Dossier thématique L’observance, 40 ans après
Diabète de type 2 : observance thérapeutique aux nouveaux antidiabétiques Type 2 diabetes: Therapeutic adherence with the new antidiabetics
S. Halimi
Résumé
Professeur Émérite, Faculté de Médecine de Grenoble, Université Grenoble Alpes, Grenoble.
L’observance thérapeutique des personnes atteintes de maladies chroniques est médiocre, et très inférieure à ce que nous imaginons. Chez les sujets porteurs d’un diabète de type 2 (DT2), souvent vasculaires et polypathologiques, les ordonnances sont lourdes, leur suivi difficile, les bénéfices attendus et démontrés par l’evidencebased medicine (EBM) sont ainsi annulés avec des conséquences délétères, tant physiques que pour la qualité de vie des patients, sans omettre les coûts de santé engendrés. Les nouveaux antidiabétiques, oraux comme injectables, et les analogues lents de l’insuline sont, par leur efficacité nouvelle et, surtout leurs effets secondaires moindres, des outils permettant de réduire la non-observance thérapeutique des personnes atteintes de DT2. Mots-clés : Diabète de type 2 – traitement glycémique – observance thérapeutique – antidiabétiques anciens et nouveaux – effets secondaires – qualité de vie.
Summary The therapeutic adherence of chronically ill subjects is poor and far below what we imagine. In subjects with type 2 diabetes, often vascular and with multiple pathologies, prescriptions are heavy, following them is difficult. The benefits expected and demonstrated by evidence-based medicine (EBM) are thus canceled with deleterious consequences both physical and for the quality of life of patients, without omitting the health costs generated. The new antidiabetic agents, oral as injectables, and the long acting insulins having new efficiency and mainly fewer side effects, are the good tools making possible to reduce therapeutic non-adherence of persons living with a type 2 diabetes. Key-words: Type 2 diabetes – glycemic treatment – therapeutic adherence – old and new antidiabetic drugs – side effects – quality of life.
Introduction : des avancées thérapeutiques
Correspondance Serge Halimi 11, rue Voltaire 38000 Grenoble
[email protected] © 2018 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés.
• À partir de 1947, et durant près de cinq décennies, nous n’avons disposé dans le domaine du traitement glycémique médicamenteux du diabète de type 2 (DT2) que de deux principales classes, les sulfonylurées ou sulfamides hypoglycémiants, et la
Médecine des maladies Métaboliques - Octobre 2018 - Vol. 12 - N°6
metformine. C’est sur la base de ces deux thérapeutiques et de l’insuline que l’étude UKPDS a démontré, en 1998, que le bon contrôle glycémique réduit l’incidence des complications du DT2, principalement de la microangiopathie [1]. Ces deux classes demeurent un des piliers des nombreuses recommandations et sont toujours très utilisées dans le monde,
487
488
Dossier thématique L’observance, 40 ans après particulièrement là où les nouvelles thérapeutiques sont peu disponibles, car trop coûteuses pour le patient ou pour le système de santé. Certes, deux nouvelles classes sont apparues ensuite, mais, soit elles ont été modestement utilisées dans la plupart des pays (inhibiteurs des alpha-glucosidases), soit leurs effets secondaires et l’arrivée des nouveaux traitements antidiabétiques les ont confinées à de rares indications (glitazones). De plus, les glitazones ne sont plus disponibles en France. • Mais de nombreuses avancées ont été accomplies durant les 15 dernières années [in 2]. Plusieurs nouvelles classes thérapeutiques sont apparues : les incrétines, représentées par deux sortes de médications différentes, les inhibiteurs de la dipeptidyl peptidase 4 (DPP4-i, ou gliptines) et les agonistes du récepteur du glucagon-like peptide-1 (GLP1-AR) et, par ailleurs, les inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type 2 dans la partie proximale du tubule rénal (SGLT2-i, ou gliflozines). Les deux classes présentent plusieurs particularités. D’une part, elles agissent par des voies très innovantes et concernent des cibles pathogéniques du DT2 non visées jusque-là. D’autre part, elles n’exposent pas au risque d’hypoglycémies, et deux d’entre elles (GLP1-AR et gliflozines) peuvent avoir des effets favorables sur le poids, ce qui peut participer à l’amélioration de l’état physique et psychologique du sujet dans ce contexte pathologique (ceci ne vaut pas pour les DPP4-i, neutres au plan pondéral). Leur efficacité glycémique a été démontrée comme globalement équivalente à celle des sulfonylurées, voire supérieure pour les GLP1-AR, leur sécurité cardiovasculaire a été démontrée par les nombreuses études de sécurité exigées pour tout nouvel antidiabétique par les agences de régulation (Food and Drug Administration [FDA], aux États-Unis ; European Medicines Agency [EMA]), récemment plusieurs de ces études ont montré un effet bénéfique cardiovasculaire propre pour l’empagliflozine (EMPA-REG OUTCOME), la canagliflozine (CANVAS), le liraglutide (LEADER), et le semaglutide (SUSTAIN-6) [in 2].
En quoi ces nouveaux traitements pourraientils favoriser une meilleure observance ? Pour les DPP4-i et les gliflozines (une, voire deux fois par jour, en combo avec la metformine), la prise orale, simple et à très faible risque hypoglycémique, a grandement simplifié le traitement antidiabétique oral. Ces caractéristiques ont-elles eu un effet favorable sur l’observance médicamenteuse des sujets ayant un DT2 ? Les effets favorables attendus ou constatés des GLP1-AR, quoique injectables, ont-ils amélioré l’observance ? Les formes de GLP1-AR injectables hebdomadaires favorisentelles une meilleure observance au traitement que celles administrées quotidiennement ? En effet, si les avancées thérapeutiques récentes sont réelles et les bénéfices/patients en termes de morbi-mortalité significatifs, ils pourraient bien être totalement « annulés » par une observance médicamenteuse médiocre. Il en est de même du suivi des recommandations. Des analyses répétées établissent en effet un lien inversement proportionnel entre l’observance et la morbi-mortalité dans le DT2 [3]. Dès 2003, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait déclaré que « tout progrès en matière d’observance serait plus efficace que n’importe quelle avancée médical (au sens de nouveaux traitements) » [4], reprenant en somme des conclusions de David Sackett qui remontaient pourtant à 1979 [5] ! En effet, au fil des années et selon des études menées dans de nombreux pays, l’observance médicamenteuse semble très faible dans plusieurs maladies chroniques, dont le DT2. Nous n’aborderons pas ici la question très spécifique de l’observance de l’insulinothérapie des sujets ayant un DT2. Nous nous limiterons à quelques données à propos de l’insulinothérapie.
Observance des antidiabétiques chez le DT2 Cet article s’inscrit dans le cadre d’un Dossier thématique consacré à
l’observance (« adherence » des anglosaxons) thérapeutique où d’autres articles ont été consacrés à la définition de l’observance, ainsi qu’aux moyens de les investiguer ou d’y remédier. Nous ne nous étendrons pas sur ces thèmes. On sait que la non-observance médicamenteuse répond à plusieurs situations : l’arrêt de tout traitement, l’omission de la prise de médicaments (de certains et/ou de dose incomplète), le retard de prise ou la prise à un moment inopportun (sulfonylurées et risque hypoglycémique). Les définitions de l’observance sont multiples, mais le plus souvent définie par l’achat d’au moins 80 % des médicaments prescrits (persiste un doute quant à leur prise). D’une manière générale, l’observance médicamenteuse chez les sujets ayant un DT2 est largement considérée comme médiocre (39-62 %). Mais les données nationales et internationales ne portent toutefois que très peu sur la nouvelle génération des antidiabétiques, oraux (ADOs) comme injectables. Il est généralement admis au travers de nombreux résultats d’études et du simple bon sens que chez les personnes atteintes de maladies chroniques, les facteurs permettant d’améliorer l’observance sont : – la simplicité : la prise d’un ou deux comprimés par jour, plutôt que beaucoup plus, en particulier à chacun des repas ; – ce qui est ritualisé ; – la consommation de médicaments dont on est convaincu de l’efficacité et de l’utilité ; – l’explication et la compréhension du traitement ; – ce qui est prescrit par quelqu’un en qui on a confiance (statine mieux observée lorsque la prescription émane d’un cardiologue que d’un médecin généraliste) ; – ce qui soulage rapidement : ici, l’absence de symptômes dans le cas du DT2 - en dehors des hyperglycémies très sévères (> 3 g/L) - complique les choses. C’est aussi vrai de l’hypercholestérolémie et, pour partie, de l’hypertension artérielle (HTA) et de l’hyperuricémie ; – ce qui marche : en l’absence de symptômes, ceci implique de mesurer ses glycémies. Mais en France, l’autosurveillance glycémique (ASG) a été largement abandonnée chez le
Médecine des maladies Métaboliques - Octobre 2018 - Vol. 12 - N°6
Diabète de type 2 : observance thérapeutique aux nouveaux antidiabétiques
DT2 avant le stade du passage sous insuline du DT2, à la suite de l’initiative des recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) et du non-remboursement par la Caisse nationale d’Assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) de plus de 200 bandelettes/an. En somme, les données glycémiques faisant office de symptômes, l’absence d’ASG aboutit à une navigation sans visibilité durant 3 mois, dans l’hypothèse favorable d’une mesure trimestrielle de l’hémoglobine glyquée (HbA1c) ! Les effets pondéraux favorables ou défavorables de certaines médications peuvent aussi jouer un rôle et être une source possible de « symptômes » indirects et des éléments forts de motivation [6] ; – ce qui n’a pas ou peu d’effets secondaires. Dans le cas du DT2, la tolérance digestive de la metformine ou des inhibiteurs de l’alpha-glucosidase, ou les hypoglycémies sous sulfonylurées, jouent un rôle, mais ont été finalement
assez peu étudiées en tant que déterminant direct de l’observance ; – ce qui est gratuit : mais en France, le DT2 est pris en charge à 100 % dans le cadre d’une Affection de longue durée (ALD). Cependant, cela vaut pour la plupart des pays où le reste à charge est important ou total, et pèse lourdement sur les finances familiales ; – enfin, et surtout, ce qu’on décide soi-même. Mais, qu’en est-il de l’impact de nouveaux antidiabétiques engendrant moins d’effets indésirables et à la prise rendue plus simple ?
Observance dans le DT2 : quelques données françaises • Elles sont assez peu nombreuses en France et un peu anciennes, plus encore lorsque l’on s’intéresse à l’impact des nouveaux antidiabétiques.
Les points essentiels • L’observance médicamenteuse (achat de 80 % au moins du traitement prescrit) chez les personnes atteintes d’un diabète de type 2 (DT2) est majoritairement considérée comme médiocre (de l’ordre de 39 à 62 %). • La complexité des traitements (de l’hyperglycémie, des autres facteurs de risque cardiovasculaire, des autres maladies chroniques) joue un rôle important. • Les effets indésirables des premiers antidiabétiques oraux : sulfonylurées et glinides (hypoglycémies), la multiplicité des prises, et même la mauvaise tolérance digestive de la metformine, jouent peut-être le rôle essentiel. • Les nouveaux antidiabétiques oraux (inhibiteurs de la dipeptidyl peptidase 4 [DPP4-i] et inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type 2 [SGLT2-i]) et les injectables (agonistes du récepteur du glucagon-like peptide-1 [GLP1-AR]) ont apporté des bénéfices thérapeutiques plus marqués et nouveaux (poids) et réduit ces effets indésirables (hypoglycémies surtout). • Leur observance est meilleure (DPP4-i, et plus encore SGLT2-i) que les anciens antidiabétiques. • Les GLP1-AR ont aussi un meilleur taux d’adhésion. • Leur comparaison aux insulines lentes, quoique souvent favorable, est peu pertinente, puisque ne devant pas, en principe, s’adresser aux mêmes sujets. • Les formes hebdomadaires de GLP1-AR s’accompagnent d’une meilleure observance thérapeutique que les formes quotidiennes. • Le médecin doit s’intéresser à l’observance aux traitements qu’il prescrit, s’évertuer à simplifier l’ordonnance, éviter les empilements inutiles, et l’industrie nous proposer si possible plus de « polypills ». • Sans observance thérapeutique, tous les bénéfices démontrés dans les grandes études, y compris récentes, portant sur le DT2 (cardiovasculaires surtout) seront « abolis » faute d’un traitement réellement pris.
Médecine des maladies Métaboliques - Octobre 2018 - Vol. 12 - N°6
– Ainsi, l’étude ENTRED 2007-2010 comprend un volet observance qui a porté sur 3 637 DT2, âgés de 66 ans en moyenne, moitié d’hommes, l’observance thérapeutique (> 80 % d’achats de médicaments prescrits) était jugée bonne dans 39 % des cas, moyenne dans 49 % des cas, et mauvaise dans 12 % des cas [7]. En analyse multivariée, les facteurs liés à une mauvaise observance étaient, par ordre décroissant d’importance : un plus jeune âge (< 45 ans), des difficultés à gérer la prise des médicaments, la qualité de la relation avec le médecin, une mise en pratique jugée trop lourde des recommandations pour le diabète, une origine géographique autre qu’européenne, un manque de soutien familial ou social, un besoin ressenti de plus d’informations sur le traitement du diabète, des difficultés financières, une inquiétude vis-à-vis de l’avenir avec le diabète, et un besoin ressenti d’accompagnement éducatif en plus du suivi médical habituel du diabète. Cependant, les auteurs reconnaissent qu’il s’est agi de données obtenues par auto-questionnaire avec les limites que l’on sait. – Une enquête régionale (Île-de-France, 2013-2015), étude très vaste menée par une autre méthodologie, portant sur plus de 73 000 patients DT2 et impliquant 1 126 pharmacies, constate des taux de bonne observance, pareillement définie, de l’ordre de 59 % en moyenne, avec de fortes disparités régionales (selon le département), meilleure dans les zones au niveau économique le plus élevé [8]. Les autres déterminants de non-observance retrouvés furent encore une fois l’âge (< 63 ans), et l’impact des ruptures de traitement. Les patients qui avaient changé de traitement durant la période d’évaluation étant moins observants que les autres, avec des écarts considérables de 30 à 40 points selon les schémas thérapeutiques. Ainsi, les patients traités en monothérapie à leur inclusion dans l’étude étaient observants à hauteur de 62 % s’ils n’avaient pas connu de changement de traitement pendant la période de suivi d’une année. Mais, cette proportion tombait à 33 % après un changement de traitement. Les auteurs ne trouvaient, en revanche, aucun effet sur l’observance du type
489
490
Dossier thématique L’observance, 40 ans après de médecin (généraliste versus endocrinologue) ou du genre (femme versus homme), contrairement à des études où les femmes diabétiques paraissaient plus inquiètes de leur risque et plus impliquées dans la gestion de leur diabète. • Aucune de ces études ne mentionne la classe d’antidiabétiques utilisés, et donc leurs éventuels effets propres sur l’observance thérapeutique. Ces résultats sont cependant cohérents avec des études précédentes bien menées qui avaient constaté que la très bonne observance (indice d’observance de 80 à 90 % cette fois) ne concernait environ qu’un tiers des personnes atteintes de DT2 recevant des antidiabétiques [9, 10]. Les patients dont le contrôle glycémique était le plus médiocre et/ou avaient des complications liées au diabète avaient les taux d’observance plus faibles. Une méta-analyse récente a révélé que l’observance varie de 36 % à 93 % selon la définition appliquée et, de ce fait, le manque de critère strict rend délicate toute comparaison entre études et populations [11]. Si les données de la littérature portant sur l’observance médicamenteuse dans le DT2 s’avèrent nombreuses, peu ont trait aux nouveaux antidiabétiques oraux ou injectables, puisque ces classes thérapeutiques sont sur le marché depuis peu de temps. Nous disposons toutefois de quelques données sur le sujet. L’observance peut y être analysée par plusieurs approches : impact du nombre de prises médicamenteuses, comparaison(s) anciens versus nouveaux antidiabétiques oraux (DPP4-i et SGLT2-i), enfin les injectables (GLP1-AR), parmi lesquels il convient de distinguer ceux nécessitant une ou deux injections quotidiennes, des formes hebdomadaires.
Nombre de prises médicamenteuses et observance Nombre de prise d’antidiabétiques oraux Plusieurs études menées chez des personnes diabétiques confirment qu’il
existe un lien négatif entre nombre de comprimés et degré d’observance. Une très vaste méta-analyse basée sur 76 études (comptage électronique) publiée en 2001 [12] et portant sur de nombreuse pathologies chroniques (principalement cardiovasculaires, et aussi épilepsie, asthme, et quelquesunes chez des diabétiques), a établi un lien entre le nombre de comprimés et le degré d’observance. Celle-ci était, en moyenne, de 71 % (de 34 % à 97 %), alors qu’elle était de 79 % pour une seule prise de comprimé par jour, 69 % pour deux prises, 65 % pour trois prises, et 51 % pour quatre prises. Ces différences sont hautement significatives entre une et quatre prises quotidiennes. Chez les patients ayant un DT2, on sait que l’efficacité de la monothérapie antidiabétique orale est de faible durée dans l’histoire de la maladie. De plus, un très grand nombre de ces sujets ont une maladie cardiovasculaire en prévention primaire ou secondaire et les thérapeutiques très utiles qui les accompagnent (HTA, dyslipidémie, antiagrégants, voire BASIC). Ceci soutient l’idée d’une simplification des schémas de traitement, en particulier le recours à des associations fixes d’ADOs [13].
Nombre d’injection d’insuline et observance Le même constat avait été fait pour ce qui concerne le nombre d’injections d’insuline et l’observance. – Ainsi, Peyrot et al., dans une étude portant sur 500 patients diabétiques de type 1 (23 %) et DT2 (77 %), ont mis en évidence que 20 % d’entre eux rapportent une omission intentionnelle de l’injection d’insuline. Un lien a pu être établi entre le nombre d’injections omises et le jeune âge, le degré d’éducation et le niveau de revenus, le fait qu’il s’agisse d’un DT2, un mauvais suivi des mesures hygiénodiététiques, et des inconvénients liés à l’insuline (douleurs, gène dans la vie courante, sport…) et, très significativement, le nombre d’injections à réaliser quotidiennement, donc la complexité du schéma insulinique [14]. On notera que, même si l’usage d’un stylo d’insuline n’est pas retrouvé au plan statistique comme favorisant l’observance, ces patients nord-américains utilisaient
pour 70 % d’entre eux des seringues. Le coût de l’insulinothérapie aux ÉtatsUnis, considérablement plus élevé qu’en Europe, joue aussi un rôle important, et certaines omissions d’injections accompagnaient des repas sautés [15]. – Une autre étude, menée en Turquie, a porté sur 433 sujets DT2 naïfs d’insuline et devant passer à une insulinothérapie selon plusieurs schémas différents (basale, ou basal-bolus, ou pré-mélangées [premix]) suivis durant 6 mois [16]. Le questionnaire auto-administré a abouti au constat suivant : la non-observance de l’insulinothérapie a été notée chez 44,3 % des patients, comprenant l’arrêt complet de l’insuline (24,0 %) pour toutes causes confondues, y compris une décision médicale et des hypoglycémies sévères, et la non-observance (omission intentionnelle des injections quotidiennes d’insuline) chez 20,3 % d’entre eux. Parmi les facteurs favorisant les mauvaises observance et persistance, les sujets DT2 plus jeunes, ayant un diabète plus récent, des croyances négatives au sujet de l’insuline (prise de poids surtout) et un schéma plus complexe, les patients ayant sauté des injections d’insuline plus d’une journée, étaient d’abord traités par schéma basal-bolus (52,0 %), par insuline basale (29,0 %), et par insuline premix (19,0 %).
Effets des associations fixes sur l’observance Le recours aux associations fixes d’antidiabétiques implique de tenir compte des besoins médicamenteux propres à chaque patient DT2 et de l’évolution de ces besoins. Le recours à une bithérapie permet à la fois de cibler plusieurs mécanismes pathogéniques du DT2, accroissant l’efficacité thérapeutique par rapport à une monothérapie poussée à des doses élevées, évitant ainsi l’escalade des posologies de certaines monothérapies et leurs effets indésirables liés aux doses. Ainsi, pour la metformine habituellement utilisée à raison de 2 000 mg/j, la seule forme galénique disponible en Europe implique deux prises quotidiennes (2 x 1 000 mg), contrairement aux possibilités offertes par les formes de metformine XR (pour Extended-Release) disponibles aux États-Unis. Une monoprise de la forme
Médecine des maladies Métaboliques - Octobre 2018 - Vol. 12 - N°6
Diabète de type 2 : observance thérapeutique aux nouveaux antidiabétiques
XR a démontré qu’elle réduit les effets indésirables intestinaux. Selon une publication portant sur plusieurs études menées avec différentes formulations de metformine en diverses associations fixes (combos), Blonde et al. ont ainsi démontré une meilleure tolérance de cette forme galénique chez des DT2 sous ADOs, faisant l’hypothèse – sans toutefois le démontrer – que l’observance thérapeutique en serait meilleure [13]. C’est encore plus vrai avec les sulfonylurées où les associations fixes (majoritairement avec la metformine) qui posent le problème de possibles effets indésirables lors de l’accroissement des doses de metformine qui engendre automatiquement un accroissement des doses de sulfonylurées. De nombreuses options de combinaisons sont certes possibles, mais souvent difficiles à manipuler pour le médecin, et surtout le patient. Ceci peut conduire à des épisodes d’intolérance digestive en cas de dose excessive de metformine, ou à des hypoglycémies avec de trop forte dose de sulfonylurées. Ces deux effets secondaires étant habituellement reconnus comme déterminants de l’observance des ADOs. À ce titre, les associations fixes DPP4-i et metformine (deux prises quotidiennes) sans ajustement de dose et sans aucun risque d’hypoglycémie (surtout sévère) constituent un réel confort pour le patient (et le prescripteur) avec, cependant, un surcoût réel et la question de la réponse thérapeutique variable selon les sujets [17].
Antidiabétiques oraux versus insuline Une étude a évalué l’effet de l’observance aux traitements antidiabétiques (oral ou insuline) sur le recours au système de soins et son impact économique [18]. Cette étude, menée aux États-Unis, a suivi une cohorte de 775 patients DT2 âgés de plus de 65 ans recrutés de façon continue pendant 1 à 5 ans. L’évaluation initiale comprenait des questions liées à l’observance thérapeutique, à l’utilisation des services de santé, au mode de vie et à la qualité de vie. Après prise en compte du type de traitement médicamenteux et d’autres variables, l’augmentation de l’achat mensuel des antidiabétiques (Medication Possession Ratios, ou MPR)
demeurait le facteur prédictif le plus important de la diminution des coûts de santé annuels totaux. Même si l’étude portait sur un nombre limité de DT2 insulino-traités et de diabète de sévérité supérieure à ceux sous traitements oraux, l’observance thérapeutique était significativement (p < 0,001) supérieure sous ADOs (MPR = 0,73) que sous insuline (MPR = 0,45). Cependant, ceci ne remet aucunement en cause le recours à l’insuline chez les sujets DT2 lorsque ce traitement est devenu nécessaire.
Observance des nouveaux antidiabétiques oraux DPP4-i (gliptines) et observance • De nombreuses études ont été menées avec cette classe innovante d’ADOs déjà sur le marché depuis une dizaine d’années maintenant et très largement utilisée en association avec la metformine, majoritairement en remplacement des sulfonylurées. En monothérapie, la plupart des gliptines ne nécessitent qu’une seule prise quotidienne et sont prescrites à une seule dose, donc ne requièrent aucun ajustement (sauf exception en cas d’insuffisance rénale sévère). En bithérapie avec la metformine, du fait de cette dernière, le traitement nécessite une prise matin et soir. En soit, ces caractéristiques les distinguent des sulfonylurées qui, selon les spécialités, se prennent à dose variable, en général plusieurs fois par jour selon les résultats recherchés ou les effets indésirables. Plusieurs gliptines ont fait l’objet d’études dites de maintenance (ou persistance), c’est à dire la durée de maintien sous un médicament ou une combinaison de deux médicaments. Maintenance ou persistance s’entend ici jusqu’à l’arrêt, essentiellement pour une efficacité jugée insuffisante, et le besoin d’un changement ou d’un renforcement thérapeutique. Ce ne sont pas à proprement parler des études d’observance thérapeutique mais, cette dernière, participe de la persistance du patient à prendre un traitement, par exemple du fait de son efficacité, de sa simplicité d’emploi, ou encore de moindres effets indésirables.
Médecine des maladies Métaboliques - Octobre 2018 - Vol. 12 - N°6
• Les études comparant metformine + sitagliptine versus metformine + sulfonylurées sont les plus nombreuses. – Citons l’étude ODYSSEE qui a comparé la durée de maintien (persistance) sous bithérapie de patients ayant un DT2 recevant, soit l’association metforminesitagliptine (M-Sita), soit l’association metformine-sulfamide hypoglycémiant (M-SU). Cette étude observationnelle, dite en vie réelle, menée en médecine générale, a inclus des patients DT2 adultes insuffisamment contrôlés sous metformine en monothérapie. Le critère principal a été le temps passé sous chaque bithérapie jusqu’au besoin de modifier le traitement, quelle qu’en soit la cause. La durée médiane de traitement pour les patients dans le groupe M-Sita a été de 43,2 mois, significativement plus longue (p < 0,0001) que pour le groupe M-SU (20,2 mois) [19]. Cette étude a, de plus, montré que ce meilleur maintien sous sitagliptine + metformine s’accompagnait d’une moindre fréquence des hypoglycémies. Ceci ne représente pas toutefois une étude d’observance stricto-sensu. – Une étude espagnole a été plus à même d’analyser l’observance sous gliptines (majoritairement la vildagliptine) versus sulfonylurées en renforcement de la metformine dans une population de 1 405 DT2 : 37,0 % ayant commencé un second traitement par DPP4-i, et 63,0 % par sulfonylurées. Après 2 ans de suivi, les patients traités par DPP4-i ont montré une plus grande observance du traitement que ceux traités par sulfonylurées (70,3 % versus 60,6 %, respectivement ; p < 0,001), un meilleur contrôle métabolique (64,3 % versus 60,6 %, respectivement ; p < 0,001) et une plus faible proportion d’hypoglycémie (13,9 % contre 40,4 %, respectivement ; p < 0,001) [20]. Malgré une différence de prix évidente entre les deux classes d’antidiabétiques, la réduction des effets indésirables (hypoglycémies surtout) et la meilleure observance au traitement sous gliptines laisserait – à moyen terme – augurer une réduction des dépenses de santé. – Une autre étude, rétrospective, basée sur une large base de données nord-américaine a comparé la persistance des sujets DT2 sous metformine
491
492
Dossier thématique L’observance, 40 ans après + sitagliptine (M-Sita) versus metformine + sulfonylurées (M-SU), patients appariés selon un score de propension, soit 14 807 paires de bithérapies. Les utilisateurs de M-Sita avaient une observance et une persistance moyennes significativement supérieures à celles de M-SU à 1 et 2 ans, mais peu significative à 3 ans [21]. – Une étude portant sur un système de soins nord-américain a comparé l’observance thérapeutique de plus de 26 000 patients DT2 âgés sous l’un des trois DPP4-i disponibles aux États-Unis [22]. Constituée de deux cohortes différentes, la plus importante était âgée de 72 ans en moyenne, et l’autre de sujets plus jeunes, en moyenne de 55 ans. Dans les deux groupes, les sujets recevaient très majoritairement de la sitagliptine (environ 19 500), moins de la saxagliptine (environ 7 000), et peu la linagliptine (environ 1 600). L’étude a constaté une observance similaire, quoiqu’un peu moindre sous la linagliptine, probablement en rapport avec des formes plus sévères de DT2. Les sujets plus âgés avaient un plus faible taux de non-observance.
SGLT2-i (gliflozines) et observance • Cette classe a été introduite de façon beaucoup plus récente et peut être utilisée (mais ceci diffère selon les recommandations de chaque pays) en monothérapie, en bithérapie associée à la metformine, aux DPP4-i, voire aux sulfamides hypoglycémiants, aux GLP1-AR, et à l’insuline. De par son mode d’action, il n’existe pas de nonrépondeurs (en dehors de l’insuffisance rénale sévère), pas d’hypoglycémies iatrogènes, et s’accompagne d’une constante perte de poids (-2 à -5 kg). Les effets indésirables semblent essentiellement infectieux (urinaires, et surtout gynécologiques). Cette classe ouvre de nouveaux horizons thérapeutiques. De plus, comme pour les DPP4-i, il n’est pas nécessaire, en principe, de procéder à des adaptations de doses [23]. • On dispose de quelques données. _ Principalement l’étude de Bell et al., étude en vraie vie qui a comparé l’observance et la persistance sous sulfonylurées versus SGLT2-i dans une population de DT2 initiant une de ces
deux classes d’ADOs, données issues de la US MarketScan® claims database [24]. L’étude comprenait 17 724 patients ayant reçu un SGLT2-i, et 25 490 une sulfonylurée. Après application d’un score de propension, 13 657 patients ont été conservés pour chaque cohorte. Un pourcentage statistiquement plus élevé de patients recevant un SGLT2-i étaient observants au traitement (61,4 % contre 53,9 %, respectivement) et plus persistants (76,1 % versus 68,9 %, respectivement). Les auteurs concluent que l’initiation du traitement avec un SGLT2-i s’accompagne d’une augmentation de la probabilité d’observance de 36 %, et réduit le risque d’arrêt du traitement de l’ordre de 25 % versus sulfonylurée. Mais d’autres études devront dans le futur s’attacher à démontrer que ce constat est aussi corrélé avec un meilleur contrôle glycémique sous SGLT2-i, voire, à moyen et long terme, à moins de complications chez les DT2, voire si possible de moindres dépenses de santé. – Une autre étude a porté sur le traitement par canagliflozine et a montré que sous ce traitement l’observance thérapeutique était très élevée avec, chez les patients les plus observants, un score d’atteinte des objectif glycémiques remarquable [25]. Cependant, l’étude, quoique très favorable, ne comprenait pas de groupe comparateur.
GLP1-RA versus insulines • La première étude a comparé l’exénatide (cohorte d’environ 3 000 DT2) versus insulinothérapie basale glargine pour environ le même nombre de sujets [26]. Elle conclue à une supériorité de l’exénatide en deux injections quotidiennes pour l’ensemble des scores d’observance (MPR), avec moins d’hypoglycémies, moins de recours aux autres antidiabétiques, et de moindres dépenses de santé. Une autre étude, encore plus récente, a inclus 1 301 patients, âgés en moyenne de 68 ans, parmi des sujets initiant un traitement injectable pour un DT2 nécessitant un renforcement thérapeutique [27]. Parmi ceux-ci, deux tiers ont été passés sous insuline, et un tiers sous GLP1-AR (exénatide ou liraglutide). Après un an de suivi, les patients traités par GLP1-AR ont eu beaucoup moins recours au
système de santé (consultations, urgences, hospitalisations, hypoglycémie), ont montré une observance et une persistance un peu meilleures, avec un contrôle métabolique similaire engendrant des coûts de santé direct moindres que sous insuline. • Cependant, ces conclusions favorables aux GLP1-AR sont à prendre avec précaution. D’une part, mettre sur le même plan ces deux options thérapeutiques comme équivalentes chez des DT2, donc estimer les patients comparables est courant, mais demeure une approximation et un biais important de telles études rétrospectives en vraie vie. Ceci a d’ailleurs été bien illustré par l’étude récente et bien construite de Yu et al., étude observationnelle rétrospective s’étant fixé pour objectif principal de décrire et d’identifier les caractéristiques cliniques et démographiques associées au choix du premier traitement injectable (GLP1-AR, ou insuline basale) chez les patients DT2 [28]. Ainsi, 3 546 patients ont reçu un GLP1-AR, et 7 507 une insuline basale. Ces deux groupes ont différé de façon importante quant à leur phénotype à l’initiation de l’injectable : sous GLP1-AR, les sujets étaient plus jeunes, avaient un indice de masse corporelle (IMC) plus élevé, un diabète moins déséquilibré que ceux orientés vers une insulinothérapie. Ces caractéristiques et le fait d’avoir reçu précédemment un SGLT2-i, constituaient des éléments décisionnels importants. En somme, les sujets passés sous l’un ou l’autre injectable (GLP1-AR, ou insuline basale) différent grandement à bien des titres, et la simple comparaison doit être relativisée et analysée à la lumière de leurs spécificités. De plus, une énorme méta-analyse – rapportée plus loin – va totalement à l’encontre de ces conclusions, considérant la mise sous analogues de l’insuline comme s’accompagnant des meilleurs scores d’observance thérapeutique parmi tous les traitements de l’hyperglycémie des DT2, avec le recours aux DPP4-i [29, 30]. L’insuline étant aussi la dernière ligne de traitement, ceci peut aussi expliquer cela. Le dernier mot revient en somme au clinicien averti et à l’analyse des éléments de l’histoire de la maladie et de paramètres clinico-biologiques simples.
Médecine des maladies Métaboliques - Octobre 2018 - Vol. 12 - N°6
Diabète de type 2 : observance thérapeutique aux nouveaux antidiabétiques
Comparaisons des GLP1-AR entre eux pour l’observance thérapeutique • Le premier représentant de cette classe fut l’exénatide qui nécessite deux injections quotidiennes. La venue sur le marché peu après du liraglutide (une seule injection quotidienne) fut rapidement considéré à efficacité métabolique dite égale comme préférable, puisque moins contraignant. Les études portant sur l’observance comparée de ces deux GLP1-AR ont, en effet, confirmé la supériorité du liraglutide à cet égard [31]. Cette étude rétrospective portait sur plus de 3 000 patients DT2 sous exénatide (2 x 10 μg/j) versus 1 500 patients sous liraglutide 1,2 mg/j et 1 500 autres patients sous liraglutide 1,8 mg/j. Elle a montré que l’observance (MPR ≥ 80 %) sous liraglutide 1,8 mg/j était supérieure à celle sous exénatide 2 x 10 μg/j sur une durée d’observation de 12 mois. • Avec la venue sur le marché de GLP1-AR hebdomadaires, la question de l’effet de ces nouvelles formulations sur l’observance au traitement s’est légitimement posée. – Ainsi l’étude de Johnston et al., en 2014, est l’une des premières à avoir comparé les formulations de GLP1-AR hebdomadaires aux formes quotidiennes [32]. Elle a comparé l’observance au traitement sur un très large échantillon de sujets ayant un DT2 recevant un GLP1-AR, soit en tout : 4 586 sous exénatide quotidien (2 x 10 μg/j), 4 041 sous exénatide hebdomadaire, et 14 211 sous liraglutide (6 641 sous 1,2 mg/j, et 7 570 sous 1,8 mg/j). La formulation hebdomadaire d’exénatide s’est avéré, en termes d’observance thérapeutique, très supérieure à la formulation quotidienne tant d’exénatide que de liraglutide. – D’autres études sont venues renforcer ces conclusions, en particulier celles portant sur le dulaglutide, un GLP1-AR hebdomadaire d’usage très pratique et aux résultats métaboliques égaux à ceux du liraglutide. Il a donc été tout naturellement comparé au liraglutide, leader du marché depuis plusieurs années. La première étude, de Alatorre et al., a comparé l’observance (proportion de jours couverts, Proportion of Days
Covered [PDC] : pourcentage par an de jours couverts par l’achat des médicaments), et la persistance chez des sujets DT2 sous GLP1-AR sur une durée de 6 mois : soit exénatide hebdomadaire, soit liraglutide (une injection/j), soit dulaglutide (une injection hebdomadaire) [33]. Sur tous les paramètres mesurés, y compris le pourcentage d’arrêt de traitement, le dulaglutide s’est avéré très supérieur aux deux autres comparateurs. La seconde étude, par Mody et al., est rétrospective, menée aux États-Unis [34]. Elle a consisté à suivre une cohorte de sujets DT2 traités par dulaglutide et dont le taux de bonne observance au traitement a été jugé élevé (62 %), et les résultats métaboliques excellents chez les patients observants et persistants dans leur traitement, comme cela a été démontré pour d’autres classes thérapeutiques.
Études faisant la synthèse de l’observance comparée des nouveaux antidiabétiques • Une étude de vraie vie menée aux États-Unis, a comparé la persistance et l’observance à 1 an de sujets DT2 traités par un SGLT2-i : canagliflozine (300 ou 100 mg) ou dapagliflozine (5 ou 10 mg), un DPP4-i : linagliptine, sitagliptine ou saxagliptine, un GLP1-AR : liraglutide ou exénatide hebdomadaire ou quotidien [35]. Au total, 11 961 patients ont été inclus. En termes de persistance, les taux à 12 mois étaient significativement plus élevés (p < 0,05 pour chaque comparaison) avec 100 mg de canagliflozine (61 %), puis dapagliflozine 5 mg (40 %), dapagliflozine 10 mg (41 %), sitagliptine (48 %), saxagliptine (42 %), linagliptine (52 %), liraglutide (47 %), exénatide biquotidien (23 %) et exénatide à action prolongée (39 %). Les indicateurs de persistance étaient meilleurs (p < 0,05) pour la canagliflozine à 300 mg (64 %) que sous canagliflozine à 100 mg. Quant aux taux d’observance médians, ils étaient pour la canagliflozine 100 mg (MPR = 0,83 ; PDC = 0,79) et la canagliflozine 300 mg (MPR = 0,92 ; PDC = 0,81), donc plus élevés que pour tous les autres antidiabétiques. Cependant, de telles données peuvent comporter des biais malgré toutes les précautions
Médecine des maladies Métaboliques - Octobre 2018 - Vol. 12 - N°6
méthodologiques employées. En particulier quant à la typologie de sujets DT2 qui peuvent beaucoup différer et expliquer le choix d’une thérapeutique plutôt que d’une autre. Ainsi, le choix d’un traitement par GLP1-AR peut correspondre à un diabète plus ancien, à un IMC plus élevé, à un degré de déséquilibre plus sévère, etc., que pour le choix d’initier un DPP4-i ou un SGLT2-i. Enfin, les effectifs différaient grandement entre les groupes de traitement. • Une autre étude vient de rapporter des données comparant plusieurs antidiabétiques chez les sujets ayant un DT2. La méthodologie, publiée en 2016, rappelle la complexité de telles études : multiplicité des schémas thérapeutiques, combinaison de deux antidiabétiques ou plus, etc. [29]. Les résultats viennent d’être publiés [30]. La recherche a porté sur les bases MEDLINE, EMBASE, Cochrane Library, le registre des essais contrôlés, PsychINFO et CINAHL, pour des études observationnelles et interventionnelles comparant l’observance ou la persistance associée à au moins deux hypoglycémiants chez les personnes atteintes de DT2 de janvier 2006 à novembre 2015, donc une période où la plupart des nouveaux antidiabétiques étaient disponibles aux États-Unis, mais pas nécessairement d’un usage régulier. Au total, 48 études répondaient aux critères de sélection, soit une population de 1 696 939 personnes atteintes de DT2. Parmi elles, 25 études comparaient les traitements oraux entre eux, 19 études comparaient les injectables entre eux, et trois études comparaient les thérapies orales versus injectables. La plupart des études ont été menées en Amérique du nord (21 aux ÉtatsUnis, le reste en Europe). – Études comparant les antidiabétiques oraux entre eux : Les glitazones, comme les sulfonylurées, s’accompagnaient d’une bien meilleure observance que sous metformine. Quoique le nombre d’études ne permette pas une méta-analyse, les DPP4-i se sont avérés avoir une meilleure observance et une persistance plus longue que les sulfonylurées et les glitazones dans presque toutes les études. Seule une étude a examiné
493
494
Dossier thématique L’observance, 40 ans après les inhibiteurs de l’ʸ-glucosidase et les meglitinides et a rapporté une observance, pour les deux classes, plus faible qu’avec les autres options antidiabétiques orales. Une étude a concerné un SGLT2-i (la canagliflozine), qui a conclu à de meilleurs scores d’observance et de persistance qu’avec les DPP4-i. – Études portant sur les médicaments injectables : Tro i s é t u d e s o n t c o m p a ré l e s GLP1-AR aux traitements oraux, démontrant une persistance plus courte avec les GLP1-AR qu’avec les DPP4-i et des sulfonylurées. Dix-huit études ont comparé plusieurs thérapies injectables entre elles. Dans les méta-analyses, il était possible de comparer la persistance associée aux analogues de l’insuline lente (basale), à des insulines humaines à moyenne durée d’action, et aux GLP1-AR. D’une manière générale, les insulines d’action prolongée (basales) offraient les meilleures durées de persistance, nettement plus longues versus insulines semilentes et GLP1-AR. Les taux d’arrêt les plus élevés ont été enregistrés avec les GLP1-AR, surtout attribués à des effets indésirables (réactions au site d’injection et troubles gastro-intestinaux). Seule une étude a comparé plusieurs insulines d’actions diverses : prandiales, semi-lentes et lentes, avec des résultats plus favorables analogues lents de l'insuline. • Certes, ces études ont leurs limites, inhérentes à toutes ces études de registres, cohortes, vraie vie : les traitements ne sont jamais masqués, en particulier pour les injectables. La plupart des études ne décrivent pas les causes de non-observance, hormis pour les GLP1-AR sus-décrites ; pour la metformine, cela rejoint le constat fait par la plupart des cliniciens, une fréquence fort élevée d’intolérance digestive et souvent ignorée des prescripteurs. La très bonne tolérance des DPP4-i rejoint aussi le constat clinique, et explique sans doute les meilleurs scores obtenus versus glitazones ou sulfonylurées. Le recours à des traitements à prendre plusieurs fois par jour explique notamment la diminution d’adhésion aux meglitinides et
aux inhibiteurs de l’ʸ-glucosidase. Néanmoins, la robustesse de cette très vaste analyse des données publiées [30] se heurte à des limites : définitions très différentes de l’observance et de la persistance ; l’observance étant définie par le pourcentage de boites de médicaments achetées par rapport au nombre de boites prescrites sur une période donnée, dit « medication possession ratio, MPR », ou le pourcentage par an de jours couverts par l’achat des médicaments, dit « proportion of days covered, PDC », et non une mesure directe, alors que la persistance se définit comme la durée qui sépare l’initiation d’un traitement et son arrêt quelle qu’en soit la cause (généralement pour effets indésirables et/ ou efficacité insuffisante et nécessité de changement ou renforcement thérapeutique) qui, pour un médicament donné, peut être exprimée comme le pourcentage de patients persistant à la fin d’une période prédéfinie. Toutefois,
ces données sont très convergentes et consistantes. Les données concernant les SGLT2-i étaient, à ce stade de mise sur le marché récente, très peu nombreuses et peu concluantes. La conclusion générale des auteurs plaidait pour la supériorité des DPP4-i et des analogues lents de l’insuline. Connaissant les effets de l’observance et de la persistance sur les résultats métaboliques à moyen et long terme, il est clair que les médications les mieux prises régulièrement sont à valoriser (DPP4-i et analogues lents de l’insuline), et devraient aussi l’être dans les recommandations. Déclaration d’intérêt Serge Halimi déclare avoir reçu des honoraires pour conseils, conférences, déplacements et/ ou hébergements à but professionnel de : AstraZeneca, Boehringer Ingelheim, Becton Dickinson (BD), Janssen, Eli Lilly, LifeScan, Merck Sharp & Dohme (MSD), MSD Vaccins, Novartis, Novo Nordisk, Sanofi, Takeda.
Conclusion Les études menées depuis plusieurs décennies confirment pour le DT2, comme pour d’autres maladies chroniques, que l’observance aux traitements est globalement médiocre, très en deçà de ce que nous imaginons. Les nouveaux ADOs (gliptines et gliflozines) semblent favoriser une meilleure observance thérapeutique pour le traitement de l’hyperglycémie des DT2. Leurs moindres effets indésirables jouent sans aucun doute le rôle essentiel, mais ils apportent aussi des effets favorables (bénéfice glycémique et, pour certains, bénéfice pondéral) qui renforcent la logique de leur usage. Quant aux GLP1-AR, il semble que les formes hebdomadaires aient à la fois la faveur des patients et s’accompagnent d’une meilleure observance thérapeutique. La comparaison souvent faite GLP1-AR versus insuline (surtout basale) a souvent peu de sens puisque leur prescription devrait s’adresser à des patients DT2 différents. In fine, l’insuline demeure le traitement assurant la meilleure observance, persistance, et efficacité à long terme pour un grande nombre de sujets DT2. Enfin, rappelons, fait majeur, que la non-observance thérapeutique est fréquente et annule la plupart des bénéfices, par exemple cardiovasculaires, espérés ou démontrés avec certaines classes thérapeutiques. Ceci devrait inciter en premier lieu tout médecin à s’intéresser à l’observance thérapeutique et la simplification des ordonnances, à moins d’empilements d’antidiabétiques, sans omettre que le sujet DT2 suit le plus souvent une thérapeutique à but de prévention cardiovasculaire (statine, plusieurs antihypertenseurs, aspirine), et donc à l’industrie de proposer plus de « polypills ». De plus, les personnes atteintes de DT2 sont le plus souvent polypathologiques, donc traitées pour bien d’autres maladies chroniques encore. Il est donc plus important de simplifier l’ordonnance, de la « dégraisser », de se pencher sur l’observance, de la vérifier, et de s’assurer de la tolérance des traitements de nos patients, plutôt que de suivre de façon stricte et simpliste certaines recommandations issues de l’evidence-based medicine (EBM), centrée sur une seule maladie et un patient idéal suivant son traitement à la lettre !
Médecine des maladies Métaboliques - Octobre 2018 - Vol. 12 - N°6
Diabète de type 2 : observance thérapeutique aux nouveaux antidiabétiques
Signification des acronymes des études citées ACCORD : Action to Control CardiOvascular Risk in Diabetes CANVAS : CANagliflozin cardioVascular Assessment Study EMPA-REG OUTCOME : EMPAgliflozin cardiovascular OUTCOME events in type 2 diabetes mellitus patients ENTRED : Échantillon national témoin représentatif des personnes diabétiques LEADER® : Liraglutide Effect and Action in Diabetes: Evaluation of cardiovascular outcome Results SUSTAIN™ 6 : Trial to evaluate cardiovascular and other long-term outcomes with semaglutide in subjects with type 2 diabetes UKPDS : United Kingdom Prospective Diabetes Study
Références [1] Holman RR, Paul SK, Bethel MA, et al. 10 year follow up of intensive glucose control in type 2 diabetes. N Engl J Med 2008;359:1577-89. [2] Halimi S. Sécurité cardiovasculaire des incrétines et des inhibiteurs des co-transporteurs sodium-glucose de type 2 (SGLT2). Médecine des maladies Métaboliques 2015;9:768-75.
[9] Donnelly LA, Morris AD, Evans JM; DARTS/ MEMO collaboration. Adherence to insulin and its association with glycaemic control in patients with type 2 diabetes. QJM 2007;100:345-50.
[23] Scheen AJ. Pharmacodynamics, efficacy and safety of sodium-glucose co-transporter type 2 (SGLT2) inhibitors for the treatment of type 2 diabetes mellitus. Drugs 2015;75:33-59.
[10] Lin LK, Sun Y, Heng BH, et al. Medication adherence and glycemic control among newly diagnosed diabetes patients. BMJ Open Diabetes Res Care 2017;5:e000429.
[24] Bell KF, Cappell K, Liang M, Kong AM. Comparing medication adherence and persistence among patients with type 2 diabetes using sodiumglucose cotransporter 2 inhibitors or sulfonylureas. Am Health Drug Benefits 2017;10:165-74.
[11] Sapkota S, Brien JA, Greenfield J, Aslani P. A systematic review of interventions addressing adherence to anti-diabetic medications in patients with type 2 diabetes--impact on adherence. PLoS One 2015;10:e0118296. [12] Claxton AJ, Cramer J, Pierce C. A systematic review of the associations between dose regimens and medication compliance. Clin Ther 2001,23:1296-310. [13] Blonde L, San Juan ZT, Bolton P. Fixed-dose combination therapy in type 2 diabetes mellitus. Endocr Pract 2014;20:1322-32. [14] Peyrot M, Rubin RR, Kruger DF, Travis LB. Correlates of insulin injection omission. Diabetes Care 2010;33:240-5. [15] Hirsch IB. Changing Cost of Insulin Therapy in the U.S. American Diabetes Association (ADA) 63 rd Annual Advanced Postgraduate Course, Cleveland, OH, March 6, 2016. https:// professional.diabetes.org/files/media/Changing_ Cost_Insulin.pdf. [16] Yavuz DG, Ozcan S, Deyneli O. Adherence to insulin treatment in insulin-naïve type 2 diabetic patients initiated on different insulin regimens. Patient Prefer Adherence 2015;9:1225-31.
[25] Buysman EK, Anderson A, Bacchus S, Ingham M. Retrospective study on the impact of adherence in achieving glycemic goals in type 2 diabetes mellitus patients receiving canagliflozin. Adv Ther 2017;34:937-53. [26] Fabunmi R, Nielsen LL, Quimbo R, et al. Patient characteristics, drug adherence patterns, and hypoglycemia costs for patients with type 2 diabetes mellitus newly initiated on exenatide or insulin glargine. Curr Med Res Opin 2009;25:777-86. [27] Sicras-Mainar A, Navarro-Artieda R, Morano R, Ruíz L. Use of healthcare resources and costs associated to the start of treatment with injectable drugs in patients with type 2 diabetes mellitus. Endocrinol Nutr 2016;63:527-35. [28] Yu M, Mody R, Landó LF, et al. Characteristics associated with the choice of first injectable therapy among US patients with type 2 diabetes. Clin Ther 2017;39:2399-408. [29] McGovern A, Tippu Z, Hinton W, et al. Systematic review of adherence rates by medication class in type 2 diabetes: a study protocol. BMJ Open 2016;6:e010469.
[17] Lavernia F, Adkins SE, Shubrook JH. Use of oral combination therapy for type 2 diabetes in primary care: Meeting individualized patient goals. Postgrad Med 2015;127:808-17.
[30] McGovern A, Tippu Z, Hinton W, et al. Comparison of medication adherence and persistence in type 2 diabetes: A systematic review and meta-analysis. Diabetes Obes Metab 2018;20:1040-3.
[18] Balkrishnan R, Rajagopalan R, Camacho FT, et al. Predictors of medication adherence and associated health care costs in an older population with type 2 diabetes mellitus: a longitudinal cohort study. Clin Ther 2003;25:2958-71.
[31] Malmenäs M, Bouchard JR, Langer J. Retrospective real-world adherence in patients with type 2 diabetes initiating once-daily liraglutide 1.8 mg or twice-daily exenatide 10 μg. Clin Ther 2013;35:795-807.
[5] Sackett DL. Compliance with therapeutic regimens. In: Haynes RB, Taylor DW, Sackett DL, Eds. Compliance in Health Care. Baltimore, MD: Johns Hopkins University Press; 1979:1-7.
[19] Valensi P, de Pouvourville G, Benard N, et al. Treatment maintenance duration of dual therapy with metformin and sitagliptin in type 2 diabetes: The ODYSSEE observational study. Diabetes Metab 2015;41:231-8.
[32] Johnston SS, Nguyen H, Felber E, et al. Retrospective study of adherence to glucagonlike peptide-1 receptor agonist therapy in patients with type 2 diabetes mellitus in the United States. Adv Ther 2014;31:1119-33.
[6] Mohamed AF, Zhang J, Johnson FR, et al. Avoidance of weight gain is important for oral type 2 diabetes treatments in Sweden and Germany: patient preferences. Diabetes Metab 2013;39:397-403.
[20] Sicras-Mainar A, Navarro-Artieda R. [Combination therapy of metformin vs dipeptidylpeptidase inhibitors and sulfonylureas in type 2 diabetes: clinical and economic impact]. Rev Peru Med Exp Salud Publica 2014;31:626-34.
[7] Tiv M, Viel JF, Mauny F, et al. Medication adherence in type 2 diabetes: the ENTRED study 2007, a French Population-Based Study. PLoS One 2012;7:e32412.
[21] Bloomgarden ZT, Tunceli K, Liu J, et al. Adherence, persistence, and treatment discontinuation with sitagliptin compared with sulfonylureas as add-ons to metformin: A retrospective cohort database study. J Diabetes 2017;9:677-88.
[33] Alatorre C, Fernández Landó L, Yu M, et al. Treatment patterns in patients with type 2 diabetes mellitus treated with glucagon-like peptide-1 receptor agonists: Higher adherence and persistence with dulaglutide compared with once-weekly exenatide and liraglutide. Diabetes Obes Metab 2017;19:953-61.
[3] Khunti K, Seidu S, Kunutsor S, Davies M. Association between adherence to pharmacotherapy and outcomes in type 2 diabetes: a meta-analysis. Diabetes Care 2017;40:1588-96. [4] World Health Organization. Adherence to long-term therapies: evidence for action. Geneva, Switzerland: World Health Organization; 2003:11. www.who.int/chp/knowledge/publications/ adherence_report/en/
[8] Bardoulat I, Chauvin F, De Saunière A, et al. L’observance médicamenteuse des patients diabétiques de type II en Île-de-France : état des lieux et priorités d’actions. In: 9e Colloque Données de santé en vie réelle, Paris, 13 juin 2017. Rev Épidémiol Santé Publique 2017;65(Suppl.3):S137 [Abstract P42].
[22] Rascati KL, Worley K, Meah Y, Everhart D. Adherence, persistence, and health care costs for patients receiving dipeptidyl peptidase-4 inhibitors. J Manag Care Spec Pharm 2017;23:299-306.
Médecine des maladies Métaboliques - Octobre 2018 - Vol. 12 - N°6
[34] Mody R, Grabner M, Yu M, et al. Real-world effectiveness, adherence and persistence among patients with type 2 diabetes mellitus initiating dulaglutide treatment. Curr Med Res Opin 2018;34:995-1003. [35] Cai J, Wang Y, Baser O, et al. Comparative persistence and adherence with newer anti-hyperglycemic agents to treat patients with type 2 diabetes in the United States. J Med Econ 2016;19:1175-86.
495