J Gynecol Obstet Biol Reprod 2005 ; 34 : 328-333.
Travail original Dépistage du streptocoque de groupe B pendant la grossesse À propos de 1 674 prélèvements T. Chhuy*, G. Mansour*, A. Zejli*, C. Bouquigny**, S. Bock***, P. Abboud* * Service de Gynécologie-Obstétrique, ** Laboratoire de Bactériologie, *** Service de Néonatalogie, Centre Hospitalier, 46, avenue du Général-de-Gaulle, 02200 Soissons. RÉSUMÉ Objectif. Nous avons souhaité évaluer notre pratique du dépistage du streptocoque de groupe B (SGB) pendant la grossesse et de l’antibiothérapie per-partum chez les patientes positives. Matériel et méthodes. Étude rétrospective du 1er mars 2000 au 28 février 2002, ayant inclus 1 674 patientes asymptomatiques chez lesquelles un prélèvement vaginal, à partir de 34 semaines d’aménorrhée (SA), a été réalisé. Le prélèvement était ensemencé sur gélose au sang, sans enrichissement sélectif. Les patientes avec un dépistage positif bénéficiaient d’une antibiothérapie per-partum. Résultats. Le taux de portage du SGB était de 6,9 %. L’antibiothérapie per-partum a été administrée chez 79,3 % des patientes dépistées positives, parmi lesquelles 39 % avaient un délai « début de l’antibiothérapie — accouchement » supérieure ou égale à 4 heures. Dans le groupe de patientes dépistées positives aucun nouveau-né n’était infecté et 5 % étaient colonisés. Néanmoins, 10 nouveau-nés étaient colonisés et 12 étaient infectés par le SGB alors que leurs mères étaient dépistées négatives. Conclusion. Nous avons été surpris par le faible taux de portage du SGB dans notre population et l’application non optimale de l’antibiothérapie pendant le travail. Une sensibilisation de l’équipe soignante a été réalisée et une évaluation prospective est en cours. Mots-clés : Streptocoque du groupe B • Grossesse • Infection néonatale • Dépistage. SUMMARY: Group B streptococcus screening: a retrospective study in 1,674 pregnancies. Objective. To evaluate our clinical practice for Group B streptococcus (GBS) screening during pregnancy and antibiotic therapy during delivery. Material and methods. We performed a retrospective evaluation of our SBS screening protocol, by vaginal swab, for a period of two years, including 1,674 asymptotic patients. Intra partum antibiotic prophylaxis was administrated for GBSpositive women. Results. The rate of GBS carriage was 6.9%. Antibiotics were administrated for 79.3% patients with GBS-positive culture. Of these women only 39% had an interval greater than four hours between antibiotic injection and delivery. In the group of patients with positive GBS culture, no newborn was infected and only 5% were colonised. In the GBS-negative group with1.3% of the newborns were GBS positive. Conclusion. We were surprised by our low rate of GBS carriage and the non optimal application of antibiotics during labor. We reviewed our results with all our team and a prospective evaluation has been initiated. Key words: Group B streptococcus • Pregnancy • Neonatal infection • Screening .
Le streptocoque du groupe B (SGB) est responsable de 40 % des infections et colonisations bactériennes néonatales. L’infection se définit par la traduction clinique et/ou biologique de la présence du germe ; elle est certaine quand le germe est isolé et identifié sur les prélèvements sanguins ou dans le liquide céphalo-rachidien, elle est fort probable quand le
nouveau-né est symptomatique et/ou présente un syndrome biologique inflammatoire avec des prélèvements périphériques positifs à SGB. La colonisation correspond à l’isolement du germe sur les prélèvements périphériques sans traduction clinique ou biologique. Le portage vaginal maternel du SGB est chronique et intermittent. La transmission du germe
Tirés à part : P. Abboud, à l’adresse ci-dessus. E-mail :
[email protected] Reçu le 26 avril 2004. Avis du Comité de Lecture le 29 juin 2004. Définitivement accepté le 20 janvier 2005.
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Travail original • Dépistage du streptocoque de groupe B pendant la grossesse
au nouveau-né est fréquente mais ne devient pathogène que dans un nombre limité de cas. Cette infection reste cependant redoutable et justifie une prise en charge spécifique. La stratégie recommandée par l’ANAES (Agence Nationale de l’Accréditation et de l’Évaluation en Santé) depuis septembre 2001, est le prélèvement vaginal systématique au 3e trimestre de grossesse et l’administration d’une antibioprophylaxie pendant le travail chez les femmes porteuses du SGB [1]. MATÉRIEL ET MÉTHODES
Un protocole de dépistage du SGB pendant la grossesse est en place dans notre service depuis septembre 1999, élaboré de façon multidisciplinaire impliquant les obstétriciens, les sages-femmes, les néonatalogistes et les bactériologistes. Il est superposable, dans ses grands axes, aux recommandations de l’ANAES. Il nous a semblé intéressant d’évaluer notre pratique, de façon rétrospective, sur une période de deux ans, allant du 1er mars 2000 au 28 février 2002. Le dépistage du portage vaginal du SGB, a été réalisé systématiquement, à partir de 34 SA, chez les patientes asymptomatiques pour lesquelles nous ne réalisions pas ce type de prélèvement avant la mise en route de notre protocole. Ont été exclues les patientes présentant un point d’appel clinique, à type de contractions utérines ou de leucorrhées, pour lesquelles un examen complet cytobactériologique vaginal a été demandé, celles pour lesquelles un examen cytobactériologique urinaire ou vaginal s’était révélé positif à SGB pendant la grossesse en cours et celles avec un antécédent d’infection materno-fœtale à SGB, qui justifiaient d’emblée d’une antibiothérapie per-partum. Le dépistage a été effectué lors de la consultation, chez les patientes asymptomatiques. Le prélèvement, après la pose d’un spéculum, s’effectuait grâce à un écouvillon muni d’un milieu de transport de type Oxoid® et intéressait l’ensemble de la cavité vaginale y compris le cul-de-sac vaginal postérieur et le tiers inférieur. Le prélèvement étiqueté « protocole SGB » était acheminé le jour même au laboratoire de bactériologie. Il était ensemencé directement sur gélose au sang de mouton puis incubé à 37 °C pendant 24 heures. Sur les colonies hémolytiques, évocatrices de la présence de SGB, une réaction d’agglutination était effectuée (Slidex Streptokit, Bio Mérieux®). Les patientes dépistées positives, devaient bénéficier d’une antibiothérapie par voie intraveineuse
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dès l’entrée en travail, par amoxicilline (clamoxyl®) 2 grammes puis 1 g toutes les 4 heures jusqu’à l’accouchement. En cas d’allergie à la pénicilline, l’érythromycine devait être utilisée 1 g d’emblée puis 500 mg toutes les 4 heures. Lors de maturation cervicale par prostaglandines ou de rupture précoce des membranes, l’antibiothérapie par voie intraveineuse devait être débutée avec 1 g toutes les 8 heures en l’absence de mise en travail, puis 1 g toutes les 4 heures pendant le travail. Les nouveau-nés de mère porteuse de SGB devaient bénéficier de deux bilans biologiques à 24 heures d’intervalle comportant NFS et CRP en sang veineux et d’un bilan bactériologique, examen direct et mise en culture, des prélèvements périphériques (cavum, oreilles, anus), liquide gastrique et du placenta. Les nouveau-nés étaient considérés comme infectés quand au moins un prélèvement central était positif, ou quand des prélèvements périphériques étaient positifs avec des marqueurs biologiques d’infection, ou quand les nouveau-nés étaient symptomatiques. Ils étaient considérés comme colonisés lorsque ils étaient cliniquement asymptomatiques avec uniquement des prélèvements périphériques positifs, en culture, alors que les prélèvements centraux restaient négatifs. Les nouveau-nés infectés étaient initialement traités par une triple antibiothérapie, amoxicilline, céfotaxine et netilmicine, adaptée secondairement à l’ensemble des résultats bactériologiques. Nous avons obtenu la liste des patientes porteuses de SGB pendant la grossesse et des enfants infectés ou porteurs de SGB à partir du fichier informatique du laboratoire de bactériologie et du département d’informatique médicale. Nous avons consulté les dossiers d’obstétrique et de néonatalogie de chaque patiente positive au SGB ou ayant donné naissance à un enfant porteur ou infecté par le SGB. Les répartitions des variables qualitatives ont été comparées par le test de Chi 2 de Pearson et par le test exact de Fisher. Le degré de signification des tests a été fixé à 5 %. RÉSULTATS
Le dépistage pendant la période étudiée, a inclus 1 674 patientes parmi les 2 692 accouchées, et 116 (6,9 %) étaient porteuses du SGB. L’âge moyen de ces dernières, était de 29,52 (extrêmes : 19 et 41 ans), la parité moyenne était de 2,12 enfants (extrêmes : 1 et 7 enfants), le terme moyen d’accouchement était de
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T. Chhuy et collaborateurs
Tableau I
Colonisation des nouveau-nés de mères positives pour le SGB, en fonction de critères per-partum. Colonisation of newborns to GBS-positive mothers, based on per partum criteria.
Nouveau-né colonisé (n)
Nouveau-né indemne (n)
p
Oui
4
88
0,51
non
2
22
< 4 heures
3
53
> ou = 4 heures
1
35
Antibiothérapie per-partum
Délai antibiothérapieaccouchement 0,55
Nombre d’injections d’antibiotiques 1
4
64
>1
0
24
Oui
1
3
non
5
107
0,64
Hyperthermie per-partum 0,79
Rupture des membranes < 18 heures
6
96
> ou = 18 heures
0
14
Clair
5
100
Teinté ou méconial
1
10
0,55
Couleur liquide amniotique 0,46
39,57 SA (extrêmes : 36 et 41 SA), le score moyen d’Apgar à 5 minutes, était de 9,98 (extrêmes : entre 9 et 10), et le poids moyen de naissance était de 3 400 g (extrêmes : 2 440 et 4 860 g). Pendant le travail, 92 des 116 patientes porteuses du SGB (79,3 %) ont eu une antibiothérapie, pour 87 il s’agissait de l’amoxicilline et pour 5 de l’érythromycine. Pour les 24 autres patientes parmi les 116 (20,7 %), aucune antibiothérapie per-partum n’a été administrée. Dans 13 cas sur 24 (54,1 %), il s’agissait d’un oubli de l’équipe soignante ; dans 6 cas sur 24 (25 %), il s’agissait d’une césarienne prophylactique réalisée en dehors du travail ; dans 5 cas sur 24 (20,8 %), les patientes ont été admises avec une dilatation très avancée et un accouchement très rapide. Parmi les 116 nouveau-nés, 6 (5 %) étaient colonisés. Il n’y a eu aucun cas d’infection à SGB dans cette population. Cette colonisation a été observée chez 4 nouveau-nés sur 92 (4,4 %) dont les mères avaient
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bénéficié d’une antibiothérapie per-partum, alors que les 2 autres (8,4 %) faisaient partie du groupe des 24 patientes sans antibioprophylaxie (tableau I). La durée de l’antibiothérapie pendant l’accouchement a été très variable. Ainsi pour 36 des 92 patientes (39 %) avec des antibiotiques pendant le travail, le délai « début de l’antibiothérapie — accouchement », a été supérieur ou égal à 4 heures, avec un seul enfant colonisé, soit 2,8 %, alors que pour les 56 autres patientes sur 92, ce délai était inférieur à 4 heures, avec 3 enfants colonisés, soit 5,4 %. Il n’existe pas de différence statistiquement significative au niveau du taux de colonisation, entre les deux groupes (p = 0,55) (tableau I). La majorité des patientes, 68 parmi les 92 (73,9 %) ayant bénéficié d’une antibiothérapie, n’a reçu que la dose de charge. Celles qui ont bénéficié de deux injections étaient au nombre de 19 sur 92, soit 20,6 %. Les 5 autres parmi les 92 (5,5 %) ont reçu de 3 à 8 administrations d’antibiotiques. Il n’existait pas de différence significative au niveau du taux de colonisation des nouveau-nés entre les deux groupes (p = 0,64), une seule injection versus plusieurs injections d’antibiotiques (tableau I). Aucune complication maternelle, allergique ou infectieuse par sélection de germes, due à l’utilisation de l’antibiothérapie pour SGB n’a été observée. Parmi les facteurs habituellement analysés dans la littérature, l’âge, la parité, le terme d’accouchement, le score d’Apgar et le poids de naissance, aucun n’est apparu prédictif, dans notre courte série, d’un risque plus important de colonisation néonatale par le streptocoque de groupe B. L’hyperthermie per-partum, définie par une température supérieure ou égale à 38 °C, a été observée chez 4 patientes (3 %), parmi les 116 patientes. Une patiente sur les quatre, a donné naissance à un enfant colonisé. Une rupture des membranes de plus de 18 heures, a été observée chez 14 patientes parmi les 116 (12 %). Il n’existe également pas de différence significative entre les deux groupes de nouveau-nés, quant à la colonisation néonatale, en fonction de ces deux derniers critères, avec respectivement p = 0,79 et p = 0,55 (tableau I). Pendant la période d’étude, 22 nouveau-nés ont présenté des prélèvements positifs à SGB réalisés sur point d’appel clinique, alors que leurs mères faisaient partie des 1 558 patientes dont le dépistage a été négatif. Dans 10 cas (0,6 %), il s’agissait d’une colonisation et dans 12 cas (0,7 %), il s’agissait d’une infection avérée. Parmi ces patientes, 18 n’avaient pas reçu d’antibiothérapie per-partum alors que 4 en avaient
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Travail original • Dépistage du streptocoque de groupe B pendant la grossesse
bénéficié en raison d’une hyperthermie. Parmi les 12 nouveau-nés infectés, un seul avait présenté des prélèvements centraux positifs, il s’agissait d’une septicémie d’évolution favorable. Dans tous les autres cas, les nouveau-nés présentaient une symptomatologie de type détresse respiratoire modérée, geignements, ou mauvais teint avec une CRP positive et des prélèvements périphériques positifs à SGB. Tous ont eu une évolution favorable, sous antibiothérapie. Aucun décès néonatal dû à une infection au SGB n’a été à déplorer pendant cette période. DISCUSSION
Le dépistage du SGB chez les patientes asymptomatiques et sans antécédents d’infection maternofœtale, associé à une antibiothérapie per-partum en cas de dépistage positif, est recommandé par l’ANAES [1], le Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français [2] et l’American Academy of Pediatrics (AAP) dans sa version de 1992 [3]. L’American College of Obstetrics and Gynecology associé à l’AAP et le CDC (Center for Disease Control and Prevention) ont proposé en 1996, deux options, considérées comme équivalentes, celle du dépistage systématique et celle basée sur la recherche de facteurs de risque justifiant la mise en route de l’antibiothérapie per-partum [4]. Néanmoins, cette antibioprophylaxie permettrait la réduction de plus de 75 % du risque infectieux néonatal à SGB, alors qu’il ne serait que de 53 % avec l’approche basée sur les facteurs de risque [5]. Les politiques qui ne comportent pas ce dépistage se sont révélées inefficaces [1], ce que confirme l’étude récente de Schrag et al. [6]. Nous avons évalué, sur deux ans, le dépistage du SGB, dans notre Service avec des indications de prélèvement et d’antibiothérapie pendant le travail superposables à celles recommandées par l’ANAES. Certes, cette étude rétrospective possède ses limites intrinsèques et le nombre modeste d’événements observés rend l’étude statistique moins pertinente. Néanmoins le but de ce travail n’était pas de valider l’efficacité préventive de la stratégie du dépistage mais d’en évaluer sa mise en œuvre afin d’améliorer la qualité des soins dispensés. Pour l’ANAES, le dépistage se justifie par la forte prévalence en France de ce portage, estimée aux alentours de 10 % [1]. Néanmoins, les chiffres rapportés dans la littérature sont très disparates avec des fourchettes de grande amplitude en fonction du ou des sites de prélèvement et de la technique bactériologi-
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que employée. Les études réalisées en Amérique du Nord comportent l’association d’un prélèvement rectal systématique expliquant un portage régulièrement supérieur à 18 % [5]. En France, ce prélèvement est jugé inutile en l’absence d’efficacité démontrée en terme d’infections materno-fœtales évitées [1]. Le taux de portage est également corrélé à la technique bactériologique employée. L’ensemencement du prélèvement vaginal sans enrichissement sélectif, tel qu’il est recommandé par l’ANAES, permet de retrouver du SGB chez 10 % des gestantes. La réalisation d’une étude bactériologique avec un enrichissement sélectif, augmente le nombre de patientes dont le dépistage est positif, atteignant habituellement un taux de 15 % [5]. Néanmoins, le risque infectieux est proportionnel à la densité du portage et l’objectif du dépistage n’est pas de déceler toutes les colonisations maternelles même minimes, sans réel risque néonatal, mais uniquement celles significatives avec un impact néonatal. Ainsi, le portage rapporté par des équipes françaises varie de 11 % [7] à 14,3 % [8] pour le prélèvement vaginal seul, jusqu’à 15 % lorsque le site rectal était également concerné [9]. Dans la littérature anglo-saxonne, ce portage se situe entre 6,9 % [10] et 29,3 % [11]. Nous avons été surpris par le faible taux du portage maternel au sein de notre population (6,9 %). Nous avons obtenu la liste des patientes à partir du laboratoire de bactériologie et seules celles dont le prélèvement avait été étiqueté « protocole SGB » ont été identifiées et incluses dans l’étude. Les patientes hospitalisées dans le cadre d’une menace d’accouchement prématuré et celles vues en consultation avec une symptomatologie contractile ou des leucorrhées bénéficiaient de l’examen bactériologique complet du prélèvement, excluant ainsi la patiente du circuit dépistage proprement dit. Finalement, 1 674 patientes ont été incluses, alors que pendant cette période nous avons réalisé 2 692 accouchements, soit 62,2 %. Compte tenu du nombre de prélèvements étudiés, nous n’avons pas retenu l’éventuelle manque de représentativité de l’échantillon comme une explication majeure du faible portage. En revanche, nous avons évoqué la possible sousestimation du portage en raison de la pose systématique d’un spéculum pour réaliser le prélèvement. En effet, les lames masquent la face antérieure et postérieure du vagin, réduisant ainsi la surface étudiée, notamment au niveau du tiers inférieur où se trouve la colonisation la plus importante de SGB. Néanmoins, aucune étude à notre connaissance n’a comparé les résultats des prélèvements en fonction de la pose ou non d’un spéculum. Aucune recommandation
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T. Chhuy et collaborateurs
en ce sens n’a été émise par les sociétés savantes. Récemment, un travail multicentrique regroupant 28 laboratoires français, a mis en exergue la grande disparité de la prévalence du SGB, entre les équipes (5,1 à 22,5 %), alors que les techniques bactériologiques utilisées étaient identiques [12]. Les auteurs évoquent l’hypothèse d’une qualité variable du prélèvement réalisé, sans identifier précisément le manquement technique éventuel mais en insistant sur l’importance du balayage de la partie inférieure du vagin jusqu’au vestibule et la vulve comme recommandé par l’ANAES [12]. Ceci a conforté notre décision prise quelques mois auparavant de réaliser les prélèvements en introduisant l’écouvillon au niveau vaginal, sans spéculum. Cette stratégie est en cours d’évaluation, de façon prospective, depuis le 1er janvier 2004. Sur les 300 premiers accouchements, 244 patientes (81,3 %) ont bénéficié d’un dépistage du SGB et pour 26 d’entre elles il s’est révélé positif, soit un portage de 8,6 %. Ceci est supérieur au taux observé dans le travail que nous présentons ici. L’application imparfaite du protocole d’antibioprophylaxie a été le deuxième enseignement que nous avons tiré de nos résultats, tant au niveau de la mise en route de l’antibiothérapie qu’au niveau de la durée de celle-ci. L’antibioprophylaxie pendant le travail doit être brève, intense, dose de charge et voie intraveineuse, avec des molécules à spectre étroit [1]. Ce dernier volet, l’antibioprophylaxie, demeure à ce jour un élément de discussion. Certains auteurs mettent en exergue la modification de la flore vaginale favorisant les autres agents pathogènes, surtout l’Escherichia coli, la résistance aux antibiotiques et l’augmentation des sepsis néonataux différés [13-15]. Notre taux de patientes dépistées positives et ayant reçu une antibiothérapie per-partum a été de 79,3 %, ce qui est en deçà des chiffres rapportés par d’autres équipes, variant entre 84 % [16] et 93 % [9]. Ceci peut s’expliquer par le début de notre expérience, avec l’acquisition progressive des réflexes en la matière. Néanmoins, les nouveau-nés ont bénéficié de la surveillance clinique et biologique spécifique, grâce à la vigilance des pédiatres. Nous avons été étonnés par le faible pourcentage de patientes ayant eu au moins deux injections d’antibiotiques, alors que la plus grande partie des patientes (73,9 %) n’a bénéficié que de la dose de charge. L’ANAES [1] et l’American Academy of Pediatrics [3] recommandent de débuter précocement l’antibiothérapie au cours du travail car son efficacité n’est optimale qu’à partir de la deuxième injection. Il faudrait un délai d’au moins 4 heures pour obtenir un
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taux d’ampicilline efficace dans le liquide amniotique et réduire ainsi efficacement la transmission verticale du SGB. Ainsi la fréquence de colonisation des nouveau-nés décroît avec la durée du traitement, de 47 % sans traitement, 46 % dans l’heure qui précède la naissance, à 28 % entre une et deux heures, 2,9 % entre deux à quatre heures et 1,2 % après quatre heures [17]. Dans notre série, nous n’avons pas retrouvé de différence significative entre les deux groupes de nouveau-nés, en fonction de la durée du traitement. Cependant, l’ampicilline est bactéricide sur le SGB dans le sang fœtal en quelques minutes comme l’a montré Bloom au cours de césariennes avec prélèvement au cordon après antibioprophylaxie maternelle [18]. Malgré ces manquements dans l’administration des antibiotiques pendant le travail, nous n’avons eu aucun nouveau-né infecté dans le groupe des parturientes dépistées positives pour le SGB et seulement 6 nouveau-nés colonisés (5 %) ce qui est conforme aux chiffres rapportés dans la littérature. Pendant cette période nous avons été confronté à 10 nouveau-nés colonisés et 12 infectés, alors que leur mères avaient bénéficié d’un dépistage qui s’était révélé négatif (n = 1 558), soit des taux respectifs de 0,5 et 0,7 %, ce qui est tout à fait superposable à ceux rapportés par d’autres [8]. Cette information doit être communiquée aux patientes au moment de la réalisation du prélèvement de dépistage. Ce dernier réalisé entre 35 et 37 SA prédit positivement la présence de SGB à l’accouchement dans 85 % des cas, alors que la valeur prédictive négative est de 97 %. [19]. La date à partir de laquelle le prélèvement est réalisé, est très variable selon les équipes, allant de 28 SA [7] à 36 SA [8]. Dans notre pratique, nous avons retenu, comme d’autres, le seuil de 34 SA [20]. CONCLUSION
Ce travail nous a permis d’évaluer, rétrospectivement, notre pratique durant les deux premières années de la mise en place d’un protocole de dépistage du streptocoque du groupe B. Celui-ci, élaboré de façon multidisciplinaire au sein de notre établissement, rejoint les recommandations de l’ANAES, dans ses grands axes. Nous avons été étonné par le faible taux de portage du streptocoque B dans notre population, et par l’administration imparfaite de l’antibiothérapie perpartum. Ces manquements n’ont pas eu d’impact néonatal fâcheux au vu de nos résultats, qui sont superposables à ceux rapportés dans la littérature, y compris
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Travail original • Dépistage du streptocoque de groupe B pendant la grossesse
pour les « faux-négatifs », nouveau-nés infectés alors que leurs mères étaient dépistées négatives à SGB. Nous avons décidé de modifier le mode de prélèvement en ne posant plus de spéculum, attitude confortée par le récent article de Loulergue et al. [12]. Une présentation des résultats à l’ensemble de l’équipe soignante a été effectuée, en mettant en exergue la nécessité de débuter plus tôt l’antibiothérapie per-partum chez les femmes porteuses du SGB mais reconnaissant également la difficulté de la mise en place des politiques de prophylaxie. Une évaluation prospective est en cours depuis le 1er janvier 2004. RÉFÉRENCES 1. Prévention anténatale du risque infectieux bactérien néonatal précoce. Recommandations pour la pratique clinique. Agence nationale de l’Accréditation et de l’Évaluation en Santé. 2001. 2. CNGOF — Groupe de travail : Blanc B, Blond MH, Chaix C, Goffinet F, Guillaume S, Judlin P, Lenclen R, Philippe HJ, Pierre F, Poulain P, Quentin R, Terville JP. Recommandations pour la pratique clinique. Les infections cervico-vaginales au cours de la grossesse. Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français ed, 1997, 20 p. 3. American Academy of Pediatrics, Comittee on infection Diseases and Comittee on Fetus an newborn. Guidelines for prevention of group B Streptococcal infection by chemoprophylaxis. Pediatrics 1992; 90: 775-8. 4. Centers for Disease Control and Prevention. Prevention of perinatal group B streptococcal disease: a public health perspective. MMWR Morb Mortal Wkly Rep 1996; 45: 1-24. 5. Benitz WE, Gould JB, Druzin ML. Preventing early-onset group B streptococcal sepsis: strategy development using decision analysis. Pediatrics 1999; 103: e76. 6. Schrag SJ, Zell ER, Lynfield R, Roome A, Arnold KE, Craig AS et al. A population-based comparison of strategies to prevent early-onset group B streptococcal disease in neonates. N Engl J Med 2002; 347: 233-9. 7. Poulain P, Betremieux P, Donnio PY, Proudhon JF, Karege G, Giraud JR. Selective intrapartum anti-bioprophylaxy of group B streptococci infection of neonates: a prospective study in 2,454 subsequent deliveries. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 1997; 72: 137-40.
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