %) [2]. Dans la série d’Anlar et al., les 3 cas colligés sur 80 patients atteints de PESS présentaient tous des CGTC [1]. Alors que parmi les 40 patients de Brimani et al., 7 seulement présentaient une épilepsie, il s’agissait de CGTC dans tous les cas [3]. Les myoclonies étaient quasi-permanentes chez tous nos patients épileptiques, elles étaient indépendantes des CE, réalisant ainsi un signe de la maladie et non une manifestation épileptique. Anlar et al,. séparaient les attaques myocloniques des myoclonies banales [1]. Les CP et les CP généralisées secondairement sont assez souvent révélatrices de la PESS, comme c’est le cas chez 6 de nos 7 patients ; mais c’est rare qu’une PESS soit révélée par des CP complexes sous forme d’absences atypiques. Ceci était observé chez 2 de nos patients. Quelques cas éparses d’absences atypiques furent publiés jusqu’en 1995 [8, 12, 19, 23]. Namer et al., ont publié le premier cas de PESS révélé par des CP complexes, il s’agissait d’automatismes oro-alimentaires, suivis parfois de phénomènes moteurs de l’hémiface et du membre supérieur droit ; l’EEG avait révélé des anomalies paroxystiques au niveau de la région temporale gauche. Sous carbamazépine, les crises et les anomalies électriques disparurent et ce n’est que 5 mois après ce début que les autres symptômes de la PESS apparurent, notamment une détérioration intellectuelle. Cette observation soulève comme hypothèse que la maladie a commencé dans une région limitée du cortex, puis s’est étendue aux structures sous corticales et au tronc cérébral [19]. Volpe et al. ont rapporté un cas de PESS révélé par des CE partielles pendant plusieurs années, avant l’apparition des autres symptômes [26]. Sur le plan élec-
404
N. Kissani et al.
troencéphalographique, les anomalies épileptiques sont très peu mentionnées dans la littérature. Elles sont retrouvées chez le tiers de nos patients épileptiques, dominées par les anomalies paroxystiques généralisées présentes chez 6 patients, majoritairement dans les cas de PESS avec CE séquellaires (5 fois sur 6 cas). Inversement les anomalies focales étaient plus fréquentes dans les cas de PESS avec CE inaugurales (3 fois sur 4 cas), où elles prédominaient en temporal. Ces notions réconfortent notre hypothèse qui suggère que les PESS avec CE inaugurales démarrent au niveau d’un foyer circonscrit du cortex, en particulier temporal ou temporo-frontal, avant de diffuser à tout l’encéphale. D’autres auteurs ont retrouvé dans des cas de PESS avec épilepsie ces rares anomalies épileptiques focales sous forme de foyers de pointes dans les régions frontales [7, 13], centro-temporales [16], temporales [13, 17], temporo-occipitales [12]. D’autres aspects électriques ont été rapportés ; Malherbe et al., ont décrit un cas de PESS révélé par une épilepsie chez un enfant de 9 ans ; son tracé EEG donnait l’apparence d’un état de mal non convulsif, avec des anomalies épileptiques généralisées faites de pointes-ondes et de rythmes delta. Les complexes périodiques n’apparurent qu’au stade terminal et après injection de Diazépam [15]. Les complexes « pointes ondes » à 3 cycles par seconde sont très rares [4, 8, 14, 22]. Dans la série de Brimani et al., 9 cas présentaient des anomalies épileptiques à type de polypointes ou pointes ondes bifrontales synchrones et symétriques, dont 2 étaient asymétriques. Dans les 5 cas restants, des anomalies épileptiques focalisées en frontal et en temporal furent rencontrées [3]. Bonifas-Galup et al., avaient fait une analyse détaillée des aspects électroencéphalographiques des complexes périodiques, sans analyse des 17 patients présentant une épilepsie [2]. La sensibilité des anomalies épileptiques sous Diazépam a été retrouvée chez 2 patients de notre série, ces anomalies ont laissé place, après injection, aux complexes périodiques de la PESS. Cette notion fut retrouvée par d’autres auteurs. En effet, les anomalies épileptiques, qui étaient des pointes lentes temporales pour le cas de Namer et al. [19] et des anomalies plus diffuses dans les cas de Bonifas-Galup et al. et Malherbe et al. [2, 15] ont laissé la place aux complexes périodiques sous Diazépam. Korberg et al. ont rapporté une autre observation de PESS révélée par des CE motrices et sensitives, illustrée par un enregistrement polysomnographique. Le foyer épileptique était identifié en frontal gauche ; l’épilepsie était contrôlée par les antiépilepti-
ques au début, puis devint réfractaire. Les données sérologiques et histopathologiques confirmèrent le diagnostic de PESS [11]. Les données électroencéphalographiques étaient aussi utiles sur le plan du diagnostic différentiel, en particulier devant les encéphalites herpétiques. Ces dernières donnent à priori de gros troubles mnésiques et très souvent des crises épileptiques. Avant la confirmation sérologique, l’EEG est très contributif dans ces cas ; les complexes périodiques retrouvés sont de courte durée et très souvent focalisés en temporal [10, 18]. Sur le plan paraclinique, aucune différence significative n’a été notée entre les deux groupes, aussi bien pour le scanner cérébral que pour les données sérologiques. Ces dernières ont permis de confirmer le diagnostic de PESS, rejoignant ainsi les données de la littérature [1, 22]. Concernant le traitement, la monothérapie était de mise chez 70 % des patients épileptiques, avoisinant les données de la littérature. Le phénobarbital était l’antiépileptique le plus prescrit pour des raisons essentiellement économiques. L’évolution de l’épilepsie a permis de noter une disparition totale des crises chez 22 patients (84,6 %). Dans les cas restants, il y avait une nette diminution de la fréquence des crises. Ceci souligne le bon pronostic de l’épilepsie dans la PESS, qui est très pharmacosensible même à des doses moyennes d’antiépileptiques. L’évolution globale sur un recul moyen de 9 ans a permis de relever 11 décès au cours de la première année d’évolution (15,7 %), ce qui souligne le mauvais pronostic de la PESS ; en comparant l’évolution de nos 2 groupes avec et sans épilepsie, et à la lumière du recul de cette série, nous ne pouvons tirer aucune conclusion significative aussi bien pour les cas graves (décès en moins d’un an), que pour les cas à évolutions prolongées, stationnaires ou même chez les rares patients qui se sont améliorés. De même en comparant l’évolution de la PESS entre les 2 sous-groupes avec épilepsie révélatrice ou séquellaire, aucune différence significative ne ressort. C’est dire l’absence de toute valeur pronostique des crises épileptiques, qu’elles soient révélatrices ou séquellaires sur l’évolution de la PESS et quel que soit le stade évolutif de la maladie. CONCLUSION Les auteurs soulignent que l’épilepsie n’est pas si rare dans la PESS. Elle peut être évoquée devant toute crise épileptique, même en l’absence de détérioration cognitive. Il s’agit de crises à début partiel dans la phase inaugurale mais plus volontiers de crises généralisées à
Crises épileptiques et épilepsie
la phase d’état de la panencéphalite sclérosante subaiguë. Par contre, cette épilepsie demeure très phar macosensible et ne constitue aucun facteur pronostique dans cette affection. Le meilleur traitement reste bien sûr préventif, grâce à la généralisation de la vaccination antirougeoleuse. RE´FE´RENCES 1 Anlar B, Yalaz K, Ustacelebi S. Symptoms and clinical signs, laboratory data in 80 cases of subacute sclerosing panencephalitis. Rev Neurol (Paris) 1988 ; 14 (12) : 829-32. 2 Bonifas-Galup P, Hamano K, Sebrosa CJ, Plouin P. Different clinical and electroencephalographic aspects of subacute sclerosing panencephalitis (SSPE). Apropos of 51 cases. Rev Electroencephalogr Neurophysiol Clin 1983 ; 1 (3) : 224-31. 3 Brimani DJ. Electroencephalographic study of 40 patients with subacute sclerosing panencephalitis. Rev Electroencephalogr Neurophysiol Clin 1986 ; 1 (4) : 433-43. 4 Broughton R, Nelson R, Gloor P, Andermann F. Petit mal epilepsy evolving to SSPE. Electroencephalogr Clin Neurophysiol 1972 ; 33 : 352. 5 Buletin mensuel de l’épidémiologie du ministère de la santé publique marocain. Décembre 2000. 6 Cobb W, Hill S. Electroencephalogram in Subacute progressive encephalitis. Brain 1950 ; 73 : 392-404. 7 Gimenez-Roldan S, Martin M, Mateo D, Lopez-Fraile IP. Preclinical EEG abnormalities in subacute sclerosing panencephalitis. Neurology 1981 ; 3 (6) : 763-7. 8 Ishikawa A, Murayama T, Sakuma N, Saito Y. Subacute sclerosing panencephalitis : atypical absence attacks as first symptom. Neurology 1981 ; 3 (3) : 311-5. 9 Jabbour JT, Duenas DA, Sever JL, Krebs HM, Horta-Barbosa L. Epidemiology of subacute sclerosing panencephalitis (SSPE). A report of the SSPE registry. JAMA 1972 ; 22 (7) : 959-62. 10 Konomemko VV. The clinical picture, diagnosis and treatment of cytomegalovirus encephalitis in adults. Lik Sprava 1999 (5) : 61-4. 11 Kornberg AJ, Harvey AS, Shield LK. Subacute sclerosing panencephalitis presenting as simple partial seizures. J Child Neurol 1991 ; 2 : 146-9. 12 Lascu O. Cortical focal epilepsy in a case of subacute sclerosing panencephalitis. Clinical considerations. Neurol Psychiatr (Bucur) 1982 ; 2 (4) : 269-73.
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