De la séméiologie psychiatrique à la psycholinguistique : définition d'un nouveau modèle de la clinique post-traumatique

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ARTICLE IN PRESS ´ psychiatrique xxx (2019) xxx–xxx L’evolution

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

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Article original

De la séméiologie psychiatrique à la psycholinguistique : définition d’un nouveau modèle de la clinique post-traumatique夽 From psychiatric semeiology to psycholinguistics: Definition of a new model of post-traumatic clinical presentation Yann Auxéméry (Médecin principal, Chef du Service médical de psychologie clinique appliquée à l’aéronautique) ∗ Hôpital d’instruction des armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, 92140 Clamart cedex, France

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Rec¸u le 3 juin 2019 Mots clés : Traumatisme psychique Syndrome post-traumatique Psycholinguistique Analyse de contenu Trouble psycholinguistique post-traumatique Diagnostic Nosographie Marqueurs psycholinguistiques Évaluation Psychothérapie

r é s u m é Objectifs. – Témoignant de l’évolution sociétale, l’intérêt pour les troubles psychiques post-traumatiques s’est généralisé avec l’essor de conceptions psychopathologiques, neurobiologiques et socioanthropologiques. Mais, du fait de la présentation clinique même de ces troubles, le sous-diagnostic et les diagnostics tardifs, au stade des souffrances multiples, restent encore nombreux. Les reviviscences peuvent intégrer de nombreuses expressions cliniques qui ne correspondent pas uniquement à des comorbidités ou à des complications mais qui constituent d’authentiques formes cliniques psychiques post-traumatiques (expressions thymiques et anxieuses, deuils, mésusages de substances psychoactives, modifications de la personnalité, souffrances somatoformes et psychosomatiques, désadaptation sociale avec mise en péril de la quiétude du foyer et problématiques d’inscription professionnelle, etc.).

夽 Toute référence à cet article doit porter mention : Auxéméry Y. De la séméiologie psychiatrique à la psycholinguistique : définition d’un nouveau modèle de la clinique post-traumatique. Evol psychiatr 2019;85(4):pages (pour la version papier) ou URL [date de consultation] pour la version électronique. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] https://doi.org/10.1016/j.evopsy.2019.09.002 ´ ´ 0014-3855/© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv es.

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Ces difficultés, intenses et riches sur le plan symptomatique, restent le plus souvent muettes concernant leurs origines psychotraumatiques. Malgré les progrès de la séméiologie psychiatrique, persiste une insuffisance à la caractérisation des troubles psychiques post-traumatiques. Et pourtant, parallèlement, de nombreux protocoles psychothérapiques ont émergé d’après différents référentiels théoriques (techniques comportementales et cognitives, pratiques hypnotiques, thérapies par mouvements oculaires, thérapies psychodynamiques, thérapies narratives, etc.). Enfin, si la neuroimagerie fonctionnelle, la référence neurobiologique au stress ou les récentes recherches concernant l’inflammation cérébrale sont intéressantes, ces avancées rendent compte des conséquences du traumatisme et non pas de ses causes. Il apparaît aujourd’hui nécessaire de construire un nouveau paradigme. Grâce à une approche innovante basée sur des concepts psycholinguistiques, nous proposons un modèle clinique spécifique du traumatisme psychique afin de mieux diagnostiquer les troubles psychiques post-traumatiques. Aussi, nous souhaitons dégager des marqueurs linguistiques permettant de mesurer l’efficacité des psychothérapies recommandées. Matériel et méthodes. – L’analyse linguistique des troubles psychiques post-traumatiques ne compte dans la littérature internationale qu’une cinquantaine de travaux, souvent anciens et de conclusions parcellaires. À partir de recherches analysant quantitativement et qualitativement le discours de patients blessés psychiques, nous décrivons leurs perturbations psycholinguistiques en les illustrant d’exemples empruntés à la pratique clinique. Résultats. – Le syndrome psycholinguistique post-traumatique se définit d’après trois symptômes : l’anomie traumatique, les répétitions linguistiques et, la désorganisation discursive. L’anomie traumatique est constituée par une réduction quantitative du discours associant défaut de production, altération du débit verbal et pauvreté lexicale. L’anomie est en partie palliée par des conduites d’approches (déviation périphrasiques et circonlocutoires, approximations synonymiques, paraphasies sémantiques) et des mots ou expressions bouche-trous. Le traumatisme psychique laisse un vide langagier : le trauma se répète en creux. Les manifestations anomiques et conduites palliatives maintiennent une structuration répétitive. Les répétitions linguistiques prennent la forme de réitérations phonologiques et syntaxiques (stéréotypies verbales, prédilections, intrusions, persévérations et échophrasies, etc.). Une récitation sous forme littérale de l’éprouver traumatique reste parfois possible mais, sans dimension narrative. Ces marques linguistiques contraignent la flexibilité du discours en parasitant sa production et sa progression. La désorganisation phrastique et discursive comprend une discordance des temps (surreprésentation du présent au détriment du futur), une désubjectivation (via des marqueurs pronominaux indéfinis et impersonnels) et une dysfluence allant jusqu’à l’agrammatisme (par défaut d’emploi des connecteurs logiques et chronologiques). Sans déroulé construit, contenue par le peu de recours à l’implicite ou aux constitutions argumentatives, la conduite intentionnelle et finalisée du propos peine à exister. Ne se structure ainsi que peu d’interrelation évidente entre les thèmes, abordés de manière fragmentaire mais encore, fragmentée. Marquée de réductions quantitatives et qualitatives avec ses dimensions anomiques, répétitives et désorganisées, la discontinuité de la parole du sujet blessé psychique se manifeste selon un gradient témoignant d’une dissociation automatico-volontaire : plus la pensée du patient se rapproche

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de la scène traumatique et/ou de ses conséquences, plus les difficultés d’expression se majorent. Inversement, plus les cognitions et perceptions du sujet s’éloignent du trauma, plus ses capacités d’expression verbale redeviennent préservées. Discussion. – Le syndrome psycholinguistique post-traumatique s’avère le pendant verbal des symptômes séméiologiques cardinaux du trauma. L’anomie traumatique témoigne de l’instant indicible de dissociation per-traumatique, les répétitions linguistiques renvoient aux reviviscences, les perturbations discursives impriment la dissociation aux phrases. Témoin d’une désubjectivation, la prééminence des formes indéfinies et impersonnelles correspond à la dépersonnalisation face au trauma et, la désorganisation discursive rappelle la déréalisation perc¸ue pendant l’horreur. Ces perturbations du discours de la personne blessée psychique apparaissent la conséquence de la dissociation traumatique dans le langage. Les fonctions extra-linguistiques (cognitions, émotions, affects, comportements, mémoires, etc.) sont dissociées non seulement entre elles mais, surtout, elles restent dissociées des grandes composantes du langage (signifiantes, signifiées, syntaxiques et pragmatiques). Sans doute faut-il y voir la cause de la pérennité du syndrome de répétition, mais encore, un levier d’action thérapeutique sur le modèle de certains débriefings destinés à reconstruire une parole apaisante. Conclusion. – À l’heure où différents protocoles de soins apparaissent parfois concurrents, l’analyse de la restauration du langage pourrait permettre d’unifier une conception spécifique du traumatisme psychique et de ses perspectives thérapeutiques. Des études psycholinguistiques associant analyses quantitatives et qualitatives du discours des personnes souffrant de trouble de stress post-traumatique pourraient permettre de définir des marqueurs d’efficacité des psychothérapies. ´ ´ es. © 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv

a b s t r a c t Keywords: Psychic trauma Post-traumatic stress disorder Psycholinguistic analysis Post-traumatic psycholinguistic disorder Nosography Psycholinguistic markers Evaluation of psychotherapies

Objectives. – The clinical presentation of post-traumatic psychological disorders means that many cases are under-diagnosed. We need a better way to identify such disorders and to develop markers that can monitor the effectiveness of recommended treatments. Drawing upon an innovative approach based on psycholinguistic concepts, we describe a new clinical model specific to psychological trauma. Material and methods. – Founded on quantitative and qualitative analyses of the discourse of psychologically injured patients, we describe the psycholinguistic disturbances they present, illustrating them with examples from clinical practice. Results. – Post-traumatic psycholinguistic syndrome is defined as a function of three symptoms: traumatic anomia, linguistic repetition and disorganised discourse. Traumatic anomia manifests in a quantitative reduction in discourse characterised by a lack of production, impaired verbal flow and lexical poverty. Anomia is partially palliated by diversionary behaviours (peripheral and circumlocutionary deviation, synonymic approximation, semantic paraphrasing) and filler expressions. Linguistic repetition takes the form of phonological and syntactic repetition (verbal stereotypes, predilections, intrusions, perseverations and echophrasia). The person may give a literal account of their traumatic experience, but without a narrative dimension. Phrasal and discursive

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disorganisation is characterised by time discordance, desubjectivation (via indefinite and impersonal pronominal markers), and disfluency that can extend to agrammatism due to a lack of logical and chronological connectors. Discussion. – Post-traumatic psycholinguistic syndrome is concomitant with the cardinal psychiatric symptoms of trauma. Traumatic anomia is evidence of the unspeakable moment of per-traumatic dissociation, linguistic repetition is consistent with flashbacks, disturbed discourse reproduces the experience of dissociation in sentence form. Evidence of de-subjectivation, the predominance of indefinite and impersonal forms reflects the depersonalization resulting from the trauma, while disorganised discourse reflects the derealization that was perceived as the horror arised. These disturbances in the speech of the psychologically injured person manifest as a consequence of traumatic linguistic dissociation. Extra-linguistic functions (cognitions, emotions, feelings, behaviours, memories, etc.) are not only dissociated from each other but, above all, are dissociated from the major components of language (syntactic and pragmatic signifiers and signified). This is undoubtedly why repetition syndrome lasts as long as it does, but it can also be seen as a therapeutic lever in the context of some types of debriefings that are designed to reconstruct nonpathological speech. Conclusion. – At a time when a variety of competing psychotherapeutic protocols (behavioural and cognitive, hypnosis, eye movement therapies, psychodynamic therapies, narrative therapies, etc.) are vying for attention, the analysis of the restoration of normal language could offer a way to create a clearer understanding of psychological trauma and its clinical consequences. In this context, psycholinguistic studies that combine quantitative and qualitative analyses of the discourse of people suffering from post-traumatic stress disorders could help to define some markers of the effectiveness of psychotherapies. © 2019 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction La clinique du traumatisme psychique était encore, il y peu, essentiellement connue des médecins militaires. Du fait de l’évolution sociétale, l’intérêt pour la psychotraumatologie s’est généralisé avec l’essor de concepts psychopathologiques, neurobiologiques et aussi, sociologiques. Toutefois, du fait de la présentation clinique des troubles psychiques post-traumatiques, le sous-diagnostic et les diagnostics tardifs, au stade des souffrances intenses, restent nombreux. Ces errements s’avèrent conséquents à la diversité des événements potentiellement psychotraumatiques (catastrophes naturelles, agressions, accidents de la voie publique, accidents du travail, etc.) et à l’évolutivité complexe des troubles dans le temps, comme d’un sujet à l’autre (traumatisme > phase de latence > trouble psychique post-traumatique > fluctuation de symptômes chroniques) [1,2]. Aussi, les reviviscences et les autres signes cardinaux du trouble de stress post-traumatique (hyperactivation neurovégétative, stratégies d’évitement, dissociation) peuvent intégrer de nombreuses expressions cliniques ne correspondant pas uniquement à des comorbidités ou à des complications mais qui constituent d’authentiques formes cliniques post-traumatiques (expressions thymiques et anxieuses, deuils, mésusages de substances psychoactives, modifications de la personnalité, atteintes somatoformes et psychosomatiques, désadaptation sociale avec mise en péril de la quiétude du foyer et problématiques d’inscription professionnelle, etc.) [3–7]. Ces difficultés apparaissent le plus souvent muettes concernant leurs origines psychotraumatiques. Pourtant, parallèlement ces dernières années, afin de venir en aide aux personnes

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blessées psychiques, de nombreux protocoles psychothérapiques ont émergé en référence à divers modèles théoriques (techniques comportementales et cognitives, pratiques hypnotiques, thérapies par mouvements oculaires, thérapies psychodynamiques, thérapies narratives, etc.). Autre parallélisation, alors que le nombre de recherches sur le trauma a explosé, les applications concrètes utiles à la pratique quotidienne semblent davantage ténues, particulièrement au plan pharmacologique. Afin de développer ses perspectives thérapeutiques, l’heure s’annonce propice à l’émergence d’un nouveau modèle clinique du traumatisme psychique. En nous basant sur nos recherches analysant quantitativement et qualitativement le discours de patients blessés psychiques [8–11], nous définissons le syndrome psycholinguistique post-traumatique selon trois axes symptomatiques : l’anomie traumatique, les répétitions linguistiques et la désorganisation discursive. Sans détailler de concepts linguistiques ésotériques, cette nouvelle approche s’ancre à partir de la clinique de terrain et nous l’illustrons grâce aux propos de patients. Notre guide reste principalement de mieux diagnostiquer les personnes souffrant de troubles psychiques post-traumatiques. Ensuite, le paradigme que nous proposons pourrait fédérer les conceptions préexistantes et développer la recherche clinique à l’aide de marqueurs psycholinguistiques offrant d’évaluer l’efficacité des psychothérapies. 2. De la séméiologie classique à son actualisation dans la psychiatrie contemporaine : témoignages de la nécessité d’un nouveau modèle du traumatisme psychique En référence aux traités de psychiatrie classique, un événement potentiellement traumatique résulte d’une confrontation brutale et directe à la mort ou à une scène horrifiante (blessure grave pour soi ou autrui, agression, cataclysme, etc). Tout événement violemment perc¸u peut perturber l’équilibre psychique mais, l’on parlera d’événement traumatique si se manifeste à l’instant une impression subjective de détresse per- et péri-traumatique caractérisée par des émotions négatives de peur, d’impuissance, de dégoût et/ou d’horreur. Toutefois, la notion de confrontation directe et brutale à un fait horrifiant doublée d’une intense réaction émotionnelle négative n’est pas suffisante pour caractériser ce qui constitue un événement traumatique. D’un point de vue phénoménologique, l’éprouvé traumatique correspond à un moment d’effroi ou dissociation per- et péri-traumatique [6,7]. Malgré l’homonymie, ce terme ne correspond pas à la dissociation idéo-affective ni à la discordance en référence aux troubles schizophréniques. Sans qu’il n’y ait désagrégation complète, la dissociation traumatique rend compte de l’altération et/ou de la disjonction de fonctions de conscience normalement intégrées : identité, mémoires, émotions, affects, sentiments, perceptions internes et environnementales, actions comportementales et, cognitions. Les symptômes dissociatifs peuvent se manifester par une réduction du champ de conscience (focalisation sur un détail, micropsie, etc.), une modification des perceptions temporo-spatiales (ralentissement du temps, perception d’un silence absolu, etc.), une déréalisation (irréalité de l’environnement, altération des perceptions sensorielles, etc.), une dépersonnalisation (impression de voir la scène de l’extérieur, sensation de morcellement du corps, absence de ressenti de la douleur, etc.), des conduites motrices automatiques (adaptées ou non), et, une amnésie partielle ou étendue concernant l’événement (voire d’autres pans mnésiques rétrogrades ou antérogrades). Ainsi, le diagnostic d’« événement traumatique » reste clinique sans préjuger d’une supposée « réalité objective » de ses circonstances factuelles : la notion de brutalité d’un événement « exceptionnel » est à comprendre au cas par cas. Par exemple, un soldat ou un personnel soignant peuvent côtoyer régulièrement la mort sans difficulté psychique apparente. Mais un jour, survenant parfois dans un contexte de stress prolongé ou de bouleversement existentiel, une situation ressemblant à d’autres régulièrement traversées peut causer une blessure psychique. Prenant ses distances avec la psychiatrie classique, la dernière définition du trouble de stress posttraumatique actualisée dans le DSM-5 (Diagnostic and Statistical Manual of mental disorders, fifth edition) postule que le fait générateur peut correspondre à la prise de conscience qu’un proche a vécu un événement traumatique, ce qui constituerait un traumatisme indirect [12]. La notion de brutalité est également remise en question puisque l’exposition répétée aux détails pénibles de faits horrifiants deviendrait dorénavant un facteur causal, incluant le trauma dans le champ des troubles de l’adaptation. Ce dernier critère ne s’appliquerait pas à l’exposition via les médias électroniques ou la télévision, ou encore via des photographies, à moins que cette confrontation ne soit liée au travail. Si l’apparition dans la nosographie des traumas à distance, via les moyens de communication

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modernes, s’avère nécessaire, la dichotomie, en référence aux activités professionnelles ou non, ne possède aucune explication clinique. Ces évolutions de la nosographie pourraient davantage exprimer un traitement sociétal des conséquences du 11 septembre 2001 où des millions de citoyens américains sont restés rivés à leurs écrans de télévision en regardant tournoyer les mêmes images. Ensuite, l’action des pilotes de drones militaires bombardant à distance s’est développée. Plutôt que témoignant de progrès scientifiques, la définition des troubles psychiques témoigne ici de la santé d’une société. De l’introduction de la gross stress reaction dans le DSM-I à sa disparition dans le DSM-II pour, réapparaître, sous le vocable de post traumatic stress disorder dans le DSM-III après la guerre du Vietnam, les modifications nosographiques portées par les rééditions successives des DSM interrogent nos capacités à définir les facteurs traumatogènes ainsi que leurs conséquences cliniques. La volonté des DSM de majorer la fidélité interjuges des diagnostics ne semble point pleinement garantie. Certaines études épidémiologiques, publiées dans des revues à impact factor, aboutissent au paradoxe que davantage de syndromes psychotraumatiques seraient diagnostiqués chez des sujets confrontés à des événements de vie communs comparativement à des événements terrifiants. Le foisonnement de travaux construits à partir d’échelles psychométriques et d’entretiens structurés montre ses limites : la confrontation à de mauvais résultats aux examens universitaires ou la perte d’un emploi sont entendus par certains auteurs comme des circonstances traumatisantes. « N’importe quoi » pourrait-il devenir traumatique ? Au sens des symptômes il n’en n’est rien. Comment quantifier ces souffrances ? Alors que certaines maladies neuropsychiques telles les pathologies bipolaires et schizophréniques bénéficient d’éclairages neurobiologiques fondamentaux, les troubles psychiques post-traumatiques ne connaissent pas de biomarqueurs sensibles et spécifiques. Si la neuroimagerie fonctionnelle, la référence neurobiologique au stress, ou les récents paradigmes concernant l’inflammation cérébrale sont intéressants, ils ne décrivent que quelques conséquences du trauma. La dénomination de « stress » comme solution de continuité du normal au pathologique, réaction physiologique aspécifique quel que soit le facteur déclenchant identifié (psychologique, douleur, maladie physique, etc.) et résolutive à l’exclusion de ce dernier (en quelques jours à quelques mois), apparaît insuffisante pour expliciter la persistance de reviviscences. Et encore, au-delà des symptômes cardinaux constituant l’entité syndromique du trouble de stress post-traumatique dans le DSM-5, il convient de reconnaître que les troubles psychiques post-traumatiques sont en réalité bien plus riches dans leurs expressions cliniques. S’associent souvent au syndrome de répétition de nombreux symptômes, parfois dénommés maladroitement « aspécifiques » dans la littérature du fait de leur présence dans d’autres cadres nosographiques. Or, ils gardent un lien clinique étroit avec le fait générateur sans être des « comorbidités » ou des « complications », mais en caractérisant d’authentiques formes cliniques post-traumatiques. Peuvent s’associer à divers degrés : troubles anxieux (phobies, troubles compulsifs, anxiété de séparation, trouble panique essentiellement), troubles thymiques (dépressifs au premier plan, deuils compliqués), psychoses (notamment délire de revendication), mésusages de substances psychoactives (alcool et benzodiazépines au premier plan), atteintes somatoformes et psychosomatiques (parfois intriquées avec les conséquences d’une blessure physique contemporaine du trauma psychique), troubles cognitifs (difficultés attentionnelles et de concentration surtout), modifications durables de la personnalité (quelle que fût son organisation antérieure), et désadaptation sociale (mise en péril de la quiétude du foyer, difficultés d’inscription professionnelle, problèmes médico-judiciaires) [13–15]. En miroir des idées du moment, certains auteurs ont avancé que les classifications témoignent davantage d’un point de vue sociétal concernant les troubles psychiques que d’une description valide d’entités cliniques identifiées [16–18]. Décrite depuis l’antiquité après les guerres, l’appréciation clinique des conséquences post-traumatiques a fluctué autour de deux symptômes cardinaux : la dissociation au sens de Pierre Janet, et les reviviscences qui en sont l’expression répétée. Régulièrement oubliées voire déniées par l’histoire, notre société apparaît aujourd’hui encline à mieux entendre les souffrances post-traumatiques. Mais, le trauma reste à la fois bruyant et silencieux. Bruyant car les difficultés médico-psychologiques s’expriment par de multiples symptômes. Silencieux parce que cette kyrielle masque les reviviscences et la dissociation post-traumatique qui, avec le temps, perturbent de plus en plus d’espace psychique. Ce que nous constatons, malgré les progrès certains de la

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séméiologie, reste qu’il persiste une insuffisance à la caractérisation et à la modélisation des troubles psychiques post-traumatiques. L’analyse psycholinguistique du discours des sujets blessés psychiques offre ici un nouvel espace. 3. Analyse psycholinguistique quantitative et qualitative du discours des patients blessés psychiques L’analyse linguistique des troubles psychiques post-traumatiques ne compte dans la littérature internationale qu’une cinquantaine de travaux, souvent anciens et de conclusions parcellaires [19–23]. Grâce à un point de vue psycholinguistique, nous définissons, à partir de nos recherches antérieures, les difficultés d’expression verbale des patients souffrant de trouble de stress post-traumatique lorsqu’ils tentent d’évoquer ce qui a fait trauma pour eux et, mais cela est fort similaire, les reviviscences dont ils souffrent depuis. Nous définissons les trois symptômes psycholinguistiques cardinaux du trauma que sont : l’anomie traumatique, les répétitions linguistiques et la désorganisation discursive. Puis, suivant une analyse qualitative, nous focalisons sur les thématiques abordées. Enfin, nous étudions le trouble de la communication résultant des difficultés linguistiques constatées. Commenc¸ons par donner la parole à un patient en lui demandant de nous raconter son histoire traumatique. Confiant le vécu de son expérience pour la première fois, ce brancardier-secouriste travaillait aux urgences d’un hôpital en zone de guerre : « Au niveau de la prise en charge des blessés. . . Je veux dire. . . C’était bien. C¸a me plaisait. Ce travail. Parce que sur le coup. . . C’était. . . Même si le mec il arrive déchiqueté, démembré. . . Ou entre la vie et la mort. . . Je sais que les gestes que je fais c¸a pouvait contribuer à la survie. C’est c¸a qui. . . C’est c¸a je vous dis c’est. . . Sur le coup quand. . . Je pensais pas du tout à. . . Je me dis qu’il faut quand même qu’on fasse quelque chose pour qu’il survive. Et c’est après tout c¸a. . . Surtout quand. . . Ben. . . Après le service. . . Là où c¸a revenait, où. . . Et là où on revoit ce qui s’était passé. . . Qu’on réalise vraiment. . . Ben oui. . . Celui-là il vient de perdre la vie. Mais sur le coup on fait tout ce qu’il y a à faire et. . . On n’est pas. . . J’étais pas en état de stress. C¸a me traumatisait pas. C¸a ne m’a pas traumatisé sur le coup je veux dire. Je me suis dit. . . Il y a plus important que c¸a. J’appréhendais de voir des morts, mais. . . C¸a c’est bien passé quand il fallait faire les. . . La mission elle s’est bien déroulée dans l’ensemble. Par contre y a toujours un truc c’est que. . . Ben les morts ils vont à la morgue. . . Et après. . . Une fois que c’est bien fini ben. . . Le mort il faut le récupérer et l’amener à la radiologie, au scanner. Et je me rappelle il y en a un. . . Sa colonne vertébrale. . . Rentrée directement dans son cerveau quoi. Je veux dire. . . C’est. . . C’était dur. . . Je veux dire y a des images qui restent et qui. . . Je vous dis. . . C’est. . . Et tout c¸a. . . Je me suis dit bon. . . Si mes collègues et moi on arrive à. . . Si je tiens, y a pas besoin de. . . J’ai des collègues qui ont. . . Et je me suis dit non. Faut que je sois plus fort que c¸a et j’ai. . . Mais au final. . . Non. J’ai fait des cauchemars là-bas. C’était sur le bain de sang. . . C’est comme c¸a que je voyais c¸a. . .C’était la première fois où on avait eu autant de blessés d’un coup. . . Et autant de morts. . . Et. . . J’ai fait des cauchemars là-dessus. Parce qu’aux urgences en fait, on a eu. . . En fait j’ai eu. . . Mon image que j’avais dans la tête c’était une mare de sang. . . C’était un bain de sang pour moi l’hôpital. . . Du moins les urgences. . . J’avais jamais vu autant de sang et. . . Les plaies en elles-mêmes c’était pas c¸a qui était. . . C’était voir les gens se vider de leur sang et mourir. Ce jour-là y en a huit qui sont morts. C’est quand même des vies. Mais là, c¸a passait. . . Sur le coup faire les gestes. . . C¸a passait. . . C’est le. . . Je sais pas. Le contrecoup. À la fin de journée oui. Alors là. . . Le plus dur après c’est de voir les cercueils qui défilent. . . ». 3.1. L’anomie traumatique face au trauma et aux reviviscences Les patients souffrant d’un syndrome de répétition traumatique présentent une difficulté, voire une incapacité, à exprimer ouvertement et pleinement ce qu’ils ont traversé. Leur discours est bref en termes de temps de parole avec corrélativement diminution du nombre de mots prononcés et même, emploi de mots plus courts. Du fait de cette réduction quantitative, l’expression demeure simplifiée, sans détails. D’émission laborieuse, le débit verbal se réduit au minimum, alternant pauses et hésitations, se ralentissant parfois jusqu’à l’arrêt complet. Le flux verbal demeure hésitant, ponctué

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de longues pauses et d’échecs de formulation. Selon le modèle de certaines aphasies neurologiques, se constitue comme un « manque du mot », des mots et des phrases traduisant l’impossibilité de dénomination de l’expérience traumatique malgré la persistance photographique des reviviscences. Nous définissons par anomie traumatique cette difficulté des patients à caractériser leur trauma avec des mots qui pourraient l’évoquer. Lorsqu’ils tentent de décrire leurs souffrances, leur production verbale bloque : « C’est là que j’ai commencé à revoir tous les. » puis plus rien, un vide, un indicible. Cette dimension anomique atteint un ensemble de signifiants pourtant susceptibles d’exprimer l’expérience vécue et ses conséquences. Tel patient ne retrouve pas le mot pour désigner la cicatrice de sa blessure physique qu’il montre pourtant en même temps de son doigt : « Comment c¸a s’appelle déjà » nous interroge-t-il ? La réduction du débit élocutoire conduit fréquemment à la suspension du langage : « J’ai quand même été tapé par une voiture. . . J’ai quand même. Voilà. » témoignait un autre patient pris dans un accident de la route. La disparition de la parole est parfois nette et traduisible par un point au verbatim «. ». D’autres fois, cette involution s’avère plus évasive comme si le discours se perdait, ce qui peut être matérialisé par trois points de suspension « . . . ». Enfin, des apostrophes « ’ » témoignent à l’écrit du hachement ou de la réduction de certaines phrases. Pour approcher la dicibilité, le sujet blessé psychique tente de produire des mots ou syntagmes en procédant par approximations successives, mais cela aboutit, plus ou moins rapidement, voire des fois pas du tout, à la cible. Via une stratégie d’approche par déviation périphrasique, un patient tentait d’exprimer son ressenti : « Par rapport à tout ce qui a pu se passer. . . Je peux pas. . . J’arrive pas à dire que c’était vraiment une angoisse ce que j’ai vécu. . . Parce que j’ai l’impression de. . . D’une peur. . . J’arrive pas à dire ». Un autre patient, militaire blessé en opération, souffrait d’un défaut de production : « J’ai fait une demande de. . . De. . . Je vais y arriver. . . Je cherche le mot. . . Je trouve pas. . . De. . . », il s’agissait d’une requête de pension militaire d’invalidité. Enfin, un autre consultant, accidenté du travail, mentionnait les soins dont il bénéficiait à domicile concernant une fracture ouverte de jambe : « Parce qu’il y avait. . . Comment c¸a s’appelle. . . Une infirmière qui venait à la maison pour me refaire les pansements. . . Tout c¸a. Avant qu’on m’enlève les. . . Comment c¸a s’appelle. Tous les fils. ». Au prix d’efforts cognitifs importants, le sujet produit ponctuellement des formes par défaut et/ou emploie des énoncés-phrases restant de structure syntaxique élémentaire. Tentant de surpasser l’anomie traumatique par des conduites d’approche, le patient blessé psychique construit des formules circonlocutoires et périphrasiques souvent accompagnées d’approximations synonymiques. Les signifiants introuvables sont remplacés par des mots vides et bouche-trous comme « truc » ou « machin ». Ou, le discours se cantonne à des généralités jusqu’à l’utilisation de phrases « toutes faites », d’expressions populaires destinées à remplacer celles que le patient n’élabore pas de lui-même : « C’est comme c¸a. » ; « Y a pas de pièces à y coudre. » Un autre témoignage du vide signifiant s’avère l’évocation « par la négative » de la scène traumatique en décrivant ce qu’elle n’est pas : « c’est pas comme si on avait fait une belle ballade ce jour-là. » lanc¸ait un soldat ayant perdu son meilleur ami au cours d’une action de feu. Un autre consultant, confronté au terrorisme, se confiait en usant la prosopopée : « C’est comme pour un enfant quand il voit un film d’horreur, il fait des cauchemars. Comme un gamin, c’est comme c¸a ». Parfois, l’absence de tout signifiant oblige même l’emploi, en lieu et place de la parole, à des gestes déictiques. Une consultante prise en otage nous exprimait ce qu’elle avait vécu en parlant de son ravisseur : « À ce moment-là. . . Il a. . . Il a. . . » puis, sans pouvoir terminer sa phrase, elle mime avec sa main le pistolet posé sur sa tempe. Enfin, peu ou prou, lorsqu’elle est spontanée et que le thérapeute n’incite pas à recentrer sur l’éprouver, la parole du sujet blessé psychique s’en éloigne, de parenthèses en digressions, vers d’autres considérations davantage accessibles à la verbalisation. Ainsi, l’écoute des patients souffrant de traumatisme psychique laisse apparaître un vide langagier, comme une énigme sans solution, véritable labyrinthe dans lesquels se sont perdus et restent prisonniers les signifiants. Cette impression de vidure n’est pas silencieuse, elle se manifeste péniblement par des phrases qui accrochent, tournant en rond au point de sembler sempiternellement revenir au même point, un silence. C’est tout le paradoxe : le trauma se répète en creux dans la parole. Du fait de leur omniprésence, les manifestations anomiques et conduites palliatives maintiennent une déstructuration discursive. Aussi, existe-t-il dans la structure de ce langage d’autres formes de répétitions apparaissant comme des procédures de remplissage, de substitution, de remplacement. . .

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3.2. Le discours demeure ponctué de répétitions linguistiques Par des répétitions phonologiques et syntaxiques, le trauma apparaît dans, et même constitue la forme du discours des personnes blessées psychiques. Sonnant telles des prédilections et/ou des intrusions verbales, il existe certains signifiants, ou parties de signifiants se répétant à l’insu du patient, véritable « intoxication » de sa parole. Ces répétitions langagières concernent des groupes de mots s’approchant des circonstances traumatiques et/ou de leurs conséquences : « Là, les cauchemars, c’était vraiment toutes les nuits, mais vraiment toutes les nuits, y’avait pas une nuit où je passais au travers. » témoignait un patient. Conférant à l’auto-écholalie voire au pseudo-bégaiement, des persévérations affectent les fins de phrases : « J’avais souvent, souvent des idées noires, et j’étais énervé, j’étais énervé. Et puis je me disais la vie c¸a me sert vraiment à rien. Tous le temps je me disais c¸a. Donc je dormais plus, je dormais plus, et puis là je revivais, je revivais, que c¸a, que c¸a » expliquait une patiente après un viol. Les mots du praticien sont parfois également réitérés à la manière d’une échophrasie entraînant un discours réverbérant : « - Vous étiez en colère de tout ? - En colère, en colère de tout, de tout ce que je voyais, de tout. » répondait un consultant. Toutefois, si des non-mots, des mots ou de petits groupes de mots sont répétés, ce n’est pas inlassablement : il s’agit de stéréotypies abouchant le plus souvent sur l’anomie. Les phrases enferment ainsi dans le trauma selon une circularité ramenant à une impression de vacuité et aussi, de confinement. Véritables « reviviscences » dans la parole, des signifiants rabâchés matérialisent aussi parfois, sans signification associée, l’expérience traversée : tel patient ponctue son discours de l’onomatopée « ben » sans conscientiser l’apparentée signifiante au « bain de sang » qu’il évoquera ensuite. Tel autre consultant, pris sous les tirs ennemis, confiait la difficulté de verbalisation de son expérience à un proche tout en utilisant des occurrences du signifiant « tirer », telle une répétition littérale du trauma : « Je lui ai dit écoute. Je sais plus comment je lui avais dit. J’ai vraiment fait durer en fait. Je crois pas que je lui ai tout de suite dit. C¸a a duré, c¸a vraiment en longueur, j’ai essayé d’étirer. Et puis au bout d’un moment j’ai craqué en fait. Elle l’a vu j’ai complètement craqué. Elle n’a pas essayé de me tirer les vers du nez. Si quand même mais bon, plus ou moins mais gentiment, en douceur. Et puis j’ai essayé de tirer c¸a en longueur. Et puis au bout d’un moment je lui ai tout dit », mais sans être en capacité de le redire spontanément à son thérapeute. Un autre patient, infirmier ayant œuvré en zone de guerre, nous répétait inlassablement qu’il ne « faut pas mettre tout le monde dans le même sac ». Cette expression populaire s’avérait en réalité mortuaire : en poste à la morgue, ce soignant avait vécu l’innommable impression de n’avoir pas assez de sacs pour ranger tous les morceaux de cadavres arrivés à lui après une explosion. Sous les effets de la dissociation traumatique, il s’était vu morcelé lui-même, comme devant se ranger aussi dans ces sacs de plastique noir. Le signifiant « sac » gardait le trauma sous la forme d’une dérivation sémantique : il ne fallait pas qu’on le range, lui aussi, avec les morceaux des autres. Enfin, même si un patient blessé psychique peut confier verbalement, au moins un peu, ses reviviscences, la parole reprend la forme d’une répétition littérale de l’horreur vécue par une description verbale précisément collée aux sensations d’alors, sans pouvoir s’en détacher. En d’autres termes, ce qui vient dans le langage n’est autre que la récitation, la transposition par des mots, de la scène traumatique, sans élaboration narrative. Ainsi calquées sur la forme de reviviscences, les marques linguistiques de la répétition contraignent la flexibilité du discours en parasitant production et progression au point que le défaut d’informativité frise l’illogisme. D’ailleurs, tel un automatisme verbal, la conjonction de coordination « donc » est fréquemment utilisée à défaut afin de raccrocher des syntagmes ou des phrases ne possédant pas de cohérence manifeste. 3.3. L’anomie et les répétitions linguistiques alimentent une désorganisation phrastique et discursive Le discours apparaît désorganisé, particulièrement sur les plans temporels, pronominaux et grammaticaux. Les temps des verbes se télescopent sans rapport d’antériorité-postérité avec, une absence du futur. Par contre, le présent reste omniprésent, telle l’est la reviviscence à l’instant, à l’identique : « C¸a arrive à quelqu’un d’autre » témoigne une patiente victime d’agression. « Voilà ce qui a pu provoquer la mort. J’en reviens pas » évoquait un consultant en désignant de son doigt la cicatrice qu’il garde du coup de couteau qu’un agresseur lui avait porté au thorax. Il ne nous disait pas qu’il avait cru mourir,

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mais qu’il était mort, et qu’il le reste. Au-delà de la discordance des temps, notons également la surreprésentation des formes infinitives et des constructions passives, témoignant la contrainte du sujet sous le joug de l’éprouvé traumatique, dont il demeure l’objet. Aussi, marques de la désubjectivation, les pronoms de la première personne du singulier et du pluriel s’éclipsent devant l’impersonnel de la troisième, allant parfois jusqu’à l’indéfini. Le sujet de l’énoncé reste globalement absent ou non impliqué dans son énonciation. En résulte ponctuellement une ambiguïté entre les protagonistes par perte d’identification des prédicats. Sur le plan grammatical, structurellement pauvres en compléments d’objet, compléments du nom et épithètes, les phrases restent simples voire incomplètes, laissant un discours dysfluent entre hésitations, pauses et répétitions. Tel patient s’interroge sur la persistance de ses reviviscences : « Pourquoi je ne revenais ? ». Tel autre avance avec peine : « C’est c¸a qui. C’est c¸a je vous dit c’est. Sur le coup quand. Je pensais pas du tout à. ». Au paroxysme, la proposition se réduit à un mot-phrase ou à une synecdoque : pour traduire ses difficultés vécues là-bas et gardées avec lui, un patient ne pouvait évoquer que « l’Afghanistan », rien d’autre, il avait « tout dit ». La difficulté d’ordonnancement des propositions et l’impossibilité de progression discursive peuvent prendre la forme d’un retour en arrière permanent des phrases, confinant à l’antériorité traumatique : « Dernière fois que j’regard’ma montre. Minuit passé. Les policiers sont là. Il était vers onze heures que je leur ai dit. Ils m’ont laissée. Après j’ai regardé l’heure sur la pendule en face et il était vingt-deux heures quarante-trois. » expliquait une patiente retenue en otage. Le manque ou l’utilisation inappropriée des connecteurs logiques et chronologiques, notamment des marqueurs de causalité, gêne la construction d’une cohérence narrative. Peinant à s’assembler, les syntagmes et phrases se suivent sans usage approprié de conjonction de coordination : la répétition des locutions correspond à l’incapacité d’articuler logiquement les éléments du langage. Le degré d’élaboration syntaxique s’avère ténu, simplifié vers une fragmentation du discours, jusqu’à la dyssyntaxie parfois. D’une discontinuité phrastique à l’autre, d’une dislocation discursive à la suivante, la parole apparaît décousue, morcelée. Le discours, accidenté, prend la forme d’un relâchement du tissu des énoncés, voire d’un patchwork d’énoncés, jusqu’à l’agrammatisme. Cette dimension s’avère particulièrement marquante lorsque luttant contre les silences, la parole gagne en accélérations désordonnées. En effet, l’anomie traumatique n’est pas totalement irréductible : le sujet peut la surpasser, au moins partiellement, après parfois plusieurs tentatives de butées langagières. Longtemps contenue, l’expression surgit alors d’un coup, la parole apparaissant d’autant plus fracturée qu’elle s’accélère, la progression discursive s’appuyant sur les sonorités des mots, tentant de raccrocher la chaîne signifiante. Tachyphémique voire pseudo-logorrhéique, le discours se fait encore plus chaotique. 4. Dissociation entre signifiant et signifié : envisager les soins au-delà de l’indicibilité Le syndrome psycholinguistique post-traumatique correspond au pendant verbal des symptômes séméiologiques cardinaux du trauma. L’anomie traumatique témoigne de l’indicibilité, les répétitions linguistiques renvoient aux reviviscences, les perturbations discursives impriment la dissociation aux phrases. La désorganisation du discours rappelle la déréalisation du monde pendant l’effroi. La dépersonnalisation se manifeste par la prééminence des formes indéfinies et impersonnelles. Cette désubjectivation perdure par un discours descriptif et une posture énonciative de témoin. L’analyse systématisée du contenu est ainsi difficile voire paradoxale : les dimensions anomiques et désorganisées éloignent la possibilité d’étude du fond d’autant que la forme souffre. Comme en témoigne la limitation du vocabulaire, l’accès à la richesse lexicale est inhibé : les signifiants « mort », « guerre », « viol » et « victime » ne sont que rarement employés. Une deuxième difficulté se posant à l’étude thématique s’avère l’hétérogénéité des circonstances traumatiques. Si des contextes traumatogènes constitués par une agression sexuelle, la confrontation à un attentat ou à un enfant décédé mobilisent des champs lexicaux différents, des tendances signifiantes se retrouvent néanmoins. Alors que les sensations et perceptions dominent, la verbalisation des émotions négatives apparaît également un apanage avec expression des angoisses, peurs, dégoûts, culpabilité et impuissance face à l’horreur. Sous un vocable dépressif, une large place est occupée par l’évocation des sentiments négatifs, résultants des implications du traumatisme en termes d’isolement et de schémas cognitifs pessimistes visant le soi, autrui et le monde. L’impression de solitude et l’invisibilité de la blessure psychique, malgré

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l’incapacité résultante, sont aussi fréquemment mentionnées. Ces plaintes apparaissent génériques sans développement d’un point de vue subjectif eu égard à l’éprouvé traumatique et ses conséquences : autant pour l’espace séméiologique que linguistique, la place de la dissociation reste majeure. Nous soutenons l’hypothèse que les symptômes dissociatifs, en référence à la séméiologie, sont la conséquence d’une dissociation des fonctions linguistiques. Qu’elles soient signifiantes par perception directe des objets du monde, procédurales par activation de mécanismes mentaux d’analyse et/ou de régulation, qu’elles soient comportementales ou signifiées par attribution de sens implicite, pendant le trauma, ces fonctions extralinguistiques sont dissociées non seulement entre elles mais, surtout, elles restent dissociées du langage. Dissociation entre présentation de « choses » perceptives et, représentation de « mots » signifiés : les qualités linguistiques peinent à établir des liens suffisants avec les qualités extralinguistiques. Malgré cela, après incitation de leur thérapeute, la majorité des personnes blessées psychiques parviennent, souvent péniblement au début, à décrire ce qu’elles ont vécu. Mais en même temps que se ré-éprouve la scène traumatique dans le fort intérieur de leur esprit, son évocation s’avère initialement littérale : il ne s’agit de rien d’autre que d’une répétition supplémentaire. La verbalisation n’est que rarement d’emblée élaborative, au contraire, elle ne renvoie qu’à la répétition discursive, littéralement. Absent du discours, effacé par la violence des perceptions, le sujet n’habite pas les phrases qu’il prononce mais est habité, envahi, sans qu’il n’ait son mot à dire. Comme si une partie du soi appartenait toujours à cette horreur. Non pas que le sujet s’identifie à ce qu’il a vécu : il reste ce qui a été vécu « en lui », il « est » ce trauma, incarnation, sans possibilité signifiée. Aussi, à distance des qualités extralinguistiques, les fonctions linguistiques apparaissent dissociées entre elles. Les quatre grandes composantes du langage (signifiantes, signifiées, syntaxiques et pragmatiques) se dissocient les unes des autres, voire même, s’éteignent transitoirement. Cette conséquence du trauma est particulièrement prégnante lorsque des signifiants linguistiques, suite de phonèmes ou perception de sons parcellaires, ou bribes de phrases, constituent le syndrome de répétition en rappelant les insultes d’un agresseur, le dernier appel au secours d’une personne proche, voire même une phrase que le sujet se répétait pendant le drame et qui témoignait déjà de la dissociation. « C’est pas vrai ? C’est pas vrai ? C’est pas vrai ? » ressassait un patient à la manière dont il s’était rabâché cela en boucle dans sa tête, des années auparavant, prisonnier d’un questionnement, sans réponse. Sautant parfois aux oreilles du praticien sur un mode caricatural, souvent éminemment plus discret à rechercher par l’examen consciencieux du discours, ce marqueur linguistique constituant la dissociation entre signifiant et signifié apparaît un élément diagnostique cardinal de la blessure psychique. Si ce trouble persiste, les soins doivent se poursuivre, à défaut, les symptômes post-traumatiques s’aggraveront. Cette dissociation n’est toutefois pas ubiquitaire : elle se déploie selon un gradient entre « parole traumatique » et parole préservée, base de la psychothérapie. Marquée de réductions quantitatives et qualitatives avec ses dimensions anomiques, répétitives et désorganisées, la discontinuité de la parole du sujet blessé psychique se manifeste selon un gradient : consciemment ou inconsciemment, plus la pensée du patient se rapproche de la scène traumatique et/ou de ses conséquences, plus les difficultés d’expression se majorent. En d’autres termes, les troubles du discours restent principalement polarisés sur l’expérience d’effroi et ses suites : lorsque la scène traumatique s’approche, le sujet est figé par l’anomie et enserré des marques discursives de la répétition, le discours se fragmente. Inversement, plus les cognitions et perceptions du sujet s’éloignent du trauma, plus ses capacités d’expression verbale redeviennent préservées. Si un patient s’avère en capacité spontanée de « parler de la mort », il n’y arrive plus lorsqu’il souhaite activement faire part de cette dernière en lien avec son expérience traumatique singulière. Alors que l’émission verbale reste laborieuse, elle s’entrecoupe ponctuellement de mots ou de groupes de mots prononcés de manière spontanée, telle des « expressions toutes faites », traduisant la dissociation automaticovolontaire. Si l’incapacité prévaut avec, malgré un effort de production important, des performances linguistiques amendées concernant la scène traumatique, les capacités, les compétences de compréhension et d’expression sont préservées pour le reste de l’espace psychique. En témoigne l’exemple de ce patient qui passe progressivement d’une parole traumatique à une parole normale : « C’était un moment difficile. Et puis. . . Et puis j’en ai parlé à personne. C’était pas le moment. La mission. . . Ni. . . Tout c¸a. Y a le médecin qu’a essayé là-bas. Mais non. C’était pas le moment. Mon épouse était enceinte de notre deuxième fille, sur le point d’accoucher. Elle a cinq ans aujourd’hui,

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elle va très bien, on a une vie de famille très épanouie. Le week-end dernier nous avons été rec¸us près du bassin d’Arcachon, chez des amis. Je voulais me reposer mais on s’est levé tôt car les enfants s’amusaient déjà entre eux. Alors on est parti faire une longue balade à vélo. Puis on a passé toute la fin du week-end en face de ma mer. C’était magnifique. » Ici, le discours s’éloigne progressivement du trauma, telle une stratégie d’échappement alors que les symptômes linguistiques témoignent de sa présence active. L’évitement intégrant les symptômes cardinaux du trauma ne devient pas opérant au plan d’une réduction des souffrances : si cela permet un apaisement dans l’instant, les troubles se pérennisent et s’aggravent. « C¸a va passer. . . » entend-on souvent de la bouche des consultants alors même que leurs souffrances sont figées depuis plus de 15 ans ! Anosognosie, alexithymie, capacités d’introspection limitées, il s’agit encore des marques de la dissociation. Un changement du fonctionnement psychique est toutefois conscientisé par une majorité de patients qui ressentent que quelque chose a changé, avec cette impression d’être devenu, en partie, quelqu’un d’autre. Avec le temps, le syndrome traumatique apparaît prendre de plus en plus d’espace psychique au détriment de la subjectivité. 5. Conclusion Les troubles psychiques post-traumatiques bénéficient d’un intérêt croissant dans la psychiatrie et la psychologie contemporaines. Le développement de la description du trouble de stress posttraumatique dans le DSM-5 devrait encore se compléter de formes cliniques spécifiques [6,7]. Mais cela ne s’avèrera pas encore suffisant pour majorer la validité et la fiabilité des diagnostics. Afin de mieux repérer les patients blessés psychiques, développer et évaluer leurs prises en charge, un changement de paradigme est nécessaire. Le syndrome psycholinguistique post-traumatique que nous avons défini témoigne d’une blessure de langage. L’indicibilité est traumatique en elle-même, ce vide de mot reniant ponctuellement l’essence de la nature humaine, effac¸ant cet être de langage social qu’est l’homme. Ce langage qui n’a pas protégé contre l’horreur. L’innommable terrasse de honte, de culpabilité, de souillure. Comment se confier à autrui ? Du fait de sa blessure psychique, des désorganisations de la parole qu’elle entraîne, mais aussi des stratégies d’évitement cognitives et comportementales, et encore des atteintes pragmatiques du langage, le sujet souffrant de reviviscences ne consulte que rarement de lui-même. Cette perturbation des capacités de communication reste une expression du trauma, repérable en creux, par les silences et les fractures du discours, selon un gradient automaticovolontaire, de la parole blessée à la parole préservée sur laquelle va s’appuyer le praticien. La souffrance peut alors s’apaiser grâce à l’échange psychothérapeutique. Mais, ce ne sont pas n’importe quels mots qui seront salvateurs. Déclaration de liens d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts. Les idées exprimées dans cet article ne sont que celles de l’auteur et ne doivent en aucun cas être considérées comme le point de vue officiel du service de santé des armées franc¸aises. Références [1] Bremner JD, Southwick SM, Darnell A, Charney DS. Chronic PTSD in Vietnam combat veterans: course of illness and substance abuse. Am J Psychiatry 1996;153(3):369–75. [2] Andrews B, Brewin CR, Philpott R, Stewart L. Delayed-onset posttraumatic stress disorder: a systematic review of the evidence. Am J Psychiatry 2016;164(9):1319–26. [3] Brady KT. Posttraumatic stress disorder and comorbidities: recognizing the many faces of PTSD. J Clin Psychiatry 1997;58:12–5. [4] Alarcon RD, Glover SG, Deering CG. The cascade model: an alternative to comorbidity in the pathogenesis of posttraumatic stress disorder. Psychiatry 1999;62(2):114–24. [5] Waddington A, Ampelas JF, Mauriac F. Post-traumatic stress disorder: the syndrome with multiple faces. Encephale 2003;29:20–7. [6] Auxéméry Y. Post-traumatic psychiatric disorders: PTSD is not the only diagnosis. Press Med 2018;47(5):423–30. [7] Auxéméry Y. Vers une nouvelle nosographie des troubles psychiques post-traumatiques : intérêts et limites. Eur J Trauma Dissociation 2019. Available from https://doi.org/10.1016/j.ejtd.2019.02.002 [Consulté le 15/09/2019].

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