La Revue de médecine interne 28 (2007) 495–497 http://france.elsevier.com/direct/REVMED/
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Des lésions osseuses multiples au scanner multidétecteur Multiple bone lesions with computed tomography scan F. Hervéa, X. Gbaguidia, J.-M. Kerleaua, A. Janvresseb, H. Levesquea, I. Mariea,* a
Département de médecine interne, centre hospitalier universitaire de Rouen-Boisguillaume, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex, France b Service de radiologie, centre hospitalier universitaire de Rouen, 76031 Rouen cedex, France Reçu le 21 septembre 2006 ; accepté le 2 octobre 2006 Disponible sur internet le 16 octobre 2006
Mots clés : Myélome ; Atteinte osseuse ; Diagnostic ; Radiographie osseuse ; Scanner multidétecteur Keywords: Multiple myeloma; Bone involvement; Diagnosis; Bone radiograph; Computed tomography scan
1. L’histoire Un homme, âgé de 84 ans, était hospitalisé pour des douleurs osseuses diffuses associées à une altération de l’état général (amaigrissement de 3 kg) évoluant depuis trois mois. Ses antécédents médicochirurgicaux étaient principalement marqués par une hypertension artérielle. À l’admission, l’examen clinique retrouvait des douleurs latérothoraciques droites reproduites à la palpation des 9e, 10e et 11e côtes ainsi qu’une douleur à la palpation de la tête humérale droite. Les examens biologiques montraient : vitesse de sédimentation à 8 mm à la première heure, protéine-C-réactive à 8 mg/l, leucocytes à 12 G/l, hémoglobine à 13,9 g/dl, plaquettes à 283000/mm3, urée à 11 mmol/l, créatininémie à 150 μmol/l, ainsi qu’une hypercalcémie corrigée à 3 mmol/l. L’électrophorèse des protéines sériques révélait une hypogammaglobulinémie à 3,5 g/l. Dans le cadre du bilan de cette hypogammaglobulinémie, un myélogramme était pratiqué, qui retrouvait une plasmocytose à 24 % (plasmocytes dystrophiques). De plus, l’immunoélectrophorèse des protides décelait la présence d’une protéine monoclonale kappa (46,1 mg/l) dans le plasma associée à une protéinurie de Bence-Jones kappa dans les urines. Les dosages pondéraux des immunoglobulines G et A étaient abaissés (4,4 et 0,25 g/l respectivement). Des radiographies osseuses étaient effectuées en regard des zones douloureuses cliniquement. * Auteur
correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (I. Marie).
Ainsi, le gril costal et la radiographie de l’épaule droite montraient des fractures intéressant les 10e et 11e côtes droites, mais aussi la tête humérale. Surtout, le scanner multidétecteur 64 barrettes du corps entier permettait d’objectiver, outre les fractures précitées, de multiples lésions lytiques touchant l’ensemble du rachis, le gril costal, le bassin, le crâne, les fémurs et humérus (Fig. 1a–e). 2. Le diagnostic Un myélome à chaînes légères kappa, stade III (selon la classification de Salmon et Durie [1]), avec lésions osseuses lytiques diffuses compliquées de fractures pathologiques. 3. Les commentaires Chez les patients atteints de myélome, la réalisation d’un bilan d’extension osseux est nécessaire pour estimer l’importance de la masse tumorale. En effet, le nombre de lésions osseuses objectivées permet de répartir les patients dans l’un des trois stades de la classification de Salmon et Durie [1] et ainsi de guider la prise en charge thérapeutique [2]. Jusqu’alors, le bilan osseux de référence dans cette pathologie reposait toujours sur la réalisation de radiographies standards centrées sur le crâne, l’ensemble du rachis, le bassin, le gril costal et les os longs. Toutefois, il est établi que ces explorations osseuses standards peuvent méconnaître de petites lésions lytiques, en particulier au niveau du rachis, du bassin, de la cage thoracique, et ce d’autant qu’il existe une réduction de la densité osseuse. De fait,
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Fig. 1a–e. Scanner multidétecteur avec coupes scannographiques dans les plans sagittal et frontal du rachis, du bassin et du gril costal : multiples lésions lytiques.
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la sous-estimation du nombre de lésions osseuses peut parfois conduire à une mésestimation de la masse tumorale et, par conséquent, aboutir à une approche thérapeutique inadaptée pour les patients. Dans cette optique, des alternatives aux radiographies standards ont ainsi été recherchées au cours de ces 20 dernières années afin d’optimiser le dépistage des lésions osseuses au cours du myélome. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) pourrait constituer une alternative diagnostique dans cette indication [3–5], mais il s’agit d’une technique onéreuse et manquant de disponibilité dans de nombreux centres. Toutefois, l’équipe de Lecouvet et al. [4] a comparé, chez 80 patients porteurs d’un myélome stade III, les données de l’IRM limitées au rachis, au bassin et aux fémurs proximaux à celles des radiographies osseuses classiques dans le diagnostic des lésions osseuses. Dans ce travail, si l’IRM limitée avait une sensibilité supérieure à celle des radiographies standards concernant la détection des lésions osseuses explorées au niveau du rachis (76 vs 42 %) et du bassin (75 vs 46 %), le bilan radiographique standard complet s’avérait, en revanche, supérieur à l’IRM limitée pour la mise en évidence de l’ensemble des lésions osseuses (sensibilité : 88 vs 79 %) [4]. Les auteurs ont ainsi conclu que l’IRM limitée ne constituait pas la meilleure méthode pour détecter les localisations osseuses au cours du myélome [4]. Plus récemment, des études ont mentionné que le scanner multidétecteur pourrait avoir sa place dans le cadre du bilan d’extension osseux chez les patients ayant un myélome. Tout d’abord, en 2002, Mahnken et al. [6] ont ainsi souligné l’intérêt potentiel de ce type de scanner (permettant des reconstitutions sur les plans sagittal et coronal) dans le diagnostic des localisations osseuses chez 18 patients au stade III ; dans cette série, les auteurs ont, en effet, observé des atteintes osseuses qui n’avaient pas été décelées par les radiographies standards du rachis, et notamment : 24 nouvelles vertèbres atteintes, de même 15 fractures vertébrales et six vertèbres à risque de fracture [6]. Ensuite, ces résultats préliminaires encourageants ont été corroborés par Horger et al. [7] qui ont évalué l’intérêt du scanner multidétecteur 16 barrettes corps entier avec faible irradiation chez 100 patients porteurs d’un myélome ; dans ce travail prospectif, le scanner a également permis de mettre en évidence un plus grand nombre de lésions vertébrales (dans 57 % des cas). De manière pertinente, des auteurs ont également comparé la quantité de radiations reçue par les patients à l’occasion de ces deux examens. Ils ont estimé que pour une tension de 120 kV et une charge de 40 mAs, la dose cumulée reçue lors d’un scanner multidétecteur 16 barrettes n’est que 1,7 fois supérieure à la dose moyenne reçue au cours du bilan radiologique standard (4,1 mSv vs 2,4 mSv) [7]. Ces derniers résultats sont confortés par d’autres études [8–10]. Enfin, il importe de relever que l’utilisation d’un scanner multidétec-
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teur, comme dans notre observation, a l’avantage de permettre, d’une part, un temps d’acquisition des images très court (de l’ordre de 30 secondes), et d’autre part, d’éviter toutes les manipulations nécessaires lors de la réalisation des radiologies standards chez des patients souvent douloureux [7]. Notre observation suggère qu’un scanner multidétecteur corps entier avec faible irradiation pourrait être effectué en première intention en remplacement des radiographies standards jusqu’ici pratiquées dans la recherche des lésions osseuses du myélome ; en effet, sa sensibilité s’avère significativement supérieure aux radiographies en ce qui concerne la recherche de lésions rachidiennes. De surcroît, cet examen est aujourd’hui à peine plus irradiant que de multiples radiographies standards et ne nécessite pas d’injection de produit de contraste. Enfin, la rapidité d’acquisition des images de même que le nombre réduit de manipulations nécessaires par rapport aux radiographies et à l’IRM ne peuvent qu’améliorer le confort des patients porteurs de myélome qui sont souvent algiques. Références [1] Durie BG, Salmon SE. A clinical staging system for multiple myeloma: correlation of mesured myeloma cell mass with presenting clinical features, response to treatment, and survival. Cancer 1975;36:842–54. [2] Boccadoro M, Pileri A. Diagnosis, prognosis, and standard treatment of multiple myeloma. Hematol Oncol Clin North Am 1997;11:111–31. [3] Carlson K, Astrom G, Nyman R, Ahlstrom H, Simonsson B. MR imaging of multiple myeloma in tumour mass measurement at diagnosis and during treatment. Acta Radiol 1995;36:9–14. [4] Lecouvet FE, Malghem J, Michaux L, Maldague B, Ferrant A, Michaux JL, et al. Skeletal survey in advanced multiple myeloma: radiographic versus MR imaging survey. Br J Haematol 1999;106:35–9. [5] Moulopoulos LA, Varma DG, Dimopoulos MA, Leeds NE, Kim EE, Johnston DA, et al. Multiple myeloma: spinal MR imaging in patients with untreated newly diagnosed disease. Radiology 1992;185:833–40. [6] Mahnken AH, Wildberger JE, Gehbauer G, Schmitz-Rode T, Blaum M, Fabry U, et al. Multidetector CT of the spine in multiple myeloma: comparison with MR imaging and radiography. Am J Roentgenol 2002;178: 1429–36. [7] Horger M, Claussen CD, Bross-Bach U, Vonthein R, Trabold T, Heuschmid M, et al. Whole-body low-dose multidetector row-CT in the diagnosis of multiple myeloma: an alternative to conventional radiography. Eur J Radiol 2005;54:289–97. [8] International Commission on Radiological Protection. Recommendations of the International Commission on Radiological Protection, publication no 26. Oxford, UK: Pergamon; 1977. [9] International Commission on Radiological Protection. Recommendations of the International Commission on Radiological Protection, publication no 60. Oxford, UK: Pergamon; 1990. [10] Kalender WA, Schmidt B, Zankl M, Schmidt MA. PC program for estimating organ dose and effective dose values in computed tomography. Eur Radiol 1999;9:555–62.