Devenir social à moyen terme des nouveau-nés hospitalisés pour syndrome de sevrage

Devenir social à moyen terme des nouveau-nés hospitalisés pour syndrome de sevrage

ENFANT ET SOCII~TI~ d e v e n i r social & m o y e n t e r m e des n o u v e a u - n e s h o s p i t a l i s e s p o u r s y n d r o m e de s e v r a...

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ENFANT ET SOCII~TI~

d e v e n i r social & m o y e n t e r m e des n o u v e a u - n e s h o s p i t a l i s e s p o u r s y n d r o m e de s e v r a g e D. U N A L ,

P. B R A N D T ,

M.R. DULGUERIAN,

Les effets de la toxicomanie sur le foetus et ses consequences neonatales sont bien documentes (1, 7). Les consequences a moyen terme sont moins connues, rinfluence du milieu familial et social ayant une grande importance (5). Un probleme important est celui de la prise en charge ulterieure des nouveau-nes hospitalises pour syndrome de sevrage. En effet, la plupart de ces enfants posent des problemes de placement, necessitent un appel la justice (ordre de garde provisoire, aide en milieu ouvert). II importe donc de savoir quelle conduite adopter a la sortie du service pour ces enfants : milieu familial avec simple surveillance en PMI, appel a la Ioi, placement, et de plus se pose aussi le probleme du SIDA chez certains parents.

P. D E B O I S S E

Dix-neuf families (20 enfants) ont 8td regues en entretien par la psychologue du service, certaines rencontrSes ~ la maternit8 (grossesses ~t risques ou suites de couches), certaines suivies en psychoth&apie apr~s la sortie de l'enfant, toujours par la mSme personne. Les informations de suivi ont 8t8 fournies par les diffSrentes structures d'accueil et de pr4vention de la petite enfance (foyer, aide en m i l i e u ouvert, PMI), par les p6diatres des maternit&, par le service d'hSmatologie p6diatrique assurant la surveillance et le traitement du SIDA, ainsi que par quelques m8decins traitants. Ces renseignements ont ~td parfois difficiles ~ recueillir en raison de l'instabilit8 de ces families. analyse des dossiers medicaux

T o u s l e s enfants, sauf deux, sont n6s dans les maternit6s marseillaises, 25 m~res habitant Marseille.

m e t h o l o g i e et resultats N

OUS avons 4tudi8 30 nouveau-n& (dont un couple de jumeaux) hospitalis& pour syndrome de sevrage, du 1-10-1989 au 31 - 12-1992, en essayant de mettre en 6vidence Ies caract&istiques des grossesses, des accouchements et des composantes familiales. D. UNAL, M.R. DULGUERIAN psychologue, P. DE BO1SSE CHU Timone enfants, 13005 Marseille. P. BRANDT, service de pediatrie,hSpital d' Aubagne. 148

Caractdristiques maternelleJ obstdtricales et ndonatales Elles figurent aux tableaux I e t II, les toxiques utilisSs au tableau III. En ce qui concerne le poids de naissance des enfants, 14 ont un poids de naissance inf6rieur au 10 e percentile (46 %), dont 7 inf&ieur au 3 ~ (21%). Ce retard de croissance est d'origine nutritionnelle, s'accentuant avec l'~ge gestationnel (5/7 inf&ieur au 3" percentile ~ partir de la 385 semaine de gestation,fig, i). Comitede lecture Article re~;ule 23/02/94, Accept~ le 07/03/94. Journal de PI~DIATRIE et de PUERICULTURE n ~ 3-1994

ENFANT ET SOCII~TI~ Tableau I. - Caracteristiques maternelles. M~res (26) Age Profession d~finie Primipare Grossesse mal/non suivie HIV + HEP B + HEP C +

Tableau IV. - Statut des enfants, au moins 3 mois apres la naissance.

26,8 ans (18-36) 4 (15 %) 16 (61%) 15 (57 %) 9 (35 %) + 1 8 6 {?)

Couple ,
Tableau II. - Conditions obstetricales et neonatales,

7 6 4 1 3 2 1 1 1 1

Obstetrique et nouveau-nes Voie basse Cesariennes Anomalies monitoring Age gestationnel Poids de naissance

17 12 7 36,4 _+1,53 (29-41 SA) 2 302_+490 (1 510-3 060)

Tableau II1. - Toxiques utilises pendant la grossesse. H6rdlne seule H~rdl'ne + autre Medicaments seuls Tabac Sevrage nouveau-n6

10 10 (alcool, m~dicaments) 3 (morphine-barbituriques) ? 16 (~lixir par#gorique)

D i x - h u i t enfants vivent avec au moins leur m~re, 11 en sont s~par& ; q u a n t au pSre, il n'est present que dans 7 families (1 p~re est dSc6d4 d'overdose, 1 enfant de <,).Dans 27 cas sur 29, on constate des troubles de la fonction maternelle et sur les 10 m~res H I V + au m o m e n t de la naissance, 3 sont d6cSd~es, 3 sont au stade du S I D A (tabl. V). Tableau V. - Statut des meres apres la naissance de renfant. Disparue Abandon 16gal S~rologie HIV + SIDA trait~ R#cidive toxicomanie Alcoolisme associe

Pc;tit de no~ssance

1 1 (HIV +) 3 3 16 (1 incarc6ree) 1 (?)

L~i aussi, les troubles de fonction paternelle sont i m p o r t a n t s ; de plus, 5 enfants sont n~s de p~re inconnu. Que ce soit p o u r les m~res c o m m e pour les p~res, il y a eu poursuite ou reprise de la toxicomanie dans plus de la moiti6 des cas. L ' i m p o r t a n c e des probl~mes de santd et de c o m p o r t e m e n t des parents laisse presager de fortes carences parentales pour les enfants & u d i & (tabL VI). Tableau Vl. - Statut des peres apr~s la naissance de renfant. Pere inconnu Toxicomanie en cours Alcoolisme Psychopathe D~c~s (overdose) Serologie HIV+ 28 2 9 P{rim}tre

30

31 3 2

33:34

35 3 6 3;'

38 39 40

4t

42

4 3 44

45

crt~nlen

FIG. 1.- Poids de naissance. Enfants de mtbres droguees.

Situation des parents et des grands-parents Le s t a t u t f a m i l i a l a 8t8 ~valud au 1 ~' t r i m e s t r e 1993 (enfants ~gSs de 3 mois ~ 3 ans, tabL IV). Journal de P#DIATRIE et de PUI~RICULTURE n ~ 3-1994

5 16 (6 incarc6r6s) 2 (?) 3 1 ?

Souvent, dans ces situations, la premiere id& est de confier ces enfants aux grands-parents, au moins p o u r une partie d ' e n t r e eux. I1 nous a donc p a r u int&essant d ' & u d i e r leur situation precise. Sur un total th~orique de 116 personnes, nous avons p u la conna}tre chez s e u l e m e n t 58 (12 grands-m~res et 17 grands-p~res maternels, 17 grands-m~res et 12 grands-p~res paternels). 149

ENFANT ET SOCII~TI~ De nombreuses carences ont dt8 observSes : - 8 des 29 couples 8talent divorc& ; - 12 des 17 grands-pSres maternels et 6 des 12 grands-p~res paternels &aient absents ou dominSs (12 absents et 6 dominds). Q u a t r e grands-pSres m a t e r n e l s et trois grands-p~res paternels & a i e n t pervers et/ou alcooliques (dont un incestieux); - 12 des 29 grands-mSres pr&entaient un &at passif ou d~pressif. Trois grands-m~res maternelles &aient perverses (complicit~ dans les actes de d~linquance ou de toxicomanie de leur fille), 2 grandsm~res paternelles dtaient suppos&s &re ou avoir ~t6 prox~n~tes, d~linquantes). I1 nous a paru i m p o r t a n t d'6tudier l'&at civil des enfants, en particulier vis&-vis du p~re. Dix-sept enfants (58 %) ne portaient pas le nom du p~re : 5 &aient n~s de p~re inconnu (dont 3 enfants vivaient avec leur m6re, 2 avec leur g r a n d - m ~ r e maternelle) ; 10 avaient un p~re plus ou moins connu, ayant a b a n d o n n ~ sa c o m p a g n e ( p a r m i eux : 2 enfants ~ t a i e n t en f a m i l l e d ' a c c u e i l , 1 e n f a n t en f o y e r DDASS, 7 avec la m~re, plus ou moins la grandm~re maternelle). Douze enfants portaient le nom du p~re, dont : - 7 vivant en famille ~, mais pour 2 p~res la situation actuelle est incertaine ; 5 couples parentaux sont s~par~s (comportant 3 abandons maternels, 2 paternels). Ici, un p~re est d&dd~ d'overdose ; un enfant est d~c4d4 ~i 3 mois de <
m e s u r e s de p r o t e c t i o n

Avec tutelle judiciaire (appel ~ la loi) - Ordre de garde provisoire : 9 ; 1 : foyer de l'enfance ; 3 : famille d'accueil ; 2 : AEMO ; 1 : retour en Allemagne ; 2 : confi~s aux grands-parents paternels ; - A E M O (*)

Dix-huit enfants (60 % ) ont besoin d'une protection judiciaire et, sur les 16 appels ~i la loi (9 ordres de garde et 7 AEMO), 14 ont ~t~ maintenus. Sur les trois <
evolution p s y c h o l o g i q u e des enfants Sept enfants pr~sentent des troubles du comportement, 3 ~g~s de 2 ans, 2 de 18 mois, 2 de 7 mois. Les 2 enfants de 18 mois sont 61ev~s par leur grandm~re, l ' e n f a n t Rg~ de 2 ans (celui qui avait 6t~ brfil~) plac6 en famille d'accueil. Ces 3 enfants sont suivis en CAMSP {4~. Quatre enfants dlev4s par leur m~re seule, sous AEMO, prdsentent des troubles du c o m p o r t e m e n t ~ type caract6riel ou r~gressif, la m~re &ant p r o b a b l e m e n t r~cidivante ~ la drogue et/ou ~i l'alcool. Les propositions de suivi psychologique en CAMSP ou PMI ne sont pas ou mal accept&s par les m~res et les ~quipes ~ducatives recherchent actuellement des creches ou hahes-garderies p o u r p e r m e t t r e ~ ces enfants de b6n6ficier d ' u n espace d'expression plus structur~ avant d'envisager 6ventuellement des mesures plus radicales.

Sans tutelle judiciaire - A E M N (2) mahraitance : 2 ; mort subite : 1 ; -

P M I

:

8.

(1) Action 4ducative en milieu ouvert. (2) Action 4ducative en mitieu naturel. 150

discussion Les difficuh~s sociales et familiales des enfants n6s de m~res toxicomanes sont connues (1, 6, 8) : 1 (3) Direction des Interventions sanitaires et sociales. (2) Centre d'action mddico-social pr&oce. J o u r n a l de pI~DIATRIE et de PUI~RICULTURE n ~ 3-1994

ENFANT ET SOClI~TI~ enfant sur 2 abandonn6 (6), 40 % seulement vivent avec les deux parents chez les enfants n& de m~re I-tlV + (8). N o u s avons cependant dtd tr~s surpris devant les rdsultats de notre enqu&e. Le fait que ces enfants avaient ~t~ hospitalisds p o u r syndrome de sevrage et donc que les mbres n~avaient pu arr~ter leur toxicomanie en cours de grossesse est certainement un facteur ddavorable, a u g m e n t a n t le risque social. Sept enfants seulement vivent en foyer familial avec les parents (encore faut-il d~plorer une m o r t subite et un ddc~s du p~re par overdose). La situation des conditions de vie a dtd apprdci& bonne ou m o y e n n e d a n s 10 cas, m a u v a i s e dans 12, m a l connues pour les autres. meres

Dix m~res sur 29 sont s&opositives, et 3 enfants sont d~j~i orphelins. La fr4quence de la reprise de la toxicomanie nous a &onnd. La grossesse donne un &at d'euphorie et les parturientes, mSmes si la grossesse est mal suivie, ressentent un espoir de se sortir de leur intoxication, p e n s a n t que la naissance d u b4bd rSglera tous leurs probl~mes. Malheureusement, les difficultSs lides au syndrome de sevrage, le c o m p o r t e m e n t dScevant de l'enfant (3) p o u r la mSre dans cette s i t u a t i o n , l ' & a t de ddpression h a b i t u e l d u p o s t - p a r t u m , la s4paration m S r e - e n f a n t s o u v e n t impdrative, majorent les probl}mes. L'enfant porteur de t o u s l e s espoirs de renaissance ne fait trop souvent qu'accrohre les problSmes pour une m~re d8j?i bien fragile. peres

Les problSmes de santd sont frdquents (toxicomanie active, alcoolisme, psychopathie) ainsi que les troubles d u c o m p o r t e m e n t associds (deal, ddlinquance, voire proxSn&isme). Vingt p~res ont une conduite d'abandon. I1 n'est pas 4tonnant, dans ces c o n d i t i o n s , que 56 % des enfants ne soient pas reconnus, donc non inscrits dans l'ordre symbolique (4) puisqu'ils ne portent pas le nom de leur p~re. Ce p~re fait dSfaut.

sans mbre) n'a dans ces conditions pu &re confide un grand-parent que dans un tiers des cas. Ce n'est peut-&re pas un hasard si les parents de nos enfants i n t e r p e l l e n t s o u v e n t la loi sociale et morale par leurs acres (deal, ddlinquance), en raison des d d f a i l l a n c e s et des i n s u f f i s a n c e s q u ' i l s o n t connues dans leur propre enfance. N o u s avons souvent p u constater un sentiment de s o u l a g e m e n t des p a r e n t s ?i l ' a n n o n c e d~une mesure de p r o t e c t i o n judiciaire pour eux et leurs enfants, appel ~ une loi qui leur aurait fair ddfaut dans leur enfance. M~me les plus rdticents au dial o g u e c h o i s i s s e n t le m o m e n t d ' u n e a n n o n c e de tutelle judiciaire pour raconter leur enfance traumatis& et leur manque affectif. difficultes des prises en charge de ces families

L'essai de s~jour et de prise en charge des nouveau-nds avec leur m~re en m a t e r n i t ~ a dtd dans notre exp&ience un &hec, non seulement peut-&re parce que les m~res se droguaient jusqu'?i la fin de la grossesse et se t r o u v a i e n t << en m a n q u e ~, ~t la maternitd, mais aussi en raison des difficultds psychologiques ou psychiatriques. Le s~jour nous parah trop court pour soigner et encore plus pour sevrer le nourrisson. I1 est de surcroh difficile de demander ~t des parents qui cherchent ?i se sortir de la drogue de donner plusieurs fois par jour de l'~lixir pardgorique ?i leur enfant, ce qui leur rappelle en permanence leur toxicomanie pass~e. La prise en charge en service de ndonatologie perm e t une action pluridisciplinaire, donne le temps d'organiser, de prendre en charge les parents (ou les grands-parents). Elle p e r m e t d'dvaluer le degr~ de toxicomanie des parents, leur structure de personnalit~, leurs relations ?i l'enfant. I1 ne faut passe <>. Le quart des parents de notre &ude peut doccuper de leur enfant, sans tutelle judiciaire. Ils ont r e n c o n t r 6 la d r o g u e ?i l ' a d o l e s c e n c e , dans u n e pdriode de fragilitd psychologique, expriment leur ~
grands-parents

Un des espoirs pour la prise en charge des enfants repose sur les grands parents. M a l h e u r e u s e m e n t , l'enquSte mende sur la moiti6 des grands-parents retrouvds a montr~ l'importance des carences psychologiques, de la mSme fagon qu'il y avait une carence 8ducative. La garde des enfants (avec ou Journal de PE~DIATRIEet de PUI~RICULTUREn~ 3-1994

conclusion Le n o u v e a u - n ~ p r ~ s e n t a n t u n s y n d r o m e de sevrage secondaire ?i une t o x i c o m a n i e m a t e r n e l l e pose des probl~mes difficiles. La prise en charge 151

ENFANT ET SOCli~TI~ muldisciplinaire en service de n~onatologie nous paragt prdf~rable au s~jour en maternitS. L'appel aux tutelles judiciaires est une sdcuritd pour les enfants, peut-~tre aussi pour les parents, ne serait-ce que par

sa fonction ~, garde-fou ~,. II aurait 8t4 sSduisant de confier ces enfants aux grands parents, mais ceci n'a p u &re envisagd que trop rarement, en raison des situations familiales. 9

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152

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J o u r n a l de PEDIATRIE et de PUI~RICULTURE n ~ 3-1994